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ARTICLE LXIII.

S I le Seigneur ayant saisi les Namps de son Vassal, est refusant de les délivrer à caution ou plege, le Sergent de la querelle peut les delivrer à caution, & assigner les Parties aux prochains Plaids où Assises.

Le mot de Namps veut dire ici meubles saisis, il vient du mot nantir, qui dans la langue Normande veut dire saisir & executer meubles & autres choses mobiliaires.

On distingue ordinairement de deux sortes de namps ou meubles ; les uns vifs, ce sont les bestiaux ; les autres morts, qui comprennent tous les autres meubles de quelque qualité & de quelque prix & valeur qu’ils soient.

Le sens de cet Article est que le Seigneur qui fait saisir & executer les meubles vifs ou morts de son Vassal, Censitaire ou Rentier faute de payement des arrérages des rentes & redevances dûës, à son Fief & à sa Seigneurie, ne peut se dispenser d’en donner main-levée par provision à son Vassal, Censitaire ou Rentier en lui donnant bonne & suffisante caution & plege, sinon que le Sergent de la querelle pourra de son autorité donner cette main-levée provisoire à la caution offerte, & donnera assignation en même temps aux Parties aux prochains plaids ou aux Assises, eu égard à la condition des Parties sur le fonds de la contestation & sur la main-levée définitive, aprés que le Vassal, Censitaire ou Rentier, ou sa caution, aura payé au Seigneur les arrérages bien & legitiment dûs.

De là on peut former les décisions qui suivent.

La première, que le Seigneur faute de payement des arrérages des rentes & redevances Seigneuriales, peut non seulement faire saisir les fruits pendans par les racines sur les terres & héritages sujets aux rentes & redevances, mais encore les meubles meublans & bestiaux de son Vassal, Censitaire ou Rentier.

La seconde, que le Seigneur à qui on offre une caution bonne & solvable pour surété du causes de sa saisie, ne peut valablement refuser la main-levée provisoire des choses saisies.

La troisiéme, qu’on appelle Sergens de la querelle, le Sergent ordinaire de l’action & du lieu où la contestation est pendante ; car dans nôtre Coûtume il y a de certains Sergens qui peuvent seuls faire des Exploits & certaines choses, telle qu’est celle de donner cette main-levée provisoire, sans pouvoir néanmoins entrer en connoissance de cause ; tout ce qu’il peut faire, c’est aprés qu’il aura donné cette main-levée provisoire, de donner assignation aux Parties devant leur Juge naturel & competent, pour être reglées sur le fonds de leurs contestations ; & cela sera jugé aux Plaids ou aux Assises suivant la condition des Parties, à l’effet de quoi l’assignation sera donnée précisément au jour des Plaids ou des Assises, & non à autre jour & autre temps.

La quatriéme, que cette main-levée provisoire & la caution qui sera reçuë d’office par le Sergent de la querelle, faute par le Seigneur de l’avoir agréée lorsqu’elle lui a été offerte par le Vassal, Censitaire ou Rentier, n’a lieu que dans les saisies & executions des meubles ou bestiaux de son Vassal, Censitaire ou Rentier faites à la requête du Seigneur, faute de payement des arrérages des rentes & redevances Seigneuriales ou autres droits Seigneuriau, & non point pour toute autre dette & autre cause ; car s’il s’agissoit d’une rente constituée ou hypoteque, ou du contenu en une Obligation, Promesse, Cedule ou Billet, ou de toutes autres dettes personnelles, il n’y auroit que le Juge qui pourroit faire mainlevée provisoire des meubles meublans ou bestiaux du débiteur, même Parties presentes, ou duëment appellées, & en connoissance de cause, soit en donnant caution ou à la caution juratoire du débiteur suivant les circonstances de l’affaire.

La cinquième, que le Vassal, Censitaire ou Rentier ne pourroit demander main-levée provisoire de ses meubles saisis pour arrerages de rentes & redevances Seigneuriales à sa caution juratoire, mais seulement en donnant par lui bonne & suffisante caution ; le Sergent de la querelle ne pourroit pas pareillement au refus du Seigneur accorder cette main levée à la caution juratoire du Vassal, Censitaire ou Rentier, mais à la caution d’une personne bonne & solvable, autrement il feroit responsable de tout en son propre & privé nom, & le Seigneur seroit en droit de se plaindre de ce procedé.

La sixième, qu’il y a cette différence entre caution & plege, que caution comprend toutes les assurances qu’on donne pour raison d’une Obligation contractée, au lieu que plege est une fureté particulière & speciale ; cependant à proprement parler, caution & plege signifient la même chose, ce sont deux termes synonimes.

La septiéme, que le Sergent qui a reçû la caution ou plege dans le ces de la main-levée provisoire de la saisie faite à la requête du Seigneur, des meubles ou bestiaux de son Vassal, Censitaire ou Rentier, est responsable en son propre & privé nom, de la solvabilité de la caution ; & des ce moment le Sergent contracte une hypoteque sur ses biens, & par privilege sur son Office, quand même il n’exerceroit la Sergenterie que par Bail ou Commission, & cela preferablement au proprietaire de l’Office ou des Creanciers privilegiez sur l’Office, parce que ce seroit un fait ou délit, ou quasidelit de Charge.

La huitième, que par l’Ordonnance de 2667. Art. 16. du Tit. 33. il est deffendu d’executer les bestiaux servans à labourer & cultiver les terres, à peine de nullité de la saisie, à moins que la saisie & execution ne fût pour sommes dûës pour vente des bestiaux mêmes, ou pour deniers prêtez pour les acheter, ou pour fermages des terres où sont les bestiaux ; il faudroit dire la même chose des bestiaux trouvez sur les terres sujetes aux rentes & redevances Seigneuriales : ce même Titre de l’Ordonnance prescrit les formalitez des saisies & executions des meubles ou-bestiaux, lesquelles doivent être absolument observées à peine de nullité des saisies & executions, dépens, dommages & interéts.

La neuvième & dernière décision, est que suivant l’usage de la Province de Normandie, le débiteur dont on a vendu les meubles & bestiaux peut les retirer dans huitaine du jour de la vente, en payant & rendant le prix comptant à celui qui les avoit achetez à l’encan, & au plus offrant & dernier encherisseur il lui est même permis de céder sa faculté & son droit à une tierce personne, afin que dans son infortune il puisse gagner quelque chose, en mettant une personne en son lieu & place, s’il n’a pas moyen de retirer ses effets par lui-même : cette faculté en l’un & l’autre cas s’appelle forgage.