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TITRE SECOND DE HARO

ARTICLE LIV.

L E Haro peut être interjetté non seulement pour malefice de corps & pour chose où il y auroit éminent péril, mais pour toute introduction de procès possessoire, encore que ce soit en matiere beneficiale ou concernant le bien de l’Eglise.

Le Haro.

La Clameur de Haro est un moyen particulier de droit en la Province de Normandie pour faire comparoir à l’instant de la Clameur de Haro devant un Juge sans Ordonnance, ni Mandement, ni Jugement, ni Permission de Juge ni ministere de Justice, la personne sur laquelle le Haro a été fait ; & cette voye de droit a le même effet que l’interdit du droit Romain, retinende possessionis ; car s’il ne se rencontre point de Juge competent, ou d’Huissier ou Sergent sur le lieu & sur l’heure, & que celui qu’on veut déposseder ou troubler en quelque chose, fait Haro & appelle l’ayde du Prince, sa Partie est obligée de cesser & de suivre sur le champ & à l’instant le Demandeur en Haro devant le Juge competent du Haro ; & si le Défendeur en Haro s’enfuyoit, il pourroit être arrété & constitué prisonnier.

La voye de Haro, suivant tous nos Auteurs, & notamment l’Auteur de la vieille Cronique de Normandie, &Terrien , doit son origine à Raoul premier Duc de Normandie : il y avoit quelque chose d’approchant chez les Romains suivant la formule, te in jus voco.

Peut être interjetté non seulement pour malefice de corps & pour chose où il y auroit éminent péril, mais pour toute introduction de proces possessoire, encore que ce soit en matière beneficiale où concernant le bien de l’Eglise.

Par l’ancienne Coûtume de Normandie le Haro n’avoit lieu qu’en matière criminelle & pour cause criminelle ; mais par la nouvelle Coutume & aux termes de cet Article, la Clameur de Haro peut être faite non seulement en matiere criminelle, mais encore en matière civile, possessoire, & provisoire & où il y auroit éminent péril, soit pour meubles ou pour immeubles, même en matière beneficiale, ou concernant le bien temporel de l’Eglise ; mais le Haro n’a point lieu pour le petitoire en matière civile, soit prophane, soit Ecclesiastique, parce que cette voye de droit n’a été introduite que pour empécher qu’on ne sur troublé en sa possession, & qu’il ne fut passé outre à une nouvelle entreprise ; Arrest du Parlement de Roüen du 23. May 1518.

Le privilege du Haro est, que dés que la Clameur en est faite, de surcroit toutes entreprises & voyes de fait.

Le Haro peut être fait par toutes sortes de personnes & sur toutes sortes de personnes, mâles où femelles, laiques ou Ecclesiastiques, à l’exception des Juges, Magistrats, Huissiers, Sergens, Notaires, Tabellions, Greffiers & autres Officiers de Justice, faisant les fonctions de leurs charges, sinon en cas d’entre-prise sur la Jurisdiction d’autrui, ou s’ils abusent évidemment de leur pouvoir par voyes de fait & nouvelles entreprises.

Un Ecclesiastique sur lequel le Haro seroit fait, ne pourroit décliner la Jurisdiction du Juge Séculier devant lequel il seroit traduit sur le Haro, ni demander son renvoi devant le Juge d’Eglise, quand même il s’agiroit du possessoire de matieres Beneficiales, de dixmes ou autres biens d’Eglise ; Arrest du même Parlement du 9. Mars 1610.

Le Sergent qui reçoit le Haro, doit mener & conduire les Parties devant le Juge, sans pouvoir prendre connoissance du sujet de la Clameur de Haro ; il ne peut pareillement constituer une personne prisonnière sur le Haro sans l’Ordonnance ou permission du Juge.

La connoissance du Haro en matière Civile entre Nobles ou Ecclesiastiques appartient au Bailly Royal, & entre roturiers elle appartient au Juge Vicomte ; mais en matiere criminelle il n’y a que le Juge Royal Criminel, tel qu’est le Lieutenant Criminel, qui en puisse connoître ; les Juges Hauts Justiciers peuvent aussi prendre connoissance de la Clameur de Haro ; mais d’un autre côté le Juge qui reçoit le Haro en matiere criminelle, ne peut retenir la connoissance du principal, s’il n’en est pas le Juge naturel, il est tenu de renvoyer les Parties & le procës devant le Juge du délit.

La Clameur de Haro est annale & ne peut être formée aprés l’an & jour que le fait est arrivé.


ARTICLE LV.

C Lameur de Haro se peut intenter tant pour meuble que pour héritage.

Bien entendu par rapport au possessoire tant des meubles ou autre chose mobiliaire, comme si le Demandeur en Haro prétendoit que celui sur lequel le Haro est fait, vouloit lui emporter ses meubles ou autre chose mobiliaire, ou s’il les trouvoit entre les mains d’autrui ; en heritage ou autre immeuble, comme s’il étoit troublé en la possession de son son héritage ou autre immeuble par violence ou voye de fait ; car la Clameur de Haro ne rend que ud retinendam possessionem, mais non pas ad dispensendum possessionem ; dans ce dernier cas il faudroit obtenir le Bref, Mandement ou Com-mission de nouvelle dessaisine, complainte on réintegrande, & jamais la Clameur de Haro ne peut s’intenter pour le petitoire, tant des meubles & choses mobiliaires, que des héritages & autres immeubles.

On dit Clameur de Haro, parce que celui qui intente le Haro clamat en faisant le Haro sur quelqu’un, il dit tout haut & en s’écriant, je fais Haro sur vous, & sic invocat auxilium Principis.


ARTICLE LVI.

L Es Parties sont tenües bailler respectivement plege & caution, l’un de poursuivre, & P’autre de défendre au Haro :

D’autant que dans la Clameur de Haro l’une & l’autre des Parties prétendant chacune de son côté d’avoir la possession de la chose qui donne lieu au Haro, il est juste qu’elles donnent respectivement plege ou caution de poursuivre le Haro par le Demandeur, & d’y défendre par celui sur lequel il est fait ; & cette caution doit répondre de ce qui sera juge tant en cause principale qu’en celle d’appel, même l’amende & les dépens, c’est ce qu’on appelle caution judicatum folus ; ce qu’il faut entendre des condamnations pecuniaires ; car en matière criminelle la caution seroit seulement tenuë de representer l’Accusé s’il avoit été élargi & relaxé des Prisons sur le fondement d’une caution presentée & reçûë, & le cautionnement cesseroit par la mort de l’Accusé.

Nulle personne de quelque qualité & condition qu’elle soit, pauvre ou riche, Noble, Ecclesiastique ou roturiere, ne peut se dispenser de donner caution en matière de Haro ; en sorte que celui qui ne pourroit fournir de caution seroit obligé d’entrer en prison, à moins que le Juge du Haro, aprés avoir entendu les Parties, & en connoissance de cause, ne le dispensât de donner caution ; mais dans cela il faut necessairement donner caution pour le Haro, ou entrer en prison ; cette caution doit être donnée respectivement par le Demandeur en Haro & par le Défendeur, & elle doit être bonne & solvable.

Cette caution est ordinairement reçûë par l’Huissier ou Sergent qui a reçû le Haro, sinon par le Juge de la querelle, sans toutefois que l’Huissier ou Sergent à l’occasion de la reception de la caution, puisse entrer en connoissance de cause.

On a demandé au sujet de la caution sur le Haro, si la caution donnée & reçûë étoit recevable à interjetter appel de son chef d’une Sentence renduë contre celui que cet Appellant avoit cautionné pour raison de la Clameur de Haro ; il a été jugé que cet appel n’étoit pas recevable ; Arrét du Parlement de Roüen du 7. Février. 1544. Si cependant il faisoit évidemment voir que la condamnation étoit collusoire entre le Demandeur en Haro & le Défendeur en Haro, pour le faire tomber à payer des sommes qui n’étoient point justes ni légitimes, tant pour le principal, que pour les dommages, interêts & dépens ; en ce cas une telle caution seroit tres-recevable à prendre de son chef les voyes de Droit nécessaires pour faire rétracter le Jugement qui contiendroit ces condamnations fictives, collusoires & apparentes, parce qu’enfin il ne faut point souffrir la fraude, le dol & la mauvaise foy ; mais hors cette conjoncture la condamnation intervenuë contre celui qui a été cautionné, est executoire contre la caution, & il faut que la caution paye le jugé, sans pouvoir dire qu’on devoit l’appeller au Proces, ce circuit d’action est en ce cas inutile.


ARTICLE LVII.

A Pres la caution baillée, la chose contentieuse est sequestrées par la nature du Haro, jusqu’à ce que par Justice ait éte ordonné de la provision.

Ce sequestre est légal & de droit dés le moment que la caution sur le Haro pa été reçûë, & la chose contentieuse est à la main de la Justice par la seule nature du Haro, & le possessoire en sequestre jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la provision & sur la possession, sans que l’une ou l’autre des Parties y puisse attenter, à peine de tous dépens, dommages & interêts ; ce qui nous fait entendre que ce sequestre est tellement légal & de droit, qu’il a lieu à l’instant de la Clameur de Haro, quoiqu’il ne soit requis ni demandé par les Parties, ni ordonné par le Juge ; & cela afin qu’aucune des Parties ne tire aucun préjugé de la possession qui lui demeureroit pendant le Haro, cette possession est suspenduë de part & d’autre, jusqu’à ce qu’il en air été autrement ordonné provisoirement par le Juge du Haro ; d’ailleurs un sequestre de cette qualité ne donne point atteinte à la possession qui est acquise à celui qui a le bon droit ; mais il ne doit pas durer jusqu’à ce que la contestation soit jugée au fonds, le Juge ent jugeant le Haro doit faire droit par provision sur la possession, & décider qui des deux Parties aura la possession pendant le Proces, & par là le sequestre sera levé, & celui à qui on aura donné la possession par provision, joüira de la chose contentieuse.

Si cependant le Juge en décidant le Haro, connoissoit que la possession étoit tres-douteuse & incertaine en la personne de l’une & de l’autre Partie, il pourroit ordonner un sequestre d’office jusqu’à ce que la contestation fût jugée au fonds ; les Parties mêmes pourroient convenir d’un sequestre pour empécher tout préjugé sur la possession.

Il y a deux cas dans lesquels le sequestre légal & de Droit, introduit par cet Article n’a point lieu ; l’un, si le Défendeur à la Clameur de Haro, fait apparoir par écrit de sa possession réelle, actuelle & légitime ; l’autre, si un prétendant droit à un Benefice, fait apparoit de sa possession triennale, laquelle vaut titre quand elle est canonique & conforme aux Ordonnances, Arrêts & Reglemens ; mais il faut pour cela que cela se fasse sur le champ & à l’instant du Haro, sans quoi le sequestre legal durera jusqu’à ce qu’il en ait été autrement & par provision ordonné par le Juge de la querelle,


ARTICLE LVIII.

L E Sergent aprés la Clameur interjettée, doit mettre le sequestre en main sure, autre que les Parties.

Le Sergent apres la Clameur interjettée doit mettre sequestre en main sure, C’està-dire mettre la chose contentieuse en main sure par forme de sequestre & de dé pôt, jusqu’à ce qu’il ait été fait droit par le Juge sur le possessoire en jugeant le Haro, autrement le Sergent seroit responsable de la chose en son propre & privé nom, même de la solvabilité du sequestre ou dépositaire qui auroit emporté le meuble ou autre effet mobilier ou les fruits de l’héritage ou autre immeuble, un fait de cette qualité seroit un fait de charge, & comme tel produiroit sur le prix de la Charge, en faveur de celui au préjudice duquel cet Huissier où Sergent auroit pour ainsi dire délinqué, un privilege exclusif de tout autre creancier, même du vendeur ou ayant cause du vendeur de l’Office.

Autre que les Partie..

Il ne seroit pas juste que les Parties dans la Clameur de Haro fussent ellesmêmes sequestres ou dépositaires de la chose contentieuse, parce que non seulement cela préjugeroit le Haro en faveur de la Partie qui seroit sequestre ou dépositaire, mais encore un tel sequestre ou dépositaire pourroit abuser de le chose mise en ses mains, même la déteriorer ; il faut une personne neutre & indifférente pour faire & remplir comme il faut les fonctions de sequestre ou dépositaire.


ARTICLE LIX.

L E Juge ne peut vuider la Clameur de Haro sans amende.

Par cette disposition celui qui succombe en la Clameur de Haro, doit être indispensablement condamné en une amende, telle qu’elle soit, médiocre ou grosse, sans qu’il soit permis au Juge de vuider & juger la Clameur de Haro sans une condamnation d’amende contre celui qui succombe sur le Haro, d’autant qu’il a temerairement appellé l’aide du Prince ; & imploré le secours de la Iustice, sa peine est une amende.

Cette amende est arbitraire pour le plus & le moins, elle dépend en cela des circonstances de l’affaire & de la qualité des Parties ; mais elle ne peut en aucun cas être remise, autrement le Juge contreviendroit à la Loy, & s’exposeroit à une prise à partie.

Cette condamnation d’amende n’est pas infamante ni n’emporte pas note d’infamie, quand même la Clameur de Haro auroit été intentée en matière Criminelle & pour cause Criminelle, & même non suggillaret famum.