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TITRE TROISIEME. DE LA LOY APPAROISSANTE.
ARTICLE LX.
C Hacun est reçüe dans les quarante ans à demander par action de la Loi apparoissante, être déclaré propriétaire d’héritage qui lui appartient, ou qui a appartenu à ses prédecesseurs ou autres, desquels il a droit, & dont lui & ses prédecesseurs ont perdu la possession depuis lesdits quarante ans.
Loy apparoissante ou apparente est la même chose ; ce mot signifie un Mandement ou Ordonnance du Juge, portant permission au proprietaire d’un hérita ge ou autre immeuble de faire assigner pardevant lui une Partie, pour voir dire qu’il rentrera en la possession de son héritage ou autre immeuble, & à lui appartenant, tant du chef de ses prédecesseurs on ayans cause, que de son chef, & dont lui & ses auteurs ont perdu la possession depuis quarante ans.
Dans l’usage, on joint à ce Mandement ou Commission des Lettres de petite Chancellerie, qu’on appelle Lettres de Loy apparoissante, mais ces Lettres ne sont que de pratique & non de nécessité.
Les mots de Loy apparoissante viennent de ce qu’autrefois cette action ne pouvoir avoir lieu à moins qu’il ne parût évidemment, démonstrativement & manifestement, que le Demandeur eût été le véritable propriétaire de l’heritage ou autre immeuble revendiqué, & qu’il en eût perdu la possession depuis quarante ans ; & aprés cette justification évidente, c’étoit une Loy que ce proprié-taire devoit rentrer en la possession & jouissance de son héritage ou autre immeuble ; c’est ce qu’on appelle en Droit actio Pauliana in rem, & rei vendicatio, & nous disons Loy apparoissante, & en langue Latine Lex apparabilis aut pavabilis.
Pour pouvoir intenter l’action en demande de Loy apparoissante, il faut que cinq choses concourent ensemble : 10. Que le Demandeur soit propriétaire de l’héritage ou autre immeuble. 20. Qu’il en ait perdu la possession depuis quarante Sans, & non aprés quarante ans. 30. Que la chose contentieuse soit désignée par ses tenans & aboutissans. 47. Qu’il justifie du titre de sa proprieté, or cette proprieté peut venir tant de nos prédecesseurs, auteurs ou ayans cause, que de nous, parce que nous l’avons pu perdre par nous-mêmes, nos prédecesseur, auteurs ou ayans cause. 50. Que le titre de proprieté eût été suivi d’une posses sion, mais que nous avons perduë depuis quarante ans ; Arrest du Parlement de Normandie du 2. Mars 1643.
L’action de Loy apparoissante a seulement lieu en matière d’héritage ou autre immeuble, & non pour meubles ou autre chose mobiliaire.
Il faut bien prendre garde à ne pas confondre le Bref de nouvelle défaisine avec la Loy apparoissante, ce sont choses tres-différentes ; car le Bref de nouvelle défaisine est pour se maintenir en la possession d’un héritage ou droit réel, & se pourvoir dans l’an & jour du trouble contre celui qui l’a fait ; au lieu que la Loy apparoissante est pour rentrer en la possession d’un héritage ou autre immeuble qui nous appartient en proprieté, & laquelle possession nous avions perduë depuis quarante ans.
L’action de Loy apparoissante ne dure que quarante ans, aprés lesquels cette action est prescrite ; parce que suivant nôtre Coûtume, Art. 521. la prescription de quarante ans vaut titre, pourvû que la possession de quarante ans complets ait été continué, paisible & publique ; de manière qu’il faut que la possession qui donne lieu à la Loy apparoissante, soit au-dessous de quarante ans, sans quoi point de Loy apparoissante, & aprés les quarante ans complets le possesseur demeurera propriétaire incommutable de l’héritage ou autre immeuble.
L’action de la loy apparoissante n’appartient qu’au propriétaire de l’héritage ou autre immeuble, en la possession duquel le propriétaire demande à rentrer comme l’ayant perduë depuis quarante ans nonobstant, les titres de proprieté qu’il en a, comme d’acquisition, échange, donation, legs, partage, ou autres titres qui peuvent établir une proprieté.
Sauf la question des fruits, si en fin de cause il déchet, Le Défendeur à la demande de Loy apparoissante, qui succombe en fin de cause, est tenu de la restitution des fruits envers le Demandeur, mais seulement du jour de la demande, s’il est évidemment justifié qu’il étoit possesseur de bonne soi ; Arrest du Parlement de Roüen du 29. Ianvier 1684. Mais s’il est prouvé qu’il étoit possesseur de mauvaise foi, comme il ne peut pas dire qu’il a fait les fruits siens, il est tenu de les restituer ; car des qu’un légitime propriétaire rentre en son bien par l’action de Loi apparoissante ou autre voye de droit, contre un possesseur de mauvaise foi, il lui faut rendre tous les fruits de son héritage ou autre immeuble, la restitution des fruits étant dans ce cas une suite & une consequence nécessaire de l’abandonnement & délaissement que le Défendeur est obligé de faite au profit du Demandeur de l’héritage ou autre immeuble.
ARTICLE LXI.
L A connoissance de Loi apparente appartient au Bailly Royal & Haut Justicier.
La Coûtume donne cette attribution aux Baillis Royaux & aux Hauts Justiciers chacun en droit soi, & dans le territoire desquels l’héritage ou autre im-meuble contentieux est situé, privativement à tous autres Juges, soit Royaux, soit subalternes, & soit que les Parties soient nobles ou qu’elles soient roturières ; de sorte que les Vicomtes ni les Juges Moyens ou Bas Justiciers ne peuvent connoître de l’action de Loy apparente, & encore moins si l’on se sert de Lettres de Chancellerie pour intenter une demande de Loy apparoissante, suivant la Déclaration du Roy du mois de Juillet 1624. & par cette Declaration il est fait défenses aux Iuges de la Province ale Normandie de plus à l’avenir accorder aucun Mandement ni Commission de Loy apparoissante sans Lettres de Chancellerie, & aux Huissiers ou Sergens de les signifier & mettre à execution.
L’action de Loy apparoissante est une action réelle ; aussi ne dépend-t’elle point du domicile des Parties, & l’assignation sur cette demande peut être donnée au Détempteur, Possesseur, Locataire ou Fermier de l’héritage ou autre immeuble, pour raison duquel l’assignation est donnée ; par cette même raison cette demande n’est point susceptible de Lettres de Committimus.
Comme depuis la Déclaration du Roy du mois de Juillet 1624. il faut avoir des Lettres de Chancellerie pour pouvoir intenter une demande de Loy apparoissante, & que les Juges Hauts Justiciers peuvent connoître de cette contestation dans l’etenduë de leurs Justices, il est assez difficile de se rendre à la prétention des Baillis Royaux, qui prétendent qu’il n’y a qu’eux qui puissent prendre connoissance de cette demande, sur ce qu’ils soutiennent qu’à eux seuls appartient la connoissance de toutes Lettres Royaux, privativement & à l’exclusion des Juges Hauts Justiciers ; j’estime même que si incidemment on obtenoit des Lettres de rescision dans un procés qui seroit pendant devant le Vicomte, il faudroit les lui adresser, & il en connoîtroit, de la même manière que quoiqu’il ne connoisse point du crime, néanmoins il en connoit incidemment.
ARTICLE LXII.
D Urant la suite de la Loi apparoissante, le Défendeur demeure saisi, sauf la question des fruits si en fin de cause il déchet.
Durant la suite de la Loy apparoissante, le Défendeur demeure saisi.
On ne dépossede point par provision un possesseur, & encore moins dans le cas de la Loy apparoissante ou il y a une possession de presque quarante ans c’est pourquoi pendant la contestation sur la demande en enterinement des Lettres de Loy apparoissante, le possesseur troublé & interrupté demeure en pos-session : il ne peut pas même être ordonné un sequestre, à la difference du Bref ou Mandement de nouvelle désaisine, où il est permis de remander que l’heritage ou autre immeuble sera mis en sequestre, parce que l’une & l’autre des Parties prétendent la possession, au lieu que dans la demande de Loy apparoissante, qui est une demande de proprieté, la Loi apparoissante ne dépossede point le détempteur ou possesseur pendant le proces, le Défendeur demeure saisi & en possession jusques en fin de cause ; il en est à cet égard comme dans les Lettres de Rescision, tant qu’elles ne sont point entérinées le Défendeur dont on attaque le titre par cette voye de droit, demeure en sa possession, & même son titre peut être mis à exécution, nonobstant les Lettres de Rescision & la demande en enterinement d’icelles, Sauf la question des fruits, si en fin de cause il déchet.
Des que le défendeur en Loi apparoissante perd sa cause, il est tenu de la restitution des fruits & revenus envers le demandeur, à compter du jour de la demande, sans considerer s’il étoit possesseur de bonne foi ou autrement, parce qu’il suffit qu’il air contesté sur la demande.
L’Ordonnance de 1667. au Tit. 30 prescrit la manière en laquelle doit être faite la liquidation des fruits à la restitution desquels on a été condamné par Sentence, Arrest ou Jugement ; cette restitution des fruits va même par corps s’ils sont au-dessus de deux cens livres, & aprés les quatre mois ; Article 2. ibidem, en obtenant une Sentence, Jugement ou Arrest d’iterato.