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TITRE SEPTIEME. DE BANON ET DEFENDS.

ARTICLE LXXXI.

T Outes Terres cultivées & ensemencées sont en Deffends en tous temps, jusques à ce que les fruits soient recueillis.

Ces deux mots Banon & Deffense, sont deux mots opposés l’un à l’autre, & signifient choses trés differentes, Banon vient du mot Banal c’est-à-dire chose qui est commune & à l’usage commun des Habitans de Paroisse ; ici il signifie le tems auquel les terres font libres peur le passege, & dans lesquelles un chacun peut mener ses bestiaux pacager sans le consentement ou permission du Propriétaire ou Possesseur d’icelles, au lieu que le mot de Deffends signifie le temps pendant lequel il est deffendu d’entrer, aller & passer dans les terres d’autrui, ou y mener ses bestiaux pacager sans le consentement ou permission du Propriétaire ou Possesseur ; ce mot Deffends vient du mot Deffendre, parce qu’il y a une certaine faison dans l’année où les terres sont en deffenses.

Toutes tetres cultivées & ensemencées sont en déffenses en tous temps de l’année jusques à ce que la moisson ou recolte ait été faite, & les grains & fruits cueillis, enlevés & serrés.

Les terres plantées en vignes, sont aussi en deffenses jusques aprés la dépoüille & la vendange faite.

Sans cette police introduire par cet Article, on feroit journellement des dégâts dans les terres cultivées & ensemencées, & on frustreroit les Laboureurs & autres de leur attente & espérance.

Par l’Ordonnance de 1669. des Eaux & Foréts, Article 18. du titre des Chasses, il est deffendu de chasser à pied ou à cheval, à chiens ou oyseaux, sur les terres ensemencées, depuis que le bled est en tuyau jusques à la recolte, & dans les vignes, depuis le premier jour de M. y jusques aprés la depoüille.

Les contraventions à ces deffenses generales doivent être punies de condamtions d’amende & de dommages & interéts proportionnés au degât qui auroit été faits aux grains, vignes & autres fruits, & c’est au Juge du lieu du délit ou quasidélit, à en prendre connoissance, soit : Juge Royal soit Juge subalterne ; mais, depuis l’Ordonnance des Eaux & Forêts, ce sont les Juges de cette Jurisdiction. qui connoissent de ces contestations.


ARTICLE LXXXII.

L Es prés, terres vuides & non cultivées, sont en deffends depuis la my-Mars jusques à la Sainte Croix en Septembre ; & en autre temps. elles sont communes, si elles ne sont closes où deffenduës d’ancienneté.

Par une consideration de police & d’utilité publique, fondée principalement sur ce que les bestiaux font une partie du commerce de la campagne, on a rendu communes & bannales en certaine saison de lannée, les terres non cultivées & vuides, & les prés, pour y mener pacager ses bestiaux, & y entrer & passer librement sans la permission du Propriétaire ou Possesseur ; mais cette liberté n’est que depuis la Sainte Croix en Septembre jusques à la my-Mars & depuis la my-Mars jusques à la Sainte Croix en Septembre, ces terres & prez sont en deffenses ; de cette maniere ces terres & prez sont six mois de l’année en deffenses, & six mois bannales & communes ; elles seroient même en deffenses perpétuelles & pendant toute l’année, si elles étoient closes, fermées, ou en defenses par titres ou par une longue & ancienne possession, qui seroit de cent ans & immémoriale.

Il y a des communes dans certains Villages, où tous les Habitans du Village ou Paroisse ont droit de mener pacager leurs bestiaux ; il y a aussi dans quelques endroits des hois communiaux à l’usage de toute une Communauté d’Ha-bitans.

Une commune cédée à des Habitans à la charge de relever d’une Seigneurie, appartient en proprieté à la Communauté des Habitans, sans que le Seigneur en puisse demander partage pour en joüir d’une partie divisément ; Arrêt du Parlement de Roüen du 7. Decembre 1634. mais si le Seigneur n’avoit cedé qu’un usage dans certaines tetres, comme il en seroit en ce cas toûjours Proprietaire foncier, il lui seroit permis de prendre une portion de cette commune, diviément & séparement, en laissant au, Habitans usagers l’autre part, pourvû neanmoins qu’elle fut suffisante pour l’usage auquel la commune auroit été destinée.

C’est un usage certain dans la Province de Normandie, que les Habitans d’un Village ou Paroisse ne peuvent mener pacages leurs bestiaux dans une autre Paroisse par la raison que comme chaque Village ou Paroisse porte ses charges, les Habitans se doivent contenir dans leur térritoire, à moins qu’il n’y eût quelques terres communes aux deux Villages ou Paroisses ; Arrêt du même Parlement du 6. Juin 1647. ou qu’il n’y eût titre au contraire, constitutif & special, & suivi d’une possession publique, continuë & paisible.

Il n’est pas permis à chaque Habitant de faire pacager dans la commune de la Paroisse, ni dans les terres vuides & non cultivées, dans la saison qu’elles ne sont point en deffenses, autant de bestiaux qu’il lui plait ; il faut que chaque Habitant se comporte en cela de telle manière, que le nombre des bestiaux qu’il envoye paître, soit proportionné à la quantité des terres qu’il possede dans le Village ou Paroisse ; Arrét du même Parlement du 26. Octobre 1670.

En fait de communes & d’usages, le droit est réel & non personnel ; c’est pourquoi il n’y a en cela aucune différence entre l’Habitant noble & le roturier.

Un Seigneur ne peut contraindre son Vassal ou Censitaire à lui ceder sa part d’une commune ou autres biens communiaux ; Arrét du même Parlement du 7. Decembre 1634.

Il y a une Déclaration du Roy du mois d’Avril 1667. trés favorable aux Communautés d’Habitans au sujet des allienations ou usurpations faites de leurs Communes & biens Communiaux, afin d’y pouvoir rentrer aux conditions portées dans cette Déclaration.


ARTICLE LXXXIII.

I L est loisible à un chacun d’accommoder sa terre de fossés & de haves, en gardant les chemins Royaux de la largeur contenuë en l’Ordonnance, & les chemins & sentes pour le voisiné.

Il est loisible à un chacun d’accommoder sa terre de fossés & de hayes, ainsi & de la manière qu’il lui plait, afin par là d’empécher qu’on y entre & qu’on y passe, ou qu’on y mene des bestiaux pacager, principalement les terres qui sont sur les grands chemins ou proche les Bourgs & Viliess autrement il ne leroit pas en droit de se plaindre qu’on entre & qu’on passe sur ses terres, ou qu’on y fait pacager ses bestiaux, ni même du dégât qui y auroit été fait, à moins qu’il n’eût été fait dans le temps que les terres, même non closes ni fermées, sont en deffenses.

Il est permis de faire clore ses terres & héritages d’avec ceux de son voisin, & de les séparer par des fossés ou des hayes.

Lorsque entre deux héritages il y a haye plantée sur le fossé, le Proprietaire de l’héritage du côté duquel est le jet du fossé ou le creux du fossé, est reputé Propriétaire de la haye & du fossé, s’il niy a titre, bornes ou possession au contraire, de manière que c’est le côté duquel est le creux & le jet du fossé qui dêtermine le Propriétaire du fossé & de la haye plantée dessus ; mais s’il se trouve un creux des deux côtés, le fossé est reputé commun, s’il n’y a titre, bornes ou possession au contraire.

Quant aux hayes vives, lorsqu’il y a un fossé au delâ de la haye, la haye appartient à celui du côté duquel elle est ; mais s’il n’y a point de fossé, & qu’il n’y eût qu’une simple haye que nous appellons haye à pied, la proprieté de cette haye appartient au Propriétaire de l’héritage qui a plus besoin de clôture ; par exemple une haye vive ou buisson étant entre un pré & une terre à la-bour, la présomption est qu’elle appartient au Proprietaire du pré, parce que les terres labourables sont plûtôt laissées sans clôture, que des prés qu’on a soin de clore de fossés ou de hayes crainte des bestiaux ; enfin si les deux héritages voisins sont de nature & d’usage à être bien clos & fermés, & que les deux Propriétaires n’’ayent aucun titre ni possession pour établir leur droit, en ce cas la haye doit être reputée commune & mitoyenne.

Lun voisin ne peut contraindre son voisin de clore ses terres & Héritages de campagne, de fossés, hayes ou autrement, cette clôture depend de la volonté d’un chacun.

Celui qui fait clore ses terres de fossés ou de hayes, doit laisser une espace suffisante entre son fossé ou sa haye, & l’héritage du voisin.

En gardant les chemins Royaux de la largeur contenuë en l’Ordonnance, & les chemins & sentes pour le voisiné.

De sorte que quand on veut clore ses terres & héritages de fossés ou de hayes, si ces terres ou héritages sont au bord des grands chemins, qu’on appelle Royaux, ou que le voisinage ait droit d’y avoir un chemin ou sentier, il ne faut pas que cette cloture empèche le passage & la voye, autrement il seroit permis de faire ôter cette clôture aux frais & dépens du Propriétaire ou Possesseur.

On distingue ordinairement de trois sortes de chemins, le chemin Royal, de chemin de traverse, & le chemin qui sert au voisinage des terres & heritages.

Le chemin Royal est le grand chemin & les grandes routes qui conduisent dans les Provinces, Villes ou gros Bourgs du Royaume ; sa largeur doit, suivant les Ordonnances, Arrêts & Reglemens, être de vingt-quatre pieds.

Le chemin de traverse, est un chemin particulier qui conduit d’une Ville ou Bourg à une autre Ville ou Bourg ; il doit être ordinairement large de seize pieds.

Le chemin qui sert au voisinage, est un sentier & un petit chemin pour les gens de pied seulement, & non pour les gens de cheval ; il a deux pieds de large ou environ, c’est ce que nôtre Coûtume appelle dans cet Article Sente.


ARTICLE LXXXIV.

L Es Chevres & Porcs, & autres bêtes malfaisantes, sont en tout temps. en deffends.

Les terres & héritages sont pendant toute l’année & toutes les saisons de l’année en deffenses par raport aux bêtes malfaisantes, telles que sont les chevres & les porcs, parce que ces bêtes sont trés nuisibles aux prés, vignes, terres labourées & ensemencées, & autres terres.

Au nombre des bêtes mal-faisantes on y met ordinairement les oyes, les bêtes fauves & les brebis & moutons, par raport aux prés ; Arrét du Parlement de Roüen du 16. Novembre 163 5.

Il est permis de tuer impunément les bêtes mal-faisantes trouvées en dommage sur ses terres & héritages ; Arrét du même Parlement du 5. Mai 1676.

Cependant il vaut mieux, & il est plus convenable d’en user à cet égard avec moderation, & de ne tuer ces bêtes qu’aprés avoir averti ou fait avertir le Maitre de ces bêtes, de les garder au faire garder ; mais s’il ne le fait pas, alors le Proprietaire ou Possesseur des terres & héritages, ou son Domestique ou Fermier, pourra se faire lui-même justice & tuer ces bêtes trouvées en domma-ge & délit, sans cependant qu’il en puisse profiter, il seroit obligé de les laisser sur le place où elles auroient été tuées.

Mais afin d’empécher tous ces inconveniens, il seroit bon d’enjoindre aux Maîtres de ces sortes de bêtes de les faire garder.

Il y a des bêtes qui ne sont pas seulement nuisibles aux terres & héritages, elles peuvent encore blesser les personnes.

Pour un tel accident on ne peut prononcer que des condamnations pecuniaires, comme dommages & interêts & amende contre le Maître de la bête qui auroit blessé le plaignant, mais jamais de condamnation à peine afflictive contre le Maître de la bête, à moins qu’il ne fût prouvé & justifié que malicieusement & animo nocendi, il auroit excité la bête à se jetter sur la personne pour la blesser.


ARTICLE LXXXV.

L Es Bois sont toûjours en deffends, reservé pour ceux qui ont droit de coûtume & usage, lesquels en useront suivant l’Ordonnance.

Les Bois font toujours en deffends, soit les bois taillis ou les bois de haute-futaye, où n’y peut laisser aller les bestiaux en aucune saison de l’année ; il faut voir à cet égard l’Ordonnance de 1669. des Eaux & Forêts, titre dernier, Art. 10. & 11.

Reservé ceux qui ont droit de coûtume & usage, lesquels en useront suivant l’Ordonnance, i C’est ce qu’on appelle Bois communiaux ; ces sortes de bois sont pour l’usage. des Communautés des Manans & Habitans des Villages ou Paroisses, qui ont droit d’usage dans de certains bois, soit du Roy soit de Particuliers.

Or il y 4 de deux sortes d’usages, l’un pour le paturage des bestiaux, l’autre pour le chauffage, aménagement ou construction ou reparation d’un bâ-timent.

L’un & l’autre ne peuvent appartenir aux usagers que par concession & don du Roy, à titre onereux ou gratuit, ou par actes faits avec des Seigneurs à qui ces bois appartenoient ; il y a aussi des bois communiaux qui appartiennent en pleine proprieté aux Communautés d’Habitans, & dans lesquels neanmoins chaque Habitant n’a que le droit d’usage.

On fait encore une autre distinction entre les usagers dans les bois ; il y a les gros usagers, & il y a les menus usagers : les gros usagers sont ceux qui ont droit de prendre du bois pour leur chauffage, ou par les reparations de leurs maisons ; les menus usagers sont ceux qui ont droit de pacage pour leurs bestiaux.

Il est permis au Seigneur foncier de vendre ses bois par vente reglée en laissant les ballivaux necessaires pour les repeupler, sans que les usagers puissent empécher cette vente ni la coupe.

La même Ordonnance de 1669. des Eaux & Forêts, au Tit. 20 regle & fixe le droit des usages dans les bois, soir bois de haute-futaye, soit bois taillis, & au Tit. 25. elle regle les bois, prés, marais, landes, patis & autres biens appartenans en commun aux Communautés d’Habitans des Villages & Paroisses ; c’est cette Ordonnance qu’il faut à present suivre en cette matière, comme étant la derniere loi & volonté du Prince.

Un Seigneur foncier ne peut demander partage d’une commune aux Habitans de la Paroisse qui y ont usage, ni encore moins les Habitans peuvent : ils demander qu’il soit fait partage entre les Habitans des biens communiaux, comme bois & pacages, pour en jouir chacun en particulier de la portion qui Echerroit en son lot, il faut qu’ils en joüissent tous en communLes biens communiaux, communes & usages des Communautés, ne peuvent être saisis reellement pour les dettes de la Communauté, quand même ce seroit une dette la plus privilegiée.

Les biens communiaux & usages ne peuvent être alienés ; & s’ils avoient été alienés, la Communauté y rentreroit sans être tenuë de rendre que ce qui sera justifié avoir tourné au profit de la Communauté ; il y a à cet égard un Edit du Roy du mois d’Avril 1667.

L’usage concedé à une Communauté d’Habitans, n’est pas restraint aux anciens Habitans, il appartient aussi aux nouveaux Habitans, des qu’ils font partie des Habitans, & qu’ils payent & suportent les dettes & charges de la Communauté.