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ARTICLE L.

L E Bref de nouvelle Désaisine a été introduit pour recouvrer choses entreprises puis an & jour ; & tient ledit Bref, étant signifié, l’héritage en sequestre jusques qu’il en soit ordonné par Justice.

Le Bref de nouvelle Désaisine a été introduit pour recouvrer choses entreprises puis an & jour.

On appelloit en Droit ce Bref de nouvelle Desaisine interdictum reaeuperandae possessionis ; & parmi nous, c’est une assignation ou demande en réintegrande ou complainte en cas de Désaisine ou nouvelleté, c’est-à. dire en cas de dépossession ou de trouble dans la possession.

Par ce Bref, on demande à rentrer & à être réintegré en la possession d’un héritage ou autre immeuble tant corporel qu’incorporel, en la possession duquel on a été troublé depuis an & jour.

Ce Bref, ou Mandement ou Commission s’obtient du Bailly Royal, & il est adressé à un Sergent Royal pour le signifier à la Partie adverse, avec assignation pour défendre sur la demande ; ce qui fait entendre que la possession est souvent avantageuse ; car 16. Elle exempte le Possesseur de produire ses titres & de prouver son droit de propriété. 20. Dans les causes douteuses on fait prévaloir la cause de possesseur. 30. Lorsque deux personnes ont acquis une même chose d’une même personne, le droit de celui qui se trouve en possession, est toujours le meilleur. 41. Le possesseur de bonne foi fait les fruits siens, & n’est tenu de les restituer que du jour de la demande, en cas qu’il conteste sans raison, encore bien qu’il perde sa cause sur le petitoire. 50. La possession est un moyen de droit pour pouvoir prescrire : mais pour que la possession donne tous ces avantages il faut qu’elle soit réelle, actuelle, paisible, de bonne soi & publique, une possession qui seroit feinte, simulée, clandestine, & de mauvaise foi, ou simplement civile, ne suffiroit pas, sans cependant qu’il soit necesaire que nous possedions nous-mêmes & par nous-mêmes ; la possession réelle & actuelle par nos Fermiers, Locataires & ayans cause, comme un usufruitier ou usager, seroit suffisante, même pour l’action en complainte, de nouvelle désaisine ou réintegrande.

De-là il faut tirer les conséquences suivantes.

La premiere, qu’un Fermier, Locataire, un possesseur à titre de précaire ou tout autre possesseur d’un immeuble, qui possede alieno nomine, ne peut former demande de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande ; Art. 1. du tit. 15. de l’Ordonnance de 1687.

La seconde, que cette action n’a point lieu pour chose mobiliaire, à moins qu’il ne s’agisse d’une universalité de meubles ; ibidem.

La troisième, qu’il faut une possession publique, sans violence & depuis an & jour pour pouvoir intenter cette demande ; ibidem.

La quatriéme, que si le Défendeur à cette demande dénie la possession du demandeur, ou de l’avoir troublé, ou qu’il article possession contraire, les Parties seront appointées en faits contraires, & à en faire preuve respective tant par titres que par témoins ; Art. 3. ibidem.

La cinquiéme, que la question du possessOire doit être préalablement jugée, terminée & parfournie avant que d’en venir au petitoire, sans que le possessoire puisse s’accumuler avec le petitoire ; Art. 4. & 3. ibidem.

La sixième, que le Bref ou la demande de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande, n’est recue qu’en matiere prophane & temporelle, & non en matiere purement spirituelle ; c’est pour cette raison que les Juges d’Eglise ne peuvent connoître des Brefs de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande, à peine d’abus de leurs citations & jugemens ; on peut cependant soriner Complainte sur le possessoire d’un Benefice, Bancs dans les Eglises, Dixmes, droit de Patronage & droits honorifiques dans une Eglise, & la contestation en sera portée devant le Juge laic, & non devant le Juge Ecclesiastique, s’agissant d’une complainte ou possessoire, qui est quid remporale & propbanum qued spectat ad jurisdictionem laicam, scilicet regiam, & non la Jurisdiction des Seigneurs.

La septiéme, qu’il faut articuler une possession d’an & jour. La huitième, que l’an & jour, pour former le Bref de nouvelle désaisine, complainte & réintegrande, commence du jour qu’un autre s’est mis réellement & corporellement en possession de la chose en laquelle on veut rentrer par le Bref de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande, & que le demandeur en complainte ait été troublé en sa possession.

La neuviéme, que l’assignation en Bref de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande doit depuis l’Ordonnance de 1667. être donnée dans les délais de l’Ordonnance, & non pas d’un moment à l’autre ; cependant en cas de dépossession ou de trouble, & que celui qui se prétendroit être en possession, se trouvât sur la chose contentieuse, il y auroit lieu à la clameur de haro, pour empécher les voyes de fait & que parter non veniant ad arma.

La dixième, que suit ant l’usage & la Jurisprudence de la Province de Normandie. la demande de nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande ayant été intentée, tombe en peremption par discontinuation de poursuites pendant an & jour, & cela contre la disposition de l’Ordonnance de Roussillon qui requiert trois années completes de cessation de procedures & poursuites pour former une peremption d’instance.

La onzième, que celui qui succombera dans l’instance de nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande, sera condamné en l’amende selon l’exigence des cas, Art. 6. du Tit, 18. de l’Ordonnance de 1882.

La douzième, que les Jugemens rendus sur pareille demande, seront executez par provision en donnant caution. Art. 7. ibidem.

La treizième & dernière, qu’il n’y a point de Bref de nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande contre le Roy, ni du côté du Vassal ou Censitaire contre son Seigneur, il faut tout d’un coup prendre l’action au petitoire & autre action qui ne blesse point le respect qui est du au Roy par ses Sujets, ou par un Vassal ou Censitaire à son Seigneur.

Et tient ledit Bref, étant signifié, l’héritage en sequestre jusqu’à ce qu’il en soit ordonné par Justice.

Des que l’assignation sur la nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande, a été donnée & signifiée au Défendeur, on ne peut rien innover jusqu’à ce que par le Juge qui a donné le Mandement ou Commission, en ait autrement ordonné ; en sorte qu’il est vrai de dire que pendant la contestation & jusqu’à ce qu’elle ait été jugée & terminée, l’héritage ou autre immeuble est dans l’une espèce de sequestre, sans neanmoins que le Sergent ou Huissier qui a donné l’assignation puisse ordonner aucun sequestre, ce ne sont que des deffenses de droit, ou du moins portées par le Mandement ou Commission du Juge, cependant Parties presentes, ou duëment appellées, & en connoissance de cause, le Juge pourroit ordonner un sequestre, foit sur le requisitoire des deux Parties, où de l’une, ou d’office, S, il connoissoit qu’il y eût du danger à laisser la joüissance & perception des fruits & revenus au Demandeur en nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande.