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TITRE PREMIER. De la Jurisdiction.

J URISDICTION ; le mot de JURISDICTION doit être pris ici pour le pouvoir que les Juges ont reçû du Roi pour décider les contestations & differends de ses Sujets dans les affaires qui sont de leur compétence.

La Jurisdiction se divise en Jurisdiction Royale &, Jurisdiction de Seigneurs, qu’on appelle quelquefois Jurisdiction subalterne.

Quoique l’art. 37. de notre Coutume fasse mention d’une Moyenne Justice Seigneuriale, sans même marquer en quoi elle consiste, néanmoins en Normandie il n’y a à proprement parler que de deux sortes de Justices Seigneu riales, la Haute & la Basse ; aussi il est rare de trouver dans cette Province des Moyennes Justices, on n’y connoit que des Justices Hautes & des Basses Justices.

Ces Justices sont bornées au territoire de la Seigneurie à laquelle il a plû au Roi d’accorder une Justice ; car toutes les Justices Seigneuriales sont émanées de l’autorité & concession du Roy.

Les Seigneurs ne peuvent exercer ces sortes de Justices, ils sont obligez de les faire exercer par des Officiers qu’ils y commettent à titre onereux ou titre gratuit ; & ces Officiers doivent être reçûs par le Bailly Royal, ou son Lieutenant, du Bailliage où se porte immédiatement l’appel des Sentences renduës dans ces Justices.

Comme les Jurisdictions sont en France patrimoniales, on ne peut proroger une Jurisdiction, c’est-à-dire se donner des Juges ; il faut plaider devant son Juge naturel & competent.

Le Juge Royal ne peut prévenir le Juge Haut-Justicier dans les affaires dont la connoissance appartient de droit au Haut-Justicier, même sous prétexte de négligence de la part du Haut-Justicier.

Il n’y a que le Parlement qui puisse regler une compétence contestée, & donner des Juges, soit juges Royaux, soit iuges subalternes ; c’est pourquoi il faut dans ce cas interjetter appel comme de Juge incompétent & de deni de renvoi, qui sera porté & relevé immédiatement au Parlement, qui faisant droit sur l’appel donnera des Juges compétens aux Parties ; faire le contraire, c’est tomber dans l’abus ; car il arrive souvent qu’effrayé qu’on est d’une d’une pareille condamnation ; on prend le parti de plaider devant un Juge incompetent pour ne pas payer une amende. Si on ne veut pas aller contre les bon nes regles en fait de Jurisdiction, on ne doit pas tolerer les condamnations d’amende pour distraction de Jurisdiction ; c’est cependant à quoi les premiers Juges ne manquent jamais, car on est obligé d’aller au Parlement se faire décharger de cette condamnation d’amende & à demander des Juges.

Avant l’établissement du Parlement de Roüen il y avoit une Cour Superieure sous le titre D’ECHIQUIER, qui étoit à proprement parler les Grands Jours qui se tenoient dans cette Province ; on y portoit les appellations des Sentences des premiers Juges.

Ce Tribunal acommencé sous Philippe Auguste, & a duré jusques en 1499. que Loüis XII. établit le Parlement de Roüen pour toute la Province de Normandie.

Il faut pourtant convenir que l’Echiquier particulier qui étoit à Alençon pour toute l’étenduë du Bailliage d’Alençon, subsista jusques au decés de Marguerite, soeur unique du Roy François I. qui arriva en 1513, lorsque le Duché d’Alençon retourna à la Couronne, & fut soumis au ressort du Parlement de Roüen.

Il est bon de remarquer ici en passant qu’encore à present on suit en Angleterre le Droit Coutumier de Normandie en beaucoup de choses ; la raison est que Guillaume Duc de Normandie aprés avoir conquis en 1066, le Royaume d’Angleterre, voulut qu’à l’avenir les Anglois n’eussent point d’autres Loix que les Loix Normandes & la même Police, que les Actes publics fussent faits & dressez en Langue Normande, & qu’on plaidoit en Langue Normande, Loix qui s’y sont conservées, du moins en plusieurs rencontres.


ARTICLE PREMIER.

L E Bailly ou son Lieutenant connoit de tous crimes en première instance.

Le Bailly ; on appelle en Normandie Bailly, l’Officier Royal qui dans d’autres Coûtumes se nomme Sénéchal, dans la Coûtume de Paris cet Officier s’ap pelle Prevôt ; en Normandie le principal Officier d’une Justice Basse Seigneuriale, se nomme Sénéchal ; & à l’égard des Hautes Justices, on dit Bailly.

Cet article regle la compétence du Bailly en matiere criminelle.

Les Baillis Royaux sont des Officiers d’épée, & la justice se rend par leurs Lieutenans, qui sont des Officiers de Robe longue, & Graduez.

Suivant cet article le Bailly connoit de toutes sortes de crimes en premiere instance, & à la charge de l’appel de ses Sentences, qui se porte immé diatement au Parlement, soit crimes qu’on appelle cas Royaux, soit crimes non Royaux, commis dans l’etenduë de son Bailliage, à la difference du Vicomte qui ne peut connoître d’aucuns crimes qu’incidemment ; en quoi le Juge Vicomte en Normandie a moins de pouvoir que les Prevôts & Châtelains Royaux des autres Provinces du Royaume, qui par les anciennes & nouvelles Ordonnances peuvent connoitre de tous délits & crimes non Royaux, ou non commis par des Nobles ou Officiers de Judicature ; Ordonnance de Cremieu, art. 20 & Ordonnance de 1670. art. 10 & 11. du Tit. 1.

Le Bailly instruit & juge les affaires criminelles jusques à Sentence définitive inclusivement, sauf l’appel au Parlement ; c’est ce qui nous est marqué par ces termes de notre article en première instance.

Il faut pourtant convenir que les Officiers des Eaux & Forêts connoissent des crimes & délits commis au sujet & pour raison des Eaux & Forêts privativement au Bailly Royal, aux termes de l’Ordonnance de 1669, & les Juges de l’Amirauté dans les cas marquez par l’Ordonnance de 1681.

a l’égard du Vicomte de l’Eau, qui a son Siege à Roüen, il a seul & à l’exclusion des Juges des Eaux & Forêts & des Juges de l’Amirauté, la connoissance des crimes délits qui se commettent sur la Rivière de Seine depuis certains limites, pourvû que le fait ne se soit point passé dans les Navires flotans ou non flotans, ou sur le Quay de Roüen.

Quant aux Iuge & Consuls, ils ne peuvent connoitre d’aucun crime ni délit, quand même le fait seroit arrivé dans leur Tribunal & pendant leur Audience.

Arrét du. Parlement de Roüen du 22 Octobre 1675. Ces Juges peuvent encore moins connoitre des Inscriptions de faux, pas même de Lettres de Rescision ou Relevement, ou autres Lettres Royaux.

Le Bailly ou autre Juge, dont la procedure est cassée & déclarée nulle en matière criminelle, ne peut plus connoitre de l’affaire.

Nonobstant que le Juge d’Eglise connoisse du delit commun des Ecclesiastiques, néanmoins il ne peut condamner à aucune peine afflictive, pas même à l’amende, ni à des interêts civils, ou dommages & interets ; & quant aux Laïcs, les Juges d’Eglise ne peuvent pas prendre connoissance des crimes & délits par eux commis, quand même la chose seroit arrivée dans l’Eglise ou pour scandale fait dans l’Eglise, il y auroit abus dans la procedure & jugement. Arrêt du même Parlement du 27 Février 1659.


ARTICLE Il.

C Onnoit aussi en première instance de toutes matieres héréditaires & personnelles entre personnes Nobles, de Fiefs nobles & leurs appartenances, entre toutes personnes soit Nobles ou Roturieres :

Dans cet Article & les deux suivans, notre Coûtume regle la Jurisdiction du Bailly en matière civile.

Matieres héréditaires, sont des actions immobiliaires, réelles, ou hypotecaires, qui ont pour objet une chose ou un droit immobiliaire, comme l’action personnelle ou mobiliaire qui est une action qui tend à une chose ou à un droit mobiliaire & personnel ; quant à l’action mixte, c’est celle qui participe de l’action personnelle & de l’action heréditaire.

Le Bailly connoit de toutes ces matieres & actions entre toutes personnes Nobles, à l’exclusion du Vicomte ; mais si une personne Noble fait assigner un Roturier, ce sera le Vicomte qui connoîtra de la contestation comme Juge naturel des Roturiers, par la maxime que Actor sequitur forum Rei ; mais entre Nobles, le Bailly seul connoit de leurs contestations, tant en demandant qu’en défendant.

Il y a une disposition semblable dans l’Edit de Cremieu, art. 4. & 5. Elle porte que les Baillis & Senéchaux Royaux connoitront des affaires des Nobles privativement à tous autres Juges Royaux, bien entendu en défendant contre un Roturier, ou que la contestation soit entre Nobles. Il y a même la Declaration du Roi du 24 Fevrier 1537, donnée en interpretation de l’Edit de Cremieu ; par laquelle les Juges Hauts-Justiciers sont maintenus & gardez à connoitre des Procès des Gentilshommes domiciliez dans l’etenduë de leur Haute-Iustice, sans pouvoir demander leur renvoy devant le Bailly ou Sénéchal, ce qui s’entend lorsque la contestation est entre deux ou plusieurs Nobles ; car si elle étoit entre un Gentilhomme & un Roturier, & que le Roturier y fût défendeur, il faudroit que le Gentilhomme suivit la Jurisdiction du Roturier, soit le Vicomte, soit le Juge Haut-Justicier, chacun en droit foi.

Par Nobles on n’entend pas seulement les Nobles d’origine & d’extraction, mais encore ceux qui sont annoblis par leurs Charges ou autrement, & autres qui joüissent des Privileges & prérogatives des Nobles, comme sont les Secretaires du Roi, les Officiers des Cours Souveraines, & autres.

Les Ecclesiastiques étant dans les Ordres sacrez ou mineures, & tenant rang d’Ecclesiastiques, ont le même Privilege ; cependant l’Inventaire d’un Prêtre Roturier d’extraction, des meubles & effets trouvez aprés son decés, appartient au Vicomte à l’exclusion du Bailly. Arrét du Parlement de Roüen du 16 Novembre 1645.

, privativement & à l’exclusion du Juge-Vicomte, tant en demandant qu’en défendant, & soit entre personnes Nobles ou entre un Noble & un roturier, ou entre deux ou plusieurs Roturiers possedans Fief ou Terre noble ; parce que dans ce cas deux choses concourent, la Noblesse de la personne & la Noblesse du Fiel & Terre qui donne lieu à la contestation, soit que la contestation regarde le corps du Fief & Terre noble, soit qu’elle concerne seulement ses appartenances & dépendances, tel que sont la Foi & Hommage, les Aveux, Treisiémes, Reliefs, Rentes & Redevances seigneuriales, & autres Droits seigneuriaux dependans de la Terre noble ou Fief noble ; en un mot il n’y a que le Bailly qui puisse connoitre de ces sortes de contestations entre toutes personnes, soit Nobles soit Roturieres, & tant en demandant qu’en défendant, & jamais le Vicomte, à moins qu’il ne fût question de partager un Fief ou une Terre noble, faisant partie de la succession d’une personne Roturiere, & que les parties fussent Roturieres ou que le défendeur au partage fût Roturier ; car en ce cas, la connoissance du partage appartiendroit au Vicomte, & non au Bailly, par la raison que dans ce cas on ne considere point la qualité feodale pour la Jurisdiction, & qu’il suffit que l’action en partage soit personnelle pour obliger le demandeur à suivre la Jurisdiction du défendeur, qui est de condition roturière ; mais il faut pour cela que le Roturier soit défendeur à la demande en partage ; car s’il étoit demandeur & que le défendeur fût Noble, le Bailly connoitroit de la contestation, & non le Vicomte.

Sur ce même principe, s’il étoit question de fermages d’un Fief ou Terre noble entre le Seigneur & son Fermier, & que le Seigneur fut le demandeur & le Fermier défendeur, ce seroit au Vicomte à connoître de la contestation, & non au Bailly ; mais quant à la discussion sur des faisies & arrêts des fermages des Terres & héritages roturiers appartenans à une personne Noble ou d’une saisie executoire de ses meubles, elle appartient au Bailly, tant en demandant qu’en défendant, & non au Vicomte. Arrét du Parlement de Roüen, en forme de Reglement, du 18 janvier 1655, parce que cette discussion forme une action personnelle dont le Bailly doit seul connoitre comme Juge naturel des Nobles, sans que la qualité des Terres & héritages puisse en ces cas changer cette maxime generale.

Il n’y a de plus que le Bailly qui puisse connoitre des contestations au sujet des Plaids Royaux du Domaine du Roi, & non le Vicomté, de quelque qualité que soyent les Terres & héritages qui donnent lieu au differend, Nobles ou Roturiers Arrêt du même Parlement du premier Juin 1618.


ARTICLE III.

D E matieres beneficiales, décimales, Patronages d’Eglise, de Clameur de Loy apparente, de Clameur révocatoire de Privileges Royaux, de nouvelle Dessaisine, de Mariage encombré & de Surdemande.

Cet Article contient neuf cas, qui sont de la seule competence du Bailly exclusivement du Vicomté entre toutes sortes de personnes, soit Nobles ou Roturieres, & tant en demandant qu’en défendant.

Matieres beneficiales ; cela se doit entendre du possessoire ou complainte seulement ; car quant au petitoire la connoissance en appartient au Juge d’Eglise, mais rarement & presque jamais porte-t-on au Juge d’Eglise une matière beneficiale, aprés que la complainte sur le possessoire en a été jugée sur le vû & examen des titres, pieces & capacitez des contendans, il y auroit même abus dans ce cas dans la citation devant le Juge d’Eglise & dans le Jugement qu’il rendroit. On seroit en droit de se pourvoir au Parlement par la voye d’appel comme d’abus ; en quoi il a été dérogé à l’Article 58 de l’Ordonnance de 1559. La disposition de cet Article in desuetudinem abiit par la jurisprudence des Arrêts.

Une contestation pour raison d’un déport d’une Cure ou autre BeneFice qui seroit sujet au droit de déport doit être portée devant le Bailly, même entre Ecclesiastiques, & non devant l’Official, autrement il y auroit abus. Arrét du Parlement de Roüen du 3 Avril 1664.

Il faut dire la même chose des réparations d’un Presbytere ou autre Benefice, lorsque l’action a été formée contre l’héritier ou ayant cause du Titulaire, le Juge d’Eglise ne peur connoître d’une pareille contestation, mais seulement le Bailly ; la Procedure & la Sentence du Juge d’EglIse seroient abusives.

Arrêt du même Parlement du 30 Iuillet 1660. La même décision auroit lieu, quoique le differend sur les reparations fût entre l’ancien & le nouveau Titulaire du Benefice.

Quoique les comptes de Fabriques doivent être rendus, examinez & arrêtez par les Archidiacres en faisant leurs visites, & en présence des Paroissiens, néanmoins s’il survient des contestations entre les Tresoriers ou Marguilliers, & les Paroissiens au sujet de ces comptes, le differend doit être porté devant le Bailly, & non devant le Juge d’Eglise. Arrêt du Parlement de Roüen du 19 Iuillet 1653.

Si quelqu’un avoit commis un crime, & qu’ensuite il se fût fait pourvoir aux Ordres, il ne seroit pas pour cela justiciable du Juge d’Eglise pour raison de ce crime, mais seulement du Juge Laie du lieu où le crime auroit été commis, par la maxime que le privilege survenu depuis le crime commis, ne peut profiter à celui qui veut s’en servir.

Il n’y a que la Grand Chambre du Parlement de Paris, qui connoisse & juge en première & dernière instance les proces pour raison des Benefices qu’on pretend avoir vaqué en Regale ; cette competence donnée par les anciennes Ordonnances à cette Cour, a été renouvellée & confirmée par l’Ordonnance de 1697, art. 23 Tit. 15.

Le Juge Haut-Justicier ne peut connoître des matieres beneficiales, non-plus que le Vicomte.

Decimales.

Il y a de deux sortes de Dixmes, la Dixme Ecclesiastique & la Dixme prophane, celle-là est dué aux seuls Ecclesiastiques & Beneficiers, celle-ci appartient à des personnes laiques, elle s’appelle Dixme inféodée.

Les contestations pour raison des Dixmes Ecclesiastiques ne peuvent être portée devant le Bailly que par rapport au possessoire ou complainte ; car sur le petitoire on se pourvoit devant le Juge d’Eglise, ce qui est tres rare & méme si la complainte ou possessoire avoir été jugée sur le vû des titres & pieces par le Bailly, on commettroit abus en allant au Juge d’Eglise sur le petitoire, telle est aujourd’hui la Jurisprudence des Arrêts des Parlemens & du Grand Conseil.

a l’égard des differends au sujet des Dixmes inféodées, ou qu’on en alleguât l’inféodation, ils ne peuvent être portez que devant le Bailly ; tant sur le petitoire que sur le possessoire, & non devant le Juge d’Eglise : il y a peu de ces sortes de Dixmes en la Province de Normandie.

Le Juge Haut-Justicier ne peut prendre connoissance des matieres des Dixmes, soit Ecclesiastiques ou inféodées. Arrét du Parlement de Roüen du 9 Janvier 1665. Il faut dire la même chose du Vicomte.

Une possession immemoriale en matière de Dixme inféodée vaut titre, sans qu’il soit necessaire de justifier le titre primitif de l’inféodation, il suffit de prouver qu’on a perdù la dixme paisiblement & publiquement pendant cent Sans & plus, qui est le temps capable de former une possession immémoriale.

Arrét du même Parlement du 27 Août 16é5.

Les Dixmes inféodees qui reviennent à l’Eglise, cessent d’être prophanes ; elles reprennent leur premiere qualité de Dixmes Ecclesiastiques.

La Dixme Ecclesiastique ne peut être prescrite par les detempteurs & possesseurs des Terres & héritages sujets à la Dixme, par quelque possession que ce soit, fut-elle immémoriale ; mais seulement la qualité & la manière de la payer 3 cependant entre les Décimateurs la prescription de quarante ans à lieu 3 de sorte qu’ils peuvent acquerir par cette prescription le droit de Dixme l’un contre l’autre.

Les Dixmes Ecclesiastiques sont solites ou insolites ; celles-ci se regLent par la possession & l’Usage qui doivent être précisément articulez. Art. 118, du Reglement de 1666, & Arrêt du même Parlement du 8 Ianvier 1675.

Il n’est point dû de dixme de bois de haute-futaye non plus que de leurs ébranchages. Arrêts du même Parlement des 23 luin 1644. 7 Mai & 24 Juillet 1638, & 13 May & 12 Juillet 1667.

On ne peut pareillement prétendre la dixme du bois de pommier & de poirier-

, où du bois pour se chauffer, ou pour bâtir. Arrêts du même Parlement des 18 janvier 1658, 3o Juillet 1672, & 24 Août 1673.

Il en est de même des bois & Taillis, à moins que la possession ne fût contraire.

La Dixme des pommes à cidre & des poires à faite poiré, sont Dixmes solites, cependant cette Dixme se regle par la possession. Arrêts du même Parlement des 8 Mars 1629, & 16 Iuillet 1666 ; de manière que si des Habitans articuloient n’avoir jamais payé cette Dixme, il faudroit les admettre à la preuve, & ensuite les renvoyer de la demande, si la preuve étoit concluante en leur faveur sur le non-usage.

La Dixme des pepitieres est dué pour ce qui en est vendu, débité ou transporté hors la Paroisse. Arrét du Parlement de Roüen du 16 Juillet 1666.

Les Terres décimables & réduites en jardins ou vergers, doivent la Dixme ; ArrEt du même Parlement du 2 Mai 1631.

Les bleds, grains, pommes à cidre, poires à poiré, vins, ou autres fruits provenans dans les parcs ou clos, sont sujets à la Dixme, mais non les potagers pour les herbes & légumes.

La Dixme est dûë des sarasins ou bleds noirs ; & cette Dixme est une grosse Dixme & solite. Arrêts du même Parlement des 2 Mars 1629, 17 Novembre 1621, & 29 Iuillet 1638.

La Rebette dont on fait de l’huile, est verte & menuë Dixme, & comme telle appartient aux Curez ou Vicaires Perpetuels privativement aux gros Décimateurs ; Arrêts du même Parlement des 13 Juin 1514, & 4 Mai 1536, à moins que le principal revenu de la Paroisse ne consistât dans la Rebette.

La Dixme du poisson est une Dixme insolite, ainsi elle dépend de la possession & de l’Usage du lieu ; mais il faut que la possession soit bien constante pour pouvoir se donner le droit de Dixme sur le poisson, principalement sur le poisson de mer, pour la pêche duquel les pauvres Pecheurs exposent leur vie ; il faudroit que le Décimateur justifiât & prouvât évidemment une possession de quarante ans au moins pour pouvoir prétendre cette Dixme.

Quant au poisson d’Etangs ou de Rivieres, comme ils sont rares en Normandie, on ne voit presque point de contestations à cet égard ; il n’y auroit que le poisson qui se péche dans la Seine, & autres Rivieres de cette Province ; mais les gros Décimateurs n’ont point encore étendu leurs prétentions jusques-là, ils y seroient mal fondez.

Le foin doit la Dixme ; cependant c’est une Dixme insolite, laquelle se doit regler selon la possession & l’Usage du lieu Quant au sainfoin, la Dixme en est dué lorsque le sainfoin a été semé sur des terres qu’on labouroit & ensemençoit auparavant en bled ou autre. Arréts du même Parlement des à Août 1620 & 15 Janvier 1647.

Pour les herbages qui n’ont point été labourez depuis quarante ans, ils ne doivent point de Dixme ; & à l’égard de ceux qui ont été labourez depuis quarante ans, il sont sujets à la Dixme, principalement si le proprietaire ou possesseur de ces herbages ne met le tiers de toutes ses terres en labour, & que ce changement ait été fait pour sa commodité & son ménage ; d’autant plus que les bestiaux qui pacagent sur les herbages, ou qui en mangent le foin, augmentent la Dixme des Décimateurs par le croist ou autrement, mais tout cela dépend beaucoup de l’Usage du lieu & de la possession.

On doit la Dixme des agneaux & de la laine en toison ; or le temps auquel se leve cette dixme, se regle suivant l’Usage des lieux. Ordinairement on prend la Dixme des agneaux lorsqu’ils peuvent quitter leur mère ; & à l’égard de la toison, c’est lorsqu’on tond les brebis & moutons.

La Dixme des cochons est une Dixme insolite, & par conséquent dépend de l’Usage : il faut dire la même chose de la Dixme des oyes.

La qualité de la Dixme se regle sur l’Usage.

Quoiqu’une dixme ait été payée en argent par un abonnement ou autrement, néanmoins le Curé successeur à celui qui auroit fait l’abonnement, seroit en droit de demander la Dixme en essence. Arrêt du même Parlement du 13 Fevrier 1649.

La Dixme se partage sur le champ entre plusieurs & differens Décimateurs. Arrét du même Parlement du 22 Août 1656.

Lorsqu’il s’agit de partager la Dixme entre un Curé & les gros Décimateurs, c’est au Curé à choisir. Arrét de la même Cour du 17 Juillet 1671.

Les Décimateurs, tels qu’ils soient, doivent prendre la Dixme sur le champ.

Arrêt du même Parlement du 29 Novembre 1664.

Les Curez, quoiqu’ils ne soient point gros Decimateurs, ont seuls les Dixmes noyales, les verdages & closages à l’exclusion des gros Décimateurs. Arrêts du même Parlement ces 9 Mars 1624 & 27 Juin 1654.

Les Dixmes infeocées doivent in fabsiaium contribuet au payement de la portion congruë d’un Curé ou Vicaire perpetuel reduit à une portion congrué, Les Chevaliers de Malthe & leurs Fermiers ne payent point de Dixme, telle qu’elle soit, grosse ou menuë. Arrét du même Parlement du 5 Juillet 1630. l n’en est pas de même de leurs Vassaux ; ceux-ci doivent la Dixme des grains & fruits qui proviennent sur les héritages, qui relevent féodalement des Commanderies de l’Ordre de saint Jean de Jerusalem ou de Malthe. Arrét du méme Parlement du 16 Decembre 1673.

Les gros Décimateurs sont tenus des reparations des Eglises ; & s’il y en a plusieurs dans un Terroir, ils en sont tenus pro moao emolumenti.

Patronnage d’Eglise.

Patronnage est le droit de nommer & présenter à un Benefice, tel qu’il soit, simple ou à charge d’ames.

La connoissance du droit de Patronnage appartient au Bailly au territoire duquel est bâtie l’Eglise dont le Patronnage fait la contestation, & non au Vicomte, ni au Haut-Justicier, ni au Juge d’Eglise, quand même le Proces seroit entre deux ou plusieurs Ecclesiastiques ; parce que le droit de Patronnage est un droit plus temporel que spirituel.. Comme il y a un titre particulier du Patronnage, nous reservons à faire à cet égard nos observations en ce lieu-là, afin d’éviter la répetition.

De Clameur de Loi apparente.

On appelle Clameur de Loi apparente un Mandement, une Commission ou une Permission accordée par le Bailly au propriétaire d’un héritage dont il a perdu la possession depuis quarante ans, à l’effet de pouvoir rentrer en la possession de cer héritage ; & c’est ce qu’on appelle en droit iuterdictum recuperande possessionis.

Ce Mandement ne se peut donner que par le Bailly du lieu où est situé l’héritage ; le Vicomte ni le Juge Haut : Justicier ne peuvent connoître de la Clameur de Loi apparente, quand même l’héritage seroit roturier, ou que le défendeur à cette action seroit de condition roturiere, ou dans l’etenduë de la Judiction du Vicomte ou du Haut-Justicier, parée que que c’est ici une attribution particulière & spécifique donnée par la Coûtume au Bailly.

Il y a un Titre particulier de la Clameur de la Loy apparente, nous y renvoyons les réflexions qui y conviendront.

De Clameur révocatoire.

Ce mot veut dire la Rescision d’un Contrat, Obligation, Promesse, Billet, Transaction ou autre Acte soit entre majeurs, mineurs, Nobles, Roturiers, Laiques ou Ecclesiastiques, & sur quelques causes & moyens que soit fondée la Re scision. Cette Clameur est done une plainte contre un Acte que nous estimons nous faire préjudice ; mais comme parmi nous les voyes de nullité n’ont point lieu, à moins que ce ne soit des nullitez d’Ordonnance ou de Coûtume, il faut que la Clameur révocatoire soit accompagnée des Lettres du Prince, c’est-à dire de Lettres de Rescision obtenuës en Chancellerie sur les causes & moyens y expliquez, contre l’Acte dont on demande la révocation, nullité, cassation ou résolution. Et comme la connoissance des Lettres Royaux appartient au Bailly, l’adresse des Lettres de rescision qui appuyent la Clameur révocatoire lui deit être faite ; car au Bailly à connoître de cette action. Arrét du Parlement de Roüen du 25 Iuin 1660, même entre Roturiers & pour choses roturieres.

La Clameur révocatoire n’est point ouverte à l’acquereur d’un héritage ou autre chose immobiliaire, mais seulement au profit du vendeur, encore faut-il qu’il y ait lézion d’outre moitié de juste prix.

La Clameur révocatoire n’a point pareillement lieu dans les baux à ferme pour

Décisions sur la Coutume quelque cause & prétexte que se soit, ni dans les Contrats d’échange. Arrét du Parlement de Roüen du 12 Février 1658.

Le preneur à fieffe n’est point recevable à prendre la Clameur révocatoire.

Arrét du même Parlement, du 16 Avril 1667, parce que le preneur à titre de Greffe est réputé un acquereur comme seroit celui qui auroit acheté à prix comptant ; c’est pourquoi comme cette voye de droit appartient à un vendeur elle est aussi permise à celui qui a donné à fieffe.

La Clameur révocatoire n’est point reçue contre les ventes forcées qui se font par décret & authore Preretore, ni encore moins dans les ventes à reméré, aprés le temps du reméré expiré. Arrét du Parlement de Roüen du 8 Mars 1664.

La clameur révocatoire doit être exercée & intentée dans les dix ans du jour de l’Acte passé entre majeur, & à l’égard des Actes passé en minorité, dans les dix ans du jour de la majorité de vingt cinq ans, aprés quoi on y seroit non recevable ; mais il suffit que la Clameur révocatoire soit formée dans le jour de ce délai fatal, quand bien même l’assignation n’echeroit qu’apres l’expiration de ce délai.

De Privileges Royaux.

C’est-à-dire Cas Royaux, qui sont ceux ausquels le Roi a interét pour la conservation de ses droits & de l’interét du public.

Pour sçavoir quels sont les Cas Royaux en matière criminelle par raport à la competence des Baillis, voyez l’Article 2. du titre premier de l’Ordonnance du mois d’Août 1670.

C’est le Bailly à l’exclusion du Vicomte ou du Iuge Haut-Justicier, qui connoit des Privileges Royaux tant au Civil qu’au Criminel, soit ceux ausquels le Roi a interét ou à l’occasion de ceux accordez par le Roi aux particuliers, aux Provinces, aux Villes, aux Communautez tant Laiques qu’Ecclesiastiques, Seculiers ou Régulieres ou autres, soit de toutes les causes qui naissent à l’occasion de ces Privileges.

De nouuelle Dessaisine.

On entend par nouvelle Dessaisine une plainte civile renduë au Juge de ce qu’on est troublé en sa possession, & par laquelle on demande à y être garde & maintenu, ou à y être réintegré. L’Ordonnance de 1667, au tit. 18. appelle Complainte ou Réintegrande, ce que nôtre Coûtume appelle nouvelle Dessaisine, & en Droit c’est interdictum recuperande possessionis ; car le bref de nouvelle Dessaisine est subrogé à tous les interdits & actions extraordinaires du Droit Romain, qui tendoient à maintenir celui qui s’en servoit en la possession de son bien, ou pour recouvrer la possession de son bien.

Suivant l’Ordonnance de 1667. art. 1. du Tit. 18. il faut au moins avoir possession d’an & jour pour pouvoir former Complainte ou nouvelle Dessaisine ; & cette possession doit être paisible, continué & publique.

Il n’y a point de Complainte où de Nouvelleté contre le Roy ni contre un Seigneur par son Vassal.

Cette voye de droit a seulement lieu pour le possessoire d’un héritage ou droit réel, & non en matière de meubles, à moins qu’il ne s’agit d’une universalité de meubles, ni pour une possession à titre de précaire ou de fermage d’un heritage ou autre droit réel. Art. 1. du Tit. 18. de l’Ordonnace de 1667.

Du Partage encombré.

Ces deux termes sont pris ici pour la dot d’une femme, où il y a de l’embarras par l’alienation ou engagement que le mari en a indûëment & non valablement fait sans le consentement de sa femme & à son préjudice ; c’est interdictum recuperaaedaee possessionis. Il y a un Titre expres du Bref de Mariage encombré dans notre Coûtume, & sur lequel nous ferons nos reflexions.

L’action de Mariage encombré est de la competence du B. illy.

De Surdemande.

Ce mot de Surdemande est ce qu’on appelle en Droit la Pluspetition ; avec néanmoins cette difference que par le Droit Romain, qui plus perebut ab actione cadebat, au lieu que parmi nous la Pluspetition ne fait point décheoir de sa demande, on réduit seulement la demande à la somme qui est dûë.

La connoissance de cette action appartient au Bailly.

Le Bref de Surdemande se disoit dans l’ancienne Coûtume de Normandie,

lors qu’un détenteur se vouloit défendre des rentes ou des services que le Seigneur de fief prétendoit à tort, ce qui étoit une espèce d’action négatoire.


ARTICLE IV.

A Aussi la connoissance de Lettres de Mixtion quand les terres contentieuses sont assises en deux Vicomtez Royales, encore que l’une soit dans le ressort du Haut-Justicier.

a aussi la connoissance des Lettres de Mixtion.

Les Lettres de Mixtion par rapport au Bailly, sont des Lettres qu’un créancier obtient en Chancellerie pres le Parlement, à l’effet de faire décreter dans le Siége du Bailly des terres & héritages situës en deux differentes Vicomtez ; & cela afin d’éviter les frais de plusieurs Decrets qu’il faudroit faire dans les differentes Jurisdictions où les terres & héritages le trouveroient situées.

Les Lettres sont adressées au Bailly, lequel aprés les avoir enregistrées ordonne que le Decret sera fait, poursuivi & parfait jusques à l’adjudication finale dans son siege, & jusqu’à l’Etat ou ordre du prix de l’adjudication.

Il n’y a lieu aux Lettres de Mixtion, que lorsque les terres & héritages sont situez en deux ou plusieurs autres Vicomtez d’un même Bailliage ; & ce sera dans le Bailliage où ressortissent les Vicomtez dans l’etenduë desquelles les terres & héritages qu’il s’agit de de creter, sont situez, où le Decret sera fait jusqu’à l’adjudication finale & à l’état ou ordre du prix inclusivement : Mais lorsque les terres & héritage ; sont situez en diverses Vicomtez ressortissantes à differens Bailliages. ou situez en divers Bailliages, alors on obtient un Arrét du Parlement, par lequel on renvoie le Décret devant le Bailly dans le ressort duquel la plus grande partie des terres & héritages sont situez, pour le tout être décreté & adjugé par un seul & même Décret : les Lettres de Mixtion ne suffiroient pas en ce cas.

Les Lettres de Mixtion n’ont lieu que par raport aux Décrets des terres, héritages & rentes foncieres, ou des Fieffes, c’est-à-dire de bail d’héritages rachétables ou non rachétables, & non pour les Decrets des rentes constituées à prix d’argent ou rentes hypoteques, quoique les débiteurs de ces fortes de rentes soient domiciliez en deux Vicomtez, parce que ces rentes n’ont point de situation réelle. Arrêts du Parlement de Roüen des 26 Novembre 1667 & 16 Mai 1670. Il faut décreter ces rentes dans le Siege du domicile des débiteurs ; car en Normandie les rentes constituëes à prix d’argent, qu’on appelle dans cette Province Rentes hypoteques, se reglent suivant la Coûtume du domicile du débiteur, & non du créancier.

Il faut donc tenir pour certain que les terres & héritages situez dans deux & diverses Vicomtez ressortissantes d’un même Bailliage, doivent être décretez devant le Bailly du ressort, & non devant les Vicomtes, encore bien que les terres & héritages soient roturiers & situez dans l’étendue de leurs Vicomtez ; mais il faut pour cela obtenir des Lettres de Mixtion, & c’est ici une attribution qu’on donne au Bailly du ressort par une espèce de main souveraine.

Vicomté, La Vicomté est l’etenduë de la Jurisdiction du Vicomte.

Royales.

Comme en Normandie il n’y a point d’autres Vicomtez que des Vicomtes Royales, le mot de Royalles qui se trouve dans cet articlée paroit superflus & inutile, si ce n’est qu’on veüille dire que se pouvant trouver quelques Terres qui auroient le titre de Vicomté, & les Seigneurs de ces Terres se qualifier de Vicomtes, & même qualifier la Justice de ces Terres du nom de Vicomté, notre Coutume nous a voulut faire entendre que ces sortes de Vicomtez ne donnent point lieu aux Lettres de Mixtion, mais seulement les Vicomtez Royalles.

Encore que l’une soit dans le ressort d’un Haut-Justicier.

Le Haut-Justicier perd en ce cas sa competence par l’effet des Lettres de Mixtion par rapport à la terre & aux héritages qui seroient dans l’etenduë de la Haute-Iustice, le Décret de toutes les terres & héritages sera attribué par le moyen des Lettres de Mixtion au Bailly du Bailliage où ressortit la Haute-Iustice. Mais si toutes les terres & héritages qu’on veut décreter étoient en différentes Hautes Justices, il faudroit faire les Décrets d’ans chaque Haute Iustice de le situation des biens les Lettres de Mixtion n’auroient point lieu ; tout ce qu’on pourroit faire, seroit d’obtenir un Arrét’attribution au Bailly du ressort pour êviter les frais aux Parties.

Par la raison que les Lettres de Chancellerie ne durent qu’un an, & qu’elle n’ont plus d’effet apres l’an : un Decret qui seroit fait en vertu de Lettres sur années seroit nulle.


ARTICLE V.

A U Vicomte ou son Lieutenant appartient la connoissance des Clameurs de Haro civilement intentées, de Clameurs de Gageplege pour chose roturière, de vente & dégagement de biens, d’interdits entre Roturiers, d’arrêts, d’execution, de matieres de namps & oppositions qui se mettent

pour iceux namps, de dation, de tutelles & curatelles de mineurs, de faire les inventaires de leurs biens, d’oüir les comptes de leurs tuteurs & administrateurs, de venduës de biens desdits mineurs, de partage de succession, & d’autres actions personnelles, réelles & mixtes en possessoire & propriété, ensemble de toutes matières de simple deresne entre Roturiers & choses roturieres, encore qu’esdites matieres échée vûë & enquête.

Cet article & les six suivans établissent la Jurisdiction du Vicomte privativement aux Baillis, Dans cet Article il y a quinze cas de la competence du Vicomte.

Vicomte., 1 quasi Vices gerens Comitis, ) Ce Comte étoit un Seigneur & une homme d’épée. Nous avons encore à présent des Terres érigées en Vicomtez & dont les Seigneurs s’appellent Vicomtes.

En Normandie Vicomte est le Juge des Roturiers, comme le Bailly est le Iuge des Nobles ; le Vicomte est un Iuge Royal, Gradué & de Robe-longue, mais subalterne au Bailly : dans les autres Coûtumes le Prevôt, Châtelain ou Viguier sont les Officiers que nous appellons en Normandie Vicomtes. Le Vicomte a son Lieutenant pour juger en son absence, maladie, récusation ou autres empéchemens ; ce Lieutenant est aussi un Officier de, judicature comme le Vicomte.

Appartient la connoissance des Clameurs de Haro civilement intentées.

Le Haro vient & tire son origine de Raoul ou RoIlo, premier Duc de Normandie, qui au rapport deDudo , liv. 2. de moribus & actis Normanorum, invectâ cette voye de droit pour mieux discipliner & contenir la Province de Normandie dans son devoir, in terra suae ditionis banrum, id est interdictum misit it nullus fur vel latro esset neque asiensum malae voluntatis et praeberet, cette voye de droit est particulière en Normandie, nulle autre Coûtume du Royaume n’en parle.

La Clameur de Haro est un pouvoir légal donné par la Coûtume, de traduire la personne sur laquelle le Haro est fait, devant le Vicomte ou son Lieutenant, pour y comparoir à l’instant & sur le champ, sans Mandement ni Permission d’aucun Juge ; la Clameur de Haro suffit & sert de Mandement ou Permission de Justice.

Le Vicomte ou son Lieutenant ne connoit de la Clameur de Haro qu’au cas que le Haro soit intenté en matière civile roturière, & que les Parties soient Roturieres, du moins le Defendeur en Haro ; car si le Haro est fait pour matiere criminelle, ou pour chose noble, ou entre Nobles, ou si le Défendeur en Haro est Noble, c’est au Bailly à connoître de la Clameur de Haro, & non au Vicomte, car nonobstant que la Coûtume par cet Article attribuë la connoissance de la Clameur de Haro au Vicomte, cela ne se doit entendre que dans les matieres qui sont de la compétence.

La Clameur de Haro, par rapport au Bailly, à lieu tant en matiere civile, qu’en matiere criminelle, & entre toutes sortes de personnes de l’un & l’autre sexe, Nobles ou Roturieres, Ecclesiastiques ou Religieux.

De Clameurs de Gageplege.

On appelle Clameur de Gageplege une Complainte contre le trouble fait dans la proprieté ou possession d’un héritage ou autre immeuble par voye de fait, ou clandestinement ou autrement ; & c’est à peu pres l’interdit du Droit Romain, qui ét aut clam possidetis, dont l’effet étoit d’empécher toutes nouvelles entreprises.

Pour parvenir à la Clameur de Gageplege, il faut présenter une Requête au Juge, tendante a ce que le trouble soit réparé, & que le demandeur soit reintegré & maintenu dans la possession & propriété de Lhéritage ou autre immeuble qui donne lieu à la Clameur de Gageplege, avec restitution de fruits, & cependant que défenses serons faites au deffendeur de rien faire ni entreprendre au préjudice de la Clameur de Gageplege, à peine de tous dépens, dommages & interêts ; au bas de laquelle Requête le Juge met son Ordonnance portant soient parties appellées au principal, & cependant faisons défenses d’attenter ni rien fuire ni entreprendre ait préjudice & nonobstant la Clameur de Gageplege.

La Clameur de Gageplege n’a pas seulement lieu pour les terres & héritages ou autres immeubles, mais encore pour les servitudes, les dixmes & droits incorporels ; on peut même se servir de cette voye de droit pour raison d’un usufruit d’héritages, & d’une universalité de meubles.

Le Vicomte peut seulement connoître de la Clameur de Gageplege en matiere roturiere & entre personnes de condition roturiere, ou si le deffendeur à la Clameur de Gageplege est roturier ; car si la Clameur de Gageplege étoit intentée pour chose noble, ou entre Gentilshommes & personnes Nobles, ou que le deffendeur fût Noble, ce seroit au Bailli à connoitre de la Clameur de Gageplege.

La Clameur de Gageplege n’a point lieu en matiere criminelle, mais seulement en matière civile.

En matière de Clameur de Gageplege, tant le demandeur que le défendeur sont tenus avant toutes choses de donner caution bonne & solvable, pour repondre des dépens dommages & interêts envers celui qui par l’évenement aura gain de cause, c’est cautio judicatum solui ; &c’est de là d’où derive le mot de Gageplege, comme qui diroit caution, nantissement, sureté ; mais on n’use gueres de cette rigueur, cela dépend beaucoup des circonstances de l’affaire.

Si on veut former opposition à la Clameur de Gageplege, il faut la former dans l’an & jour que la Clameur de Gageplege aura été intentée & signifiée, à peine de nullité de l’opposition, en ce qu’on ne serait pas recevable dans l’opposition.

En cas d’opposition à la Clameur de Gageplege dans le temps, il faudra commencer à faire droit sur le possessoire, sauf dans la suite à se pourvoir au petitoire aprés que le possessoire aura été jugé, executé & parfourni ; car en matière de Clameur de Gageplege comme en matière de Complainte le possessoire & le petitoire ne peuvent être accumulez. Article 5. du Tit. 19. de l’Ordonnance de 1667.

La Clameur de Gageplege n’est pas une action entièrement réelle, elle est mixte, c’est-à-dire en partie réelle & en partie personnelle ; aussi cette action est sujete aux Lettres de Committimus. Arrêts du Parlement de Roüen des 7 Mars 4707, 15 Mars 1611 & 2 Décembre 1625 : elle est réelle, comme rendante à rentrer en possession d’un héritage ou autre chose qui tombe dans le Clameur de Gageplege, & elle est personnelle ; eût égard à la personne qui fait le trouble. & la nouvelle entreprise.

Vente & Dégagement de biens, C’est ce qu’on appelle en droit actio pignoraaeitiae directa, qui est connée au débiteur pour apres la dette payée pouvoir retirer la chose qu’il avoit donnée en nantissement ou gage à son créancier en lui faisant le prét & pour sureté de la somme prêtée.

Il y a aussi l’action appellée en droit actio pignorasstia contraria, laquelle appartient au créancier pour être autorisé par le Juge à faire vendre le meuble ou autres choses données en nantissement ou gage, faute de payement aprés trois sommations faites au débiteur de payer la dette & de retirer le gage ou nantissement, mais il est d’usage que le débiteur peut dans la huitaine retirer les choses venduës en rendant l’argent à ceux qui les ont achetées, aprés laquelle expirée le débiteur ne seroit plus recevable en ses offres ; car cette huitaine est fatale.

Comme le créancier ne peut jamais prescrire le gage ou nantissement, le possedant

& le tenant non suo sed alieno nomine, c’est. à-dire pour & au nom du débiteur à qui le nantissement ou gage appartient. L’action directe de vente & dégement de biens, est imprescriptible de la même maniere que le débiteur ne peut de son côté opposer de prescription contre la dette ; parce que tant que le créancier est nanti du gage & que le gage dure & subsiste, le nantissement tient Pour ainsi dite lieu de payement, l’action contraire de vente & degagement de biens est imprescriptible.

Si le gage ou nantissement produisoit des revenus, des fruits, arrérages ou interéts, ils appartiendroient au débiteur, les impenses & frais déduits, & ils iroient en d’éduction de la dette.

Les Contrats prégnoratifs & d’antichrese sont inconnus en Normandie, & il n’y a nuls interêts d’une somme mobiliaire, à moins qu’il n’y ait aliénation du principal ou que la dette fût causée pour chose qui rapporteroit des fruits & revenus ; en sorte que la maxime est constante en Normandie, que hors ces cas on n’adjuge point d’interets d’une somme mobiliaire, neque ex mora, neque ex petitione, & à die petitio mis, nec ex judicios une somme de cette qualité est toujours sterile.

Le Vicomte ou son Lieutenant connoit de cette action dans les biens roturiers, entre roturiers, ou si le défendeur est de condition roturière ; car si le défendeur étoit Noble, ou que toutes les Parties fussent Nobles, la connoissance en appartiendroit au Bailly.

D’interdits entre Roturiers.

Ce mot d’interdit dans nôtre Coutume, comme en Droit Romain, veut dire une Ordonnance de Iuge, par laquelle il défend ou permet de faire quelque chose selon les occurences des affaires, jusqu’à ce que les Parties ayent été entenduës.

Le Vicomte peut rendre de pareilles Ordonnances entre personnes roturieres & pour choses roturieres, & non entre Nobles ou pour choses nobles, ou que le défendeur fût noble ; il faudroit se pourvoir devant le Bailly.

S’il y a opposition à ces Ordonnances, il faudra les porter devant le Juge qui aura été en droit de les rendre.

En matière d’interdits comme en complainte, le possessoire doit être vuidé avant de pouvoir venir au pétitoire ; car le possessoire & le petitoire ne peuvent être accumulez en fait d’interdit.

D’arrêts, d’executions de biens.

Il y a beaucoup de différence entre un arrét & une execution ; l’arrét est une simple saisie, ou un arrét qu’on fait entre les mains du débiteur de notre débiteur pour la sûreté & conservation de notre du, au lieu que l’execution est une saisie des meubles & effets mobiliers de notre debiteur ou condamné.

Il saut un titre pour saisir & arrêter ou pour executer ; mais quant à la simple saisie & arrêt, il n’est point necessaire d’avoir un titre executoire & paré, un simple billet ou promesse avec une Ordonnance ou Mandement du Juge, suffit ; à l’égard de l’execution, elle ne peut être faite qu’en vertu d’un titre paré & exeCutoire, comme Contrat, Obligation ou autre Acte passé devant Notaire, ou d’une Sentence, Arrét ou Jugement ; il faut même que la chose pour laquelle on execute soit certaine & liquide, & que l’execution soit précedée d’un commandement, à peine de nullité.

Il y a, en outre la saisie gagerie, la saisie par Brandon, & la saisie réelle, Il y a quelques Villes d’arrêts en Normandie, comme dans les Villes de Roüen, Dieppe & Louviers ; c’est un Privilege qu’ont les Bourgeois & Habitant de ces Villes de pouvoir faire arrêter les Forains par un Huissier ou Sergent sans titre paré ni executoire, ni condamnation, ni ordonnance de Justice pour dette ; & dans ce cas on donne assignation aux Parties à heure présente & sur le champ pour faire décider & juger la contestation, si faire se peut ; mais si l’affaire ne peut pas être sommairement terminée & qu’elle merite discussion, le Juge ordonne que le débiteur sera relaxé & mis en liberté, ou les choses arrêtées renduës au debiteur, en donnant par lui bonne & suffisante caution, ce Privilege n’a lieu que contre les Forains & en faveur seulement des Habitans & Bourgeois des Villes qui ont cette prérogative, & non de Bourgeois à Bourgeois.

Le Vicomte ou son Lieutenant connoit des saisies & arrêts & des saisies & executions dans les affaires de sa competence, c’est-à-dire entre roturiers & pour choses roturieres, ensemble des oppositions qui y sont formées.

De matières de Namps & d’oppositions qui se mettent pour iceux Namps.

Le mot de Namps, vient de nantium qui signifie pignus ; il en est parlé dans les Loix de Henry premier, Roy d’Angleterre, chap. 2. & dans celles de Guillaume le Batard, chap. 42.

Par le mot de Namps on entend donc des meubles ou autres effets mobiliers donnez en nantissement ou gage, ou des meubles, bestiaux ou autres effets mobiliers saisis, pignori capta ; on dit nantir, c’est-à-dire donner nantissement ou saisir & mettre en main de Justice.

Cette matiere, ensemble les oppositions mises sur les Namps, sont de la competence du Vicomte ou son Lieutenant pour choses roturieres ou entre Roturiers, Il y a deux sortes de Namps, Namps vifs qui sont les bestiaux, & Namps morts qui sont des meubles meublans ; il y a un Edit de François premier de 1547. où il est parlé de ces Namps.

De dations de tutelles & curatelles de mineurs de faire faire les inventaires de leurs biens, d’oüir les comptes de leurs tuteurs & curateurs & de venduës de biens desdit ; mineurs.

Tutelle se dit à proprement parler des mineurs non émancipez ou non âgez de vingt-cinq ans, & la curatelle se dit des mineurs émancipez par Lettres du Prince.

Quoique par l’Article premier du Regiment du y Mars 1673, les peres & ayeuls soient tuteurs naturels & legitimes de leurs enfans & petits enfans, & que par le même Article, conforme en cela à l’Article 237 de la Coûtume generale, le frère ainé soit tuteur naturel & legitime de ses frères & soeurs, néanmoins il est vrai de dire que ces tutelles, comme toutes les autres, sont datives & quelles doivent être déferées autore Pretore, & acceptées en Justice ; ce qui est au moins une confirmation faite en Justice de la tutelle déferée de droit aux peres & ayeuls & au frère ainé, si ce n’est pas une nomination de leurs personnes & une dation de la tutelle ; aussi les peres & ayeuls ni le frere ainé ne sont pas tuteurs si naturels, que les parens ne puissent pour justes causes en nommer un autre.

Le Vicomte est le Juge des tutelles des mineurs roturiers, & le Bailly des mineurs nobles.

La dation de tutelle appartient aux Juges du domicile des mineurs ; & ce domicile est celui que les pere & mere avoient lors de leurs déces.

Les Juges Hauts-Justiciers peuvent aussi connoître & déferer les tutelles des enfans mineurs domiciliez dans l’etenduë de leurs Hautes-Justices, soit que les mineurs soient de condition roturière ou noble.

Les Juges tant Royaux que Hauts-Justiciers sont obligez de pourvoir les enfans mineurs de tuteurs, & les Procureurs du Roy & Procureurs Fiscaux, chacun en droit soi, doivent en faire la poursuite d’office, si les parens sont négligens de faire proceder à l’élection & nomination d’un tuteur, ou s’il ne paroissoit point de parens.

Il fait voir le Reglement general du y Mars 1673. au sujet des tutelles, qu’on trouvera à la fin de ce Commentaire, avec le Reglement de 1666, & les observations que nous avons faites dessus.

Le Reglement du 7 Mars 1673 a été fait par le Parlement de Roüen ; parce que les tutelles sont d’autant plus importantes dans la Province de Normandie, que les nominateurs & parens déliberans, sont garants subsidiairement de leur nomination & de la solvabilité, gestion & maniment des tuteurs ; aussi ce Reglement a beaucoup applani de difficultez sur cette matière, ce qui va nous dispenser de nous etendre à ce sujet ; nous allons seulement donner la décision de quelques difficultez non prevuës ou survenuës dépuis le Reglement de 1673.

On ne connoit point de tuteurs honoraires en Normandie, il n’y a que des tuteurs onéraires ; il y a cependant quelquefois des tuteurs consulaires qui sont pour le conseil des affaires concernant la tutelle.

Il y a ordinairement douze parens convoquez pour la dation & nomination d’un tuteur, six paternels & six maternels ; & au défaut de parens, on auroit recours à des amis ou à des voisins ; mais en ce cas ces sortes de nominateurs ne seroient point garants de leur nomination.

Les Ecclesiastiques, même les Prêtres qui n’ont point de benefices à charge d’ames, peuvent être nommez tuteurs ; Arrest du Parlement de Roüen du 24 Janvier 1662 ; mais ils ne seroient point contraignables par corps pour le reliquat du compte de tutelle.

L’action en condescente est reçue en Normandie lorsqu’il y a lieu d’ordonner la condescente sur une autre que celui qui avoit Ete nomme tuteur ; mais c’est toujours aux risques, perils & fortunes de celui qui avoit été originairement nommé, lequel demeure subsidiairement garant & obligé envers le mineur ; Arrét du même Parlement du 28 Novembre 1671.

L’action de condescente n’a point lieu entre femmes, ni lorsque le tuteur nominé par les parens a commencé à gerer & administrer la tutelle.

Il y a des excuses pour n’être point tuteur, soit celles fondees sur une exemption attribuée à une Charge, soit celles fondées sur l’âge de soixante & dix ans complets, maladie ou infirmitez incurables, ou autres empéchemens legitimes.

Un mari ne peut être obligé d’accepter la tutelle de mineurs parens de sa femme ; car en Normandie les tutelles doivent suivre l’ordre des successions.

La destitution d’un tuteur peut être demandée par les parens nominateurs, s’ils craignent qu’il soit ou qu’il ne devienne insolvable, si mieux il n’aime donner caution de sa gestion, administration & maniment.

Si un tuteur avoit fait un emploi des deniers de son mineur sans avis de parens, non-seulement il en seroit garant, mais encore les parens nominateurs en seroient eux-mêmes garants.

Un tuteur est tenu aux interêts des deniers pupillaires, non remplacez & qui sont oisifs és mains du tuteur ; il est même tenu aux interêts des interets an favorem minorum, & contre la maxime generale de la Province de Normandie, qui veut qu’il ne soit dû aucuns interêts des sommes mobiliaires, même par condamnation.

La charge de tuteur consiste tant en l’éducation du mineur qu’en la conservation de ses biens.

La minorité cesse en Normandie à vingt ans accomplis, parce que dans cette Province toute personne née en Normandie, soit mâle ou femelle, est censée majeure à vingt ans accomplis, & peut aprés cet âge vendre & hipotequer ses biens, meubles & immeubles sans espèrance de restitution, sinon pour les causes pour lesquelles les majeurs peuvent être restituez ; Article 38. du Reglement de 1666.

Un mineur n’est point obligé de se pourvoir dans les dix ans du jour de la Transaction par lui passée en majorité avec son tuteur sur le compte de tutelle, mon vifis rabulis nec disjunctis ratio nibus ; parce que la mauvaise foi du tuteur & la surprise par lui faite à son mineur, tire cette espèce de la disposition generale de l’Ordonnance, qui veut qu’on se pourvoie dans les dix ans par Lettres du Prince contre un acte passé en majorité, du jour de l’acte ; le procedé du tuteur en pareil cas passe pour un crime & un vol fait par un tuteur à son mineur, que la prescription de dix ans ne peut effacer ; d’ailleurs il ne seroit pas juste de restraindre les moyens qu’un mineur pourroit avoir pour faire réparer la surprise qui lui auroit été faite par son tuteur, & faire casser & annuller une pareille Transaction ; Arrests du Parlement de Normandie des 26 Fevrier 1670, & 3o Janvier 1674. Mais cette prérogative accordée à un mineur, est restrainte & n’a lieu que contre le tuteur personnellement, & non pas contre ses heritiers, à moins que l’action n’eût. été commencée contre le tuteur duquel ils sont heritiers ; autrement il faudroit se pourvoir contre eux dans les dix ans du jour de la Transaction passée en majorité ; car enfin il est de l’interét publie que le repos des familles. soit assuré, cependant si une semblable Transaction avoir été confirmée par plusieurs Actes subsequens, elle ne pourroit plus être attaquée par le pupille, quoi-qu’elle fut nulle dans son principe ; Arrét du même Parlement du 15 Mars 1671.

De dation de curatelle des mineurs.

Il faut prendre ici le terme de curatelle pour tutelle, & c’est en ce sens que la dation de curatelle des enfans mineurs roturiers est de la competence du Vicomte ; car à l’égard des curatelles qui se déferent par Lettres du Prince, à l’effet d’émanciper un mineur par avis de parens, & dans lequel cas on donne un curateur aux causes au mineur émancipé, c’est le Bailly qui en connoit, même entre Roturiers, & non le Vicomte, par la raison que la connoissance des Lettres Royaux est attribuée au Bailly entre toutes personnes, même celles qui sont roturieres privativement au Vicomte.

Mais s’il étoit question de donner un curateur à l’interdiction d’un majeur pour imbecillité ou pour prodigalite, il faudroit suivre la condition de la personne qu’on voudroit faire interdire, pour en attribuer la connoissance au Bailly ou au Vicomte, si la personne étoit noble, ce seroit au Bailly à en connoître, & si au contraire elle étoit de condition roturière, ce seroit le Vicomte.

Le mineur, quoiqu’émancipé, non plus que l’interdit, ne peuvent ester à droit ssans leur curateur aux causes.

Outre les Lettres du Prince d’émancipation, il faut l’avis des parens tant paternels que maternels, pour faire homologuer les Lettres d’émancipation, car l’émancipation ne doit être ordonnée qu’en connoissance de cause, & authore praetore.

Les parens qui ont nommé un curateur à l’émancipation, ne sont garens de rien envers le mineur émancipé, quand même le curateur deviendroit insolvable, non plus que de la nomination d’un curateur à un interdit.

De faire faire l’inventaire de leurs biens.

La première chose qu’un tuteur doit faire aprés sa nomination, est de faire proceder à l’inventaire des meubles, effets, titres, papiers & enseignemens de la succession ouverte & donr le mineur peut se porter heritier, & s’il y a des meubles meublans, les faire vendre avec les formalitez requises & necessaires, aprés la confection & clôture de l’inventaire.

Si l’inventaire est dans les regles, sans recelez ni divertissemens, le tuteur n’est comptable que du contenu en l’inventaire & du prix de la vente des meubles inventoriez, s’ils sont vendus, lequel prix aprés qu’il a été réçû des adjudicataires, par l’Huissier ou Sergent qui a fait la vente, doit être mis és mains du tuteur dans huitaine du jour de la huitaine qui est accordée à l’Huissier ou Sergent pour se faire payer des adjudicataires, à peine d’y être contraint par corps & de tous dépens, dommages & interêts en son propre & privé nom, C’est au Vicomte à faire faire l’inventaire des biens des mineurs roturiers, & au Bailly si les mineurs sont nobles, bien entendu si ces Juges en sont requis, il est permis au tuteur ou aux parens du mineur de le faire faire par un Notaire ; car il est expressément deffendu à tous Juges, tant Roiaux que ceux des Seigneurs, de s’ingerer à faire les inventaires des biens des mineurs s’ils n’en sont requis, Arrêts du Parlement de Roüen des 13 Fevrier 1608, & 5 Fevrier 1610 D’ouir les Comptes de leurs tuteurs & administrateurs.

C’est au Vicomte à entendre les comptes de tutelle des mineurs, si les Cyans compte sont de condition roturière ; car s’ils étoient nobles, ce seroit au Bailly à ouir le compte de leur tuteur, sans que la connoissance puisse leur en être ôtée en vertu de Lettres de Committimus, Lettres de Gardegardiennes, de Scolarité ni autres, pas même par évocation ; art. 1. du Tit. 29. de l’Ordonnance de 1667.

Cette même Ordonnance & au même titre, prescrit les formalitez de la reddition des comptes de tutelle & tout ce qui en dépend. De venduës de biens desdits mineurs.

La vente des meubles est une vente mobiliaire, & la vente des immeubles se fait par saisie réelle & décret, le tout avec les formalitez de Justice, telles qu’elles sont reglées par la Coûtume ou par l’Ordonnance. c’est le Vicomte qui connoîtra de ces ventes si les mineurs sont roturiers ; car s’il sont nobles ou que les immeubles fussent nobles, la vente des meubles & la vente des immeubles ne pourroient être faites que par le Bailly.

De partage de Succession.

L’action en partage d’une succession roturiere & entre roturiers, est de la competence du Vicomte, mais si la succession est noble, soit par rapport aux biens, soit par rapport aux personnes, la connoissance en appartient au Baillis & se sera le Juge du lieu dans lequel la personne de cujus bonis agitur, est decedée, qui connoîtra du partage ; cependant cette action est sujete au droit de Committimus, comme étent une action mixte, partie réelle & partie personnelle.

Une demande en partage ne peut être formée par un mineur, mais un partage peut être provoqué par majeur contre un mineur ; & alors le mineur as sistera au partage par le ministere d’un tuteur ad hoc, c’est-à-dire à l’effet du partage, parce que nemo invitus manet in societate.

Il y a des partages provisionnels & des partages definitifs ; ceux : là ne sont pas incommutables, au lieu que ceux-ci le sont, à moins qu’ils ne soient combattus & détruits par les voyes de droit.

Et des autres actions personnelles, réelles & mixtes en possessoire & propriété.

Ces trois sortes d’actions tant pour raison du possessoire que du petitoire, appartiennent au Vicomte entre roturiers & pour biens & choses roturieres, hors les cas dont la competence est expressement attribuée au Bailli, comme si c’est entre nobles, ou que le noble soit défendeur, ou pour chose noble, ou pour Lettres Royaux.

Si cependant on obtenoit incidemment des Lettres de Relevement ou Rescision contre un Contrat, Obligation, Billet, Promesse ou autre Acte, il faudroit les adresser au Vicomte saisi de la contestation principale, pour par lui être fait droit sur le tout.

Cet Article propose trois sortes d’actions, la personnelle, la réelle & la mixte, la personnelle procede d’un contrat ou quasicontrat, & ou d’un délit ou quasidelit ; la réelle provient du fonds, héritage ou autre immeuble réel ; la mixte participe de l’action personnelle & de l’action réelle ; ces trois sortes d’actions peuvent être intentées devant le Vicomte tant pour le petitoire que pour le possessoire si les Parties ou les choses sont de sa competence, sans néanmoins pouvoir accumuler le petitoire & le possessoire si la contestation a commencé par le possessoire ou complainte.

Ensemble de toutes matières de simple Deresne entre roturiers & des choses roturieres, encore quesdites matieres êchée en vuë & enquête.

Le mot Deresne est un mot Normand, dont on ne peut pas trouver l’étimologie ; quoiqu’il en soit, il signifie suivant quelques Auteurs une action simple par laquelle on demande ou on deffend quelque chose sans les formalitez requises dans l’introduction des autres actions ; suivant d’autres, c’est une action pour se purger & se décharger d’une demande personnelle ou cas imposé & mis en avant par le demandeur ; selon plusieurs autres, & dont l’opinion est la plus probable, l’action de Deresne comprend toutes les matieres où il y a preuve à faire par vûës & montrées, serment, enquête & preuve testimoniale, en demandant ou défendant ; il est rare de voir une action intentée sous le titre d’action de Deresne, pour ne pas dire que cette action est inusitée ; le Vicomte en connoissoit dans les affaires de sa compétence, comme le Bailli dans les cas de sa competence, Les vuës & montrées sont abrogées par l’Ordonnance de 1667 Tit. S. Art. 3. cependant on ordonne souvent que plan figuratif sera dressé d’une terre, héritage, maison, riviere, fontaine, ruisseau & autre immeuble dont la preuve git en description, plan ou tableau, outre les autres preuves qui peuvent en être faites tant par enquêtes qu’autrement.

Il n’y a plus d’enquêtes par turbes, elles ont été abrogées par la même Ordonnance, Tit. 3. mais on a quelquefois recours aux actes de notoriété, qui s’obtiennent des premiers Juges sur l’usage en certaines choses, on y fait signer les Avocats, Procureurs & Praticiens du Siege, on en prend aussi d’aucune fois des Procureurs & Avocats Genéraux d’un Parlement ou autres Cours Souveraines.


ARTICLE VI.

P Eut ledit Vicomte faire faire toutes criées, banissemens, interpositions & adjudications de décret des héritages roturiers & non nobles.

C’est ici la qualité des biens, qui détermine la competence du Vicomte ; il connoit privativement au Bailli des saisies réelles & decrets des terres, héritages & autres immeubles roturiers & non nobles ni de nature noble, jusques à l’adjudication finale des biens & à l’état ou Sentence d’Ordre du prix inclusivement, sauf l’appel au Baillage.

La saisie réelle & les criées se font par un Huissier, ou Sergent ou Juge ; & à l’égard des baux judiciaires, que notre Article appelle Banissement, ils se font devant le Juge saisi du décret, sans que l’Huissier ou Sergent qui a fait les criées, puisse recevoir les encheres ni faire les baux judiciaires ou bannissement, à peine de nullité.

Les décrets des terres nobles, fiefs, rentes & redevances féodales, circonstances & dépendances, sont de la competence du Bailli, même l’état ou Sentence d’Ordre du prix provenant de la vente & adjudication, inclusivement.


ARTICLE VII.

C Onnoît aussi des oppositions & differends qui aviennent sur lesdites saisies & criées entre personnes nobles & entre personnes non nobles, pour dettes & autres choses mobiliaires, arrérages de rentes roturieres & hypoteques.

Le contenu en cet Article nous fait entendre que toutes les oppositions soit afin d’annuller, afin de distraire, afin de charge ou afin de conserver, formées à un décret, doivent être portées dans la Jurisdiction où le corps du décret est pendant, sans avoit aucun égard à la condition des opposans ; ainsi si le Vicomte est saisi du décret, les oppositions qui y seront formées, seront portées devant le Vicomte, soit que les opposans soient roturiers, soit qu’ils soient nobles, ecclesiastiques ou de quelqu’autre condition, de la méme manière que si un rotu rier formoit opposition à un décret de biens nobles pendant devant le Bailli, il faudroit porter cette opposition au Baillage, parce que les oppositions à une saisie réelle ou décret sont une suite & une dépendance nécessaire de la saisie réelle ou décret ; la qualité des personnes ne fait rien pour la competence du Vicomte en matière de saisie réelle ou décret d’héritages roturiers, elle est en ce cas indifferente, qu’elle soit noble ou roturière, cela ne change rien, on ne regarde que la qualité de l’héritage saisi réellement, en un mot c’est la qualité de roture attachée Al’héritage, qui dêtermine & établit la competence du Vicomte pour le decret d’une terre, héritage ou autre immeuble, & pour toutes les dépendances du decret ; telles que sont les oppositions qu’on y peut former.

Si néanmoins l’opposition étoit formée pour raison d’arrérages de rentes nobles ; seigneuriales & féodales ou autres droits féodaux & seigneuriaux, il semble que la Coûtume veut qu’une pareille opposition ne puisse être portée que devant le Bailly en disant dans cet article que les oppositions formées à un decret pendans devant le Vicomte pour le payement d’arrérages de rentes roturieres, doivent être formées devant le Vicomte, soit que l’Opposant soit noble ou roturier : done si les rentes sont nobles & seigneuriales, l’opposition doit être portée devant le Bailly, quoiqu’il ne soit point saisi du corps du decret, cela paroit difficile, néanmoins nous estimons que pour éviter la multiplicité des frais, il faut porter une pareille opposition devant le Vicomte comme une opposition incidente à un decret qui seroit pendant devant lui, autrement il faudroit juger cette opposition séparément, c’est-à-dire par le Bailly pendant que le Vicomte seroit saisi du corps du decret ; ce qui feroit tomber les Parties dans des frais, Par cette raison un decret de biens roturiers, fait faute de payement d’arrérages de rentes nobles & seigneuriales ou pour autres droits féodaux & seigneuriaux, doit être porté devant le Vicomte, la cause de la saisie ne donnant point en ce cas l’attribution au Bailly, on regarde seulement que les héritages saisis réellement sont roturiers.

Comme par l’Article 578. le decret ne purge point les rentes foncieres ou seigneuriales, quant au fonds & principal, faute d’opposition, il est inutile de former opposition au decret pour ces rentes, il faut seulement y former opposition pour les arrérages échus & à écheoir jusqu’à la distribution du prix, comme pour les sommes mobiliaires & arrérages des rentes hypoteques ou constituées à prix d’argent.

Quoiqu’il paroisse par un Arrest du Parlement de Roüen du 6 Mars 1664. qu’il a été jugé que l’adjudication par decret de biens roturiers, faite par le

Vicomte, ayant été cassée pour nullitez, la distribution, ordre ou état du prix ait été renvoyée devant le Bailly & non devant le Lieutenant du Vicomte, néanmoins nous croions qu’il ne faur point tirer cet Arrét à consequence, aiant peut être été rendu sur des circonstances particulieres, & que dans ce cas il faudroit renvoyer cette distribution dans le Siege où le decret étoit originairement pendant, tout ce qu’on pourroit ordonner seroit que le Juge qui auroit fait l’adjudication, ne pourroit assister à l’état ou ordre du prix ; il faut autant qu’il est possible conserver l’ordre des Jurisdictions,


ARTICLE VIII.

A Ppartient aussi audit Vicomte la connoissance des Lettres de Mixtion pour les heritages situez dans le ressort de sa Vicomte, encore qu’ils soient de diverses Sergenteries, ou assises dans le ressort d’un HautJusticier qui est dans les enclaves de sa Vicomté, pourvu qu’il n’y ait rien de noble.

Lettres de Mixtion par rapport au Vicomte, sont des Lettres de Chancellerie, qui s’y obtiennent pour attribuer au Vicomte la connoissance d’une saisie réelle ou decret, vente & adjudication d’héritages roturiers, situez en diverses & differentes Sergenteries, ou en une ou plusieurs Hautes-Justices de sa Vicomté.

Suivant cet article pour que le Vicomte puisse connoître des Lettres de Mixtion, nonobstant que ce soient des Lettres Royaux, il faut que les héritages qu’il s’agit de decreter, soient roturiers, & qu’ils soient situez dans l’etenduë de sa Vicomté, nonobstant qu’ils se trouvent en plusieurs Sergenteries ou dans l’etenduë d’une ou plusieurs Hautes Justices, pourvù toutefois que ces Sergenteries ou ces Hautes Justices soient dans la Vicomté, & qu’au nombre des héritages compris dans le décret, il n’y ait aucuns héritages, rentes, redevances, droits nobles & seigneuriaux.

Si une ou plusieurs des Hautes-Justices dans l’etenduë desquelles sont situez les héritages saisis réellement, sont d’une autre Vicomté, les Lettres de Mixtion appartiennent au Bailly & non au Vicomte.

Encore bien que de certaines Hautes-Justices relevent immédiatement du Parlement, cela néanmoins ne change rien à la maxime que les Lettres de Mixtion appartiennent au Vicomte en cas de décret de biens roturiers, il suffit que ces biens soient dans l’etenduë de sa Vicomté, & que les Hautes-Justices soient dans les enclaves ou étenduë de sa Vicomté. Arrét du Parlement de Normandie, du 30 Avril 1681.

Ressort ; ce mot est ici pris pour l’étenduë de la Jurisdiction du Vicomte dans sa Vicomté & dans les enclave s de sa Vicomté, car en general le mot de Ressort s’entend d’une Justice ou Cour où ressortissent les appellations d’un Juge inférieur.

Sergenteries ; par ce terme, on entend une certaine étenduë de Villages ou Paroisses, dépendans d’une Justice, & où le Seigneur a droit d’établir des Sergens pour y exploiter & mettre les Mandemens de Justice & Sentences à exécution.


ARTICLE IX.

D OIT ledit Vicomte faire paver les Ruës, réparer les Chemins, Ponts, Passages & faire tenir le cours des Eaux & Rivieres en leurs anciens états.

Doit ledit Vicomte faire paver les Ruës, réparer les Chemins, Ponts & Passages.

Quoique suivant la premiere partie de cet article le Vicomte ait la Police du pavé des Ruës des Villes & Bourgs, de faire réparer les grands Chemins,

Ponts, Chaussées & passages qui sont dans l’etenduë de sa Vicomté ; cependant aujourd’hui ce sont les Tresoriers de France, à qui ces fonctions appartiennent par des Edits & Déclarations du Roy & des Arrêts de son Conseil, qui depuis la redaction & la réformation de nôtre coûtûme leur ont attribué cette Police à l’exclusion de tous autres Juges, avec dérogation à toutes coûtûmes à ce contraires : les Trésoriers de France ont aussi l’inspection sur les entreprises qui seroient faites sur les Ruës & sur l’agrandissement ou diminution des Ruës.

Le payage des Ruës des Villes & Bourgs, est ordinairement une charge des Maisons & est sur le compte du Propriétaire des Maisons, sans qu’aucun puisse s’exempter de cette obligation, pas même les Ecclesiastiques, Religieux & Communautez tant séculieres que régulières, c’est onus publicumt, dont chaque habitant ou citoyen, propriétaire de maisons est tenu, & non le locataire, parce que c’est une charge réelle attachée à la maison.

a présent qu’il y a des Lieutenans Généraux de Police dans la plûpart des Villes du Royaume, & en particulier en Normandie, ce n’est plus les Vicomtes qui ont l’inspection & la Police sur le nétoyement des Ruës dans les Villes où il y & des Lieutenans Généraux de Police, c’est à ces derniers Officiers à qui cette compétence appartient : mais dans les Villes, Bourses ou autres lieux où il n’y a point, e Lieu tenans Généraux de Police, le nétoyement des Ruës est toûjours resté aux Vicomtes.

Ce sont les Tresoriers de France, qui ont la Police pour les réparations & entretient des grands Chemins, Ponts, Chaussées, Passages & voyes publiques, & non les Vicomtes, nonobstant cet article.

La plûpart des Seigneurs Hauts-Justiciers sont Voyers dans l’etenduë de leur Justice.

La réparation & entretient des grands chemins & voies publiques, est une charge des propriétaires des Terres & Héritages qui bordent & aboutissent aux grands chemins & à la voye publique, sans que les Ecclesiastiques & les Communautez tant séculieres que regulieres, puissent s’en exempter ; le Roy y contribuë même ordinairement.

Celui à qui appartient le droit de Peage, est tenu des réparations & entretient du Pavé, Ponts & Chaussée ; Ordannances d’Orléans, Art. 107. & de Blois, art. 82.

On doit mettre à l’endroit où l’on paye le droit de Peage, un tableau ou Pancarte des droits que les passans doivent payer pour le péage, qui est un droit Royal, & qui n’appartient qu’au Roy, ou aux Seigneurs & autres qui l’ont par concession expresse du Roy ; car ce droit ne peut s’acquerir par aucun Sujet du Roi par la voye de la prescription, si longue qu’elle soit, fût-elle de plus de cent ans & immémoriale.

Et faire tenir le cours des Eaux & Rivieres en leur ancien état.

Depuis l’Ordonnance de 1669. des Eaux & Forêts, ce sont les Officiers des Eaux & Forets, qui ont la Police sur les Eaux & Rivieres publiques, navigables & autres, circonstances & dépendances, tel qu’est de faire tenir le cours des Eaux & Rivières dans leurs anciens états, & d’empécher les changemens & novations qu’on voudroit y faire ; de sorte que la compétence du Vicomte, portée par la seconde Partie de cet Article, n’est plus rien quant à la Police des Eaux & Rivières, elle appartient en entier aux Officiera des Eaux & Forêts tant au Civil qu’au Criminel ; ce sont eux qui connoissent des entreprises sur les Eaux, Riviéres & Fleuves, qui ont soin de faire curer & nétoyer les Riviéres, & de faire ôter les Ecluses, Pécheries, Moulins, Pieux, Arbres & autres choses nouvellement faites, qui empechent le cours des Eaux & Rivières, la Navigation & l’usage des Fleuves & Riviéres publiques.


ARTICLE X.

L EDIT Vicomte doit tenir ses Plaids de quinzaine en quinzaine ; en tenant lesquels Plaids il peut diligemment enquerir de tous crimes & en informer, pour l’information faite, être jugée par le Bailly.

Ledit Vicomte doit tenir ses Plaids de quinzaine en quinzaine.

Le mot de Plaids vient de celui de plaider ou de Placitum ; car placitare veut dire litigare ; mais ce mot signifie ici une audience extra ordinaire du Vicomte, qu’il tient de quinzaine en quinzaine ; cette Audience est ordinairement pour le jugement des contestations au sujet des héritages & autres immeubles ; cAr pour les autres affaires, il peut tenir son Audience tous les jours, où moins souvent, s’il le juge à propos, mais au moins de huitaine en huitaine.

Le Vicomte a droit à l’exclusion & privativement au Bailly, de tenir ses plaids, qu’on nomme Roiaux, une fois par an ; ces Plaids Royaux concernent ordinairement les contestations qui regardent le Domaine du Roi, pour faire faire par les Vassaux ou Censitaires du Domaine du Roy, même des Domaines engagez du Roy, des déclarations & réconnoissances des Censives, rentes & Redevances tant ordinaires qu’extraordinaires, qu’ils doivent au Domaine du Roi, & les faire insérer au Papier Terrier. Il y a un Edit de l’année 1550. à ce sujet, & cette compétence a été confirmée par un Arrét du Parlement de Roüen du premier Avril 1664. Mais il faut que cela se sasse gratuitement par les Vicomtes. Arrét du même Parlement du 23. May 1656. a présent, on le répete, ce sont les Trésoriers de France qui connoissent des affaires concernant le Domaine du Roy, même les Domaines engagez, de sorte que par cette attribution les Vicomtes ont verdu cêtte compétence.

En tenans lesquels Plaids, il peut diligemment enquérir de tous crimes & en informer, pour l’information faite, être jugée par le Bailly.

Cette dernière partie de nôtre Article nous fait entendre que le Vicomte en tenant ses Plaids ou Audiences extraordinaires, peur d’office informer de tous crimes ; mais il ne peut recevoir de plaintes à la requête de particulier à particulier, quand même il ne s’agiroit que d’injures, il ne peut recevoir des plaintes que de la part du Procureur du Roy, & en informer d’office sur son Réquisitoire, sans pouvoir néanmoins décrêter ni juger l’information, ni faire aucune autre instruction, il est obligé de renvoier la Plainte & l’information au Bailly pour par lui y faire droit ; la raison est que le Vicomte ne peut directement connoître due crime ; il y a sur cela un Arrêt du Parlement de Normandie, du 5. Decembre 1624.

Si néanmoins il se commettoit quelque crime ou délit pendant l’Audience du Vicomte, le Vicomte pourroit non seulement en recevoir la plainte & en informer, mais encore decreter l’information, instruire par récollement & confrontation & juger le Proces criminel, pourvû que le tout fût fait & la Sentence renduë sur le champ & sans déplacer.


ARTICLE XI.

ET incidemment peut connoître & juger de tous crimes.

Quoiqu’il soit défendu au Vicomte de connoître & juger les affaires criminelles, il peut néanmoins en connoître incidemment, c’est-à-dire à l’occasion d’un Procés civil dont il est saisi ; d’autant que celui qui est Juge du principal, l’est aussi des incidents qui y surviennent. C’est sur ce principe que le Vicomte peut connoître, instruire & juger le crime de faux lorsqu’il est incident à un Procés civil pendant devant lui, mais non le faux principal, il n’y a que le Bailly ; le Vicomte ne peut pas même connoître directement du fait d’injures ni d’une rebellion qui auroit été commise à l’execution de ses sentences, soit interlocutoires, soit definitives, tout cela est de la competence du Bailly ; parce que ces crimes seroient crimes principaux & non incidents ; or comme le Vicomte ne peut connoître des crimes qu’incidemment, il ne peut pas connoitre de ceux dont on vient de parler, la connoissance en appartient au Bailly.


ARTICLE XII.

E T sont tous Juges, tant Royaux que subalternes, sujets & tenus de juger par l’avis & opinion de l’assistance.

Les Juges ne peuvent & ne doivent juger qu’aprés avoir entendu les parties en leur demande & défense par le ministère de leurs Avocats ou Procureurs, selon l’ordre de droit.

La disposition de cet Article est générale, tous les Juges tant Royaux que ceux des Seigneurs, même les Cours & autres Juges en dernier ressort, sont obligez de juger par l’avis & l’opinion des Juges qui sont présens & assistent au Jugement.

Cet Article ne portant point qu’il sera fait mention dans la Sentence ou Iugement que la Sentence ou Jugement a été rendu par l’avis & l’opinion de l’assistance, du moins de la plus grande partie, ce ne seroit pas une nullité dans la Sentence ou jugement qui ne contiendroit point cette énonciation ; cependant ordinairement presque toutes les Sentences la contiennent mais non les Arrêts.

Tous Juges doivent juger suivant les Piéces & les Preuves, c’est ce qu’on appelle Secundum probata & allegata, tant en matière civile qu’en matière criminelle.

Quoique par un grand nombre d’Arrêts & Réglemens du Parlement de Roüen, il soir enjoint à tous Juges, Royaux ou de Seigneurs, que nôtre Article appelle Subalternes, de juger en Robe & en Bonnet, néanmoins on voit au grand mépris de la justice, des Juges juger en habit de couleur, en chapeau, même rétroussé, en cravate, cheveux ou perruque noüée, & autres équipages où il ne manque que l’épée ; les Avocats, Procureurs, Greffiers, Huissiers & autres Officiers font la même chose à l’exemple des Juges, c’est ce que j’ai vù : i l n’y a rien de si indécent ; aussi leur Audience n’est nullement respectable, c’est un abus qui dévroit être réformé, & même joindre, des peines rigoureuses à cette indécence, & c’est à quoi un Procureur General doit tenir la main.


ARTICLE XIII.

L E Haut Justicier peut informer, connoître & juger de tous cas & crimes hormis des cas Royaux.

Commence ici la competence du Juge Haut-Justicier, qui est un Juge de justice seigneuriale : les Duchez Pairies n’ont pareillement qu’une justice subalterne ou seigneuriale, le toût par concession des Rois.

Le Haut. Justicier p. ut informer, connoître & juger de tous crimes, privativement au Bailly Royal, pourvû qu’ils aient été commis dans l’etenduë de sa Haute-Justice, quand même ils auroient été commis dans les grands chemins, si CEs grands chemins sont enclavez dans leur ressort ; art. 1. 1. du Réglement de 1666.

Par la raison que le Roi ne plaide jamais en la Cour de son Sujet, dés que le Roy a interét dans une contestation, le Juge de Seigneur, tel qu’il soit, HautJusticier, même de Duché-Pairie, il faut la renvoier devant le Juge Roial, chacun en droit soy.

Les Juges Haut-Justiciers doivent être reçûs aprés information de vie & de moeurs, pardevant les Baillis Royaux aux Bailliages desquels l’Appel de leurs Sentences ressort t. Ordonnance d’Orleans, Art. 53.

Suivant l’Ordonnance de Roussillon les Seigneurs sont responsables de l’amende qui peur être prononcée contre les Officiers de leurs Hautes-Justices, mais rarement met on en usage cette disposition.

Les Seigneurs qui ont justice, ne peuvent eux mêmes l’exercer, mais seulement par le ministere d’Officiers par eux commis, nommez & préposez, tels que sont des Avocats, Procureurs ou Praticiens ; & à l’égard des Ecclesiastiques, Religieux, Communautez & gens de main morte, qui ont justice, ils ne peuvent non seulement exercer leurs Justices eux mêmes & par eux-meme, mais ils sont en outre tenus d’y nommer & commettre des Officiers laiques & non Ecclesiastiques.

Il est permis au Juge Haut-Justicier de recevoir des plaintes, informer, décreter, instruire & connoître de tous crimes commis dans l’etenduë de sa Haute-Justice, jusqu’à sentence définitive inclusivement. En quoi le Juge de Seigneur a plus de pouvoir en matière criminelle que le Vicomte.

Suivant la Jurisprudence du Parlement de Normandie les Appellations des Sentences renduës par les Juges des Seigneurs en matière criminelle, telles que soient les condamnations portées par les Sentences, legeres, graves, ou pecuniaires, se relévent immédiatement & directement au Parlement, omisso medio des Baillis Royaux, afin d’éviter par-là un dégré de jurisdiction aux Parties, nonobstant qu’il soit dit par l’Ordonnance criminelle de 1670. qu’il sera au choix & option des Accusez de porter les Appellations dans les accusations pour crimes qui ne meritent pas peine afflictive, ou aux Parlemens ou aux Baillis & Senéchaux Royaux, chacun à leur égard ; cet usage est très sage & utile, parce qu’il va à éviter les longueurs & les frais Le Juge Haut-Justicier ne peut bannir que de l’étenduë de sa haute Justice.

En cas de négligence de la part du Juge Haut-Justicier, la connoissance de crimes commis dans l’etenduë de sa Haute-Iustice, est dévolué au Bailly, & par l’Ordonnance de 1670. art. 9. du Tit. 1. Les Baillis & Senéchaux Royaux, peuvent prévenir les Juges subalternes & non Royaux de leur ressort, si les Juges subalternes n’ont informé & décrété dans les vingt-quatre heures aprés le crime commis.

Les Seigneurs Haut-justiciers sont tenus d’avoir des prisons sûres, & dy gager & entretenir des Geoliers, dont ils seront responsables. Art. 55 de l’Ordonnance d’Orléans.

Le Juge Haut-Justicier n’a pas seulement l’instruction des procés criminels, telle qu’elle soit, il peut encore les juger.

Il peut par sa Sentence condamner le coupable à toutes sortes de peines, à la mort, à la question, au bannissement, aux galeres, au foüet, au carcan & autres peines soit afflictives ou pécuniaires.

Si son jugement porte mort naturelle ou civile, il peut ordonner la confiscation des biens du condamné au profit de qui il appartiendra.

Lorsque le Juge Haut-Justicier prétend que le Juge Royal a entrepris sur sa compétence & jurisdiction, il ne lui est pas permis de prononcer des deffenses ni d’amendes, il doit se pourvoir au Parlement, ou du moins y renvoier les parties pour y faire juger la compétence, Hormis de cas Royaux.

Cas Royaux sont les crimes de leze-Majesté divine ou humaine, port d’armes, Sauvegarde enfreinte, sacrilege avec effraction, rébellion aux Mandemens du Roy ou de ses Officiers, assemblées illicites, seditions, emotions populaires, force publique, fabrication, altération ou exposition de fausse monoye, correction des Officiers du Roi, malversations par eux commises en leurs charges, crime d’héresie, trouble publie fait au service divin, & enlévement des personnes par force & violence, & autres cas expliquez par le ; Ordonnances, Arrêts & Reglemens ; il faut voir là-dessus l’Ordonnance de mil six-cens soixante & dix, au Titre premier, Art. 11.

Le Juge Haut Justicier ne peut faire le procés à un Ecclesiastique, quoique le crime ait été commis dans l’etenduë de sa Haute Justice ; Arrest du Parlement de Roüen, du 30. Avril 1650. il ne peut pas même connoître des contestations civiles des Ecclesiastiques, ni encore moins des affaires Ecclesiastiques, BenefiCiales, de Patronage, présentation, collation de Bénéfices, des contestations. pour dixmes ni de faits arrivez dans une Eglise, soit au civil soit au criminel.

Le Seigneur Haut Justicier ni son Juge ne peuvent étendre le droit de la Haute-Justice au dela des bornes de la concession, ni augmenter le nombre des Officiers de la Haute-Justice, ni en multiplier les dégrez.

ARTICLE


ARTICLE XIV.

I L doit, faire les frais des Procés criminels pour crimes, excès & délits commis au détroit de sa Haute-Justice, & même en cause d’Apel.

Par le principe que quem sequintur commeda, debent sequi & incommoda, & muë par la condamnation de l’accuse il peut y avoir une confiscation au profit du Seigneur Haut-Justicier, le Seigneur Haut-Justicier s’il n’y a point de partie, Civile, est tenu de faire les frais des proces criminels pour crimes & délits commis dans le détroit ou étenduë de sa Haute-justice, non seulement pour l’instruction & jugement définitif rendu en sa justice, mais encore en cause d’appel au Parlement, comme est la translation du prisonnier, même l’exécution du Jugement ; Arrét du Parlement de Roüen, du 34. Janvier 1665, & art. 11 du Reglément de 1666. Mais s’il y a une partie civile, le Seigneur Haut-Justicier n’est tenu de rien, Le Roi est dans le même cas des Seigneurs Haut-Justiciers pour les crimes commis dans son Roiaume ailleurs que dans l’etenduë des justices des Seigneurs, lorsqu’il n’y a point de partie civile.

Il est deffendu à tous Juges tant Royaux que subalternes ou de Seigneurs, de decerner aucune taxe ni exécutoire pour l’instruction & jugement des procés criminels, S’il n’y a partie civile, art. 11 du Réglement de 1666. Hors ce cas gout le procés se fait à le requête des Procureurs du Roy ou des Procureurs Fiscaux, sans que les Juges puissent rien exiger du Roy ou des Receveurs & engagistes de son Domaine, ni des Seigneurs Haut-justiciers, ni de leurs Receveurs directement, ni indirectement.

Le Roi & le Seigneur Haut-justicier, sont tenus chacun en droit soi, d’avancer les frais de la conduite des prisonniers, dont ils auront recours sur la partie civile, & la partie civile en aura recours sur les biens de l’accusé aprés la condamnation ; art. 12, du Réglement de 1666.

Il est permis aux Iuges tant Royaux que subalternes ou Juges des Seigneurs.

Haute justiciers, de décerner des taxes & exécutoires contre la partie civile, Sil y en a une, pour les frais nécessaires à l’instruction du Proces criminel, sans pouvoir néanmoins y comprendre leurs épices, droits & vacations, ni les droits & salaires des Greffiers : mais s’il n’y a point de partie civile, ou qu’elle ne puisse satisfaire aux exécutoires, les Juges peuvent en décerner d’autres contre les Receveurs du Domaine du Roi, ou Engagistes de son Demaine, ou contre les Seigneurs, sauf leur recours contre la partie civile, s’il y en a sart. 17. du Tit. 25 de l’Ordonnance de 1670.

Les accusez prisonniers & condamnez par le premier Juge, doivent être transferez en la Conciergerie du Parlement, & leur procés envoié avec eux ; & il sera délivré aux Messagers, Archers ou autres par le Parlement exécutoire des frais de la transaction & envoi du prisonnier, sur la partie civile, s’il y en a, sinon sur le Domaine du Roi ou contre les Seigneurs ; art. 13. & 14. de t. 2. 26, de l’Ordonnance de 1670.

L’Adjudication de la conduite & translation des Prisonniers, doit être faire l’Audience tenant, en présence du Procureur du Roy & Receveur de son Domaine, ou Engagiste de son Domaine si le Procés a été fait à la requête du Procureur du Roi & sans partie civile par le Juge Royal, & en présence du Procureur Fiscal & Receveur de la Seigneurie, si le Procës a été fait à la requête du Procureur Fiscal par le Iuge Haut-Justicier sans partie civile sil y a à cet égard un Réglement du Parlement de Roüen de 1634.

Chaque Receveur du Domaine du Roi, & chaque Seigneur Haut-Justicier du son Receveur, sont tenus, chacun en droit soi, de faire les frais des Procés criminels commencez ou instruits dans la Justice Royale du Domaine de laquelle il est Receveur ou Engagiste, ou dans la Haute-Iustice du Seigneur, quand même le Procés auroit été renvoyé pour causes pardevant un autre Juge.

Les amendes prononcées par Arrêts du Parlement, appartiennent au Roy, encore que le Haut-Justicier ait fait les frais du Procés. Arrét du Parlement de Normandie du 22 Fevrier 1639.

La Partie civile qui a fait les frais de l’instruction du Procés du condamné par un Juge Royal, en sera remboursé sur les meubles & fruits de la première année du revenu, & le surplus desdits meubles & fruits appartiendra au Roy, sans préjudice de l’hypoteque des créanciers sur lesdits meubles Article XXV. du Reglement de 1666, pourquoi ne pas dire la même chose si l’accusé avoit été condamné par un Juge Haut-justicier, puisque la difference des Juges ne doit point ôter cette prérogative à une Partie civile qui été obligée de suivre la competence du Juge pour punir le crime, & qui a fait pour cela des frais contre le condamné


ARTICLE XV.

L Es Hauts-Justiciers sont tenus demander aux Juges Royaux le renvoi des Causes dont ils prétendent la connoissance leur appartenir, sans qu’ils puissent user de défenses à l’encontre desdits Juges Royaux & des Sujets du Roy.

Suivant cet Article le Juge Haut-justicier est tenu de demander en personne ou par le Procureur Fiscal de sa Justice, ou par un Procureur porteur d’une procuration du Juge ou du Procureur Fiscal, speciale ad hoc, au juge Royal le renvoi des Causes, Procés & contestations dont la connoissance lui appartient, sans qu’il puisse faire des défenses à aucun Sujet du Roi ni aux Iuges Royaux, soit en action réelle, personnelle ou mixte, de plaider devant le Juge Royal ni au Juge Royal de connoître de l’affaire, ni encore moins de prononcer des condamnations d’amende, ou casser & annuller les Sentences du Juge Royal pour distraction de jurisdiction ; la Partie ne peut pas demander elle-même son renvoi, Il n’en est pas de même du Juge Royal, il lui est permis de faire des défense à ses justiciables de plaider pardevant autre Juge que loi ; & aux juges Hautsjusticiers de connoître de la contestation, sans cependant prononcer d’amende contre la Partie qui se seroit pourvuë devant le Juge Haut-justicier, parce que le Roi est la source & le principe de toute jurisdiction, & que les Seigneurs n’ont des Justices que par concession du Rois ce qui fait que le Juge Royal est le Juge naturel de tous les Sujets du Roi ; aussi dans ce cas la Partie peut elle-même demander au Juge Haut-justicier son renvoi devant le Juge Royal ; mais dés que le renvoi est demandé en la manière qu’il doit être demandé, le Juge Royal doit l déferer ou renvoyer les Parties au Parlement pour y faire regler la competence, sans qu’il puisse retenir lui-même la cause, c’est la jurisprudence & l’usage de le Province de Normandie, Le Juge Royal pourroit encore moins se rendre Juge nonobstant la revendication que deux Iuges Hauts-justiciers feroient de la contestation, il seroit obligé de renvoyer les Parties au Parlement pour y être reglées sur le conflit de jurisdiction, autrement il s’exposeroit à une prise à partie & à des dommages & interéts.

Il n’est pas absolument necessaire que la revendication soit demandée par le Juge Haut-justicier ou son Procureur Fiscal en personne, elle peut être demandée par un Procureur fondé d’un pouvoir special ; Arrêt du Parlement de Roüen du premier Février 1619.

Un justiciable d’une Haute-justice, assigné devant un Juge Royal, est tenu de comparoir & défendre au principal jusqu’à ce qu’il soit revendiqué par le Juge Haut-justicier ; car s’il n’est pas reclame, le Juge Royal sera en droit de connoître de la contestation, même de la juger diffinitivement, nonobstant tout déclinatoire qui seroit proposé par le justiciable de la Haute-justice ; au contraire un justiciable d’une justice Royale, assigné devant un Juge Haut-justicier, aprés avoir comparu & fondé, c’est à-dire constitué Procureur sur l’assignation, s’il le juge à propos, peut lui-même demander son renvoi devant le Juge Royal, ou du moins si le Juge Haut-justicier rend une Sentence faute de comparoir, le justiciable du Juge Royal en interjettera appel comme de Juge incompetent, qu’il portera & rélevera directement au Parlement ; car il n’y a que le Parlement qui soit en droit de juger d’appellations comme de Juge incompetent, de deni de renvoi ou de prise à partie.

Il faut encore observer que si la Haute-justice où une Partie a été assignée, n’étoit pas du ressort du Juge Royal ni enclavé dans l’etenduë de la Justice de ce Juge Royal, mais qu’elle relevat d’un autre Bailliage, en ce cas le Juge Haut-justicier ni son Procureur Fiscal ne seroient point obligez de revendiquer la cause, la Partie le pourroit faire, & le Juge ne pourroit se dispenser de déferer au renvoi ainsi demandé, ou du moins renvoyer les Parties au Parlement pour S’y faire regler devant quel Juge on renvoyeroit la contestation ; Arrest du même Parlement du 27 May 1677. la raison est que le Juge Haut-justicier n’est point tenu d’aller dans un Bailliage étranger à sa Justice pour y revendiquer son justiciable, il n’est dans cette obligation que lorsque sa Justice releve du Bailliage oû son justiciable a été assigné.


ARTICLE XVI.

L Es Hauts-Justiciers, soit qu’ils soient ressortissans sans moyen en la Cour ou autres lieux, ne peuvent tenir leurs Plaids & Assises pendant le temps que les Juges Royaux tiennent leurs Plaids & Assises dans les Vicomtez & Sergenteries, aux enclaves desquelles lesdites Justices sont assises ; & se regleront sur le temps de la mession qui sera baillée & déclarée par les anciens Bailliages Royaux.

Cour veut dire ici Parlement.

Sans moyen, c’est-à-dire dont les appellations ressortissent immédiatement au Parlement, & non médiatement, & aprés que le Bailly du ressort aura connu de l’appel.

Les Juges Hauts Justiciers ont droit detenir des Plaids & Assises, c’est-à-dire de certaines audiences extraordinaires qu’on pourroit appeller Grands Jours, comme les juges Royaux ; cet article se sert même outre le terme de Plaids, du mot d’Assises, encore bien que par rapport aux Vicomtes, qui sont des Juges Royaux, la coutume ne le sert que du terme de Plaids ; car à proprement parler les Aisi ses font pour les Baillifs, & ce sont des audiences extraordinaires qu’ils tiennent en certain temps ; ainsi lorsque la Coûtume se sert des mots de Plaids & Assises par rapport aux juges Hauts-Justiciers, ces deux mots sont synonimes, & ne veulent dire que des audiences extraordinaires que les Juges Hauts-justiciers ont droit de donner dans de certaines saisons de l’année, de la même manière que les Vicomtes & les Baillifs le peuvent faire, sçavoir, les Vicomtes les Plaids, & les Baillifs les Assises.

Nul Juge Haut-justicier ne peut tenir ses Plaids ou Assises pendant que le Juge Royal, c’est-à-dire le Vicomte ou le Bailly, tient ses Plaids ou Assises dans l’etenduë des Vicomtez & Sergenteries où sont les Hautes-justices, ou dans l’etenduë du Bailliage où elles ressortissent, & cela par une déference que les Juges Hauts-justiciers doivent avoir pour les Juges Royaux dans le territoire desquels sont les Hautes-justices, ; de sorte que la séance du Juge Royal par rapport à ses Plaids ou ses Assises, fait cesser la seance du Juge Haut-justicier pour les Plaids ou assises : mais si la Haute-justice étoit de plusieurs Vicomtez ou de plusieurs Bailliages, les Juges Hauts-justiciers tiendroient leurs Plaids ou Assises dans la Vicomté ou dans le Bailliage où le Vicomte ou le Bailly ne tiendroit point son audience.

Les appellations des Sentences renduës par des Juges Hauts-justiciers dans le cas de l’Edit des Présidiaux, c’est-à-dire dont la condamnation n’excederoit point la somme de deux cent-cinquante livres, doivent être immédiatement relevées au Parlement & non aux Présidiaux, lorsque la Haute justice releve par appel immédiatement du Parlement, c’est l’usage de Normandie.

Les Juge & Consuls ne peuvent pareillement connoître des Causes & Contestations des Justiciables des Hautes-justices, quoiqu’entre Marchands & pour fait de Marchandise, c’est aux Iuges Hauts-justiciers à en prendre connoissance, c’est encore la jurisprudence du Parlement de Roüen.

En Normandie les Baillifs doivent être presens & en personne au Parlement à l’ouverture du Role de leur Bailliage, sans qu’ils puissent se dispenser de cette comparution que par une exoine ou excuse legitime & en bonne forme ; le Parlement de Roüen a conservé en cela l’ancien usage.

Mession signifie Moisson où recolte, mais ce mot est pris ici pour le terme que l’exercice de la Justice cesse à cause de la moisson ou recolte ; & c’est au Bailly. ou son Lieutenant, sur le requisitoire du Procureur du Roi, à indiquer la mession par l’avis des Juges qui se trouveront à l’audience, privativement & à l’exclusion des Juges Hauts-justiciers, ces Juges subalternes n’ont point cette faculté, il faut qu’ils prennent la mession ou le temps des vacations, tel que le Bailly l’a indiqué & marqué, le Juge-Vicomte est dans la même obligation ; en un mot il n’y a point d’autre temps pour la mession ou vacation tant pour le Vicomte que pour les iuges Haut-Justiciers, que celui qui est ordonné & marqué par le Bailly, & tant que dure le temps de la mession ou des vacations on ne plaide en aucune jurisdiction, soit Royale soit subalterne, à moins que pour les affaires criminelles, ou les affaires civiles provisoires, ou qui requierent celérité,


ARTICLE XVII.

L Es Sergens Royaux ne peuvent faire Exploits dans les Hautes-Justices, sans avoir mandement ou commission du Roy ou des Juges Royaux, dont ils feront apparoir aux Hauts. Justiciers, s’ils en sont requis, sauf pour les dettes du Roy, ou pour cas de Souveraineté, pour crime ou pour chose où il y eût éminent peril.

Les Sergens.

a présent les mots de Sergent & d’Huissier sont la même chose & se confondent ; ce sont à proprement parler Servitores juaetitiae ; il faut voit à cet égard l’Ordonnance de 1667. rit. 2.

Sergens Royaux.

Ces termes nous font entendre qu’il y a de deux fortes de Sergens, les uns sont Royaux, les autres subalternes ou de Seigneurs ; les Sergens Royaux sont immédiatement pourvûs par le Roy, où présentez & nommez par les Sergens Royaux qu’on appelle Sergens Royaux fieffez & héréditaires aux Juges ordinaires pour être reçûs à ces offices ; & les Sergens subalternes sont les Sergens des Justices des Seigneurs, tant Hautes-justices que moyennes & basses.

Ne peuvent faire Exploits dans les Hautes-Justices sans auoir mandemens et commission du Roy où des Juge : Royaux.

De la même manière que les Sergens subalternes ne peuvent exploiter ni faire aucuns Actes de iustice dans l’etenduë des iustices Royale :, de même les Sergens Royaux ne peuvent valablement faire aucuns Exploits ni autres Actes de Justice dans le territoire des Hautes-justices, à moins que les Sergens Royaux n’aient mandement ou commission du Roy ou des juges Royaux, qui leur donne cette faculté, le tout à peine de nullité de leurs Exploits & de tout ce qu’ils feroient, Sils en sont requis, sans qu’ils puissent s’exempter & se dispenser de faire apparoir de leur mandement ou commission du Roi ou des Juges Roiaux aux Juges Hauts-justiciers des qu’ils en seront sommez & interpellez par les Juges HautsJusticiers ; & en cas de refus les Juges Hauts-justiciers peuvent les empécher d’exploiter, sans néanmoins pouvoir les faire arrêter ni interdire, d’ils vouloient passer outre ; mais tant que les Sergens ne seront point requis par les Juges Hauts justiciers de leur exhiber & faire apparoir leur mandement du Roi ou la com mission des Juges Roiaux, il leur sera permis de travailler, & leurs Exploits & Actes de Justices qu’ils auront faits avant cette requisition, seront valables.

Sauf pour dettes du Roi ou pour cas de Souveraineté, pour crime ou pour chose où il y eut êminent peril.

Outre que les Sergens Roiaux peuvent en vertu d’un Mandement ou Commission du Roi ou des Juges Roiaux exploiter dans le territoire d’une Haute Justice, ils ont la même faculté pour les dettes tant ordinaires qu’extraordinaires du Roi, pour cas de Souveraineté, & pour tout ce qui concerne l’interét du Roi, pour crime ou pour chose qui requiereroit celérité & où il y auroit peril éminent, soir par la fuite d’un accusé, soit pour vol & divertissement de meubles & effets mobiliers, soit pour arrêter un malfaicteur pris en flagrant-délit, soit pour empécher que les parties ne viennent aux voies de fait, ou pour autres cas pressans & provisoires, & où il y auroit du peril dans la demeure, encore bien qu’ils n’eussent ni Mandement ni Commission du Roi ni de ses Juges, la qualité des cas pour raison desquels ils exploiteroient, leur servant de tout, & leur donnant tour plein pouvoir pour travailler & exploiter dans l’etenduë d’une Haute Justice.

Un Sergent Roial ne peut pareillement mettre à exécution un Contrat ou Obligation passée sous le scel d’un Haut Justicier, dans le territoire de la Haute Justice ou hors la Haute Justice, sans le Mandement ou Commisssion du Roi ou du Juge Roial ; il ne peut pas même sans ce Mandement ou Commission faire dans l’etenduë d’une Haute Justice un Exploit en Clameur ou Retrait, à peine de nullité de l’Exploit ; Arrest du Parlement de Roüen du 20 Mars 1619.

Il faut que le Mandement ou Commission que le Juge Roial donne à un Sergent pour pouvoir exploiter & instrumenter dans le territoire d’une Haute Justice, soit par écrit & non simplement verbal ; ce Mandement ou Commission ne peur d’ailleurs être general, il doit étre special, & eu égard à l’affaire particuliere où cette formalité est necessaire ; & même les Juges Roiaux ne peuvent donner ces sortes de Mandemens ou Commissions, que pour les affaires qui sont de leur compétence & dont la connoissance leur appartient, par exemple le Vicomte pour les affaires qui sont de sa compétence, & le Bailly pour celles qui sont de la sienne, & non pas indistinctement.

Il n’est pas permis aux Sergens Roiaux d’établir leur domicile dans le territoire d’une Haute Justice, à moins que du consentement des Seigneurs Hauts Justiciers, ou en cas que le Sergent soit né ou marié dans l’etenduë de la Haute Justice ; Arrest du Parlement de Normandie du 33 Ianvier 1653. Il faut dire la même chose des Notaires ou Tabellions Royaux, ils doivent faire leur résidence dans le lieu de leur ressort, & non dans le territoire des Hautes Justices ; Arrest du même Parlement du 1. Janvier 1676.

En Normandie on ne fait point de distinction entre les Hautes Justices des Seigneurs, Ducs, Marquis, Comtes, Barons ou Châtelains, & les Hautes Justices de simples Seigneurs de Fief, elles sont toutes d’un même titre & d’une pareille autorité ; il y en a cependant quelques-unes dont les appellations ressortissent directement & nuement au Parlement, mais elles n’ont pas plus de pouvoir que les autres ; & quant aux justices des Duchez, elles ressortissent toujours à un Parlement.

Il y a des Huissiers ou Sergens Roiaux qui par leurs Charges ont le pouvoir d’exploiter par tout le Roiaume.


ARTICLE XVIII.

L Esdits Hauts Justiciers ne peuvent user d’arrêt ou emprisonnement sur aucuns Officiers ou Sergens Royaux & ordinaires, qui exploiteront dans le district de leurs Hautes Justices, & ne peuvent prendre connoissance des fautes que lesdits Officiers & Sergens Royaux pourroient commettre en faisant l’exercice de leurs Offices en leurs Hautes Justices, mais s’ils vouloient prétendre que lesdits Officiers ou Sergens eussent failli en leurs Exploits, ils se pourroient plaindre au prochain Bailly Royal, qui en fera justice.

Les Officiers Roiaux, tels qu’ils soient, Notaires, Tabellions, Huissiers, Sergens, Greffiers, Juges & autres, ne peuvent être traduits devant les Juges Hauts justiciers pour faits concernans leurs fonctions ; c’est pourquoi les Juges Haut Justiciers ne peuvent faire arrêter ni emprisonner aucun Officier Royal, ni aucun Huissier ou Sergens Royal, pas même les citer ni les ajourner devant eux, pour raison des fonctions de leurs Charges ; ensorte qu’un Huissier ou Sergent Royal on autre Officier Royal trouvé exploitant induëment dans l’etenduë d’une Haute Justice, ne peut être arrété ni emprisonné par le Juge Haut Justicier, pas même par la clameur de Haro ; tout ce que le Juge Haut Justicier pourroit faire, seroit de porter sa plainte au plus prochain Bailly Roial tie la Haure Justice sur cette contravention, pour lui en faire faire raison ; aussi per l’Ordonnance de 1670. art. 1. du Tit. premier, la correction des Officiers Royaux, est un cas Royal, dont la connoissance appartient aux Baillis & Sénéchaux, privativement à tous autres Juges Royaux, à plus forte raison aux Juges Hauts Justiciers ; & tous autres Juges de Seigneurs, tels qu’ils soient, pas même ceux d’un Duché-Pairie.

Il ne seroit pas permis au Juge Haut Justicier, de connoître d’une clameur de Haro faire sur un Officier Royal, tel qu’il soit, au sujet des fonctions de sa charge, cette Clameur de Haro seroit de la seule compétence du Juge Royal ; Arrét du Parlement de Roüen du 28 Février 1677.

Mais si un Officier Royal poursuivi comme personne privée, & pour faits qui ne concerneroient point se Charge ni les fonctions de sa Charge, ne peut décliner la jurisdiction du Juge Haut Justicier, dans l’etenduë de la Justice duquel il est domicilié, ou ses héritages & biens immeubles font situez, ou dans laquelle il a delinqué & commis quelque crime hors les fonctions de la Charge, tout comme une autre personne qui n’auroit point de Charge, son carractere d’Officier Royal lui seroit en ce cas inutile pour pouvoir se soustraire de la jurisdiction du Juge Haut Justicier.

IIy a plus, c’est que si une personne étoit pourvûë de deux Charges, l’une Royale, l’autre subalterne & de Seigneurs, elle pourroit être poursuivie devant le Juge Haut Justicier, pour raison de délits commis dans les fonctions de son Office subalterne ; exemple, un Notaire Royal a pris Bail d’un Notariat ou Tabellionage, ou un Huissier ou Sergent Royal a pris Bail d’une Sergenterie d’un Seigneur Haut Justicier, comme il se pratique assez souvent en Normandie, pour les exercer conjointement, c’est à dire la Charge Royale & la Charge. subalterne ; il arrive que si ce Notaire, ou cet huissier où Sergent délinque dans exercice & les fonctions de la Charge subalterne, il est justiciable pour raison de ce délit du Juge Haut justicier de la Justice duquel il est Officier, & non du Juge Royal ; de la même manière, que s’il avoit fait le délit dans les fonctions de la Charge Royale, ce seroit le Juge Royal, c’est à dire le Bailly Royal, qui seul connostroit du fait ; Arrét du Parlement de Roüen du 10. Février 1657.

Chaque Huissier ou Sergent Royal doit exploiter seulement dans son ressort, sans pouvoir entreprendre sur un autre Sergenterie Royale, & s’il faisoit autrement, il pourroit être arrété par la Clameur de Haro à la requête d’un Sergent Royal, ou du Procureur du Roy, de la Sergenterie dans l’etenduë de laquelle ce Sergent n’avoit ni le pouvoir, ni le caractere d’exploiter ; mais il faut que cela se passe dans une Sergenterie Royale ou autre territoire Royal ; car si ce Sergent Royal exploitoit avec les formalitez & pour les cas qu’il le pourroit faire dans l’etenduë d’une Haute Justice, il ne pourroit pas être arrété ni par la voye de Haro ou autrement, le Sergent ou le Procureur Fiscal de la Haute Justice, n’auroit que l’action pour s’en faire faire raison par le Bailly Royal du ressort.

Les Sergens des Hautes Justices, ne peuvent aussi exploiter hors le territoire de leurs Hautes Justices, à peine de nullité de leurs exploits ; & s’ils étoient trouvez exploitans dans l’etenduë d’une Sergenterie Roiale, ils pourroient être arrétez par la Clameur de Haro à la requête du Sergent de la Sergenterie Roiale, où à la requête du Procureur du Roy ; mais si c’étoit dans une autre Haute Justice que la sienne, il ne pourroit pas être arrété : tout ce que le Sergent ou le Procureur Fiscal de cette Justice pourroit faire, seroit de se pourvoir devant le Bailly où ressortiroit cette Faute Justice, pour lui faire faire des defenses de faire la même chose à l’avenir, & pour le faire condamner en quelque amende.


ARTICLE XIX.

L Es Juges Hauts Justiciers, ressortissans pardevant les Baillis Royaux, doivent comparoir à deux Assises des Bailliages où ils ressortissent, c’est à sçavoir à celles qui se tiennent aprés la Mession, & à Pâques, ausquelles les Ordonnances doivent être luës.

Aux termes de cet Article le Bailly Royal a deux Assises ou grandes Audiences extraordinaires, l’une aprés la Mession, & l’autre aprés Paques ; elles se tiennent de six mois en six mois.

Par les anciennes Ordonnances ces Assises sont appellez Assises Mercuriales à Mercurio, qui portoit & annonçoit les ordres des Dieux, aut à die Mercurii, parce qu’on tenoit & on faisait ordinairement les Mercuriales le Mercredy ; ce sont à proprement parler les Grands Jours du Bailly, dans les Parlemens, il y a aussi les Mercuriales, qui s’y font deux fois l’année, à la Saint Martin d’hyver, & & aprés la Quasimodo.

Les Juges Hauts Justiciers, les Vicomtes Roiaux, leurs Lieutenans, Huissiers, Sergens, Notaires, Tabellions & autres Officiers, tant des Vicomtés que des Hautes Justices, doivent comparoir en personne à ces Assises, pour y entendre les Ordonnances, dont on fait la lecture publiquement par le Greffier en pleine Audience, pour y rénouveller le serment, & pour répondre aux plaintes qui pourroient être faites contre eux au sujet des fonctions de leurs Charges ; les Notaires, Tabellions & Sergens des Vicomtez & Hautes Justices, sont même tenus d’y représenter les Registres des Actes & Exploits par eux passez & faits depuis la dernière Assise, pour être visez & paraphez par le Bailly, en présence du Procureur du Roy, le tout gratuitement & sans salaires : suivant le Réglement de 1666, art. 13. Le Juge Haut Justicier est pareillement en droit de parapher les Registres des Notaires ou Tabellions & des Sergens de son ressort en présence du Procureur Fiscal, aussi sans frais & gratuitement ; c’est aux Assises du Bailly où ressortissent les Vicomtes & les Hautes Justices, où cette comparution doit être faire, soit que le ressort fût acti vel babiti.

Les Juges Présidiaux n’ont pas droit de tenir des Assises ; de plus, il ne leur est pas permis de prononcer d’interdictions contre les Juges de leur ressort, soit qu’il soit Roiaux, soit subalternes.

Les Juges, Sergens, Notaires ou Tabellions d’une Haute Justice ne peuvent exempter de comparoir en personne aux Assises du Bailly, que pour cause de maladie ou autre empéchement légitime, bien & duement justifié par une exoine en forme ; ils ne pourroient pas même s’exempter de cette comparution, sous prêtexte que leur Haute Justice ressortiroit nuement & immédiatement au Parlement.

Ce ne seroit pas assez qu’une partie des Sergens d’une Haute Justice comparût aux Assises, il faut qu’ils y comparoissent tous ; Arrêt du Parlement de Roüen du 18. Novembre 1653. Il en seroit de même de tous les Notaires & Tabellions d’une Haute Justice, & des Sergens & Notaires, ou Tabellions Royaux des Vicomtez Royales, à moins d’excuses legitimes qui pourroient les tirer de cette obligation.


ARTICLE XX.

L Esdits Juges Hauts Justiciers ne peuvent connoître des Lettres de Remission, de Repits, ni des Lettres pour être reçû au Bénéfice de Cession, ni pareillement des causes de crimes de Leze-Majesté, Fausse-Monoye, & autres cas Royaux.

En matière de Lettres Royaux, c’est à dire Lettres qui s’obtiennent en la grande Chancellerie ou grand Sceau, ou aux petites Chancelleries ou petit Sceau, il y en à de deux sortes de Lettres de Rémission, les unes sont Lettres de Grace, les autres sont Lettres de Justice.

Les Lettres de Grace, sont celles qui dépendent de la pure bonté ou liberalité. cu Roi, & que le Roi peut fuser sans faire violence, ni contrevenir au droit commun, telles sont les Lettres de Rémission, Abolition, Pardon, Rappel de Ban, Dons, Dispenses, Priviléges, Concessions, & autres graces selon les circonstances des affaires, tant en matière criminelle qu’en matière civile.

Les Lettres de Justice sont celles qui sont fondées sur le droit commun, & qui portent Mandement de rendre la justice aux Sujets du Roi avec connoissance de cause sur l’enterinement de ces sortes de Lettres ; telles sont les Lettres de Relevement, Rescision ou restitution, de benefice d’âge, d’émancipation, de relief d’appel ou d’anticipation, de compulsoire, de Requête civile & autres Lettres de cette qualité.

Les Lettres Royaux, pour être admis au benéfice de cession de biens ou pour pouvoir par une femme se faire séparer de biens d’avec son mari, ne sont plus en usage en Normandie, non plus que dans les autres Provinces du Royaume ; la simple action ou demande soûtenuë de moyens, est suffisante.

Les Lettres de Grace sont de la seule competence des Juges Royaux pour renterinement d’icelles ; & en Normandie, c’est le Bailly qui en connoit, & non le Vicomte, quoiqu’il soit Juge Royal ; c’est done au Bailly auquel ces Lettres doivent être adressées ; car quant aux Juges Hauts Justiciers, ils ne peuvent pareillement connoître des Lettres Royaux de grace, soit pour l’enterinement, foir pour leur exécution ; mais à l’égard des Lettres Royaux de Justice, les Juges Hauts Justiciers, même les Vicomtes dans les affaires de leur competence & incidemment, en peuvent connoître, tant par rapport à l’enterinement qu’à l’égard de l’exécution de ces Lettres, & l’adresse leur en est faite dans ces cas.

Lettres de Rémission.

Les Lettres de Rémission sont celles qui sont accordées par le Roi pour les homicides involontaires seulement, ou qui sont commis dans la nécessité d’undéfense legitime.

Les Lettres d’Abolition sont celles par lesquelles le Roi abolit un crime qui de soi n’est pas rémissible ; il y a des abolitions particulieres, il y en a de generales pour une communauté ou pour une Province.

Les Lettres de Pardon sont accordées pour les cas où il n’échet point peine de mort, mais il faut cependant avoir recours en ce cas à l’autorité du Prince pour lui demander des Lettres de pardon ; on peut les obtenir aux petites Chancelleries, au lieu que les Lettres de Remission & d’Abolition ne peuvent s’obtenit qu’au grand Sceau.

Les Lettres de Rémission, Abolition ou de Pardon, obtenuës par Gentilshommes, doivent être adressées & portées au Parlement du ressort du lieu où le crime n éte commis art. 12. du tit. 16. de l’Ordonnance de 1670, à moins que le crime n’eut été jugé de la competence des Juges Presidiaux. a l’égard des Lettres de Rémission, d’abolition, ou de pardon, obtenûës par gens de condition roturiere, l’adresse doit en être faite aux Baillis résortissans nuement au Parlement, dans le ressort desquels le crime a été commis, à l’exclusion & privativement aux Baillis. des lieux où il y a Siege Presidial, à moins que le crime n’eût été commis dans le ressort de leur Bailliage ; Declaration du Roy du mois de Fevrier 1703. Il faut voir à cet égard le titre 16. de l’Ordonnance de 1670.

De Répis.

Les Juges Hauts Justiciers ne peuvent pareillement connoître des Lettres d’abolition, pas même de celles de Pardon.

Les Lettres de Répit, sont celles par lesquelles on accorde un délay à un débiteur malheureux & de bonne foy, à l’effet de vaquer à ses affaires, pendant lequel délay le créancier ne pourra exercer contre lui aucune exécution sur ses biens ni de contrainte par corps contre sa personne, du jour de la signification qui en aura été faite au créancier ; art. 3. du Tit. 9. de l’Ordonnance de 1673. Ces Lettres s’obtiennent au grand Sceau.

Or

Or pour pouvoir les obtenir, il faut que le debiteur mette au Greffe de la Jurisdiction un état de lui certifié de tous ses biens & effets tant meubles qu’immeubles, & de ses dettes passives, & qu’il représente aux créanciers ses Livres & Registres dont & dequoi il sera tenu d’attacher le Certificat sous le contre-scel des Lettres de Répit ; art. ibidem ; & si cet état se trouve frauduleux, le débiteur demeure déchû des Lettres de Répit, sans même être recevable à en obtenir d’autres, ni au benéfice de cession, art. 2. ibidem.

Il y a une Déclaration du Roy du mois de Decembre 1699, qui a ajoûté de nouvelles formalitez à l’obtention & enterinement de ces Lettres, afin de mieux arrêter les abus d’un remede qui de soi & dans sa première destination, est innocent & favorable à un débiteur, auquel on ne peut rien réprocher dans on commerce que du malheur.

Si un debiteur faisoit un Contrat d’atermoyement avec ses créanciers, par lequel ils lui donneroient non seulement quelque delay pour payer, mais encore lui seroient quelque remise, il ne faudroit point en ce cas de Lettres Royaux pour faire homologuer ce Contrat, le consentement de tous les créanciers suffiroit, ou le consentement des deux tiers des Créanciers, non pas par rapport aux personnes, mais par rapport aux sommes dûës aux créanciers ; art. S. du tit. 11, de Ordonnance de 1633.

Les Lettres de Repit ne pourront être de plus de cinq ans, art. 4. Tit. 6. de l’Ordonnance de 1680.

Ce titre contient encore d’autres dispositions sur les Repits, on y aura recours dans l’occasion. pendant le temps accordé par les Lettres de Repit, la prescription ne court point contre un créancier.

Ni des Lettres pour être reçû au benefice de cession.

Ces Lettres ne sont plus en usage, on peut être reçû au benefice de cession de biens par une simple demande formée par le débiteur prisonnier & écroüé par ses Créanciers, ou qui pour cet effet s’est rendu volontairement prisonnier.

On appelle benefice de cession de biens, une déclaration qu’un debiteur malheureux fait en prison & par écrit, par laquelle il demande qu’Acte lui soit donné de ce qu’il cede, délaisse & abandonne à ses créanciers tous & un chacun ses biens generalement quelconques & sans en rien reserver, tant meubles qu’immeubles, laquelle déclaration & abandonnement suffisent pour procurer le benefice de cession & la liberté au prisonnier, sans que ce débiteur soit tenu de donner un état de ses effets, biens & dettes actives ni passives à ses créanciers, certifié de lui, parce qu’il leur abandonne tout ce qu’il a.

Quoique la cession de biens soit un benefice de la Loy & une voye de droit pour pouvoir procurer la liberté à un malheureux debiteur, néanmoins il ne faut pas que la justice reçoive aucune atteinte de la trop grande facilité qu’on auroit pour des débiteurs de mauvaise foi, qui quelquefois n’abandonnent leurs biens que pour s’ouvrir un chemin à la fraude & à la tromperie, pourr ne point paver leurs dettes & se conserver clandestinement & secrettement dans leurs biens sans rien débourser ; d’un autre côté, il ne faut pas observer à la rigueur les Ordonnances, les Coûtumes & la Jurisprudence des Arrêts, qui rejettent la cession de biens dans de certains cas ; il est de l’humanité de suivre plûtot les raisons qui animent ces Loix, que les termes dans lesquels elles s’expliquent, aussi toutes les fois qu’on s’aperçoit que la mauvaise fortune oblige le débiteur à venir au triste benefice de la cession de biens, & de ceder à une dure nécessité, la justice lui doit tendre les bras & le recevoir en sa protection.

Il y a néanmoins des cas où des dettes privilegiées pour lesquelles la cession de biens n’a point lieu par exemple un Facteur est exclus de ce benefice contre son commettant ; Arrests du Parlement de Roüen des 6 May 1653. & 8 Juin 1655. Un condamné à une amende pecuniaire, ou à des dommages & interêts, ou interets civils, ou à des dépens en matière criminelle ; Arrests du même Parlement des 16 Ianvier & 2 May 1609. & 26 Ianvier 1668. Le principal obligé contre la caution & fidejusseur ; Arrests du même Parlement des 3 Février 1622. & 11 Decembre 1652. & 29 Avril 1653. Les Bouchers, les Marchands de Poisson & les Boulangers. qui achetent des bestiaux, du poisson ou du bled des Marchands Forains en Foire, Marché ou ailleurs, sans jour ni terme, un Maître de Monnoye condamné à rendre des espèces qu’il avoit deniées à celui qui les lui avoit confiées, les dépositaires de biens de Justice, les tuteurs pour reliquat de leur compte, les stellionataires, ceux qui ont eu le maniement des deniers Roiaus, les Revenderesses à la Toilette, les Marchandes Lingeres & autres Revenderesses publiques, & tous débiteurs frauduleux, un Fermier n’est point pareillement recevable au benefice de cession de biens ; Arrest du même Parlement du S Janvier 1659. ni encore moins si un débiteur est en banqueroute frauduleuse & ouverte, car bien loin de pouvoir jouir de ce benefice, il pourroit être poursuivi criminellement & puni de mort ; Article 2. de Titre 11, de l’Ordonnance de 1673. Un Banquier ou un Agent de Change ne pourroit pas non plus jouir de cette prérogative légale.

Nul ne peut demander à être admis au benefice de cession de biens, qu’il ne soit actuellement prisonnier & écroüé.

Le benefice de cession de biens libere le débiteur de la contrainte par corps. seulement, mais non pour ses biens meubles & immeubles, tant présens que ceux à venir.

La cession de biens n’emporte point note d’infamie, parce qu’elle est volontaire & que c’est un benefice de la Loy ouvert aux malheureux débiteurs pour les racheter de la prison ; cependant on ne peut pas s’empécher de dire que dans ce cas sucgillatur fama, de manière qu’un homme qui auroit fait cession de biens, auroit de la peine à se faire pourvoir d’une Charge de Judicature & à prétendre aux dignitez d’une Compagnie ou Communauté, ou municipales, comme d’Echevin, ou il faut être omni exceptione major.

On ne suit pas aujourd’hui à la rigueur la formalité du Bonnet Verd contre ceux qui ont fait cession de biens, les nouvelles Ordonnances n’en font aucune mention ; on a considéré depuis l’ancienne Jurisprudence qui étoit tres précise à cet égard, qu’il étoit bien dur & bien triste qu’un débiteur malheureux & non coupable, lequel aiant été forcé pour avoir sa liberté d’abandonner tous ses biens à ses Créanciers, fût encore exposé à la risée du peuple par des marques honteuses de son infortune ; d’ailleurs l’experience a fait connoître qu’un Marchand ou Commerçant ou autre débiteur, ne trouvant le remede de la cession de biens dans la vûé de se procurer sa liberté qu’aux dépens de son honneur, aimoit mieux se retirer dans les païs étrangers & chez les Etrangers, que de trainer dans son païs avec douleur les restes d’une vie honteuse, ce qui devenoit un mal general pour le commerce du Royaume, cependant en Normandie on ne s’écarte encore à présent que difficilement de la formalité du Bonnet Verd ; dans les Villes où il y a un Pilory, on y fait faire trois tours à ce débiteur en présence d’un Huissier ou Sergent, dont il est dressé Procés verbal.

Par une Déclaration du Roi du mois de Novembre 1772. toutes cessions & transports sur les biens des Marchands qui font faillite, sont nuls s’ils ne sont faits dix jours au moins avant la faillite publiquement connuë, & les Actes & Obligations passez devant Notaires & les Sentences renduës contr’eux, n’acquereront aucune hypoteque ni privilege sur les créanciers chirographaires, si les Actes & Obligations ne sont passez & les Sentences renduës dix jours avant la faillite publiquement connuë.

Ni pareillement des causes de crimes de Lese-Majesté, soit divine ou humaine, soit au premier chef, soit au second chef Il n’y a que le Bailly Royal qui puisse connoître de ce crime, & non le Juge Haut-Justicier.

Fausse Monnoye, soit fabrication, alteration ou exposition de Fausse Monnoye, circonstances & dépendances.

Les Juges Haut Justiciers ne peuvent prendre connoissance de ce crime, c’est le Bailly.

Il y a cependant les Prevôts des Maréchaux hors l’etenduë des Villes de leur résidence, art. 12. du titre 1. de l’Ordonnance de 1670. & le Prevôt General de la Monnoye qui en peuvent connoître, bien entendu s’ils préviennent les Baillis.

Roiaux ; mais jamais les Juges Hauts Justiciers ne peuvent connoître de ce fait.

Et autres cas Royaux.

Les cas Royaux sont de la seule competence du Bailly, & non du Vicomte ni des Juges Hauts justiciers ; l’Article 11. du tit. 1. de l’Ordonnance de 1670. fait une énumeration des principaux cas Royaux, & nous les avons rapportez sur l’Article 13. de nôtre Coûtume, où nous renvoions pour éviter la répetition qui est toujours ennuyeuse en quelque ouvrage que ce soit.


ARTICLE XXI.

L Es Hauts Justiciers peuvent demander jusqu’à vingt-neuf années d’arrérages de rentes Seigneuriales qui leur sont dûes.

Le mot demander, dont se sert cet Article, est impropre ; car ce ne sont point les Iuges Hauts Justiciers qui demandent les rentes dûës à une Seigneurie, aux rentiers, ce sont les Seigneurs, les Receveurs, Gagepleges ou autres qui sont cette fonction, le devoir des Juges Hauts Justiciers est de connoître des contestations qui peuvent survenir au sujet des rentes Seigneuriales entre le Seigneur & les rentiers.

Cet Article n’entend point non plus parler des rentes constituées à prix d’argent ou rentes hypoteques, dont on ne peut demander que cinq années d’arrerages s’il n’y a des poursuites, ni des rentes foncieres roturieres, comme celles de fieffe ou bail d’héritages, dont on peut demander vingt-neuf années d’arrérages, mais des rentes foncieres seigneuri, les, nobles & féodales, dont on peut pareillement demander vingt-neuf années, lesquelles rentes sont créées par un Seigneur de Fief, qui en alienant son Fief ou partie de son Fief, a retenu une rente ou plusieurs rentes foncieres Seigneuriales, Nobles, perpetuelles & non rachétables, en grain, en volaille, en argent ou en quelques autres espèces ; & ces rentes emportent la directe & les profits de Fief le cas arrivant, & se partagent noblement en la succession du propriétaire soit entre nobles ou entre roturiers : or ces rentes ne peuvent être dûës qu’au domaine du Roy, aux Seigneurs Hauts Justiciers & aux Seigneurs Bas Justiciers, mais avec cette difference que le domaine du Roy & les Seigneurs Hauts Justiciers peuvent demander vingt-neuf années d’arrérages des rentes Seigneuriales, au lieu que les Seigneurs Bas Justiciers n’en peuvent demander que trois années, s’il n’y a compte arrété, obligation, condamnation, ou que par le titre originaire & constitutif de la rente le preneur n’eût obligé & hypotequé tous ses biens présens & à venir à la rente Article 31. de nôtre Coûtume ; ce qui montre que les Seigneurs Hauts Justiciers ont bien plus de prérogatives que les Seigneurs Bas Justiciers.

Il y a encore les rentes emphyteotiques dont on peut demander vingt-neuf années d’arrérages, comme étant réputées réelles & foncieres, quoiqu’elles ne soient qu’à temps, dont la plus longue ne peur être que de quatre-vingt-dix-neuf ans.

La quittance pure & simple & sans réserve, des trois dernieres années des rentes Seigneuriales, met à couvert le détempteur ou rentier de toutes les précedentes années.

Si le détempteur ou rentier n’a point de quittances ou qu’il les ait perduës. ou adhirées, il peut obliger le Seigneur ou son Receveur à représenter les papiers de recette, qu’on nomme ordinairement Papiers Censiers ou Cuellerets, parce que tres-souvent on ne prend point de quittances du payement des arrérages. des rentes Seigneuriales, & on n’en donne point ; on se contente d’en faire mention sur les papiers de recette de la Seigneurie.

Le payement d’une rente ne suffit pas pour faire présumer une rente Seigneuriale, ni un titre de la rente, ni que la rente est dûë, à moins que la rente n’eût été payée pendant quarante ans sans aucune discontinuation, ou qu’il y eût des reconnoissances, déclarations ou aveux de la part des détempteurs & rentiers ; il faudroit dire la même chose des autres rentes.

Si une rente seigneuriale ou autre est payée par un des cobligez ou co-détempteurs, ce payement empèche la prescription dont les autres co-obligez ou co-détempteurs qui n’auroient point payé, voudroient exciper pour se liberer de la rente ; & ces co-obligez ou co-détempteurs qui n’auroient point payé d’arrérages pendant un tems capable de former la prescription, ne seroient pas moins tenus de la rente que le co-obligé, co-débiteur ou co-détempteur qui a payé ; quia factum aeniùs è correris debendi, nocet alteri è correris debendi, Le Juge Haut Justicier ne peut faire l’appréciation des grains qui sont dus pour rentes & redevances féodales à la Seigneurie, cette appréciation ne se peut faire que par le Juge Royal & au Greffe du Juge Royal ; c’est pourquoi lorsque le vassal ou censitaire n’a point payé les rentes Seigneuriales qu’il doit, ilest tenu de les payer sur l’appréciation faire sur un prix commun resultant de l’appréciation du plus haut, médiocre & bas prix de l’année, si mieux n’aime le Seigneur se les faire payer sur le prix qu’elles valoient au temps de l’écheance ; Arrests du Parlement de Roüen des 18 Janvier 1665. & 19 Avril 1669. Cette jurisprudence a coupé pied aux vexations que les Seigneurs ou leurs Réceveurs faisoient à leurs vassaux où censitaires qui n’avoient point payé leurs rentes & redevances seigneuriales dans le temps de leur écheance ; mais il faut payer en espèce l’année d’arrérages dans laquelle la demande a été formée.


ARTICLE XXII.

L Esdits Hauts Justiciers peuvent faire donner treves entre leurs Sujets.

Cet Article n’est pas aujourd’hui d’une grande utilité, il est rare de voir que des Justiciables d’une Haute Iustice demandent Treves à son Iuge Haut Justicier.

Le mot de Treves vient du mot latin Treva ou Treuga, qui signifie securitas que induciae. Guillaume de Poitiers en son histoire de Guillaume le Batard, Duc de Normandie, page 153. dit que c’étoit un serment de paix par la Coûtume de Normandie, Sanctisime in Normania observabitur sacramentum pacis, quam Tretiam vocant s ensorte que dans le sens de cet Article le mot Treves veut dire une assurance particulière que les Parties se donnoient les unes aux autres en présence du Juge, lequel interposoit sur cela son autorité, & ordonnoit que les Parties ne se feroient aucun outrage ni mauvais traitement, à la difference de la sauve-garde qui est une Sentence ou Ordonnance du Juge, par laquelle il met en la main & en la protection du Roy & de la Justice un particulier pour le mettre à couvert des exCes, violences & voies de fait que ce particulier craint de son adversaire.

Les Juges Royaux ne sont pas les seuls qui peuvent donner & accorder Treves, les Juges Hauts Justiciers le peuvent faire pour leurs Justiciables seulement, que cet Article appelle impropremment Sujets ; car il n’y a que le Roy qui ait des sujets, & les Seigneurs de simples vassaux ; & à l’égard des Juges Royaux, ils peuvent donner & accorder Treves indistinctement à tous les Sujets du Roy. qui sont dans leur jurisdiction ou dans l’etenduë des Hautes-justices ; ce qui fait voit que le pouvoir des Juges Royaux est bien plus grand que celui des Juges Hauts Justiciers ; & même il n’y a que les Juges Royaux qui puissent accorder des sauves-gardes, d’autant que ce droit est Royal, & non les Juges Hauts-justiciers ni autres Juges de Justice de Seigneurs, quand même elles ressortiroient nuëment au Parlement, ou que ce fussent des Duchez-Pairies ; car il faut tenir que les Justices des Duchez-Pairies n’ont point d’autres privileges que ceux qui appartiennent aux Hautes Justices, à la réserve que de plein droit toutes les appellations des Sentences renduës aux Duchez-Pairies, se relevent nuément, directement & immédiatement au Parlement, chacun en droit soy, Quant aux Juges Bas Justiciers, ils n’ont pas le même pouvoir que les HautsJusticiers, ils ne peuvent donner ni accorder Treves à qui ce soit, pas même. aux vassaux ou censitaires de la Seigneurie qui a Basse Justice.


ARTICLE XXIII.

L Es Juges Royaux connoissent par tout des Poids & Mesures, & même par prévention aux terres des Hautes Justices.

a proprement parler le droit de Poids & de Mesures est un droit Royal : on dit Pondus regale, Mensura regales ; & c’est au Poids-le-Roy & à la Mesure Royale que caetera Pondera & caetera mensura examinantur & reducentur. Autrefois en Normandie le Poids & la Mesure de la ville d’Arques étoit le Poids & la Mesure de roure la Province ; mais à présent les Poids & Mesures sont differentes suivant les lieux, de sorte que les Seigneurs qui ont droit de Poids & Mesures dans l’etenduë de leurs Seigneuries & Justices, n’ont ce droit que par grace & concesion du Roy.

De Droit commun.

La connoissance des Poids & Mesures, circonstances & dépendances, appartient aux Juges Royaux par tout & en tous lieux, même par prévention aux Juges Hauts justiciers dans l’etenduë des Terres, Seigneuries & Justices des Seigneurs Hauts Justiciers ; mais d’un autre côté les Juges Hauts Justiciers peuvent connoître des Poids & Mesures, circonstances & dépendances dans le territoire de leurs Hautes Justices, & ils ne sont privez de cette competence que par prévention de la part des Juges Royaux.

C’est un crime de faux de vendre ou acheter à faux Poids & à fausse Mesure ce crime mérite peine afflictive ; le fabricateur des faux Poids & des fausses Mesures ne seroit pas moins punissable.

Les Jaugeurs-Visiteurs des Poids & Mesures n’ont pas droit d’entrer dans les maisons des particuliers qui ne sont ni Marchands ni Détailleurs, sous pretexte de visiter les Poids & Mesures qu’ils pourroient avoir Arrest du Parlement de Roüen du 14 May 1610. Il fait droit dire le contraire si c’étoit des Marchands en gros & en détails ; car enfin il faut que cette police soit faite, & il seroit difficile de la faire si les Officiers des Poids & Mesures ou autres qui ont cette inspection, n’avoient pas la faculté d’entrer dans les maisons des Marchands ou Détailleurs, qui à vrai dire son les seuls qui soient sujets à cette visite, Les Tisserans en Toise ne sont point sujets à la visite des Officiers Aulneurs sous prétexte qu’ils vendent aux particuliers la Toile qu’ils font & livrent à l’aulne Arrest du même Parlement du 3 Juillet 16-a.

Nul Marchand ne peut avoir en sa maison que des Poids, Mesures & Aulnes marquées & approuvées, à peine d’amende.

un Meusnier ne doit avoir aucuns Boisseaux de differentes mesures, ni d’autres Boisseaux que ceux de la mesure du lieu où le Moulin est situé, Arrest du même Parlement du ar Janvier 1524.

Il faut suivre les Poids & Mesures du lieu où la vente est faite, à moins qu’il ne soit convenu au contraire entre les parties, ou que le Vendeur n’ait promis de livrer la Marchandise venduë en un certain lieu où le Poids ou la Mesure seroit plus forte ou moindre que dans le lieu où la vente a été faite ; en ce cas il faudroit suivre le Poids ou la Mesure du lieu de la livraison ; cependant en matiere réelle, comme en arpentage de terres, il faut toujours suivre la Mesure du lieu où la terre ou autre chose réelle est située, nonobstant toute convention au contraire, autrement il y auroit de la confusion & des sujets de contestation dans une pareille convention.


ARTICLE XXIV.

L Es Bas Justiciers qui ont droit de Foires & Marchez, peuvent prendre connoissance des Mesures de Boire & de Bled, s’ils les trouvent fausses en leur Fief, avant que la Justice Royale y mette la main.

C’est ici où la Coutume commence à parler des Basses Justices & des Juges Bas Justiciers.

Les Bas Justiciers.

On appelle Bas justiciers les Officiers des Basses Justices & les Juges des hommes du Fief d’un Seigneur, du moins pour la conservation des rentes, redevances & autres droits à lui dûs par ses vassaux ou hommes de son Fief ; cette Justice est une simple Justice fonciere & féodale, La competence des Bas justiciers ne s’étend que sur les differends de peu d’importance entre les vassaux, rentiers ou censitaires du Fief qui a Basse Justice, & principalement pour raison du payement des arrérages des cens, rentes & redevances duës au Fief ; ce qui fait que la Basse Justice est peu de chose, le pouvoir de ces Officiers est tres-borné ; le juge de cette justice s’appelle Senechal, il est reçu par le Bailly du Bailliage Royal où ressortir l’appel des Sentences de cette Justice, ou la Haute Justice immédiate de la Basse Justice.

Qui ont droit de Foires & Marchez.

Il y 2 différence entre Foire & Marché, la Foire ne se tient qu’une ou deux fois l’année, au lieu que le Marché se tient ordinairement chaque semaine.

Il n’y a que le Roy qui ait droit d’accorder les Foires & Marchez ; c’est pourquoi toutes les Foires & Marchez qui sont attachez à une Terre & à une Seigneurie, sont de la seule concession du Roy par des Lettres Patentes du Grand Sceau, bien & dûëment enregistrées au Parlement & autre Cour Souveraine, si besoin est ; mais aussi aprés cette concession & l’enregistrement des Lettres Patentes le droit de Faire ou de Marché est perpetuel & se conserve nonobstant la cessation. de l’exercice de la Foire ou Marché pendant plusieurs années, même de cens sans ; Arrét du Parlement de Roüen du mois de Decembre 1661.

Le Roy peut établir dans les Terres, Fiefs & Seigneuries de son Domaine, des Foires & Marchez, encore qu’ils portent préjudice aux Seigneurs voisins qui ont droit de Foire ou de Marché, parce que le Roy est fondé en pouvoir Royal d’avoir lui seul des Foires ou Marchez dans son Roiaume, & que les Seigneurs qui ont Foire ou Marché, n’ont ce droit que par concession du Roy, Il n’en est pas de même des Foires ou Marchez donr des Seigneurs auroient obtenu droit par concession du Roy pour en faire l’établissement dans leurs Terres & Seigneuries, car si cet établissement portoit préjudice & dommage à un autre Seigneur voisin, comme si cette Foire ou Marché étoit trop proche de la Foire ou Marché d’un autre Seigneur, ou si l’un & l’autre se tenoient le même jour, ce Seigneur voisin seroit en droit de s’opposer à l’enrégistrement des Lettres Patentes portant concession de Foire ou Marché, même à l’Arrest d’enregistrement, d’autant que le Roy en accordant le droit de Foire ou de Marché n’auroit point entendu préjudicier ni faire dommage à autrui Peuvent prendre connoissance des mesures de Boire & de Bled, & non d’autres Mesures, telles quelles soient, ni encore moins des Poids, sinon du Poids du pain qui se vendroit dans la Foire ou dans le Marché, qui est sous entendu sous le mot de Bled, parce que inclusio unius e si exclusio alterius ; & la Coûtume a borné cette competence aux Mesures de la Boisson & du Bled qui se vendent dans la Foire ou dans le Marché attaché à son fief par concession du Roy, Le mot de Boire est un mot generique qui comprend toutes sortes de liqueurs & boissons qui se peuvent vendre dans une Foire ou Marché, comme Cidre, Poiré, Vin, Biere, Eau. de-Vie & autres liqueurs, de la même manière que le terme de Bled comprend toutes sortes de grains, comme Froment, Orge, Avoine, Bleds noirs ou Sarasins, Seigle, Pois, Feves & autres grains.

Mais le Bas Justicier n’a plûs le pouvoir de réformer ou changer les Mesures, non plus que les Juges Hauts Justiciers, pas même les Juges Royaux ; il n’y a que le Roy qui ait droit de faire réformer ou changer les Poids & Mesures dans toute l’étenduë de son Roiaume.

Il n’est pas pareillement permis au Juge Haut Justicier de connoître de la contravention aux Ordonnances & Reglemens sur la vente, achat, livraison, trans-port, autres cas concernans la police des Boissons & des Bleds, arrivez & survenus pendant la Foire ou le Marché.

Vils les trouvent fausses en leur Fief avant que la Justice Royale y mette la main.

Trois choses doivent concourir pour donner aux Juges Bas Justiciers la competence des Mesures des Moissons & des Bleds pendant la tenue de la Foire ou du Marché. 1. Si les Mesures sont fausses, & non autrement, 2,. Si les Mesures fausses sont trouvées dans ou sur le fief qui a droit de Foire ou Marché, & pendant la tenuë de la Foire ou du Marché. 3.. Si le Juge Bas Justicier n’a pas été prévenu par le Juge Royal ; car il est permis au Vicomte Royal ou autre : Juge Royal de faire la police dans les Foires & Marchez des Seigneurs qui sont de leur ressort, par prévention aux Hauts & Pas justiciers.

Le Juge Bas Justicier dans le cas de fausseté des Mesures, des Boissons & des Bleds trouvez dans le Marché ou dans la Foire du Fief, ou hors la Foire ou Marché, mais toujours pendant la Foire ou le Marché, & dans l’etenduë du Fief, & avant d’avoir été prévenu par le Juge Royal, peut non seulement instruire le proces aux accusez, mais encore le Juger diffinitivement jusqu’à Sentence définitive inclusivement, avec assistance ce juges en nombre competent, qui sont de trois, suivant l’Article &. du titre 25. de l’Ordonnance de 1670.

Il est défendu par toutes les Ordonnances & Reglemens de Police de vendre & acheter des Bleds en verd, à peine de nullité des marchez, confiscation des Bleds, & d’amende.

Le Juge Bas Justicier ne peut generalement parlant, exercer sa Jurisdiction que sur le Fief de son Seigneur & non ailleurs, & entre les hommes ou vassaux de ce Fief.


ARTICLE XXV.

O Nt aussi la connoissance du bruit du Marché, c’est à sçavoir s’il intervient quelque bruit audit Marché le Senechal en peut connoître, pourvû qu’il n’y ait sang ni playes, & en lever amende.

Bruit.

Sous ce mot sont entenduës les rixes, querelles, altercations, batteries & differends qui peuvent arriver dans un Marché ou dans une Foire entre les Marchands ou autres.

Du Marché, Les mots de Marché & de Foire ne sont pas synonimes & ne signifient pas la même chose ; le Marché se tient presque routes les semaines de l’année, aù lieu que les Foires se tiennent seulement une ou deux fois par an dans un certain. lieu.

Les jours de Foire sont privilegiez tant pour les Billets & Promesses qui s’y passent pour marchandises, que pour la franchise, immunité & sauf-conduit, car les Marchands allans ou venans à une Foire, ne peuvent être arrêtez ni emprisonnez pour dettes, mais bien pour crimes.

Il n’y a que le Roy qui puisse eriger une Foire ou un Marché, & en donner la concession à un Seigneur du Fief, & ce en vertu de Lettres Patentes au Grand Sceau, & dûëment enregistrées au Parlement, Chambre des Comptes, & ailleurs où besoin sera, comme on l’a ci : dessus remarqué ; & l’enregistrement ne doit être fait qu’apres une information de commodo & incommodo.

Senechal.

En Normandie le mot de Senechal ne se donne plus qu’au principal Juge des Justices des Seigneurs, soit Hautes, Moyennes ou Basses Justices ; il n’y a point de Senechaux Royaux en Normandie.

Dans le cas de cet Article le juge Bas Justicier a une espèce de Jurisdiction criminelle ; cette competence va à connoître de toutes les querelles, rixes, batteries, injures, juremens, vols, larcins & autre s délits commis dans & pendant la Foire ou le Marché du Seigneur, & non hors le Fief, ou hors la Foire ou le Marché, ou apres la Foire ou le Marché ; c’est ainsi que le porre cet Article par ces termes : c’est à sçavoir s’il interuient quelque bruit audit Marché, le Senechal en peut connoître.

Pourvû qu’il n’y ait ni sang ni playes.

Car s’il y a playes où sans répandu, le Juge Bas Justicier ne pourra plus connoître du fait, ce seroit le Juge Royal, c’est-à-dire le Bailly du ressort ; il faut encore ajouter que si le Juge Royal avoit prévenu le Juge Bas Justicier sur le bruit de la Foire ou Marché, ce seroit à lui à en connoître, quand bien même il n’y auroit ni plaie ni sang répandu, Et en lever amende.

L’amende est un fruit de Jurisdiction & non de Fief ; ainsi si un Seigneur de Fief n’avoit point de Jurisdiction ou justice, il ne pourroit prétendre de condamnation d’amende en sa faveur.

Par la Sentence que le Juge Bas Justicier rendra dans le cas de cet Article, il peut non-seulement condamner celui qui a délinqué à des peines pécuniaires, mais encore à d’autres, même afflictives suivant la qualité du fait, en gardant toutefois les formalitez de l’Ordonnance, & étant assisté de Juges Graduëz ennombre suffisant, comme aussi en quelqu’amende envers le Seigneur ; cette amende sera arbitraire & doit être reglée sur les circonstances du fait.

L’amende prononcée pour crime ou delit, peut être executée sur le champ. contre le condamné par emprisonnement de sa personne ; ainsi l’amende qui seroit prononcée par le Juge Bas Justicier dans le cas de cet Article, emporteroit la contrainte par corps, & le condamné pourroit être arrété à l’instant de la prononciation de la Sentence faute de payement.

a l’occasion du même mot d’amende, on peut encore observer qu’il est défendu à tous Officiers tant Royaux que subalternes, d’être Receveurs ou Fermiers des amendes, où de participer directement ou indirectement aux Fermes des amendes ; Ordonnance d’Orléans, art. 81. & Blois, art. 132. Ce fut sur ce fondement qu’un Acte de Societé entre un Procureur du Roy & un Receveur du Domaine du Roy pour raison du Domaine, fut declaré nul par Arrest du Parlement de Roüen du 22 Février 1533, & même le Procureur du Roy fut interdit des fonctions de sa Charge pendant un an, & condamné en 10 liv. d’amende : il faudroit porter la même décision contre un Procureur Fiscal qui s’associeroit avec le Receveur ou Fermier du Seigneur pour raison des droits utiles de la Terre & Seigneurie.

Les Receveurs des amendes sont tenus de poursuivre & faire le recouvrement des amendes dans trois ans, aprés lequel temps ils ne peuvent plus faire de poursuites contre le condamné, & ils sont responsables en leur propre & privé nom des amendes faute de poursuites dans les trois ans.

L’amende en matière criminelle, principalement dans les grands crimes, appartient au Fermier du Domaine du Roy ou du Seigneur, au temps du crime commis, & non à celui qui est le Fermier au temps de la condamnation ; mais dans les matieres du petit criminel ou en matière civile, l’amende appartient au Fermier au temps de la condamnation ; & si une Sentence qui contient une condamnation d’amende est confirmée purement & simplement par Arrest, l’amende appartient au Fermier au jour de la Sentence, & non au Fermier au jour de l’Arrest, par la maxime de droit que qui confirmat, nihil dat.

Il n’y a point d’amende sans condamnation, quand même elle seroit portée par l’Ordonnance ou la Coûtume, il faut que le Juge la prononce & qu’il y condamne celui qui la mérite ; car la peine d’amende n’est point encouruë ipso facto nec ipso jure.

Comme l’Eglise n’a point de territoire, un Official ou autre Juge d’Eglise ne peut en aucun cas condamner en l’amende, pas même un Ecclesiastique, il y auroit abus dans son jugement, il peut seulement condamner en une aumône.

L’amende n’emporte point peine d’infamie en matière civile, mais bien en matière criminelle, de la même manière qu’en matiere civile la condamnation en une aumone est infamante & emporte note d’infamie, mais non en matiere criminelle.

Le Roy n’a hipoteque sur les biens de ses sujets pour le payement des amendes que que du jour du jugement de condamnation à l’amende ; Déclaration du Roy du 13 Iuillet 1700. Il seroit juste d’étendre cette disposition aux amendes prononcées par les Juges subalternes en faveur des Seigneurs dans les cas que ces Officiers peuvent condamner en l’amende.


ARTICLE XXVI.

P Areillement connoissent du Parc brisé & des excès faits à leur Prevôt en faisant ses Exploits.

Connoissent du Parc brisé.

Le mot de Parc vient du mot latin Parcus, qui est, dit M. Ducange en son Glossaire, Locus ad ferarum custodiam, palis, cratibus, muris aut fofsis circonscripTus, mais en Normandie un Pere n’est pas seulement un lieu pour y mettre des bestiaux trouvez & pris en dommage, mais encore les meubles executez faute de payement des rentes & redevances seigneuriales, c’est une espece de prison, ou dépôt public.

Le droit de Parc est un droit féodal & seigneurial ; aussi les Peres ne peuvent être établis que dans l’etenduë du Fief & de la Seigneurie, & les Seigneurs sont obligez d’en avoit.

Prevôt.

Ce mot veut dire ici le Sergent du Seigneur, qui fait payer les cens, rentes & redevances seigneuriales duës à la Seigneurie, & qui contraint & execute les rentiers & redevables en leurs bestiaux ou meubles faute de payement des arrérages des cens, rentes & redevances ; ce Prevôt est élû par les hommes du Fief aux Plaids du Gageplege, où tous les hommes du Fief, censitaires, rentiers & redevables envers la Seigneurie doivent se trouver pour cette élection.

Si quelqu’un retire du Parc les bestiaux & meubles sans la permission du Seigneur ou de ses Officiers, comme sont le Juge de la Justice, son Procureur Fiscal, son Receveur ou son Prevôt, par force, violence, clandestinement ou autrement, il est punissable : c’est une rebellion & une offense faite à Justice, ou du moins un mépris ; & c’est le Juge de la Basse Justice dans l’etenduë de laquelle ce délit a été commis qui en connoit, sans pouvoir néanmoins instruire ni juger le procés extraordinairement ; il doit donner sa Sentence sur le vû du procés verbal dressé du bris du Parc ou des excés faits au Prevôt en faisant ses Exploits ; & aprés avoir entendu les Parties par leur bouche ou par leurs Procureurs, toute la peine qu’il pourra ordonner pour raison de ce, sera une simple amende, qui sera même arbitraire & dépendra des circonstances du fait. Ainsi dans cette occasion il ne faut point faire informer ni interroger l’accusé, ni encore moins faire de récollement ni de confrontation, ni prononcer de peine afflictive ; mais outre la condamnation d’amende, l’accusé pourroit être condamné en des dommages & interêts résultans du tort qu’il auroit fait en brisant ou faisant briser le Parc ou en excedant le Prevôt dans ses fonctions.

Les bestiaux saisis & les meubles executez à la requête du Seigneur sur ses vassaux, rentiers ou censitaires, ute peuvent être transportez dans un autre Parc que celui du Fief, afin que ceux à qui appartiennent les bestiaux les puissent visiter & leur donner à manger, & que les meubles ne souffrent point par le transport qui en seroit fait dans un autre Parc que celui du Fief dans le territoire duquel les bestiaux ont été saisis & les meubles executez.

Et des excës faits à leur Prevôt en faisant ses Exploits.

La competence des exces faits aux Prevôts des Seigneurs en faisant leurs Exploits, appartient aussi au Juge Bas Justicier comme étant un fait qui dépend des droits de la Basse Justice.

Si les exces & maltraitemens faits en la personne des Prevôts méritoient punition corporelle & afflictive, le Iuge Bas Justicier n’en pourroit connoître, encore bien que le fait fût arrivé au Prevôt en faisant les fonctions de la Commission dans l’etenduë de la Basse Justice : ce seroit le Bailly Royal qui en connoitroit ; car il faut que les exces & maltraitemens soient legers pour que le Juge Bas Justicier en puisse prendre connoissance ; il faut en outre que les exces & maltraitemens ayent été faits au Prevôt même en faisant les fonctions de sa Charge. & en exploitant à la requête de son Seigneur de Fief & contre les hommes du Fief ; c’est-à-dire contre les vassaux, rentiers, censitaires & redevables envers la Seigneurie, Les hommes du Fief doivent l’aide & l’assistance aux Prevôts de la Seigneurie, s’ils la reclament, contre les exces & maltraitemens qui leur sont faits en exploitant pour leur Seigneur dans l’etenduë de son Fief, mais non s’ils exploitoient ailleurs pour leurs propres Seigneurs.

Quelques graves que fussent les exces & maltraitemens faits en la personne du Prevot dans les fonctions de sa Charge pour son Seigneur & dans son Fief, ils ne seroient pas suffisans pour faire tomber le vassal, censitaire, rentier & redevable qui se trouveroient dans le cas de cette faute, en commise de Fief ; l’accusé ne pourroit être condamné qu’aux peines tant afflictives que pécuniaires que meferoit le crime, & ce fait grave seroit de la competence du Bailly Royal & non au Juge Bas Justicier.


ARTICLE XXVII.

O Nt pouvoir aussi de mettre prix aux Vins & autres Boissons, & d’avoir les amendes de ceux qui y contreviennent.

Ont pouvoir aussi de mettre prix aux Vins & aux Boissons.

Ces termes se doivent entendre des Vins & Boissons qui se vendent en détail dans les Foires ou dans les Marchez du Seigneur & non ailleurs ; & afin de mettre un juste prix aux vins & boissons, le Juge Bas Justicier doit entendre les Cabaretiers & principaux habitans du lieu, mais il arrive tres-souvent que ce sont les Vendans Vin, Cidre & autres Buissons dans les Foires ou Marchez, qui y mettent eux-mêmes le prix arbitrairement sans que la Justice s’en méle, ainsi la disposition de cet Article est tres-mal observee.

Quoiqu’il ne soit parlé dans cette même disposition que des Vins & Boissons qui sont le Cidre & le Poiré, cependant s’il se vendoit d’autres liqueurs dans la Foire ou Marché, le Bas Justicier seroit en droit d’y mettre le prix comme aux Vin, Cidre & Poiré, même au Pain & à la Viande qui s’y vendroient & s’y débiteroient.

Le Juge Bas Justicier peut en outre faire observer dans la Foire ou Marché les Ordonnances & Reglemens sur les Vivres & Denrées, comme boissons, pain & viande, afin que le tout soit bon, loyal ét marchand, que les boissons ne soient ni aigres ni gâtées, la viande non corrompue, & qu’on n’en mange point en jour prohibé par l’Eglise, que le pain soit de poids & bon, & qu’il ne se commette rien dans la Foire ou Marché que dans l’ordre & sans que le public en reçoive de préjudice ni dommage.

Le prix, qui suivant cette disposition doit être mis sur les Vins & Boissons qui se vendent dans la Foire ou Marché du Seigneur par le Juge Bas Justicier, n’est qu’à l’égard des Marchands, Cabaretiers ou autres qui y vendent en détail & à por, & non à l’égard des personnes qui vendroient en gros du Vin, Cidre ou autres boissons dans la Foire ou Marché.

On ne doit point tenir les Foires ni Marchez les jours de Fêtes ni de Dimanches, Ordonnances d’Orléans, art. 23. 2. 4. & 25. de Blois, art. 38. & de la Déclaration du Roy du ro Décembre 1658. Il est néanmoins d’un usage constant dans la province de Normandie de faire des Assemblées de certains jours de l’année les jours de Fêtes, principalement en Eté, comme du Saint, Patron de la Paroisses ces Assemblées se tiennent ordinairement dans les Cimetieres ou autres endroits du Village, c’est-là où on loué les valets, servantes & domestiques, on y vend Pain, Viande, Poisson, Vin, Cidre, Poiré, Fruits & autres dentées pour vivre, le tout en détail ; on tolère ces sortes d’Assemblées pour la commodité du publie en y trouvant des valets & servantes à choisir.

Et d’avoir les amendes de ceux qui y contreviennent.

Ce terme d’atoir les amendes est impropre ; car ce ne sont point les Juges, soit Royaux soit subalternes, qui profitent des amendes ausquelles ils condamnent les délinquans & contrevenans, elles appartiennent au Roy où aux Seigneurs, chacun en droit soi-


ARTICLE XXVIII.

P Euvent aussi tenir Plaids & Gageplege ; & ont la connoissance des rentes connues entre leurs hommes, & de blâme d’aveux.

Peuvent aussi tenir Plaids & Gageplege.

Le Juge Bas Justicier à non-seulement droit de Plaids, mais encore de Gageplege dans l’etenduë de son Fief & de sa Basse Justice ; & c’est-là où il peut tenir ses Plaids & son Gageplege, & non ailleurs.

Les Plaids du Juge Bas Justicier sont les jours qu’on plaide devant lui dans les affaires qui sont de sa compétence.

Si le Seigneur étoit négligent de faire tenir ses Plaids, son vassal, censitaire & rentier pourroient s’en plaindre au Juge Royal ; mais en ce cas le Juge Royal ne pourroit sous prétexte de cette plainte évoquer les causes qui seroient de la competence du Juge Bas Justicier, il n’y auroit que le Parlement qui auroit ce pou-voir, non pas pour juger les contestations, mais pour les renvoyer devant le Juge Royal, à moins que le Parlement ne jugeant à propos d’évoquer le principal.

Jug.

Gageplege en cet endroit est pris pour une convocation extraordinaire que fait le Juge Bas Justicier dans le territoire du Fief une fois par an pour l’élection d’un Prevôt ou Sergent du Seigneur, au sujet du payement des rentes & redevances dûës à la Seigneurie, des aveux, déclarations & reconnoissances que les vassaux & rentiers doivent passer au Seigneur, & de la comparution des vassaux & rentiers au Gageplege pour y passer leurs déclarations des terres & héritages sujets. aux rentes & redevances dûës à la Seigneurie, & des héritages qu’ils ont acquis depuis leur derniers aveux & déclarations, à quel prix & de qui ils les ont achetez, ou à qui ils les ont vendus, pardevant quel Notaire ou Tabellion les Contrats en ont été passez, & de quelles rentes & redevances ils sont chargez.

L’élection d’un Prevôt ou Sergent de la Seigneurie doit être faite de vive voix, publiquement & aprés avoir par les électeurs prété serment de proceder & faire l’élection d’un Prevôt en leurs ame & conscience.

On ne peut élire qu’un rentier pour Prevôt, & encore faut-il qu’il soit domicilié, demeurant & resséant dans l’etenduë de la Seigneurie ; car s’il demeuroit ailleurs il faudroit qu’il donnât caution de payer les rentes & redevances, resséantes sur le Fief.

On élit un Prevôt pour exercer sa Charge l’année suivante de son élection.

Et ont la connoissance des rentes connuës entre leurs hommes.

Pour que le Juge Bas Justicier puisse prendre connoissance des rentes & redevances dûës à la Seigneurie dont il est Juge Bas Justicier, il faut que deux choses. concourent, l’une que les rentes & redevances soient connues, l’autre que ce soit entre les hommes du Fief auquel ces rentes & redevances sont dûës : or on appelle rentes & redevances connues celles qui ne sont point contestées ni contredites entre le Seigneur & les hommes, vassaux ou rentiers du Fief, ou entre les hommes du Fief, vassaux ou rentiers de la Seigneurie ; le Juge Bas Justicie ne laisseroit pas même de connoître de ces rentes & redevances lorsqu’il s’agiroit seulement du plus ou du moins de ces rentes & redevances, tant par rapport au fends qu’à l’égard de s arrérages, ou pour raison des quittances, ou sur la manière de les payer en argent ou en especes, ou pour le temps auquel elles doivent être payées, ou sur l’opposition qu’un rentier auroit formée à l’execution de ses meubles & autres effets mobiliers, faite à la requête du Prevot faute de payement des arrérages des rentes & redevances où s’il y avoit contestation entre les rentiers pour raison de garantie prétenduë par quelques uns contre les autres, tout cela seroit de la competence du Juge Bas Justicier.

Le Juge Bas Justicier peut en outre connoître de tous le autres droits seigneuriau : & féodaux pour les faire payer, comme reliefs, treizièmes & autres droits de Fief, pourvû toutefois & non autrement qu’ils soient connus, non contestez ni contredits ; Arrest du Parlement de Roüen du 25 Ianvier 1657. Car si le droit soit contesté, soit pour la proprieté, soit pour la possession, ou qu’on soutienne qu’ils ne sont point dus, ou que les terres & héritages pour raison desquels on prétend ces droits ne sont point dans la Seigneurie, directe, mouvance ou censive du Seigneur qui demandent ces droits, le Juge Bas Justicier non-seulement ne connoîtra point du differend, même du consentement des parties, mais encore il sera obligé de renvoyer les parties devant le Juge Royal, qui sera le Bailly. du ressort ; il faut dire la même chose s’il y a contestation sur la liquidation du relief, treizième ou autres droits, ou S’il y a diversité de tenures, tout cela est de la seule competence du Bailly Royal, & non du Bas Justicier.

Le Juge Bas Justicier ne peut jamais ni en aucun cas prendre connoissance des actions personnelles entre le Seigneur & ses vassaux, hommes de Fief, rentiers & censitaires, c’est le Bailly Royal à en connoître ; Arrest du même Parlement du 1 Juillet 1616.

Et de blâme d’aveux.

Quoiqu’il semble que le mot d’Atez ne soit que pour les Fiefs & choses nobles, néamoins dans nôtre Coûtume c’est un terme generique qui s’adopte tant pour le noble d’un Fief que pour les rotures, comme dans cet Article, lequel ne concerne que les rentes & redevances dûës à un fief, pour raison desquelles les vassaux & rentiers doivent des déclarations & reconnoissances au Seigneur ; & sous le terme d’Aveux, ce sont ces déclarations & reconnoissances dont notre Article veut parler ; & c’est au Bas Justicier à qui appartient la connoissance du blâme de ces sortes de reconnoissances, déclarations & aveux : bien entendu, encore un coup, que les rentés & redevances soient connuës & ne soient point en soi contestées ni contredites par les rentiers anu Seigneur, ou entre plusieurs & differens Seigneurs qui prétendroient la tenure & que les rentes étoient dûës à leurs Seigneuries.

Un Seigneur Bas Justicier est en droit de faire un Papier Terrier dans l’etenduë. de son Fief par le ministere de, son juge, sans qu’il ait besoin pour cela d’obtenir des Lettres de Terrier en Chancellerie, & les vassaux, hommes de Fief & rentiers ne pourront se dispenser d’y faire leurs déclarations & reconnoissances à peine d’amende ; il seroit pourtant plus régulier de prendre des Lettres de Papier Terrier pour lever taut obstacle aux rentiers de venir faire leurs déclarations & reconnoissances, les Paisans sont gens mutins & ausquels il faut ôter tout lieu d’incidenter.


ARTICLE XXIX.

L Es Seigneurs peuvent faire prendre leurs Prevôts, Receveurs & Meuniers un mois aprés leur charge expirée, pour leur faire rendre compte, & les retenir prisonniers jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte ou baillé plege de compter : toutefois s’ils n’ont que Basse Justice ils ne les peuvent détenir en leurs prisons que vingt-quatre heures, & aprés sont tenus de les renvoyer ès prisons du Roy ou de la Haute-Justice dont ils dépendent.

Si les Prevôts, Receveurs & les Meuniers des Seigneurs, tant Hauts Justiciers que Bas Justiciers, sont refusans de rendre leur compte à leur Seigneur de leur recette un mois aprés leur charge finie & expirée, ils peuvent être arrêtez & constituez prisonniers à la requête du Seigneur, & ils resteront en prison jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte ou donné caution solvable de compter & payer avec cette difference néanmoins que les Seigneurs Bas Justiciers ne peuvent detenir ces prisonniers plus de vingt quatre heures dans leurs prisons, aprés le-quel temps ils sont obligez de les renvoyer dans les Prisons Royales ou en celles du Seigneur Haut Justicier d’où la Basse Justice releve, au lieu que les Hauts Justiciers peuvent détenir leurs Prevôts, Receveurs ou leurs Meüniers dans leurs Prisons jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte ou donné caution ; ce qui marque que le Seigneur Haut Justicier n encore en ce cas plus de pouvoir que le Seigneur Bas Justicier.

Il n’est pas permis aux Seigneurs de faire ces emprisonnemens de leur autorité privée & sans garder aucune formalité de Justice, il saut une condamnation ou du moins il faut que cela se fasse en vertu de l’Ordonnance de leurs Juges & dans l’étenduë de la Seigneurie ; car hors la Seigneurie il faudroit que la Sentence de condamnation ou l’Ordonnance du Juge subalterne fût accompagnée & soutenue d’un Pareatis du Juge Royal ; car enfin un seigneur n’a qu’une action pour faire condamner son Prevôt-Receveur ou son Meunier à lui rendre compte ; il est vrai qu’il a la contrainte par corps contr’eux, mais encore faudroit-il qu’il y intervint une Sentence ou Ordonnance de condamnation pour pouvoir mettre ces comptables en prison : Cependant il faut demeurer d’accord que les Seigneurs en usent tout autrement, & qu’ils font arrêter & constituer prisonniers leurs Prevôt-Receveur ou leur Meunier par leur Sergent sans Sentence, ni Ordonnance ni figure de proces ; ce qui n’est pas trop régulier, il y a beaucoup d’in-conveniens dans de pareils emprisonnemens ; c’est pourquoi il seroit plus à propos que cela se fit de l’autorité du Iuge, & non par la seule disposition de cet Article, qui à la vérité donne la contrainte par corps, mais il conviendroit qu’elle fût prononcée par le Juge avant de pouvoir emprisonner.

Les Seigneurs, soit Hauts Justiciers, ou Bas Justiciers, ont droit de prison, & ils doivent en avoir ; rout autre particulier n’a point droit de Prison ni de Chartre privée : le droit de Prison est une émanation de la Justice, ainsi les Rois en concedant aux Seigneurs de Fief des Justices sur leurs vassaux & hommes de Fief, ils leur ont accordé par une conséquence nécessaire le droit de Prison au Prevôt sans recette & non comptable, ne peut être condamné par corps. ni être arrété ni constitué prisonnier à la requête du Seigneur, d’autant qu’il n’y a que la recette qui rend le Prevôt comptable & contraignable par corps, tant pour la reddition de son compte que pour le reliquat de son compte ; mais à l’égard du Meunier, il est toujours comptable, soit pour sa recette, foit pour les fermages du Moulin, avec néanmoins cette difference que si le Meunier avoit pris le Moulin à ferme ou loyer, le Seigneur pourroit seulement lui demander à la fin du bail qu’il fût tenu de compter des fermages ou loyers sur la représentation de ses quittances, & même le Meunier qui auroit pris le Moulin à titre de Fermier ou Locataire moyennant une certaine somme de deniers ou en grain par an, ne pourroit être condamné par corps à remplir le prix ou la redevance de son bail, à moins qu’il n’y eût une stipulation de contrainte par corps par le bail, laquelle stipulation est permise pour les baux des heritages, terres & biens de campagne.

Un Prevôt-Receveur ou Meunier comptable envers son Seigneur, n’est pas seulement tenu & par corps de rendre compte de sa recette, mais encore de payer le reliquat de son compte.

Quoiqu’un Ecclesiastique qui seroit homme de Fief & rentier envers la Seigneurie, & domicilié dans l’etenduë de la Seigneurie, ne puissé pas être forcé d’être Prevôt : Receveur à cause de son caractere, néanmoins s’il avoit accepté cette Charge volontairement, il s’exposeroit à la contrainte par corps pour la reddition & le payement du reliquat du compte, parce que par cette acceptation volontaire il auroit agit comme un laic.

Les Seigneurs sont obligez de faire rendre compté aux Prevôts-Receveurs & aux Meuniers comptables dans trois ans du jour de leur Charge finie, aprés lequel temps ils y seroient non recevables ; Arrest du même Parlement du 23 May 1606.

Le Prevôt-Receveur doit faire les deniers bons, des arrérages des rentes & redevances certaines, exigibles & non contestées, contenuës en sa commission ou état que les hommes de Fief lui ont mis és mains lors de son élection ; car s’il justifioit que les rentes & redevances lui ont été contestées par les rentiers ou par d’autres Seigneurs, & qu’il a fait ses diligences, même dénoncé les empéchemens au Seigneur, il seroit décharge à ce égard, de plus si le Prevôt-Receveur étoit devenu insolvable, les hommes de Fief, qui l’auroient élu, seroient responsables en leur nom & chacun personnellement, mais non solidairement, envera de Seigneur.

Sitôt que le Prevôt-Receveur ou le Meünier comptable a presenté & affirmé son compte, ou donné caution de rendre son compte & en payer le reliquat, si aucun y a, le Juge doit le mettre en liberté, sans que le Prevôt-Receveur ou Meünier comptable soit tenu de garder prison pendant l’appurement du compte.

Les Seigneurs sont obligez de fournis des alimens aux Prevots-Receveurs ou Meusniers emprisonnez à leur requête, tant qu’ils seront en prison, même par avance & de mois en mois, sinon le Juge, aprés les Sommations ordinaires faites au Seigneur qui auroit fait faire l’emprisonnement, ne pourroit pas se dispenser de les mettre en liberté, à peine de prise à partie & de tous dépens, dommages & interêts en son propre & privé nom ; car ce seroit un dény de Justice évident.

Les Juges des Hautes Justices & des Basses Justices, ne peuvent être élus Prevôts Receveurs, quand même ils seroient Hommes du Fief ; ils peuvent encore moins être Fermiers ou Receveurs des Seigneurs dont ils sont Officiers.

Le Prevôt-Receveur d’une Seigneurie ne pourroit pas contraindre ni executer les Fermiers du Domaine non fieffé appartenant au Seigneur, ni le Juge du Seigneur connoître de l’opposition qui seroit formée par les Fermiers du Domaine non fieffé à l’execution de leurs meubles & effets, parce que la Charge du Prevôt-Receveur ne s’étend que sur le Domaine fieffé, c’est-a-dire sur les rentiers & redevables envers la Seigneurie.

Le Seigneur peut faire condamner & contraindre, même par corps, le Prevôt-Receveur à vuider ses mains en les siennes à sur & à mesure qu’il a reçû les rentes & redevances, sans qu’il soit tenu d’attendre la fin de la Recette.

Nonobstant que par l’Ordonnance de 1667. art. 34. la contrainte par corps soit abrogée, sinon dans les cas y marqués, néanmoins la contrainte par corps portée par cet article de nôtre Coûtume demeure en son entier.


ARTICLE XXX.

N E peuvent justicier ou prendre namps que sur le Fief, ne poursuivre personnes qui ne tiennent d’eux, s’ils ne les trouvent en leur Fief en present méfait, comme en dommage de leurs bleds, herbages ou autres fruits, où s’ils n’emportent leur panage ou autre chose desdits Seigneurs ; car de ce doivent : ils payer & amender aux Us & Coutumes des Villes, des Marchez, des Foires & des Panages.

Justicier.

Ce mot est un vieux mot Normand, qui veut dire executer.

On dit encore justicier, lorsqu’un condamné au dernier supplice ou à autre peine corporelle ou afflictive, comme le Foüet où le Carcan, va recevoir la punition de son crime par l’execution réelle de son Jugement ; mais dans cet article par le terme justicier, on entend saisir & executer les meubles & autres effets mobiliaires, ou arrêter une personne.

Ne peuvent justicier ou prendre namps que sur leur Fief, ne poursuivre personnes qui ne tiennent d’eux, s’ils ne les trouvent en leur Fief en present méfait, comme en dommage de leurs bleds, herbages & autres fruits ; oi s’ils n’emportent leur panage ou autre chose desdits Seigneurs.

Les Juges Hauts Justiciers ou Bas Justiciers & tous autres Juges subalternes, n’ont aucune jurisdiction hors la Seigneurie & la Justice du Fief, & ne peuvent juger en autre lieu que sur le territoire de leur Justice, encore que ce fût comme en lieu emprunté, ou que les Parties y eussent donné les mains & consentit, à peine de nullité de la Sentence, par la maxime que jus dicenti iextra territoriun impune non pareturi Arrêts du Parlement de Roüen des 18. Novembre 1528. & 16.

May 1538 ; de sorte que les Juges subalternes n’ont jurisdiction que sur leur territoire & dans l’etenduë de leur Justice.

Sur ce principe le Seigneur Haut Justicier ou Bas Justicier ne peut faire saisir & executer des namps, c’est-à-dire des meubles & autres effets mobiliaires, faute de payement des rentes & redevances dûës à la Seigneurie que sur son Fief & dans l’etenduë de son Fief, & non hors le térritoire de sa Seigneurie, il faudroit qu’il prit un Pareatis du Juge Royal où ressortiroit sa Justice ou du Juge du lieu où il voudroit faire faire sa saisie & execution, son Juge ni lui ne peuvent pareillement poursuivre que les personnes qui sont leurs justiciables, ou qui tiennent de la Seigneurie, c’est-à-dire les hommes du Fief & les Rentiers & redevables envers la Seigneurie, à moins que ce ne fussent des personnes trouvées en flagrant délit dans l’etenduë de la Seigneurie, ou en dommage & dégât des bleds, herbages où autres fruits du Seigneur, ou emportant leur panage ou autre chose à lui appartenante ; il n’en est pas de même du Roy, il peut faire saisir & executer par tout pour ses droits ; Arrét du même Parlement du 27 Janvier 1622.

Le mot panage est icy pris pour la glandée ou le gland qui tombe des chesnes dans les Bois & Forêt, du Seigneur.

Car de ce doivent-ils payer & amender aux Ls & Coûtumes des Villes, des Marchez, des Foires & des pavages ; c’est-à-dire que ceux qui ont commis les délits dont il est parlé dans cet article, doivent être condamnez à reparer & payer au Seigneur le dommage suivant qu’il sera arbitré, eu égard à ce qui se pratique en pareil cas dans les Villes, Foires & Marchez, ou suivant la prisée ordinaire dies gros fruits, & en outre en une amende qui sera arbitraire & dépendra du Juge ; Telles personnes que ce soit, hommes de Fief ou par d’autres, qui auroient commis ces sortes de délits, seroient sujetes à ces peines.

Enfin par les termes dont se sert nôtre article oa autres choses desdits Seigneurs, il ne faut pas croire que le Juge Bas Justicier pût connoître du larcin fait des meubles & autres effets du Seigneur, la connoissance de ce crime appartiendroit au Bailly Royal,,


ARTICLE XXXI.

L Es Bas Justiciers ne peuvent demander que trois années d’arrerages. des Rentes Seigneuriales à eux dûës par leurs Sujets, s’il n’y a comptes, obligation ou condamnation, ou qu’il apparoisse de la premiere fieffe par generale hypoteque.

Les Bas Justiciers ne peuvent demander que trois années d’arrerages des Rentes Seigneuriales à eux dûës par leurs Sujets.

Les Rentes Seigneuriales sont les Cens, Rentes & redevances dûës à un Fief & Terre noble, soit en argent, en grain ou autres espèces ; ces Rentes mar-quent la directe Seigneurie, & emportent le droit de Treizième ou autre droit feodal, les cas échéans.

Il y a cette difference entre les Rentes Seigneuriales dûés à un Seigneur Haut Justicier & celles dûës à un Seigneur Bas Justicier, que le Seigneur Haut Justicier peut demander vingt-neuf années d’arrerages de celles qui lui sont dûës, au lieu que le Seigneur Bas Justicier ne peut demander que trois années d’arrerages des rentes dûës à sa Seigneurie.

Ce mot de Sujets dont se sert cet article, veut dire les Hommes du Fief, censitaires & rentiers ; car à proprement parler, il n’y a que le Roy qui ait des Sujets.

L’ainé d’un tenement, qui auroit mal à propos & inconsidérément payé à un Seigneur Bas Justicier plus de trois années d’arrerages d’une Rente Seigneuriale, tant en son acquit & décharge qu’en l’acquit & décharge de ses co-obligez, co-dempteurs, soûtenans ou puisnés, en leur absence, à leur insû & sans leur participation, n’en pourroit repeter que trois années contr’eux ; Arrêt du Parlement de Roüen du 16 Juillet 1654.

Il n’y a que le Seigneur de Fief, qui ait droit de créer & faire des Rentes & redevances Seigneuriales ; & cela se fait en alliennant une portion du Domaine utile du Fief à la charge d’une certaine rente & redevance Seigneuriale.

Quant aux Rentes foncieres, autres que celles qui sont Seigneuriales /w> & dûës à un Seigneur Bas Justicier, on en peut demander vingt-neuf années.

Vil ny àcompte, obligation, oit condamnation, oi qu’il apparoisse de la premiere fieffe par generale hypotheque.

C’est icy une exception à la premiere partie de cet article ; car s’il y a eu un compte entre le Seigneur Bas Justicier & le Rentier touchant les arrerages des rentes Seigneuriales, ou que le Rentier lui en ait fait un arrété, un Billet, une Promesse ou une Obligation, ou que le Seigneur ait fait des poursuites contre le Rentier, où lait fait condamner à lui payer les arrerages de sa rente feodale & seigneuriale, ou que par le Contrat d’alienation ou de fieffe du Domaine utile ou de creation de la rente, le preneur originaire eût obligé & hypotequé generalement tous ses biens presens & à venir, à la rente, outre & par dessus l’héritage fieffé, c’est-àdire pris à rente ; en ce cas il faudroit suivre les titres & piéces, & le Rentier ne pourroit plus opposer que le Seigneur Bas Justicier ne peut demander que trois années d’arrerages de ses rentes Seigneuriales à ses tenanciers.

Lorsqu’on rapporte un titre valable d’une rente, la possession ou perception en peut être prouvée par Témoins pour interrompre la prescription qui seroit alléguée par le redevable.

La clause d’un Contrat portant que le preneur s’est chargé de payer une rente pi autre redevance, si elle est duè, conserve au Preneur, ses heritiers ou ayans Cause, la liberté de contester & contrédire cette rente ou redevance, à moins qu’elle ne soit établie & fondée sur des titres valables, légitimes & incontestables ; Mais d’un autre côté, une clause de cette qualité interromproit la pres-cription, si la rente ou redevance est bien justifiée.

Outre les rentes Seigneuriales, il y a les Champarts & les Corvées.

Le Champart quasi pars campi, est une redevance en bled, grain ou autres fruits qui viennent sur une portion de terre donnée & allienée à fruit de Champart & de cette redevance ; on en peut demander vingt. neuf années.

Le Champart est dû des pommes & poires qui ont crû sur l’heritage sujet au droit de Champart, d’autant que ces fruits ne font pas moins partie du fonds que les grains ; Arrét du même Parlement du 2 Aoüst 1658. ce qui fait voit que le droit de Champart ne consiste pas seulement dans les grains, mais encore dans tous les fruits qui se recueillent sur les terres & héritages sujets au droit de Champart.

Si la rente düé à titre de Champart, est la premiere rente Seigneuriale duë au Fief, & si elle marque la directe Seigneurie, comme étant le premier cens, elle emporte treizième & autres droits Seigneuriaux, les cas arrivans, & elle est imprescriptible par le rédevable, même par cent ans & au delâ, par un non payement ; mais si au contraire cette rente est une rente seconde ou surcens, Elle est prescriptible par quarante ans.

Au nombre des rentes & redevances Seigneuriales, il y a encore les Corvées, quasi corporis opera, qui sont dûës par les hommes du Fief & de la Seigneurie, comme leur ayant été imposées par les Seigneurs de Fief en donnant à titre de fieffe ou autrement une portion du Domaine utile de leur Fief à differens particuliers, qui sont devenus par là leurs vassaux, censitaires, rentiers, redevables & leurs Hommes de Fief.

Il n’y a point de Corvées sans titre special & particulier, sans qu’un Seigneur puisse acquerir un droit de Corvées par la possession, fut-elle plus que centenaire & immemoriale.

Les Corvées n’arréragent point, & on n’en peut demander qu’une année, c’est-à-dire qu’elles doivent être demandées & faites chaque année, sans quoi elles sont réputées faites & acquittées ; Arrét du même Parlement du 21. Fevrier 1597.

Le Seigneur n’est point tenu de fournir la nourriture à ses dépens aux vassaux, hommes de Fief, Censitaires, Rentiers & redevables, en faisant les Cor-vées dont ils sont tenus, c’est à eux à se nourrir à leurs frais, à moins que par les titres primordiaux, aveux ou autres titres, le Seigneur ne s’y sûr expressément obligé : Cependant il se trouve des Seigneurs qui quelquefois veulent bien s’écarter de cette rigueur par le seul motif d’humanité.

L’obligation des Corvées est solidaire contre tous ceux qui les doivent ; par cette raison si une Communauté d’Habitans doit des Corvées, cette obligation est solidaire contre chaque Habitant, en sorte qu’il faut que chaque Habitant s’acquite de son devoir, & le Seigneur peut faire condamner les plus solvables Habitans solidairement à faire les Corvées, comme à payer les rentes & redevances Seigneuriales dont la Communauté d’Habitans est tenue ; Arrét du même Parlement du S. May 1659.


ARTICLE XXXII.

P Euvent lesdits Bas Justiciers connoître de la division des terres quand il est question de la mesure entr’eux & leurs Vassaux pour la vérification de leurs Aveux, & pour le differend des mesures d’entre les Sujets, la connoissance en appartient au Juge Royal ou au Haut Justicier.

Cet article donne encore une autre competence au Juge Bas Justicier, qui est lorsqu’il survient des contestations entre le Seigneur Bas Justicier, d’une part, & ses vassaux, Censitaires, Rentiers & Hommes de Fief, d’autre part, pour raison de la division des terres & héritages, qu’on appelle en Droit actio de agro dividendo, lorsqu’il s’’agit de la mesure & arpentage de ces terres & héritages, comme aussi de la vérification de leurs Aveux ; mais nonobstant cette disposition, ne seroit-il pas plus raisonnable de donner cette connoissance au Juge Royal, puisque l’on sçait par experience qu’un Vassal, Rentier, Censitaire & Homme de Fief, obtient mal-aisément justice contre son Seigneur devant le propre Iuge d’un Seigneur : C’est une réflexion qu’on peut faire ; mais au milieu de cela voilâ un texte de Coutume, qui porte le contraire, ditra lex, sed scripta, il faut la suivre jusqu’à ce qu’il y ait un changement : tout ce que le parlement peut faire, est de restraindre cette disposition dans les occasions autant qu’il sera possible ; car enfin toutes les regles de l’équité resistent à ce qu’un vassal, Homme de Fief, Censitaire ou Rentier plaide contre son Seigneur dans la propre Justice & devant le Juge de son Seigneur ; du moins il conviendroit que le Seigneur ne fût point en son nom Partie, & qu’il ne parût & ne plaidât que sous le nom & à la requête de son Procureur Fiscal ; Cette observation est generale pour tous les Seigneurs, Hauts, Moyens & Bas Justiciers, on laisse aux Iuges à en faire l’application.

Les questions qui peuvent survenir sur la mesure & les arpentages des terres & héritages, sont ordinairement pour sçavoir si la mesure est conforme aux titres, aveux, declarations, à l’effet dequoi on verifie les aveux ou declarations, ou pour connoître si le vassal, l’Homme de Fief ou Tenancier a outrepassé la la mesure du Domaine ou héritage qui lui a été donné par mesure par le Seigneur lors de l’alienation ou fieffe, c’est-à-dire à titre de fieffe où de bail d’heritage, ou s’il s’agit de mesurer & diviser un héritage entre l’ainé d’un Tenement, & ses puisnez ou soûtenans, ou de borner des héritages.

Le Juge Bas Justicier ne pourroit connoître de l’arrachement & remuëment de bornes, soit entre lui & ses Tenanciers, ni entre ses Tenanciers ; ce délit seroit de la competence du Juge Royal, où du Juge Haut Justicier, chacun en droit soy ; & même si le Proces étoit entre le Seigneur Haut Justicier & ses Tenanciers, il seroit juste d’en donner la connoissance au Juge Royal, qui seroit le Bailly, privativement au Juge Haut Justicier de ce Seigneur, à moins que le Proces ne fût intenté & poursuivi au nom & à la requête du Procureur Fiscal du Seigneur Haut Justicier ; car encore un coup, & on le repete, il n’est point juste qu’un Seigneur plaide en son nom & comme Partie dans sa propre Justice & devant son propre Juge.

S’il y a contestation entre les Vassaux, Hommes de Fief & Tenanciers au sujet de la mesure & arpentage lors de la division, mésurage & arpentage de quelques terres & héritages, le Juge Bas Justicier n’en pourra connoître, mais feu-lement le Juge Royal, Bailly ou Vicomte, ou le Juge Haut Justicier, chacun en droit soy.

Comme aussi le Juge Bas Justicier ne pourroit connoître de la contestation qui seroit entre le Seigneur Bas Justicier & ses Vassaux ou Tenanciers, pour raison d’une demande en division ou partage d’héritages, formée par un Seigneur confiscataire ou possesseur à titre de desherence ou bâtardise, avec d’autres personnes qui auroient quelque portion dans les héritages ; par exemple, si ces héritages étoient en commun & non partagez avant la contestation en desherence ou bâtardise ; il en seroit de même s’il s’agissoit de faire la division ou parrage d’héritages acquis par le Seigneur, ou par lui retirez par Clameur ou Retrait feodal ; dans tous ces cas la contestation seroit de la competence du Juge Royal, ou du Juge Haut Justicier, chacun à son égard. Un Arpenteur qui erreroit en la mesure & arpentage de terres & héritages, pourroit être condamné à faire un nouvel arpentage à ses frais & dépens, & aux dommages & interéts, comme ayant fait une faute grossière dans son Art.

La mesure se doit faire suivant l’usage du lieu où les terres & héritages sont situez ; c’est pourquoy lorsque le Seigneur bâme les aveux & declarations à lui fournies par les Vassaux ou Censitaires, & que pour les vérifier il est necessaire de mesurer les terres & héritages employez dans les aveux ou declarations, il faut faire l’arpentage. suivant la mésure & l’usage du lieu où les choses sont situées, par le ministere d’un Arpenteur & gens à ce connoissans.


ARTICLE XXIII.

L Es Juges Bas Justiciers en tenant les Plaids peuvent lever dix-huit sols un denier d’amende où amende échet, & non plus, pour rente non payée & selon la qualité d’icelle, sans préjudice des amendes curiales, des deffauts, blâme d’aveu & autres instances.

Cet article parle de deux sortes d’amendes ausquelles un Juge Bas Justicier peur condamner en tenant ses Plaids, l’une pour deffaut de payement des arrerages d’une rente Seigneuriale dûé au Fief de son Seigneur, l’autre pour deffauts, pour blame d’aveu, & pour toutes causes, Instances ou Procés oû il échet amende, comme faute par le Vassal ou Censitaire d’avoir fait les devoirs & payé les droits Seigneuriaux, irreverences commises en l’Audience, & autres cas legers & de peu de conséquence ; cette dernière sorte d’amende s’appelle amende Curiale, parce qu’elle se prononce par le Juge sedente in curiae & in suo tribunali.

La première amende ne peut être que de dix-huit sols un denier, & non plus ; l’autre est arbitraire.

L’amende faute de payement des arrerages de la rente Seigneuriale, ne se commet qu’une fois, c’est-à-dire que si le Vassal ou Rentier a négligé pendant plusieurs années à payer une rente Seigneuriale à son Seigneur, il ne peut être condamné qu’à une seule amende, à moins qu’il n’y ait eu une condamnation chaque année ; car quoique cette amende soit prononcée par la Coûtume, elle n’est pas pour cela commise de plein droit, il faut qu’elle soit prononcée par le Juge ; Arrét du Parlement de Roüen, du S. Iuillet 352 Cette même amende appartient au Seigneur de Fief, quand bien même le Seigneur n’auroit point de Justice, comme étant duë in vim consuetudines, par exemple, si dans la division & le partage d’un Fief & Seigneurie la Justice a été réservée par les lors à une des portions du Fief & Seigneurie sans en rien laisser à l’autre lot, en ce cas le Seigneur qui auroit la Justice en entier seroit obligé de faire rendre Justice au Seigneur qui auroit partagé avec lui le Fief & la Seigneurie, & cela par une condition expresse du partage ; & même quand la condition ne seroit pas portée par le partage, elle y seroit tacitement sous entenduë ; car il ne seroit pas juste que le Seigneur qui auroit eu dans son lot le justice du Fief, profitât de cette amende dué faute de payement de la rente Seigneuriale, au préjudice du Seigneur qui n’a point de Justice, & à la Seigneurie duquel cette rente est dué, d’autant plus que cette amende étant pour punir le mépris ou la négligence du Vassal ou Censitaire envers son Seigneur, en ne lui payant point sa rente, c’est ce Seigneur qui en doit profiter, quand méme il n’auroit point de Justice dans la portion de son Fief ; mais il n’en est pas de même des autres amendes que nôtre Coûtume appelle dans cet article curiales ; car comme ces amendes sont un fruit de la Justice, elles ne sont dûës qu’au Seigneur qui a Justice & en vertu de Sentences de condamnation de son Juge dans les cas où les amendes peuvent être prononcées, comme pour délit leger, blâme d’aveu & autres affaires où il échet amende.

Il ne seroit pas permis de stipuler dans un Contrat de constitution en rente à prix d’argent ou rente hypotheque, une amende faute de payement des arrérages de la rente au temps de l’écheance, cette stipulation seroit nulle & vicieuse.

Il n’est point besoin d’aucune Sommation ni Interpellation de la part du Seigneur pour constituer son Vassal ou Censitaire en demeure & le rendre sujet. à l’amende faute de payement de la rente dué à son Fief, il suffir que la rente n’ait point été payée pour mettre le Juge Bas Justicier en droit de prononcer la condamnation d’amende au profit du Seigneur ; mais encore un coup, il faut que cette amende soit déclarée par le Juge avoir été encouruë par le Vassal ou Censitaire.

Aprés que les amendes ont été adjugées au Seigneur faute de payement de ses rentes Seigneuriales par son juge, le Greffier de la Justice en fait un Role qui est ensuite mis és mains du Prevot ou Sergent de la Seigneurie, afin de les faire payer au Seigneur à qui elles appartiennent en totalité ; le Juge ni les autres Officiers de la Justice n’ont rien dans ces amendes, & n’y peuvent rien prendre à peine de concussion.


ARTICLE XXXIV.

L E Seigneur doit tenir son Grenier ouvert pour recevoir les rentes en grain, du jour qu’elles lui sont duës ; & ne pourra lever l’amende sinon aprés le jour des Plaids, qu’il sera tenu faire termer un mois aprés le terme échù ; & si le Seigneur refuse de recevoir le grain, le vassal se pourra retirer à la Justice ordinaire pour prendre extrait de la valeur du grain du temps que l’offre de payer a été faite, pour assujettir ledit Seigneur à recevoir le prix de l’évaluation dudit grain ; & seront tenus les Seigneurs d’avoir chacun en leur Seigneurie un étalon de leur mesure jaugé & marqué du Jaugeur Royal, dont le Seigneur & les vassaux conviendront.

Le Seigneur doit tenir son Grenier ouvert pour recevoir les rentes en grain du jour qu’elles lui sont dûës.

Cette disposition fait entendre qu’en Normandie les rentes & redevances seigneuriales en grain, sont de droit portables & non requérables, s’il n’y a titre au contraire, puisque la Coûtume dit dans cet Article que le Seigneur doit tenir son Grenier ouvert pour y recevoir les rentes qui lui sont dûës en grain ; donc à contrario sensu si ces rentes n’étoient pas portables, en vain & inutilement le Seigneur seroit-il astraint de tenir son Grenier ouvert pour les y recevoir.

C’est au iour de l’écheance de s rentes & redevance s en grain, que le Seigneur est dans l’obligation absolué & indispensable de tenir son Grenier ouvert pour y recevoir les rentes & redevances en grain, qui y seront apportées, & non auparavant.

Ce Grenier ne peut être que dans l’etenduë du Fief & de la Seigneurie, car s’il étoit hors le Fief les Vassaux ou Censitaires ne seroient point tenus d’y aller, ni y porter ou faire porter les rentes & redevances seigneuriales en grains ; mais quant aux autres rentes & redevances seigneuriales qui ne sont point en grain, mais en argent, volailles ou autres especes, il faudroit suivre le titre originaire & primordial de la création de la rente & redevance pour savoir s’il y est dit qu’elle sera portable ou requerable, & au défaut du titre, suivre l’usage & la possession ; mais en Normandie toutes les rentes & redevances seigneuriales sont de droit portables s’il n’y a ni titre ou possession au contraire ; parce qu’on présume que les rentes & redevances seigneuriales ont été imposées au vassal ou censitaire pour une marque de superiorité en la personne du Seigneur sur le vassal ou censitaire, & de sujetion, de respect & de réverence en la personne du vassal ou censitaire au Seigneur ; ce qui ne peut mieux être Caracterisé qu’en obligeant un vassal ou censitaire de porter à son seigneur les arrérages des rentes & redevances qu’il doit à son Fief, soit en grain ou autres especes, même en argent, sans attendre que le Seigneur vienne ou envoie les querir : il est plus à propos d’obliger les vassaux ou censitaires de porter ou faire porter ces rentes au Seigneur & en son manoir étant sur le Fief, & à l’égard des rentes & redevances en grain, elles seront portées dans le Grenier du Seigneur.

Et ne pourra lever l’amende sinon aprés le jour des Plaids, qu’il sera tenu de faire termer un mois après le terme échu.

C’est. à-dire que si le vassal ou censitaire ne paye la rente & redevance seigneuriale dans le mois à compter du jour de l’écheance, il pourra être condamné en l’amende de as sols un denier envers le Seigneur par le Juge tenant ses Plaids, qui seront à cet effet fixez & tenus pour tout délay un mois aprés l’écheance de la rente & redevance seigneuriale ; mais avant ce temps-là le Seigneur ne sera point tenu de faire aucunes poursuites contre son vassal ou censitaire, ni lever l’amende, c’est-à-dire faire condamner le rentier en l’amende de la Coûtume.

De plus si le Seigneur n’a point de Grenier ouvert au temps marqué, ou s’il n’a point fait termer, publier & marquer le jour des Plaids pour le payement des rentes & redevances, le Vassal ou Censitaire ne pourra être condamné en l’amende.

Et si le Seigneur refuse de recevoir le grain, le Vassal se pourra retirer à la Justice ordinaire pour prendre extrait de la valeur du grain du temps que l’offre de payer a été faire, pour assujetir ledit Seigneur à recevoir le prix de l’évaluation dudit grain.

C’est donc une décision que si le Seigneur refuse de recevoir les grains qui lui sont offerts par son Vassal ou Censitaire, & que son Vassal ou Censitaire à porté ou fait porter dans le grenier du Seigneur au temps de l’échéance des rentes & redevances Seigneuriales, & dans le délai marqué par la Coûtume, il est permis au Vassal ou Censitaire de se retirer en la Justice ordinaire, c’est-à-dire en la justice Royale, pour y lever un extrait de l’appréciation & valeur des gros fruits au temps des offres qui ont été faites au Seigneur, pour ensuite lui offrir les grains en argent sur le pied de cette appréciation & évaluation ; ce que le Seigneur ne pourra pas refuser si les offres ont été bien faites ; car de telles offres doivent être réelles, par écrit & par un exploit en forme, afin qu’elles soient certaines : elles doivent en outre être faites au Seigneur en son principal manoir de la Seigneurie & en temps convenable, autrement les offres ne seroient pas valables, & non seulement le Vassal ou Censitaire seroit tenu d’offrir au Seigneur les arrerages des rentes & redevances en deniers suivant l’appréciation des gros fruits, & de les payer en grain, mais encore il pourroit être condamné en l’amende ; car dans ce cas le Vassal ou Censitaire est reputé être en demeure, retardement & en faute.

Ces termes Que le Vassal pourra se retirer en la Justice ordinaire pour prendre extrait de la valeur du grain, sont entendre clairement qu’il n’y a que le Juge Royal qui puisse faire d’office l’appréciation & évaluation des gros fruits pour servir de regle dans tout le ressort de sa Jurisdiction ; Arrests du Parlement de Roüen en forme de reglement des 28. May 1619. & 18. Janvier 1665. Ces appréciations se font tant par les Vicomtes que les Baillis, elles sont portées au Greffe : il est encore constant que la Justice ordinaire de tous les Sujets du Roy, est la Justice Royale ; car les Seigneurs n’ont des Justices que de Concession Royale, & ces Justices ne sont, pour ainsi dire, que des Justices empruntées.

Il faut ici remarquer qu’en cas d’offres valables de la parr du Vassal ou Censitaire de payer à son Seigneur les arrerages des rentes & redevances en grain qu’il doit à la Seigneurie, & lesquelles offres ont été mal-à propos & sans cause de Normandie, Tit. I. Art. XXXIV.

légitime refusées par le Seigneur, ces rentes & redevances seront payées en argent sur le pied de l’evaluation des gros fruits au temps des offres ; mais si le Vassal ou Censitaire n’a point payé les rentes & redevances ni fait d’offres valables, il payera les arrerages des rentes & redevances en argent sur le pied de l’évaluation faite sur un prix commun, résultant de l’appretiation generale faite par le juge Royal, du plus haut, médiocre & bas prix de l’année, si mieux n’aime le Seigneur en être payé sur le prix qu’elles valoient au temps de l’échéance ; Arrest du même Parlement du 19. Avril 1687.

Le Seigneur n’est point obligé de recevoir ses rentes & redevances Seigneuriales aprés le temps marqué par la Coûtume qu’en payant par le Vassal ou Censitaire l’amende, bien entendu si elle a été prononcée ; autrement le Seigneur ne pourroit faire que ses reserves par sa quittance de se pourvoir en temps. & lieu, pour faire condamner le Vassal ou Censitaire en l’amende ; car si le Seigneur recevoit le payement de sa rente & redevance purement & simplement, & sans reserve de l’amende encourue, prononcée ou non prononcée, il seroit censé avoir remis l’amende.

Une tierce personne peut offrir au Seigneur une année d’arrerages d’une rente & redevance seigneuriale pour le Vassal ou Censitaire, & ces offres mettroient le Vassal à couvert de l’amende, quoique faires par unc tierce personne & sans procuration, pourvù toutefois & non autrement que de pareilles offres soient accompagnées de toutes les conditions requises & necessaires en pareil cas, & qu’elles ne soient point desavoüées.

Le Vassal ou Censitaire ne peut obliger le Seigneur de recevoir en argent une rente ou redevance qui est en grain ou en autre espèce ; car les tentes & redevances seigneuriales doivent être payées dans l’espèce de leur création ; Arrest du même Parlement du 24 Janvier 1523.

Lorsque la rente est duë simplement en grain sans faire mention de la qualité du grain, elle doit être payée du grain cru sur la terre affectée specialement à la rente & redevance, & le Seigneur ne peut refuser ce grain tel qu’il soit, pourvû qu’il soit bien vané & netoyé, & non pourri & gâté par la faute & malice du Laboureur : mais au cas que l’héritage affecté specialement à la rente & redevance ne pût produire de grain, ou qu’il n’en eût point produit l’année coutante, la rente ou redevance seroit payée en autre grain entre le meilleur & le moindre.

Le mot de Bled n’est pas si generique que le mot de Gruin ; car le mot de grain comprend toutes sortes de grains, aù lieu que dans l’usage de la Province de Normandie sous le terme de Bled, on entend communément du Froment ; il faut en cela suivre l’usage du lieu ; c’est pourquoi le mot de Bled, employé simplement dans un Contrat ou autre Acte, doit être entendu suivant l’usage & la manière du lieu où l’on a contracté.

Et seront tenus lesdits Seigneurs d’avoir chacun en leur Seigneurie un étaion de leur mesure jaugé & marqué du Jaugeur Royal, dont les Seigneurs & leurs Vassaux conviendront.

C’est une obligation à chaque Seigneur d’avoir dans son grenier & dans sa Seigneurie une mesure étalonnée, jaugée & marquée, non pas par son Juge, mais par le Jaugeur Royal, à l’effet de mésurer les rentes & redevances en grain duës à sa Seigneurie ; ces mesures dépendent de l’usage, il y en a de plus grandes & de plus petites ; en Normandie on se sert ordinairement de Boisseaux & demi Boisseaux, dans de certains endroits suivant les titres ou la possession on mesure comble ou ras ; on garde ordinairement au Greffe de la Justice Royale l’étalon des mesures pour y avoir recours dans l’occasion ; en d’autres lieux c’est aux Hôtels de Ville où l’on met l’étalon des mésures, elles sont ordinairement de cuivre, & quelquefois de bois ; c’est sur ces mésures qu’on re-gle toutes les autres, soit pour les grains, soit pour les boissons ; elles doivent être marquées aux Armes du Roy.

Etalonner.

Etaloy du Roy c’est la mesure sur laquelle on étalonne & on marque aux Armes du Roy les autres mésures ; & l’Etalonneur est l’officier qui a droit d’étalon-ner les mesures ; nôtre Coûtume dans cet article appelle cet Officier Jaugeur & Marqueur.


ARTICLE XXXV.

L E Seigneur contre le Vassal, & le Vassal contre le Seigneur, étant en procez à la Cour dudit Seigneur, ne peuvent avoir aucuns depens que les curiaux.

Le Seigneur contre le Vassal, & le Vassal contre le seigneur, étant en procez.

Que le Seigneur soit Demandeur, ou qu’il soit Défendeur contre son Vassal ou Censitaire, ou que le Vassal ou Censitaire soit Demandeur ou Défendeur contre son seigneur dans la propre Justice du Seigneur, l’un & l’autre ne peuvent obtenir autre condamnation de dépens l’un contre l’autre, que les dépens curiaux : il y a plus, c’est qu’un Seigneur qui auroit poursuivi fon Vassal ou Censitaire sur un blame d’aveu devant le Juge Royal au lieu de l’avoir poursuivi en sa Justice, & que la contestation eût été jugée par le Juge Royal, il ne pourroit en cas de condamnation de dépens contre son Vassal ou Censitaire, prétendre que les dépens curiaux, quand même le Vassal ou Censitaire au lieu de de-mander son renvoi, auroit procede volontairement devant le Juge Royal, Arrest du Parlement de Roüen, du 17. Fevrier 1661. & cela attendu la qualité des Parties, a la Cour dudit Seigneur.

La Cour du Seigneur est la Justice du Seigneur ; elle doit se tenir sur le Fief & dans l’etenduë de la Seigneurie, or le lieu ou se tient la Justice & où on plaide, s’appelle Auditoire ou la Jurisdiction.

Ne peuvent avoir aucuns dépens que les curiaux, On appelle dépens curiaux les déboursez de Cour pour le coust des Actes & Expeditions du Greffe, Salaires & Epices du Juge, Honoraires des Avocats & Salaires des Procureurs ; les dépens curiaux sont fixez & bornez-là, sans pouvoir y mettre & y comprendre les voyages des Parties, quoique certains & af-firmez en regle ; mais cela n’a lieu qu’au cas que le Seigneur & le Vassal ou censitaire étant en procez l’un contre l’autre, plaident dans la Justice du Seigneur, & que la contestation soit entre eux pour raison de rentes & redevances seigneuriales, & survenuës aux plaids du Seigneur ; car en autre contestation la condamnation de dépens, qui seroit prononcée contre le Seigneur ou contre le Vassal ou Censitaire, qui auroit succombé, seroit indéfinie, & la partie condamnée payeroit tous les dépens qui tombent suivant contre le témeraire plaideur, sans que l’un ou l’autre pût prétendre n’être tenu que des simples dépens curiaux ou déboursez de Cour ou de Iustice.


ARTICLE XXXVI.

U N forfait de bois, de garennes & d’eaux deffenduës, dégats de bleds ou de prez, ou pour telles manieres de forfaits peuvent être les malfaicteurs tenus & arrêtez par les Seigneurs aux Fiefs desquels ils sont tels forfaits, pourtant qu’ils soient pris en present méfait par le temps de vingt-quatre heures, jusqu’à ce qu’ils ayent baillé plege ou namps de payer le dommage & amende : & ledit temps de vingt-quatre heures passé, doivent renvoyer le Prisonnier és Prisons Royales, ou du Haut Justicier, comme Prison empruntée.

Le Juge Bas Justicier peut faire arrêter & constituer prisonnier dans les Prisons du Seigneur, même faire le Procés jusqu’à Sentence definitive inclusivement dans les vingt-quatre heures aux délinquans & malfaicteurs trouvez sur le Fief & dans le territoire de la Seigneurie en flagrant délit, dommage & dégat de bois, garennes, d’eaux deffenduës, prez bled & autres délits de cette qualité, pourvû neanmoins qu’il n’y ait ni playe, ni sang répandu ; ce qui a lieu, soit que les malfaicteurs soient les Vassaux, Censitaires & Hommes de Fief, & qu’ils soient domiciliez dans l’etenduë du Fief, foit qu’ils soient étrangers du Fief & non Hommes du Fief, ni Vassaux ou Censitaires du Seigneur Bas Justicier, & qu’ils demeurent hors la Seigneurie ; mais aprés les vingt-quatre heures passées, l’Accusé dans tous ces cas doit être transféré dans les Prisons Royales, ou en celles du Seigneur Haut Justicier, l’une ou l’autre comme Prisons empruntées, pour la procedure encommencée être continuée par le Bas Justicier jusqu’à Sentence diffinitive inclusivement ; Voilâ le sens de cet article, voicy les consequences qu’on en peut tirer.

La premiere, que l’Accusé de semblables délits demeurera prisonnier pendant l’instruction du Proces, à moins qu’il ne donne plege, c’est à dire bonne & suffisante caution, de se representer à toute Assignation, & de payer le dommage & l’amende, s’il est ainsi ordonné enfin de cause, ou qu’il ne consigne une somme de deniers, telle qu’elle sera arbitrée par le Juge, ou qu’il ne baille des meubles & effets mobiliaires, que nôtre Coûtume appelie dans cet article, namps, jusqu’à concurrence du dommage & de l’amende à quoi il pourroit être condamné, La seconde, que le délit de bois comprend tous les dégats qui peuvent être faits dans les bois, soit de haute futaye, taillis ou autres, pacages, glandée, abatis, vols & dégradations de bois, dégats faits par les bestiaux dans les hois, & autres délits de cette qualité, où il est permis au Seigneur Bas Justicier de Fief, d’arrêter ou faire arrêter les délinquans ou les bêtes trouvées en dommage ; mais il faut que ce soient des bois du Seigneur, ou du moins de la Communaute des Habitans du lieu, & que ces bois soient situez dans l’etenduë de la Seigneurie ou Fief du Seigneur Bas Justicier, pour que son Juge puisse connoître de ces sortes de délits, autrement ce seroit le Juge Royal, ou du moins le Juge Haut Justicier, qui en connoîtroit ; il faut dire la même chose des Garennes, Eaux, Prez, Herbages & Bleds, le luge Bas Iusticier ne pourroit connoître de tous ces délits qu’aux mêmes conditions des bois, c’est-à-dire que ces sortes de délits n’eussent été commis dans la Garenne, les Eaux, Prez, Herbages & Bles d du Seigneur, & non de Particuliers, Vassaux, Censitaires, Hommes de Fief & autres.

Le forfait de Garennes ne comprend pas seulement le vol des Lapins dans la Garenne du Seigneur avec filets, collets, chiens, levriers, furets, armes à feu ou à coup de baton, mais encore les délits de chasse, commis par les Païsans, vassaux, Censitaires & Hommes de Fief du Seigneur, & dans l’etenduë. du Fief, d’autant plus qu’il est deffendu par les Ordonnances & Reglemens, & notamment par l’Ordonnance des Eaux & Forêts du mois d’Aoust 1669. à toutes personnes de condition roturière, de chasser ni prendre le Gibier sur les terres d’un Seigneur, un vol de Pigeons du colombier du Fief, commis par un Païsan & Homme de Fief, & dans l’etenduë du Fief, seroit encore de la competence du Bas Justicier.

Dans la Province de Normandie il y a peu de Seigneurs qui ayent droit de Garenne, & nul n’y peut avoir Garenne sans la permission du Roy & la Concession du Roy par Lettres Parentes bien & dûëment régistrées au Parlement, apres une information de commodo & incommodo, & les autres formalitez requises & necessaires en pareille rencontre, parce que les Garennes étant à la foule des voisins des Garennes, par le dégoût que les Lapins causent aux bleds, grains & autres produits des terres voisines, il est juste de les restraindre autant qu’il est posssible.

Cependant si un seigneur ayant des terres de son Fief le long du bord de la mer, étoit en possession de plus de quarante ans d’une Garenne, appuyée de quelques titres, on ne pourroit pas lui ôter ce droit de Garenne ; Arrét du Parlement de Roüen, du 5. Aoust 1659.

La troisième, que les Eaux en deffense, & pour lesquelles tous délits sont deffendus & punis par le Juge Bas Justicier, sont les Rivieres, Viviers, Etangs, Ruisseaux, Fontaines, Fossez d’eau, Marêts, Reservoirs & autres Eaux dont la propriété appartient au Seigneur Bas Justicier, ou dans la possession & joüissance desquelles il est, & qui sont dans l’etenduë de son Fief & de sa Seigneurie, & non ailleurs, ou appartenant à autres particuliers.

Au nombre des délits qu’on peut commettre à cet égard, & dont la connoissance appartient au Juge Bas Justicier, il faut encore y mettre les délits de la Pêche dans les susdites eaux & Rivieres, & pour raison desquels il est permis au Seigneur de Fief de faire arrêter les délinquans trouvez péchans & dépeuplens leurs Rivieres, Etangs & autres eaux, de Poissons, & de les faire punir par son Juge, même par rapport aux Fleuves & Rivieres navigables ou autres, ce qui se trouveroit adjacent au Fief du Seigneur, & qui passeroit dans l’étenduë de son Fief, encore bien que de droit commun les Fleuves & Rivieres navigables appartiennent au Roy, & que la pêche dans les Fleuves & Ri-vieres soit un droit Royal.

La quatriéme, que le dégât de bleds renferme tous les dégâts qui peuvent être faits dans toutes sortes de bleds, étant encore sur la terre du Seigneur, soit en tuyau ou siez, comme les délits des prez comprennent ceux qui peuvent être commis dans les herbages, foins & autres herbes étant sur la terre du Seigneur ; les dégâts dans les pommes à cidre, & dans les poires propres à faire du poiré, étant sur les terres du Seigneur, seroient aussi de la competence du Juge Bas Justicier, comme les dégoûts des autres fruits & produits naturels des terres du Seigneur.

Mais il faut convenir que depuis l’Ordonnance de 1669 des Eaux & Forêts, les Juges Bas Justiciers se conserveroient difficilement cette competence dans tous ces cas au préjudice des Juges des Eaux & Forêts, qui sont des Juges Royaux pour tout ce qui regarde les Eaux & Forêts, circonstances & dépendances, à l’exclusion même & privativement à tous autres Juges Royaux ; & dans un conflit entre les Juges Royaux des Eaux & Forêts, & un Juge Bas Justicier, le Juge Bas Justicier nonobstant la disposition de nôtre Article de Coutume, auroit beaucoup de peine à réussir : à l’égard des Juges Hauts Justiciers, ils sont maintenus & conservez par la même Ordonnance à connoître de plusieurs cas touchant les Eaux & Forêts.

La cinquiéme, que dans tous les délits mentionnez dans cet article, le Juge Bas Justicier ne peut condamner le délinquant qu’à des peines pecuniaires, comme dommages & interêts proportionnez au dégât, ou à une amende, & non à aucune peine afflictive & corporelle.

La sixième, que si le délinquant étoit pris en flagrant délit ou dommage sur le Fief du Seigneur Bas Justicier par le Seigneur Haut Justicier suzerain du Bas Justicier, ie Juge Haut Justicier connoitroit du délit privativement au Juge Bas Justicier jusqu’à Sentence définitive inclusivement.

La seprième, qu’en cas que le délinquant ne soit pas pris en present méfait ou flagrant délit, ou qu’il soit pris hors le Fief, neanmoins le Seigneur Bas Justicier ne laisseroit pas de poursuivre l’Accusé extraordinairement, non pas devant son Juge, mais devant le Juge Royal, ou le Juge Haut Justicier, chacun en droit soy.

La huitième & dernière, que dans les cas porez par cét article, le Juge Bas Justicier est tenu de faire le Proces à l’Accusé dans les vingt-quatre heures de l’emprisonnement & écrouë de l’Accusé, sinon & à faute de ce & le temps. de vingt-quatre heures passé, l’Accusé sera transféré dans les Prisons Royales ou en celles du Haut Justicier où ressortit le Bas Justicier, comme Prisons empruntées, & non par droit de Prison sur les Vassaux, Hommes de Fief ou Censitaires du Seigneur Bas justicier en pareils dégâts & délits, pour par le Juge Bas Justicier faire & continuer le Proces à l’Accusé, même le juger, & non par le Juge Royal ou’le Juge Haut Justicier, lesquels en ce cas ne font que prêter leurs Prisons sans pouvoir dépoüiller le Juge Bas Justicier de la Cor noissance de l’affaire.

ARTICLE


ARTICLE XXXVII.

S I un homme est pris en la Jurisdiction basse ou moyenne d’un Seigneur, où Sil est poursuivi d’aucun cas criminel, & il le confesse, si le Bas Justicier peut recouvrer Assistans pour faire le Jugement, il le peut faire dans un jour naturel, qui sont vingt quatre heures, autrement il doit renvoyer pardevant le Juge Royal ou le Haut Justicier.

Il est permis à un Juge de Seigneur Moyen ou Bas Justicier de faire le Proces extraordinairement jusqu’à Sentence diffinitive inclusivement à un Accusé, tel qu’il soit, Homme de Fief, Vassal & Censitaire du Seigneur, ou Etranger de la Seigneurie, dans deux cas ; l’un s’il est pris en flagrant délit dans l’Audience du Juge, ce que cet Article appelle Jurisdiction, c’est-à dire, Judice pro Tribunali sedente ; l’autre, si étant acculé & poursuivi de crime, il confesse son crime, & que le Juge puisse dire, babemus confitentent reum, pourvû que le Juge puisse recouvrer & trouver des Assistans en nombre suffisant pour juger & faire le Jugement, & que le Proces soit fait, parfait & jugé dans vingt’quatre heures, qui est la durée que cet article donne à un jour, autrement le Juge renvoyera l’Accusé devant le Juge Royal, qui est le Bailly, ou devant le Juge Haut Justicier, chacun en droit soy, pour son Procés lui être fait & parfait jusqu’à Sen-tence déffinitive inclusivement ; & dans ces deux cas le Juge Moyen ou Bas Justicier pourra condamner le coupable à des peines corporelles & afflictives, même au dernier supplice, & faire executer le Jugement dans l’etenduë du Fief du Seigneur, bien entendu apres que le Jugement aura été confirmé par un Arrêt du Parlement ; mais à la charge que la fourche patibulaire, ou la potence qui aura été dressée pour l’execution, sera ôtée aprés l’execution, afin que sous le prétexte de ces marques de Justice les Seigneurs Moyens ou Bas Justiciers, ne puissent pas s’attribuer le droit de fourches ou potence, qui n’appartient qu’aux Juges Royaux, & aux Hauts Justiciers ; car les Seigneurs Moyens ou Bas Justiciers n’ont point droit d’avoit fourches patibulaires ni potence sur leurs Fiefs, ni dans l’etenduë de leurs Justices.

Par la maxime que nemo auditur perire volens, la seule déclaration d’un Accusé qu’il est coupable, ne suffiroit pas pour le condamner ; il faudroit en outre des dépositions de Témoins, ou du moins des présomptions juris & de jure, & que le Proces fût instruit par recollement & confrontation, avant de pouvoir le condamner.

La disposition de cet Article n’auroit point lieu si l’Accuse étoit Ecclesiastique ou Noble ; mais elle regarde seulement les personnes de condition roturière, & même elle est fort peu en usage contre un Accusé roturier, d’autant plus qu’il est difficile de faire instruire & juger un Procés extraordinairement par un Juge de Village dans vinst-quatre heures : aussi par l’Ordonnance de 1670, art. 20. du Tit. 1. les Juges Bas Justiciers ne peuvent pas même connoître des inscriptions de faux, quoiqu’incidentes à un Proces pendant pardevant eux, ni de la rebellion commise à l’execution de leurs Jugemens.

Cet article ne marque point quel nombre d’Assistans ou de Juges il falloit pour juger un Proces criminel dans les cas marquez par ce méme Article ; mais de puis l’Ordonnance de 1670 il n’y a plus de difficulté à cet égard ; elle porte art. 10 du titre 25. qu’aux Procés criminels qui seront jugez à la charge de l’appel par les Juges Royaux & ceux des Seigneurs esquels il y aura des Conclusions à peines afflictives, assisteront au moins trois Iuges, lesquels seront Officiers ou Graduez, & qui se transporteront sur le lieu où la Justice s’exerce.

Nôtre Article met un jour naturel dans l’espace de vingt-quatre heures, c’estàdire depuis minuit jusqu’à autre minuit, nonobstant que dans cette espace de temps il y ait de la nuit, dies â mediâ nocte incipit, & sequentis noctis medià nocte finitur ; leg. 8, au dig. de Feriis ; & c’est dans ces vingt-quatre heures qu’un Proces dans les cas proposez doit être fait, parfait & jugé dans vingt-quatre heures.

Ce même Article est le seul endroit de nôtre Coûtume où il est parlé de la moyenne Justice ; aussi ces sortes de Justices sont rares dans toute la Province de Normandie : l’Abbesse de la Trinité de Caën prétend en avoir une dans le Faubourg de Saint Gilles de Caen ; on croit que la Basse Justice étoit celle qu’on appelloit anciennement la Justice des Barons ; il y a à la vérité nombre de Baronies en Normandie, mais elles sont presque toutes décorées de Hautes Justices.


ARTICLE XXXVIII.

L Es Ecclesiastiques & Nobles ont droit de Séances prés & à côté des Juges.

Cette prérogative a été donnée aux Ecclesiastiques, & aux Nobles sur ce qu’autrefois ils étoient appellez par distinction aux Echiquiers qui se tenoient en Normandie, & comme le Parlement tient lieu des Echiquiers, on a conservé cette même prérogative aux Ecclesiastiques & aux Nobles.

Mais encore bien que les Ecclesiastiques & les Nobles ayent droit de Séance pres & à côté des Juges, néanmoins ils ne l’ont pas en la Chambre du Conseil, mais seulement à l’Audience, sans même y préceder les Juges laies, Conseillers, Assesseurs ou autres, ils y prennent place aprés le dernier Conseiller ou Assesseur.

Pour qu’un Ecclesiastique puisse joüir de ce privilege, il faut qu’il soit constitué dans les Ordres fiacrez, un simple Clerc Tonsuré n’auroit pas cette préroga-tive ; & à l’égard d’un Noble, il est necessaire qu’il soit Noble d’extraction ou par dignité ou Charge : les Officiers de la Maison du Roy, qui prennent la quantité d’Ecuyer, ne peuvent s’attribuer ce droit, parce que cette qualité d’Ecuyer est personnel, & ne dure que tant que ces Officiers servent, sans qu’elle passe à leurs enfans, Les Evéques ont droit de Séance au Parlement de Normandie, mais ils n’y peuvent prendre place que du côté des Conseillers laics, parce qu’ils n’ont cette prérogative que par concession du Roy, & comme Conseillers du Roy, laquelle prérogative le Roy a bien voulu attacher à leur dignité d’Evéque, de la même manière que les Ducs & Pairs Ecclesiastiques n’ont droit de Séance au Parlement de Paris, que du côté des Conseillers laies.

L’Echiquier étoit une Cour Souveraine qu’on nommoit Scacarium ou Statarium, qui jugeoit en dernier ressort les affaires de toure la Province de Normandie ; Ce fut Philippe le Bel qui érigea ce Tribunal en 1302. au lieu duquel, & à la supplication des trois Etats de Normandie, le Parlement fut créé par Loüis XII. en 1499. C’est ainsi que du Cange en parle en son Glossaire sur le mot Parlamentum Rotomagense, Parlamentum Rotomagense, dit cet Auteur, ex Seacarie Curia suprema ita nuneupata quod in ea Urbe Statarium edixerat Philippus Puleber anno 1302, Ad petitionem trium Normani. e Ordinum, erectum fuit à Ludovico XII.

Litteris r. Octobris anne 1499. Chopin en son Livre 2. de Domanio, met cette érection en 1500.


ARTICLE XXXIX.

N Ul n’est tenu de répondre de son héritage en moindre temps que de quinzaine en quinzaine ; mais la premiere assignation se peut donner aux prochains plaids, encore qu’il n’y ait quinzaine.

Cet article parle de l’action réelle, c’est-à-dire de l’action intentée pour raison d’un héritage ou autre chose immobiliaire, actio que tenit ad immobile.

Suivant ce même article, le Défendeur en pareille action ou assignation n’étoit tenu de comparoir, se presenter ou fonder, c’est-à-dire constituer Procureur que quinzaine aprés l’assignation donnée & du jour de l’assignation, de dé-fendre à la demande au fonds que quinzaine aprés s’être presenté & constitué Procureur ; à moins que l’assignation n’eût été donnée aux prochains Plaids, comme à jour préfix & certain, ou que le Defendeur n’eût abregé les délais de son consentement, ausquels cas le Défendeur étoit tenu de se presenter sur l’assignation, encore bien qu’il n’y eût pas quinzaine du jour de l’assignation ; & quant aux défenses, elles se regloient sur le pied des délais de l’assignation ; tout cela étoit assez bizare & embarassant ; mais depuis l’Ordonnance de 1667. qui a reglé les delais des assignations, telles qu’elles soient, réelles, mobiliaires ou mixtes, soit pour comparoir ou pour défendre, la disposition de cet article est devenuë inutile, parce que les Coûtumes cedent aux Ordonnances ; c’est au Titre 3. que l’Ordonnance de 1667. à prescrit & marqué les delais des assignations pour la comparution & pour défendre, on y aurâ recours dans l’occasion.


ARTICLE XL.

N UI n’est tenu attendre le quatrième garant sans avoir Jugement ; & le premier ne peut appeller le second sans faillir de garantie ou s’en charger, & ainsi de garant en garant.

Le sens de cet article est qu’un Demandeur originaire n’est point tenu d’attendre que le Défendeur à la demande originaire, ou autre Défendeur, ait mis en cause un quatrième garant pour avoir jugement sur sa demande, parce que ce circuit de demandes seroit trop long, & conduiroit le Demandeur originaire dans des delais trop longs, & qui le mettroit hors d’état de pouvoir sortir d’affaire ; sauf neanmoins à celui qui prétend avoir un quatrième garant, à se pourvoir ainsi qu’il avisera bon être pour raison de sa prétention en garantie ; comme aussi le premier garant ne peut appeller ni faire assigner un second garant, le second un troisième, ainsi des autres, à moins qu’il ne se charge du fait du Demandeur en garantie, ou qu’il ne manque de garantie, & cela afin d’éviter la multiplicité des frais qui seroient faits si tous les garants étoient mis en cause, joint que le Demandeur originaire ne pourroit que tres-difficilement faire statuer sur sa demande.

Mais l’Ordonnance de 1667. au Tit. 8. a fait cesser toutes ces difficultez, en marquant quels sont les delais pour appeller garant, & expliquant toutes les formalitez qui doivent être observées sur les demandes en garantie ; c’est la Loy qu’il faut à present suivre sur cela, comme étant la Loy Superieure à la Coutume, & la derniere Loy, qui porte même toute dérogation à toutes Coûtumes qui se trouveroient contraires à l’Ordonnance.

Il y a de deux sortes de garantie, l’une simple, l’autre formelle ; la garantie simple est pour raison de toutes matieres autres que les réelles ou hypotequaires, la garantie formelle est pour toutes les matieres réelles ou hypotequaires ; Art. 2. du Tit. S. de l’Ordonnance de 1687.

Ceux qui sont assignez en garantie formelle ou simple, sont tenus de proceder dans la Jurisdiction où la demande originaire est pendante, encore qu’ils dénient être garants, si ce n’est que le garant soit privilegié par droit de Committimus, & qu’il ne fasse renvoyer la demande en vertu de ses Lettres de Com-mittimus par devant le Juge de son Privilege, ou qu’il ne la fasse évoquer sur le fondement de litispendance pour le même fait, à moins qu’il ne parût par écrit ou par évidence que la demande originaire n’eût été formée que pour traduire le garant hors de sa Jurisdiction ; en ce cas les Juges sont obligez de renvoyer la cause & les Parties pardevant les Juges qui en doivent connoître. Art. 8. dis Tit. S. de l’Ordonnance de 1687.

Les Jugemens rendus contre les garants sont executoires contre les garantis, sauf pour les dépens, dommages & interests, dont la liquidation & execution ne sera faite que contre les garants, Art. 11. ibidem ; & même les dépens contre le garant ne seront dûs que du jour qu’il a été mis en cause ; Art. 14. abidem.

En Normandie quiconque vend ou cede un héritage, une rente ou autre immeuble, ou une dette active, est tenu par son seul Contrat garantir, fournir & faire valoir l’héritage, la rente & autre immeuble vendu ou la cette active cedée, même rendre le prix & payer la rente en son propre & privé nom, si le Débiteur étoit devenu insolvable sans le fait de l’acquereur, & que ses biens eussent été discutez, quand bien même la clause de garantir, fournir & faire valoir ne seroit pas dans le Contrat ; car on tient en cette Province que garantir un heritage, une rente où autre immeuble, ou tene dette, c’ests obliger à faire valoir la chose borne dans tous ses effets ; & on présume qu’il seroit inutile de garantir un héritage si on n’en pouvoit pas joüir du chef du Vendeur, ou ce garantir une rente & qu’elle est duë si cette promesse n’emportoit pas l’obligation que la rente est bonne, exigible & perceptible, ou de la garantir dette si elle n’étoit pas bonne, sans s’arrêter aux distinctions t qui se pratiquent dans la plûpart des autres Provinces du Royaume ) de garantie simple & de droit, c’est-à-dire avec garantie seulement que l’héritage la rente, ou autre, immeuble vendu & cedé, nous appartient, Gu : I. bien que la dette que nous cedons, d’avec la clause de garantir, fournir e faire valoir. En Normandie il faut une renonciation expresse & formelle à toute garantie, telle qu’elle soit, faite par l’Acquereur ou Cessionnaire contre le vendeur ou cedant, pour pouvoir mettre le vendeur ou cedant à couvert du recours de garantie contre lui, du côté de l’Acquereur ou Cessionnaire.

Si néanmoins l’Acquereur ou Cessionnaire d’une rente n’avoit point appellé le vendeur ou cedant à la discussion des biens du débiteur de la rente, ou si avant l’adjudication des biens du débiteur, il n’avoit point sommé & interpellé le vendeur ou cedant d’encherir les héritages à si haut prix qu’il pût être porté, c’est-àdire, colloqué & mis en ordre utilement sur le prix des héritages ou autres immeubles vendus & adjugez par decret, le vendeur ou cedant de la rente demeureroit déchargé de la garantie, nonobstant la garantie de droit qui étoit acquise à l’Acquereur ou Cessionnaire de fournit, faire valoir & payer au cas que le Débiteur devint insolvable, & aprés la discussion faite de ses biens.

Il n’en est pas de même dans les actions redhibitoires, la distinction de droit & de fait y à lieu, ainsi celui qui vend un cheval ou quelqu’autre bête, est toûjours garant de droit que la chose lui appartient, mais il n’est pas garant de fait, c’est-à dire que le cheval ou autre animal est bon ; le vendeur n’est pas tenu des vices & défauts apparens que l’acheteur peut remarquer, parce que c’est à lui à y prendre garde & à le bien visiter avant de l’acheter, à moins qu’il n’y eût du col & de la fraude dans la vente de la part du vendeur, ou que le cheval ou autre animal n’eût de certains vices cachez, comme la pousse, morvé, courbature, courbe ou tie, par rapport aux chevaux, qui donnent lieu de plein droit à l’action ou demande redhibitoire, quoiqu’il n’y ait eû aucune stipulation de garan-tie : Or l’action redhibitoire pour les chevaux dure en Normandie quarante jours, & pour les vaches, moutons & cochons, elle est de neuf jours, aprés lequel temps l’acheteur n’est plus recevable en son action.

Il n’y a point de garantie en troc de chevaux ou autres animaux.

Nul n’est garant des faits du Prince ni des évictions legales, à moins qu’il n’y eût par le Contrat ou Acte une stipulation & clause expresse & formelle au contraire, laquelle clause seroit licite & valable.

Celui pour lequel on s’est chargé de garantie, ne peut être condamné aux dépens des procedures faites depuis qu’il a été envoyé hors de cause, s’il n’y a eu protestation de le faire répondre des dépens lorsqu’il a été mis hors cause Art. 15. du Reglement de 1666.

Ce n’est que dans le cas de la garantie formelle, que le garanti peut demander qu’en consequence de ce qu’on a pris son fait & cause, il soit mis hors de cause ; mais en garantie simple il en est autrement, le garant doit toûjours rester en cause, nonobstant qu’il air déclaré qu’il prenoir le fait & cause du garant.

Le propriétaire de la Sergenterie est garant des cautions reçûës par ceux qu’il a commis pour l’exercice de la Sergenterie ; encore que par le bail, commission ou acte de reception, il soit porté qu’ils ne pourront recevoir aucune caution, dont il sera néanmoins quitte en abandonnant la Sergenterie ; art. 16. du Reglement de 1666.

La condition apposée à un Contrat de vente d’héritage, que l’Acquereur seroit tenu de payer & acquiter routes les rentes & redevances, n’est point ca-pable d’exempter le vendeur de la demande en garantie, formée contre lui par l’acquereur pour raison d’une ainesse dont l’heritier étoit chargé, & laquelle n’avoit point été exprimée par le Contrat de vente, & pour laquelle l’ac-quereur étoit inquieté ; ensorte que le vendeur est tenu de garantir l’acquereur de cette ainesse, à peine de tous dépens, dommages & interests ; Arrest du Parlement de Roüen du 18 Aoust 1662.


ARTICLE XLI.

T Ous les Ecclesiastiques possedans Fiefs Nobles par aumône, ont l’exercice de la Justice & tous les autres droits appartenans à leurs Fiefs, par les mains de leurs Juges Senéchaux ou Baillis.

Tous les Ecclesiastiques.

C’est ce qu’on appelle Gens de main-morte ; cette dénomination est generale., elle comprend les Ecclesiastiques, tant seculiers que reguliers, les Religieux & autres Communautez Ecclesiastiques seculieres & regulieres, pourvù toutefois qu’elles soient approuvées & confirmées par le Roy en vertu de Lettres Patentes bien & dûëment enregistrées au Parlement, sans quoi les gens de main-morte ne peuvent faire un corps legitime daus l’Etat, ni acquerir ni recevoir par donation, testament ou autrement, directement ni indirectement.

Possedans Fiefs Nobles par aumone.

C’est-à-dire par donation, legs ou autre titre gratuit, quand même il y auroit des Prieres & Obits y attachez ; & c’est de cette manière que les gens de mainmorte possedent presque tous les biens qu’ils ont, tant nobles que roturiers.

Ont l’exercice de la Justice.

Il faut supposer qu’il y ait une Justice à leurs Fiefs nobles ; cor il peut se trouver des Fiefs & Terres Nobles qui n’ayent point de Justice ; Fief & Justicenont rien de commun ; mais dés qu’il y aura Justice, les gens de main, morte en auront l’exercice comme les Seigneurs laies l’ont dans leurs Fiefs & Seigneuries Nobles qui se trouvent décorées de Justice ; & cette faculté n’appartient pas aux gens de main, morte seulement, par rapport aux Fiefs Nobles qu’ils possedent par aumone, mais encore par rapport aux Fiefs qu’ils auroient acquis ou qu’un Ecclesiastique auroit eu de son patrimoine ou à autre terre, pour-vû que ces Fiefs ayent Iustice, & ces Justices seront Seigneuriales comme toutes les autres Justices qui appartiennent aux Seigneurs laies à cause de leurs Fiefs & Terres Nobles.

Et tous autres droits appartenans à leurs Fiefs, Comme sont la prestation de Foi & Hommage, & tous les droits utiles & honorifiques attachez à un Fief ou Terre Noble.

Par les mains de leurs Juges, Senéchaux où Baillis.

Les gens de main-morte possedans Fiefs ou Terres Nobles, soit à titre d’aumone, ou d’acquisition ou autrement, & qui ont Iustice, nie peuvent exercer eux-mêmes ces Justices, ils sont obligez d’en commettre l’exercice à des Officiers qui soient personnes laiques ; car les gens de main-morte & autres Ecclesiastiques tiennent les Justices annexées à leurs Fiefs ou Terres Nobles comme personnes laiques, & non comme personnes Ecclesiastiques.

Les appellations des Justices des gens de main-morte & autres Ecclesiastiques, ressortissent aux mêmes Tribunaux, médiats ou immédiats, que les Justices des Seigneurs laies, & jamais aux Tribunaux Ecclesiastiques Superieurs les Justices des Seigneurs Ecclesiastiques & des Seigneurs laies se reglent de la même manière, & les Juges des Seigneurs Ecclesiastiques ne doivent pas moins juger selon les Ordonnances, Coûtumes & Reglemens du Royaume, que les Juges Royaux & ceux des Seigneurs laies, à peine de nullité de leurs jugemens.

Les Iuges des Seigneurs, tant Ecclesiastiques que laies, s’appellent Sénéchaux ou Baillis, mais le mot de Baillis ne se donne guerres qu’aux Baillis des Hautes Justices, qui ordinairement sont Iustices titrées, comme celles qui ressortissent nuëment au Parlement ; car dans nôtre Coûtume le terme de Bailli ne devroit être, à proprement parler, qu’aux Baillis Royaux, & non aux Juges des Seigneurs ; Cependant dans cet article les mots de Sénéchal & de Bailli sont syno-nimes pour les premiers Juges des Justices des Seigneurs, tant Ecclesiastiques que laies.

Les Seigneurs Ecclesiastiques ne pourroient pas user d’excommunication contre leurs Vassaux, & encore moins leurs Juges pourroient-ils mettre de pareils jugemens à execution, sans s’exposer à de grosses peines.


ARTICLE XLII.

L A connoissance des Mandemens de tenuë appartient au Juge Royal ; néanmoins les Hauts Justiciers en connoissent entre leurs Sujets, pourvû que la tenure du Haut Justicier ne soit point debatue.

La connoissance des Mandemens de tenure appartient au Juge Royal.

Il faut entendre par le mot de tenure, mouvance & directe tant en héritages nobles qu’en héritages roturiers.

En combat de tenure en matière d’héritages nobles ou en matière d’heritages roturiers, c’ost-à-dire lorsque la mouvance & la directe d’un même hérita-ge noble ou roturiers sont prétenduës par divers Seigneurs, le vassal ou Censitaire obtient un Mandement ou Commission du Juge Royal, qui est le Bailly, pour faire assigner pardevant lui les Seigneurs, pour faire regler entr’eux la mouvance & la tenure, & cependant qu’il lui sera permis de mettre le Fief ou l’héritage roturier és mains & au dépôt de la Justice ; ce Mandement ou Commission se nomme Mandement de débas de tenure ; par ce moyen le vassal ou Cen-sitaire n’est point tenu d’avoüer ou désavoüer le Seigneur Suzerain, & il évite la commise du Fief ou de l’héritage roturier, sauf aux Seigneurs à faire juger entr’eux la question de mouvance, de directe & de tenure.

C’est du Juge Royal, qui est le Bailly en cette partie, qu’il faut obtenir ce Mandement ou Commission, en Normandie on ne se sert point du mot Commission, mais seulement du mot Mandement, qui est à proprement parler une Or-donnance du Juge, ou du Parlement ou de la Chancellerie.

Neanmoins les Hauts Justiciers en connoissent entre leurs sujets, pouroi que la tenure du Haut Justicier ne soit point debatue.

Cette derniere partie de nôtre article est une exception à la première ; car la premiere partie porte qu’il n’y a que le Bailly Royal qui puisse donner le Mandement, Commision ou Ordonnance en combat de tenure, & connoître de la contestation ; & par cette derniere partie le même pouvoir est donné aux Iuges Hauts Justiciers en deux cas, l’un si le differend est entre les Vassaux ou Censitaires du Seigneur Haut Justicier, que la Coûtume appelle improprement Sujets, l’autre si la mouvance directe ou Censive du Seigneur Haut Justi-cier, n’est point débattué ni contestée par un autre Seigneur, ou par le vassal ou Censitaire ; hors ces deux cas, la contestation est de la seule competence du Bailly Royal.

Mais si un des Seigneurs releve du Roy, & l’autre d’un Seigneur Haut Justicier, le combat de Fief, Censive & tenure ou mouvance, appartient au Bailly Royal, & non au Juge Haut Justicier ; parce que le plus digne attire à soi le moins digne, & que le Roy ne plaide point en la Cour de son vassal, telle que seroit la Justice du Seigneur Haut Justicier.

Pour obtenir un Mandement, Commission ou Ordonnance sur débat de tenure, il n’est pas necessaire qu’il y ait concurrence de deux saisies feodales, il suffit qu’il y ait concurrence de deux actions de la part des Seigneurs qui ont formé le combat de Fief ou de directe Pendant le combat de Fief, & tant qu’il est indécis, non seulement le vassal ou Censitaire doit joüir de son Fief ou de ses héritages roturiers par main souveraine, en faire les fruits siens, en offrant par lui en Justice consigner les droits & devoirs par lui dus à cause du Fief, & les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales dont les héritages roturiers sont chargez, ou en donnant caution, ou à la caution du fonds, ou à la caution juratoire du vassal ou Censitaire, mais il doit encore être envoyé & mis hors de cause, en se raportant à Justice d’adjuger la mouvance ou tenure à l’un des seigneurs qu’elle jugera à propos, à moins qu’il avoüât un des Seigneurs & désavouat l’autre ; en ce cas il seroit tenu de rester en cause pour les dommages & interests, même pour la commise du Fief ou des Rotures, que le Seigneur désavoué pourroit prétendre s’il gagnoit son proces.

Il suffit qu’il y ait action intentée entre les Seigneurs pour donner lieu au Mandement, Commission ou Ordonnance qu’il est permis d’obtenir dans le cas mar-qué dans cet article, Si la tenure ou mouvance prétenduë par le Seigneur Haut Justicier étoit contestée, son Juge ne pourroit pas connoître du combat de Fief ou de directe, formée contre ses justiciables, la competence en appartiendroit au Bailly Royal.

Le Juge Bas Justicier ne peut, generalement parlant, connoître d’un combat de Fief, même entre ses justiciables, vassaux ou censitaires ; cependant si la contestation étoit entre deux possesseurs ou tenanciers ainez, la contestation. seroit de sa competence, pourvû toutefois & non autrement que la tenure ne fût point contestée au Seigneur Bas iusticier, & que le Seigneur ne fût point en cause.

Une mouvance, une directe, une tenure ou censive peut se justifier par titres ou possession ; par titres, tels que seroient le Contrat d’investiture ou de fieffe, aveux, denombremens, declarations ou reconnoissances, le tout blamé & reçû ; par la possession, qui seroit paisible, publique, continuë, de bonne soy, & entre majeurs & non privilegiée, pendant quarante ans complets, qui est la prescription requise par nôtre Coutume, art. 521. pour pouvoir prescrire par un Seigneur une mouvance, une directe, une tenure ou censive contre un autre Seigneur ; car quand un vassal ou censitaire, elle est imprescriptible contre son Seigneur, quant même la prescription seroit centenaire & immemoriale.

En matiere criminelle un Seigneur ne peut agir ni poursuivre en son nom en sa Justice, mais seulement à la requête de son Procureur Fiscal, à peine de nullité de la procedure.


ARTICLE XLIII.

L E corps de la personne homicidée ne doit être levé ni mis en terre, jusqu’à ce que la Justice l’ait vû.

Le corps de la personne homicidée, mâle ou femelle, & soit qu’elle ait été tuée par le fait d’autruy, ou par soi-même, ou par autres cas arrivez dans les chemins, ruës ou ailleurs, ne doit être levé ni mis en terre jusqu’à ce que la Justice l’ait vû.

Un corps trouvé mort ou cadavre, non-seulement ne peut être levé ni inhumé, soit en terre sainte, soit en terre prophane par des Ecclesiastiques ou Religieux, que les Officiers de la Justice du lieu où il a été trouvé, soit Royaux ou subalternes, ne l’ayent visité, mais encore qu’il n’ait été visité des Chirurgiens en leur presence, dont & de quoi il sera dressé Procés verbal sur le champ & sans déplacer ; cette précaution n’est pas inutile, on découvre quelquefois les auteurs de l’homicide par la qualité des blessures & l’état où se trouve le cadavre, du moins on connoit de quelle manière la personne a été tuée, si ç’a été par le fait d’autruy ou par son propre fait en se tuant soi-même, ou s’étant fait mourir en s’étranglant ou en s’empoisonnant ; aussi l’Ordonnance de 1670. au Tit. 5. a fait une Loy generale de cette formalité pour tout le Royaume, & a marqué la forme des Procés verbaux de la levée d’un corps trouvé mort.

Mais d’un autre côté cette formalité donne souvent occasion aux Officiers de Justice de faire des frais & de tirer de l’argent au sujet de la levée des cadavres trouvez morts ; c’est pourquoi les Juges Superieurs y doivent prendre garde, autrement la disposition de la Loy donneroit lieu à la véxation.


ARTICLE XLIV.

L’Action de Treves enfraintes est annalle, & nul n’est reçû à l’intenter aprés l’an.

Treves.

Ce mot signifie une espèce de Sauvegarde que ceux qui se méfient l’un de l’autre, se promettent en Justice, de ne le dire, ni se méfaire, ni se faire injure par eux ou par autruy, directement ni indirectement.

C’est le Juge naturel des Parties qui donne cette Treve ou Sauvegarde, & quiconque l’a, est en la main & en la protection de la Justice.

Les Treves furent introduites dans ces temps où les peuples avoient cette mauvaise coûtume de vanger leurs querelles particulières par les armes, & dans lesquelles toute la famille & la parenté prenoit part ; & ce fut pour arréter ces voyes de fait, qui n’étoient que trop frequentes, qu’on eut recours à l’autorité de la Justice, & voilâ ce qui a donné lieu aux Treves & Sauvegardes : mais à present cêtte coûtume n’est plus pratiquée ni en usage ; aussi ne demandet-on plus de Treves ou Sauvegardes, ce qui rend la disposition de nôtre Cou-tume qui parle des Treves ou Sauvegardes assez inutile ; cependant il faut convenir qu’on demande encore aujourd’huy dans de certains cas d’être mis sous la protection & Sauvegarde du Roy & de la Justice.

L’action de Treve ou Sauvegarde enfrainte est annale.

Elle ne dure qu’un an, & se prescrit par un an entier & complet, à compter du jour de l’infraction ; en sorte qu’apres l’an passé & revolu, cette action ne peut plus être intentée, parce que ces actions ne doivent point durer long-temps, & que le temps dans lequel elles doivent être intentées ne doit point être prorogé, étant à présumer que par ce silence & cette inaction la personne offensée a remis l’offense qui lui a été faite par l’infraction de la Treve ou Sauvegarde, lorsqu’elle a été un an entier sans se plaindre de cette infraction.

Si neanmoins la personne mise en Sauvegarde avoit été tuée par sa Partie. ou son ennemi, ou griévement excédée, maltraitée ou blessée, un tel fait, qui seroit un crime grave, pourroit être poursuivi, même aprés l’an, à compter du jour du fait arrivé, par la raison que les crimes ne se prescrivent que par vingt Sans sans poursuites, & par trente ans du jour que le jugement de condamnation par contumace a été executé, de manière qu’il faut dire que l’action de Treves ou Sauvegardes enfraintes, n’est prescriptible par un an sans poursuite que dans les faits legers arrivez par l’infraction, comme injures ou autres choses legeres.

Les Treves ou Sauvegardes peuvent non seulement être enfraintes par une offense faite par l’une des Parties à l’autre qui étoit en Treve ou Sauvegarde, ou qu’elle lui a fait faire, mais encore par une offense qu’elle auroit faite ou fait faire à sa famille.

La peine de l’infraction des Treves ou Sauvegardes est arbitraire, & dépend des circonstances du fait ; ainsi on ne peut pas marquer aux Juges quelles peines ils prononceront dans ce cas contre l’infracteur & coupable ; il peut y avoir des peinës plus graves, comme amende, dommages & interéts, ou interéts civils, ou des peines afflictives & corporelles.


ARTICLE XLV.

T Ous Juges sont competens à donner Treves, sans que le Défendeur puisse décliner, quelque Privilege qu’il puisse alléguer.

Tous Juges sont competens pour donner Treves, pourvû que ce soit des Juges Royaux, ou des Juges Hauts Justiciers entre leurs Vassaux ou Tenanciers ; car quant quant aux Juges Bas Justiciers, ils n’ont pas ce pouvoir.

Sans que le Défendeur puisse décliner, quelque Privilege qu’il puisse alléguer, soit de Committamus, de Scolarité, de Lettres de Gardes Gardiennes, ou tout autre Privilege attributif de Jurisdiction ; jusques-là que les Cleres, Prêtres & autres Ecclesiastiques ne pourroient pas se servir du privilege de leur Ordre pour faire renvoyer ou pour êvoquer une remande à fin de Treves ou Sauvegardes, ou pour empécher par le Défendeur qu’on en donne au Demandeur, ou autrement.

Quiconque demande Treves ou Sauvegardes, doit affirmer, s’il en est requis, qu’il se méfie de sa Partie, & qu’il apprehende qu’elle ne sui fasse injure & outrage, sans laquelle affirmation le Juge ne lui donneroit ni accorderoit point de Treves ou Sauvegardes ; ce qui marque que les Treves ou Sauvegardes ne doivent s’accorder ni se donner qu’en connoissance de causes aussi rarement en donne-t-on par Procureur, à moins que ce ne fût pour cause de maladie ou autre exoine ou excuse legitime, celui qui auroit besoin de Treves seroit obligé de comparoir en personne devant le Juge pour lui demander un Mandement ou Comi-mission de en Treves.

Une femme ne pourroit pas demander Treves contre son mari, à moins qu’ils ne fussent en procés l’un contre l’autre soit pour separation de biens, ou de biens & d’habitation, ou autre procés qui fût capable de les animer l’un contre P’autre s ; hors ce cas la femme ne seroit point recevable à demander de Sauvegarde contre son mari, parce que ce seroit manquer de respect par la femme envers son mari, & se défier de lui sans une juste cause Un Vassal ou Censitaire ne peut pareillement demander Sauvegarde contre son Seigneur, d’autant que de droit il y a assurance & Sauvegarde respective entre le Seigneur & le Vassal ou Censitaire, & qu’ils ne peuvent se dire ni méfaire sans tomber dans une contravention à la bonne foy & à la bienséance, qui sont réputées être entre un Seigneur & un Vassal ou Censitaire.


ARTICLE XLVI.

L’Action de Treves enfraintes doit estre intentée devant le Juge ordinaire du Défendeur, ou devant celui qui a donné Treves.

Celui qui se plaint que sa Partie a enfraint la Sauvegarde qui lui avoit été accordée en Justice, & qui veut actionner sa Partie à ce qu’elle soit condamnée à lui en faire raison, peut assigner celui qui a fait l’infraction, on pardevant le Juge qui avoit donné & accordé la Sauvegarde, s’agissant d’un mépris fait par la Partie qui a fait l’infraction à l’autorité du Juge qui avoit accordé la Sauvegarde, où devant le Juge naturel & ordinaire du Défendeur à là demande, soit le Juge Royal ou le Juge Haut Justicier, par la regle generale que actor sequitur Torum reë ; le choix de ces deux Tribun aux appartient au Demandeur, sans que le Deffendeur y puisse rien trouver à rédire.


ARTICLE XLVII.

N UI autre que le Juge laïc, ne peut connoître des Treves enfraintes.

De sorte que le Juge d’Eglise, tel qu’il soit, ne peut connoître de cette action, qui est purement temporelle & prophane, pas même du consentement de toutes les parties ; il n’y a que le Juge laic, Royal ou Haut Justicier, qui puisse en prendre connoissance ; & si le Juge d’Eglise en connoissoit, il y auroit abus dans la citation & dans sa Sentence ; & par l’évenement de l’appel comme. d’abus, qui seroit porté au Parlement, le tout seroit déclaré nulle & abusif.


ARTICLE XLVIII.

En ajournement de Treves, il n’y a ni répit ni délai.

Soit que la partie adverse soit assignée pour voir dire que le Demandeur aura une Sauvegarde, & qu’il sera mis sous la protection de la Justice, ou quelle soit assignée pour proceder sur l’opposition par elle formée à la Sentence qui a accordé la Sauvegarde, dans l’un & l’autre cas il faut que le Défendeur comparoisse & défende à la demande ou sur son opposition, sans pouvoir proposer aucunes fins dilatoires, s’agissant de chose instante, provisoire & qui ne souffre aucun délai ni retardement.

Si neanmoins le Défendeur ne pouvoit pas comparoir en personne, comme il y est obligé, pour causes justes & légitimes, il lui seroit permis de faire proposer son exoine par un Procureur fondé de sa procuration, & demander un délai competent pour se presenter & défendre ; mais en ce cas si le Juge accorde un délai, le Demandeur en Sauvegarde sera mis par provision en la pro-tection & sauvegarde de la Justice.

Cependant comme par l’Ordonnance de 1687. au titre 2. il a été prescrit des délais dans toutes les actions & assignations, les uns plus longs, les autres plus courts, il seroit difficile aujourd’hui de ne pas donner un délai, mais trés court, dans un ajournement de Sauvegarde, du moins une assignation à jour & heure certains, ou à l’Hôtel du Juge.


ARTICLE XLIX.

C Elui qui est renvoyé en sa franchise pour en jouïr, doit forjurer le pays pardevant son Juge, c’est-à dire qu’il doit incontinent & sans délai partir par le chemin & dans le tems qui lui sera prescrit, pour s’en aller hors de Normandie, & jurer de n’y rentrer jamais : & où puis aprés il y sera trouvé, il sera contre lui procedé par la Justice & jugement donné, sans qu’il puisse de-là en avant plus s’ayder de ladite franchise.

Celui qui est renvoyé en sa franchise pour en jouir, doit forjurer le pays pardevant son Juge, c’est-a-dire qu’il doit incontinent & sans délai partir par le chemin & dans le temps qui lui sera prescrit pour s’en aller hors de Normandie, & jurer de ny rentrer jamaïs.

Le mot de franchise veut dire ici un lieu d’azile & d’assurance pour une personne qui venoit de faire un crime.

Les lieux d’azile sont fort anciens ; c’étoit les Eglises & les autres lieux saints, même les Cimetières ; il y en a un titre dans le Code Theodosien, qui porte de bis qut ad Ecclesiam confugiunt vel ubi exclamant, & ne quis ab Ecclesia extrabatur ; il y en a aussi un dans les Decretales, liv. 3. Tit. 49. de immunitate Ecclesiarum, Cemeterii & rerum ad eas pertinentium, les criminels qui s’enfuy oient aux Statuës des Princes, y trouvoient la même immunité, comme il paroit par un titre du Code Theodosien en ces termes, de bis que ad Statuas consugiunt ; il en est fait mention dans nôtre ancienne Coûtume, Chapitre des aises, & encore à present le droit d’axile & d’immunité à lieu en Angleterre, suivant nôtre Article un Criminel qui se trouve en lieu de franchise, en doit jouir, & ne peut en être tiré qu’à condition, qu’incontinent qu’il en sera sorti par ordre de Justice, de partir sans délay par le chemin & dans le temps qui lui sera marqué & prescrit par le Juge pour s’en aller & se retirer hors la Province de Normandie, & jurer devant le Juge laie qu’il n’y rentrera jamais, ce que la Coûtume appelle dans cet Article for-iurer le pays, c’est-à-dire quitter le pays & en sortir, avec déclaration accompagnée de serment de n’y point revenir aux peines de droit.

Et où puis apres il y sera trouvé, il sera contre lui procedé par la Justice & Jugement donné, sans qu’il puisse de-là en avant plus s’aider de ladite franchise.

C’est-à-dire, que si le criminel aprés être sorti de la Province & s’être retiré dans une autre Province soit dans un autre Royaume en consequence de l’Ordonnance du Juge, il revenoit en Normandie & s’il y étoit trouvé, on lui feroit son proces extraordinairement, & on le condamneroit aux peines que mériteroit son crime, sans pouvoir se prévaloir de son ancienne franchise, ni d’une nouvelle franchise dans laquelle il feroit trouvé, parce qu’il auroit contrevenu aux ordres de la Justice.

L’Ordonnance de 1539 art. 166. 4 ôté & suprimé ces lieux d’azile, de refuge, de franchise & immunité ; il n’y aura, porte cet Article, aucun lieu de franchise pour Dettes & matieres Civiles ; & quant aux Criminelles, voulons que toutes personnes puissent être prises en vertu de decrets de prise de corps, rendus sur le ui des charges & informations ; il faut dire la même chose si un criminel est pris en flagrant delit ou à la clameur publique dans une Eglise ou autres lieux saints ; la raison de l’Ordonnance a été que ces franchises étoient contraires au bien de la Justice, à la Police & au repos publie, & qu’elles ne servoient qu’à accroitre l’audace des méchans, & procurer l’impunité des plus grands crimes ; on ne sçait pas trop pourquoi les Réformateurs de nôtre Coûtume ont, aprés cette Ordonnance, encore pour ainsi dire toléré ces franchises. Ce qu’il y à de certain, c’est qu’encore à present on ne peut en France arrêter aucune personne dans les Palais & Hôtels des Princes du Sang, ni dans les Hôtels des Ambassadeurs, sans la Permission expresse des Princes & des Ambassadeurs, ou sans un ordre précis du Roy, foit pour dettes ou pour crime.


ARTICLE L.

L E Bref de nouvelle Désaisine a été introduit pour recouvrer choses entreprises puis an & jour ; & tient ledit Bref, étant signifié, l’héritage en sequestre jusques qu’il en soit ordonné par Justice.

Le Bref de nouvelle Désaisine a été introduit pour recouvrer choses entreprises puis an & jour.

On appelloit en Droit ce Bref de nouvelle Desaisine interdictum reaeuperandae possessionis ; & parmi nous, c’est une assignation ou demande en réintegrande ou complainte en cas de Désaisine ou nouvelleté, c’est-à. dire en cas de dépossession ou de trouble dans la possession.

Par ce Bref, on demande à rentrer & à être réintegré en la possession d’un héritage ou autre immeuble tant corporel qu’incorporel, en la possession duquel on a été troublé depuis an & jour.

Ce Bref, ou Mandement ou Commission s’obtient du Bailly Royal, & il est adressé à un Sergent Royal pour le signifier à la Partie adverse, avec assignation pour défendre sur la demande ; ce qui fait entendre que la possession est souvent avantageuse ; car 16. Elle exempte le Possesseur de produire ses titres & de prouver son droit de propriété. 20. Dans les causes douteuses on fait prévaloir la cause de possesseur. 30. Lorsque deux personnes ont acquis une même chose d’une même personne, le droit de celui qui se trouve en possession, est toujours le meilleur. 41. Le possesseur de bonne foi fait les fruits siens, & n’est tenu de les restituer que du jour de la demande, en cas qu’il conteste sans raison, encore bien qu’il perde sa cause sur le petitoire. 50. La possession est un moyen de droit pour pouvoir prescrire : mais pour que la possession donne tous ces avantages il faut qu’elle soit réelle, actuelle, paisible, de bonne soi & publique, une possession qui seroit feinte, simulée, clandestine, & de mauvaise foi, ou simplement civile, ne suffiroit pas, sans cependant qu’il soit necesaire que nous possedions nous-mêmes & par nous-mêmes ; la possession réelle & actuelle par nos Fermiers, Locataires & ayans cause, comme un usufruitier ou usager, seroit suffisante, même pour l’action en complainte, de nouvelle désaisine ou réintegrande.

De-là il faut tirer les conséquences suivantes.

La premiere, qu’un Fermier, Locataire, un possesseur à titre de précaire ou tout autre possesseur d’un immeuble, qui possede alieno nomine, ne peut former demande de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande ; Art. 1. du tit. 15. de l’Ordonnance de 1687.

La seconde, que cette action n’a point lieu pour chose mobiliaire, à moins qu’il ne s’agisse d’une universalité de meubles ; ibidem.

La troisième, qu’il faut une possession publique, sans violence & depuis an & jour pour pouvoir intenter cette demande ; ibidem.

La quatriéme, que si le Défendeur à cette demande dénie la possession du demandeur, ou de l’avoir troublé, ou qu’il article possession contraire, les Parties seront appointées en faits contraires, & à en faire preuve respective tant par titres que par témoins ; Art. 3. ibidem.

La cinquiéme, que la question du possessOire doit être préalablement jugée, terminée & parfournie avant que d’en venir au petitoire, sans que le possessoire puisse s’accumuler avec le petitoire ; Art. 4. & 3. ibidem.

La sixième, que le Bref ou la demande de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande, n’est recue qu’en matiere prophane & temporelle, & non en matiere purement spirituelle ; c’est pour cette raison que les Juges d’Eglise ne peuvent connoître des Brefs de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande, à peine d’abus de leurs citations & jugemens ; on peut cependant soriner Complainte sur le possessoire d’un Benefice, Bancs dans les Eglises, Dixmes, droit de Patronage & droits honorifiques dans une Eglise, & la contestation en sera portée devant le Juge laic, & non devant le Juge Ecclesiastique, s’agissant d’une complainte ou possessoire, qui est quid remporale & propbanum qued spectat ad jurisdictionem laicam, scilicet regiam, & non la Jurisdiction des Seigneurs.

La septiéme, qu’il faut articuler une possession d’an & jour. La huitième, que l’an & jour, pour former le Bref de nouvelle désaisine, complainte & réintegrande, commence du jour qu’un autre s’est mis réellement & corporellement en possession de la chose en laquelle on veut rentrer par le Bref de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande, & que le demandeur en complainte ait été troublé en sa possession.

La neuviéme, que l’assignation en Bref de nouvelle désaisine, complainte ou réintegrande doit depuis l’Ordonnance de 1667. être donnée dans les délais de l’Ordonnance, & non pas d’un moment à l’autre ; cependant en cas de dépossession ou de trouble, & que celui qui se prétendroit être en possession, se trouvât sur la chose contentieuse, il y auroit lieu à la clameur de haro, pour empécher les voyes de fait & que parter non veniant ad arma.

La dixième, que suit ant l’usage & la Jurisprudence de la Province de Normandie. la demande de nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande ayant été intentée, tombe en peremption par discontinuation de poursuites pendant an & jour, & cela contre la disposition de l’Ordonnance de Roussillon qui requiert trois années completes de cessation de procedures & poursuites pour former une peremption d’instance.

La onzième, que celui qui succombera dans l’instance de nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande, sera condamné en l’amende selon l’exigence des cas, Art. 6. du Tit, 18. de l’Ordonnance de 1882.

La douzième, que les Jugemens rendus sur pareille demande, seront executez par provision en donnant caution. Art. 7. ibidem.

La treizième & dernière, qu’il n’y a point de Bref de nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande contre le Roy, ni du côté du Vassal ou Censitaire contre son Seigneur, il faut tout d’un coup prendre l’action au petitoire & autre action qui ne blesse point le respect qui est du au Roy par ses Sujets, ou par un Vassal ou Censitaire à son Seigneur.

Et tient ledit Bref, étant signifié, l’héritage en sequestre jusqu’à ce qu’il en soit ordonné par Justice.

Des que l’assignation sur la nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande, a été donnée & signifiée au Défendeur, on ne peut rien innover jusqu’à ce que par le Juge qui a donné le Mandement ou Commission, en ait autrement ordonné ; en sorte qu’il est vrai de dire que pendant la contestation & jusqu’à ce qu’elle ait été jugée & terminée, l’héritage ou autre immeuble est dans l’une espèce de sequestre, sans neanmoins que le Sergent ou Huissier qui a donné l’assignation puisse ordonner aucun sequestre, ce ne sont que des deffenses de droit, ou du moins portées par le Mandement ou Commission du Juge, cependant Parties presentes, ou duëment appellées, & en connoissance de cause, le Juge pourroit ordonner un sequestre, foit sur le requisitoire des deux Parties, où de l’une, ou d’office, S, il connoissoit qu’il y eût du danger à laisser la joüissance & perception des fruits & revenus au Demandeur en nouvelle dessaisine, complainte ou réintegrande.


ARTICLE LI.

E N action réelle le Demandeur doit bailler declaration contenant les bouts & côtez de l’héritage, pour en faire vûe si les Parties ne demeurent d’accord.

C’est ce qu’on appelloit vue & montrée, dont l’usage est trés-ancien, mais elles causoient des frais aux Parties, en ce que le Juge se transportoit sur les lieux contentieux en presence des Parties pour les voir lui-même.

Suivant cet Article le Demandeur en action réelle étoit tenu de donner une declaration contenant les tenans, aboutissans & côtez de l’’héritage qu’il revendi-quoit, ou sur lequel il prétendoit des rentes ou redevances foncieres, afin par le moyen de cette déclaration faire vûë & montrée de l’héritage, & en faire une designation topique en cas de dénegation par le Défendeur que ce fût specifique ment l’heritage qui donnoit lieu à l’action du Demandeur.

Quoique par l’Ordonnance de 1667. Titre S. Article 5. les vûës & montrées ayent été abrogées pour quelque cause que ce soit, neanmoins par la même Ordonnance, Articles a & 5. du même Titre, celui qui fait demande de censives par action, ou de la proprieté de quelque héritage, rente fonciere, charge réelle ou hypoteque, est tenu à peine de nullité de l’assignation, de déclarer par le premier Exploit le Bourg, Village ou Hameau, le Territoire & la contrée où l’héritage est situé, sa consistence, ses nouveaux tenans & aboutissans du côté du Septentrion, Midy, Orient & Occident, sa nature au temps de l’Exploit, si c’est terre labourable, prez, bois, vignes ou d’autre qualité, en sorte que le Défendeur ne puisse ignorer pour quel heritage il est assigné : mais s’il est question du corps d’une Terre ou Métairie, il suffira d’en désigner le nom & la situation ; & s’il s’agit d’une maison, les tenans & aboutissans seront désignez en la même manière ; ce qui paroit assez conforme à nôtre Article de Coûtume.

De plus, nonobstant l’abrogation des vûës & montrées, on ordonne encore aujourd’hui, & trés-souvent, qu’il sera levé un plan ou carte topique d’un héritage, bois, Rivière, Ruisseau, Fontaine, & autre chose de cette qualité qui est contentieuse, & qui fait le sujet d’une action réelle ; ce qui sert beaucoup aux Juges saisis de la contestation pour porter leur décision, parce que par cette description ils voyent la chose comme s’ils étoient sur le lieu ; mais il faut que ce plan ou description topique soit ordonné par Sentence ou Arrêt ; on ordonne aussi quelquefois une descente du Juge si les Parties ou une des Parties le requierent, tout cela dépend des lumières & de la prudence des Juges.


ARTICLE LII.

L E Bailly doit connoître du Bref de surdemande, que le Vassal obtient, quand il prétend que le Seigneur lui demande plus grande rente ou redevance qu’il ne lui doit.

Bref de surdemande en general, est un Mandement, Commission ou Ordonnance qu’on obtient du Juge pour faire assigner devant lui celui qu’on prétend demander plus qu’il ne lui est dû ; & par cet Article un Vassal ou Censitaire qui prétend que son seigneur lui demande plus grandes rentes où redevances qu’il ne lui doit, peut obtenir un Bref de surdemande, Mandement, Commission ou Ordonnance pour faire assigner le Seigneur pour être reglez sur cette contestation, & voir dire qu’il ne payera les rentes & redevances qu’il doit à la Sei-gneurie, que sur le pied, la qualité & la quantité qu’il prétend les devoir, & non pas suivant la prétention du Seigneur.

Le mot de Surdemande vient du Droit Romain, c’étoit l’action de pluspetitione ; il y en a un Titre entier dans le Code, dont la rubrique est de plusperitionibus.

La pluspetition emportoit par le même Droit perte de cause contre le Demandeur, mais parmi nous la pluspetition ou surdemande ne fait point dé-cheoir de la demande, on réduit seulement la chose à ce qui est dû légitimement, & on condamne le Demandeur aux dépens.

La surdemande ou pluspetition ne consiste pas seulement dans la quotité de la somme ou de la rente ou redevance, mais encore dans le temps ou le lieu auquel on demande le payement de la somme, rente où redevance, comme si le Seigneur demandoit à son Vassal ou Censitaire le payement de sa rente ou redevance en autre faison, temps & lieu qu’il ne la doit.

C’est la demande qui fait connoître s’il y a surdemande ou pluspetition, avec les défenses de celui qui attaque la surdemande ou pluspetition, ex parte actoris qus metimur, idcoque inspiciendum non quanium debeatur, sed quanium petitur, Leg. penult. 8. 9. ff. de Jurisdictione omnium Judicum.

Il n’y a que le Bailly Royal qui puisse connoître du Bref de surdemande entre le Seigneur & son vassal ou Censitaire, & non le Vicomte, ni encore moins les Juges subalternes quand même ils seroient Hauts Justiciers, ainsi dans ce cas le Vassal ou Censitaire n’est point obligé de plaider en la Justice de son Seigneur ; car generalement parlant il n’est point juste que le juge d’un Seigneur connoisse d’une contestation d’entre le Seigneur & son Vassal ou Censitaire, & dans laquelle le Seigneur est partie ; & même quoique le Vassal ou Censitaire eût procedé volontairement devant ce Juge, & qu’il n’eût point décliné sa Jurisdiction, cela neanmoins n’empécheroit pas qu’il ne fût en droit de demander son renvoy devant le Bailly Royal, soir parce que les Jurisdictions sont parmi nous patrimoniales, & qu’elles ne dépendent point du choix ni de la volonté & consentement des Parties, soit qu’on fasse reflexion que Perperuum est gravamen & injuria ejus qui velit in cquse sua judicare ; en un mot tout resiste qu’un Seigneur plaide devant son Juge, principalement s’il est partie au procés ; cela ne se pourroit tout au plus faire que lorsque la demande est intentée sous le nom & à la requête du Procureur Fiscal ; ce qui cependant ne pourroit avoir lieu dans le Bref de surdemande d’entre le Seigneur & le Vassal ou Censitaire pour raison des rentes & redevances dûës par le Vassal ou Censitaire à la Seigneurie, parce que par nôtre Article la Coûtume en attribuë la connoissance au Bailly Royal à l’exclusion de tous autres Juges Royaux ou subalternes L’action en surdemande est negatoire & ne reconnoit point le Seigneur possesseur de la rente où redevance au chef qui regarde la surdemande, c’est-à-dire la partie de la rente ou redevance, qui excede celle dont le Vassal ou Censitaire le reconnoit redevable ; en sorte que c’est au Seigneur à prouver son droit pour la partie déniée, sans quoi il ne peut assujettir le Vassal ou Censitaire à lui payer ce que le Vassal ou Censitaire lui refuse, comme étant une surdemande.


ARTICLE LIII.

L Es Hauts Justiciers connoissent aussi dudit Bref de surdemande entre leurs Vassaux, & non quand le Bref est obtenu contre eux.

Cet Article donne à la vérité la connoissance du Bref de surdemande ou pluspetition au Juge Haut Justicier entre les Justiciables par une exception au Précedent Article, mais il faut pour cela que la contestation soit entre ses Vassaux, Censitaires, & Justiciables, & non si les Vassaux ou Censitaires plaident contre leur Seigneur ; car dans le dernier cas, la connoissance du differend appartiendra au Bailly Royal, la Coûtume ne perdant point de vûé qu’il seroit injuste de faire plaider un Vassal ou Censitaire contre son Seigneur pardevant le Juge de la Justice du Seigneur ; il n’est que trop certain & notoire que les Seigneurs ont un empire absolu sur les Juges & Officiers de leurs Justices, joint qu’en ce cas les Seigneurs seroient Juges & Parties dans leur propre cause, ou du moins il est à présumer qu’un Vassal ou Censitaire, ou autre auroit difficilement justice contre son Seigneur avec lequel il seroit en procés, si ce Vassal, Censitaire ou autre étoit obligé de plaider devant le Juge du Seigneur Haut Justicier ; d’aurant plus que ces Juges étant amovibles, ils apprehenderoient de déplaire à leur Seigneur, & d’être remerciez s’ils ne jugeoient pas à l’avantage & au gré de leur Seigneur.

a l’égard des Juges Bas justiciers, ils ne peuvent en aucun cas connoître du Bref de surdemande, directement ou indirectement.

Le Bref de surdemande entre les Vassaux ou Censitaires, est lorsque l’un ou plusieurs autres, prétendent que l’un d’eux doit une plus grande portion de la rente ou redevance que les autres, & que ceux-là soutiennent au contraire qu’ils en doivent moins que ce que leurs cô-redevables prétendent ; une pareille contestation, & dans laquelle le Seigneur n’est point Partie, pourroit être portée devant le Juge Haut Justicier, pourvû que les Vassaux ou Censitaires qui plaideroient ensemble fussent ses Justiciables. Il semble que nonobstant le texte de nôtre Coûtume, un défendeur pourroit combattre une demande en pluspetition par de simples défenses, sans avoir besoin du Bref de sur demande,