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ARTICLE XXXVI.

U N forfait de bois, de garennes & d’eaux deffenduës, dégats de bleds ou de prez, ou pour telles manieres de forfaits peuvent être les malfaicteurs tenus & arrêtez par les Seigneurs aux Fiefs desquels ils sont tels forfaits, pourtant qu’ils soient pris en present méfait par le temps de vingt-quatre heures, jusqu’à ce qu’ils ayent baillé plege ou namps de payer le dommage & amende : & ledit temps de vingt-quatre heures passé, doivent renvoyer le Prisonnier és Prisons Royales, ou du Haut Justicier, comme Prison empruntée.

Le Juge Bas Justicier peut faire arrêter & constituer prisonnier dans les Prisons du Seigneur, même faire le Procés jusqu’à Sentence definitive inclusivement dans les vingt-quatre heures aux délinquans & malfaicteurs trouvez sur le Fief & dans le territoire de la Seigneurie en flagrant délit, dommage & dégat de bois, garennes, d’eaux deffenduës, prez bled & autres délits de cette qualité, pourvû neanmoins qu’il n’y ait ni playe, ni sang répandu ; ce qui a lieu, soit que les malfaicteurs soient les Vassaux, Censitaires & Hommes de Fief, & qu’ils soient domiciliez dans l’etenduë du Fief, foit qu’ils soient étrangers du Fief & non Hommes du Fief, ni Vassaux ou Censitaires du Seigneur Bas Justicier, & qu’ils demeurent hors la Seigneurie ; mais aprés les vingt-quatre heures passées, l’Accusé dans tous ces cas doit être transféré dans les Prisons Royales, ou en celles du Seigneur Haut Justicier, l’une ou l’autre comme Prisons empruntées, pour la procedure encommencée être continuée par le Bas Justicier jusqu’à Sentence diffinitive inclusivement ; Voilâ le sens de cet article, voicy les consequences qu’on en peut tirer.

La premiere, que l’Accusé de semblables délits demeurera prisonnier pendant l’instruction du Proces, à moins qu’il ne donne plege, c’est à dire bonne & suffisante caution, de se representer à toute Assignation, & de payer le dommage & l’amende, s’il est ainsi ordonné enfin de cause, ou qu’il ne consigne une somme de deniers, telle qu’elle sera arbitrée par le Juge, ou qu’il ne baille des meubles & effets mobiliaires, que nôtre Coûtume appelie dans cet article, namps, jusqu’à concurrence du dommage & de l’amende à quoi il pourroit être condamné, La seconde, que le délit de bois comprend tous les dégats qui peuvent être faits dans les bois, soit de haute futaye, taillis ou autres, pacages, glandée, abatis, vols & dégradations de bois, dégats faits par les bestiaux dans les hois, & autres délits de cette qualité, où il est permis au Seigneur Bas Justicier de Fief, d’arrêter ou faire arrêter les délinquans ou les bêtes trouvées en dommage ; mais il faut que ce soient des bois du Seigneur, ou du moins de la Communaute des Habitans du lieu, & que ces bois soient situez dans l’etenduë de la Seigneurie ou Fief du Seigneur Bas Justicier, pour que son Juge puisse connoître de ces sortes de délits, autrement ce seroit le Juge Royal, ou du moins le Juge Haut Justicier, qui en connoîtroit ; il faut dire la même chose des Garennes, Eaux, Prez, Herbages & Bleds, le luge Bas Iusticier ne pourroit connoître de tous ces délits qu’aux mêmes conditions des bois, c’est-à-dire que ces sortes de délits n’eussent été commis dans la Garenne, les Eaux, Prez, Herbages & Bles d du Seigneur, & non de Particuliers, Vassaux, Censitaires, Hommes de Fief & autres.

Le forfait de Garennes ne comprend pas seulement le vol des Lapins dans la Garenne du Seigneur avec filets, collets, chiens, levriers, furets, armes à feu ou à coup de baton, mais encore les délits de chasse, commis par les Païsans, vassaux, Censitaires & Hommes de Fief du Seigneur, & dans l’etenduë. du Fief, d’autant plus qu’il est deffendu par les Ordonnances & Reglemens, & notamment par l’Ordonnance des Eaux & Forêts du mois d’Aoust 1669. à toutes personnes de condition roturière, de chasser ni prendre le Gibier sur les terres d’un Seigneur, un vol de Pigeons du colombier du Fief, commis par un Païsan & Homme de Fief, & dans l’etenduë du Fief, seroit encore de la competence du Bas Justicier.

Dans la Province de Normandie il y a peu de Seigneurs qui ayent droit de Garenne, & nul n’y peut avoir Garenne sans la permission du Roy & la Concession du Roy par Lettres Parentes bien & dûëment régistrées au Parlement, apres une information de commodo & incommodo, & les autres formalitez requises & necessaires en pareille rencontre, parce que les Garennes étant à la foule des voisins des Garennes, par le dégoût que les Lapins causent aux bleds, grains & autres produits des terres voisines, il est juste de les restraindre autant qu’il est posssible.

Cependant si un seigneur ayant des terres de son Fief le long du bord de la mer, étoit en possession de plus de quarante ans d’une Garenne, appuyée de quelques titres, on ne pourroit pas lui ôter ce droit de Garenne ; Arrét du Parlement de Roüen, du 5. Aoust 1659.

La troisième, que les Eaux en deffense, & pour lesquelles tous délits sont deffendus & punis par le Juge Bas Justicier, sont les Rivieres, Viviers, Etangs, Ruisseaux, Fontaines, Fossez d’eau, Marêts, Reservoirs & autres Eaux dont la propriété appartient au Seigneur Bas Justicier, ou dans la possession & joüissance desquelles il est, & qui sont dans l’etenduë de son Fief & de sa Seigneurie, & non ailleurs, ou appartenant à autres particuliers.

Au nombre des délits qu’on peut commettre à cet égard, & dont la connoissance appartient au Juge Bas Justicier, il faut encore y mettre les délits de la Pêche dans les susdites eaux & Rivieres, & pour raison desquels il est permis au Seigneur de Fief de faire arrêter les délinquans trouvez péchans & dépeuplens leurs Rivieres, Etangs & autres eaux, de Poissons, & de les faire punir par son Juge, même par rapport aux Fleuves & Rivieres navigables ou autres, ce qui se trouveroit adjacent au Fief du Seigneur, & qui passeroit dans l’étenduë de son Fief, encore bien que de droit commun les Fleuves & Rivieres navigables appartiennent au Roy, & que la pêche dans les Fleuves & Ri-vieres soit un droit Royal.

La quatriéme, que le dégât de bleds renferme tous les dégâts qui peuvent être faits dans toutes sortes de bleds, étant encore sur la terre du Seigneur, soit en tuyau ou siez, comme les délits des prez comprennent ceux qui peuvent être commis dans les herbages, foins & autres herbes étant sur la terre du Seigneur ; les dégâts dans les pommes à cidre, & dans les poires propres à faire du poiré, étant sur les terres du Seigneur, seroient aussi de la competence du Juge Bas Justicier, comme les dégoûts des autres fruits & produits naturels des terres du Seigneur.

Mais il faut convenir que depuis l’Ordonnance de 1669 des Eaux & Forêts, les Juges Bas Justiciers se conserveroient difficilement cette competence dans tous ces cas au préjudice des Juges des Eaux & Forêts, qui sont des Juges Royaux pour tout ce qui regarde les Eaux & Forêts, circonstances & dépendances, à l’exclusion même & privativement à tous autres Juges Royaux ; & dans un conflit entre les Juges Royaux des Eaux & Forêts, & un Juge Bas Justicier, le Juge Bas Justicier nonobstant la disposition de nôtre Article de Coutume, auroit beaucoup de peine à réussir : à l’égard des Juges Hauts Justiciers, ils sont maintenus & conservez par la même Ordonnance à connoître de plusieurs cas touchant les Eaux & Forêts.

La cinquiéme, que dans tous les délits mentionnez dans cet article, le Juge Bas Justicier ne peut condamner le délinquant qu’à des peines pecuniaires, comme dommages & interêts proportionnez au dégât, ou à une amende, & non à aucune peine afflictive & corporelle.

La sixième, que si le délinquant étoit pris en flagrant délit ou dommage sur le Fief du Seigneur Bas Justicier par le Seigneur Haut Justicier suzerain du Bas Justicier, ie Juge Haut Justicier connoitroit du délit privativement au Juge Bas Justicier jusqu’à Sentence définitive inclusivement.

La seprième, qu’en cas que le délinquant ne soit pas pris en present méfait ou flagrant délit, ou qu’il soit pris hors le Fief, neanmoins le Seigneur Bas Justicier ne laisseroit pas de poursuivre l’Accusé extraordinairement, non pas devant son Juge, mais devant le Juge Royal, ou le Juge Haut Justicier, chacun en droit soy.

La huitième & dernière, que dans les cas porez par cét article, le Juge Bas Justicier est tenu de faire le Proces à l’Accusé dans les vingt-quatre heures de l’emprisonnement & écrouë de l’Accusé, sinon & à faute de ce & le temps. de vingt-quatre heures passé, l’Accusé sera transféré dans les Prisons Royales ou en celles du Haut Justicier où ressortit le Bas Justicier, comme Prisons empruntées, & non par droit de Prison sur les Vassaux, Hommes de Fief ou Censitaires du Seigneur Bas justicier en pareils dégâts & délits, pour par le Juge Bas Justicier faire & continuer le Proces à l’Accusé, même le juger, & non par le Juge Royal ou’le Juge Haut Justicier, lesquels en ce cas ne font que prêter leurs Prisons sans pouvoir dépoüiller le Juge Bas Justicier de la Cor noissance de l’affaire.

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