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ARTICLE XLII.

L A connoissance des Mandemens de tenuë appartient au Juge Royal ; néanmoins les Hauts Justiciers en connoissent entre leurs Sujets, pourvû que la tenure du Haut Justicier ne soit point debatue.

La connoissance des Mandemens de tenure appartient au Juge Royal.

Il faut entendre par le mot de tenure, mouvance & directe tant en héritages nobles qu’en héritages roturiers.

En combat de tenure en matière d’héritages nobles ou en matière d’heritages roturiers, c’ost-à-dire lorsque la mouvance & la directe d’un même hérita-ge noble ou roturiers sont prétenduës par divers Seigneurs, le vassal ou Censitaire obtient un Mandement ou Commission du Juge Royal, qui est le Bailly, pour faire assigner pardevant lui les Seigneurs, pour faire regler entr’eux la mouvance & la tenure, & cependant qu’il lui sera permis de mettre le Fief ou l’héritage roturier és mains & au dépôt de la Justice ; ce Mandement ou Commission se nomme Mandement de débas de tenure ; par ce moyen le vassal ou Cen-sitaire n’est point tenu d’avoüer ou désavoüer le Seigneur Suzerain, & il évite la commise du Fief ou de l’héritage roturier, sauf aux Seigneurs à faire juger entr’eux la question de mouvance, de directe & de tenure.

C’est du Juge Royal, qui est le Bailly en cette partie, qu’il faut obtenir ce Mandement ou Commission, en Normandie on ne se sert point du mot Commission, mais seulement du mot Mandement, qui est à proprement parler une Or-donnance du Juge, ou du Parlement ou de la Chancellerie.

Neanmoins les Hauts Justiciers en connoissent entre leurs sujets, pouroi que la tenure du Haut Justicier ne soit point debatue.

Cette derniere partie de nôtre article est une exception à la première ; car la premiere partie porte qu’il n’y a que le Bailly Royal qui puisse donner le Mandement, Commision ou Ordonnance en combat de tenure, & connoître de la contestation ; & par cette derniere partie le même pouvoir est donné aux Iuges Hauts Justiciers en deux cas, l’un si le differend est entre les Vassaux ou Censitaires du Seigneur Haut Justicier, que la Coûtume appelle improprement Sujets, l’autre si la mouvance directe ou Censive du Seigneur Haut Justi-cier, n’est point débattué ni contestée par un autre Seigneur, ou par le vassal ou Censitaire ; hors ces deux cas, la contestation est de la seule competence du Bailly Royal.

Mais si un des Seigneurs releve du Roy, & l’autre d’un Seigneur Haut Justicier, le combat de Fief, Censive & tenure ou mouvance, appartient au Bailly Royal, & non au Juge Haut Justicier ; parce que le plus digne attire à soi le moins digne, & que le Roy ne plaide point en la Cour de son vassal, telle que seroit la Justice du Seigneur Haut Justicier.

Pour obtenir un Mandement, Commission ou Ordonnance sur débat de tenure, il n’est pas necessaire qu’il y ait concurrence de deux saisies feodales, il suffit qu’il y ait concurrence de deux actions de la part des Seigneurs qui ont formé le combat de Fief ou de directe Pendant le combat de Fief, & tant qu’il est indécis, non seulement le vassal ou Censitaire doit joüir de son Fief ou de ses héritages roturiers par main souveraine, en faire les fruits siens, en offrant par lui en Justice consigner les droits & devoirs par lui dus à cause du Fief, & les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales dont les héritages roturiers sont chargez, ou en donnant caution, ou à la caution du fonds, ou à la caution juratoire du vassal ou Censitaire, mais il doit encore être envoyé & mis hors de cause, en se raportant à Justice d’adjuger la mouvance ou tenure à l’un des seigneurs qu’elle jugera à propos, à moins qu’il avoüât un des Seigneurs & désavouat l’autre ; en ce cas il seroit tenu de rester en cause pour les dommages & interests, même pour la commise du Fief ou des Rotures, que le Seigneur désavoué pourroit prétendre s’il gagnoit son proces.

Il suffit qu’il y ait action intentée entre les Seigneurs pour donner lieu au Mandement, Commission ou Ordonnance qu’il est permis d’obtenir dans le cas mar-qué dans cet article, Si la tenure ou mouvance prétenduë par le Seigneur Haut Justicier étoit contestée, son Juge ne pourroit pas connoître du combat de Fief ou de directe, formée contre ses justiciables, la competence en appartiendroit au Bailly Royal.

Le Juge Bas Justicier ne peut, generalement parlant, connoître d’un combat de Fief, même entre ses justiciables, vassaux ou censitaires ; cependant si la contestation étoit entre deux possesseurs ou tenanciers ainez, la contestation. seroit de sa competence, pourvû toutefois & non autrement que la tenure ne fût point contestée au Seigneur Bas iusticier, & que le Seigneur ne fût point en cause.

Une mouvance, une directe, une tenure ou censive peut se justifier par titres ou possession ; par titres, tels que seroient le Contrat d’investiture ou de fieffe, aveux, denombremens, declarations ou reconnoissances, le tout blamé & reçû ; par la possession, qui seroit paisible, publique, continuë, de bonne soy, & entre majeurs & non privilegiée, pendant quarante ans complets, qui est la prescription requise par nôtre Coutume, art. 521. pour pouvoir prescrire par un Seigneur une mouvance, une directe, une tenure ou censive contre un autre Seigneur ; car quand un vassal ou censitaire, elle est imprescriptible contre son Seigneur, quant même la prescription seroit centenaire & immemoriale.

En matiere criminelle un Seigneur ne peut agir ni poursuivre en son nom en sa Justice, mais seulement à la requête de son Procureur Fiscal, à peine de nullité de la procedure.