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ARTICLE XC.

A Vant l’adjudication, s’il se presente aucun du lignage du deffunt, qui se veüille porter heritier absolut, il y sera reçu encore qu’il foit plus éloigné que l’heritier par benefice d’inventaire, en payant les frais faits par celui qui s’est porté heritier par benefice d’inventaire.

La disposition de cet Article n’a lieu qu’en ligne collaterale, où l’heritier absolut ou pur & simple exclut l’heritier beneficiaire, quand bien même l’heritier absolut ou pur & simple seroit parent du deffunt en degré plus éloigné que le parent qui veut se porter heritier par benefice d’inventaire, pourvû néanmoins & non autrement que l’heritier absolut ou pur & simple paroisse & se presente avant que les Lettres de benefice d’inventaire ayent été enterinées définitivement, & le benefice d’inventaire adjugé, & à la charge même par l’heritier absolut ou pur & simple, de rembourser à celui qui vouloit se porter heritier beneficiaire tous les frais par lui faits pour parvenir à l’adjudication du benefice d’inventaire.

Dans les Coûtumes qui ne marquent point dans quel temps un heritier pur & simple doit paroître pour pouvoir exclure un heritier beneficiaire, Dumoulin dit qu’il faut qu’il vienne dans l’an du jour de la succession ouverte, aprés quoi il seroit non-recevable en sa demande, videtur absurdum heredem per benefide Paris, n. 5. ce qui est conforme à la Coûtume de Vermandois art. 308. & à la Coûtume d’Orléans, art. 340.

Mais il n’en est pas de même en ligne directe, l’heritier absolut ou pur & simple n’y exclut point l’heritier beneficiaire, bien entendu si l’heritier beneficiaire est plus proche parent que l’heritier absolut ou pur & simple, ou si l’un & l’autre sont en pareil degre ; en un mot, il n’y auroit que la proximité de degré qui excluroit, & l’égalité de degré qui les mettroit en concurrence pour partager entre eux la succession, & non la qualité d’heritier absolut ou pur & simple, ou celle d’heritier par benefice d’inventaire ; mais en ligne collaterale l’heritier absolut ou pur & simple, exclut l’’heritier beneficiaire, enco-re que l’heritier absolut ou pur & simple soit parent plus éloigné que celui qui se veut porter heritier par benefice d’inventaire ; & c’est de cette manière qu’il faut entendre cet Article, Cependant, par une exception à cette maxime, le mineur qui prend qualité d’heritier absolut ou pur & simple, ne peut exclure un plus proche parent qui a pris qualité d’heritier beneficiaire ; Art. 18. du Reglement de 1666. la faveut de la minorité n’a point en ce cas de prérogative, on n’a égard qu’à la proximiTé du degré de parenté ou de lignage.

Quoique celui qui se veut porter heritier par benefice d’inventaire ne soit point né au jour de la succession ouverte & échûë, il est neanmoins habile à succeder & à fe porter heritier absolut ou par benefice d’inventaire, de son parent de cujus bonis agitur ; il y a même un Arrét du même Parlement de Roüen du 13. Fevrier 1636. qui a jugé qu’un enfant qui n’étoit point conçû au temps. de l’ouverture de la succession, mais qui avoit été connû & qui étoit né avant l’adjudication du benefice d’inventaire, étoit recevable à apprehender la succession, même par benefice d’inventaire ; cet Arrét qui paroit contraire aux premiers principes, tant du Droit Romain que de la Jurisprudence du Parlement de Paris, qui veulent qu’un enfant qui n est point conçû au moment de l’ouverture de la succession ne puissent succeder, n’a pas été pour cela rendu sur des circonstances particulières, mais sur le fondement de l’usage de la Province de Normandie & de la Jurisprudence du Parlement de Roüen, aux termes de deux précédens Arrêts, l’un du 30. Iuillet 1610. l’autre du 29. Janvier 1636. raportés par Berault sur l’Article 90. de la Coûtume de Normandie ; & qu’on dise tant qu’on voudra que cet usage & cette Jurisprudence revolue, & qu’il faut decider non exemplis tantùm sed rataonibus, qui dictent qu’un enfant qui ne seroit pas conçû au jour de l’ouverture de la succession, ne pourroit succeder, soit en qualité d’heritier absolut, soit en qualité d’heritier par benefice d’inventaire, quand même il auroit été conçû & qu’il seroit né avant l’adjudication du benefice d’inventaire, d’autant qu’en ce cas ce n’est point le temps de l’adjudication du benefice d’inventaire qu’il faut regarder, mais le temps de l’écheance de la succession, & qu’on ne peut pas être heritier par benefice d’inventaire, lorsqu’on n’a jamais eu aucune capacité, ni habilité, ni droit dans la succession, tel qu’est un enfant qui n’étoit pas conçû au jour de l’écheance de la succession & qui étoit dans le neant & dans les espaces imaginaires ; cependant il faut dans une contestation qui se presenteroit pour une succession ouverte en Normandie, s’en tenir à cette Jurisprudence ; aussi la même question s’étant presentée au Parlement de Paris, pour une succession de Normandie, elle a été décidée de la même manière par Arrêt rendu en la Grande Chambre, au rapport de Mr. Mainguy, du 29. Avril 1727. qui a jugé que quoiqu’un petit enfant ne fut ni conçu ni né au jour de l’ouverture de la succession de son ayeul, à laquelle son pere avoit renoncé purement & simplement, & qu’il avoit trouvée encore ouverte & jacente, pouvoit prendre & apprehender la succession de son ayeul ex sato capite, & les créanciers de l’ayent qui s’étoient fait adjuger les biens, furent condamnez à s’en desister avec restitution de fruits, & cela sur le fondement de l’usage de la Province de Normandie, & la Iurisprudence des Arrêts du Parlement de Roüen.