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ARTICLE C.

L’Héritage noble est celui à cause duquel le Vassal tombe en garde & doit foy & hommage.

Il y a deux principales conditions attachées à un héritage noble ou Fief, l’une est la garde dans laquelle tombe le Vassal ou celui qui possede l’héritage noble ou Fief envers le Seigneur suzerain ; l’autre est la foy & hommage que de vassal doit au Seigneur du Fief superieur & immediat.

Fidelité & hommage sont choses differentes ; la prestation de foy est un simple. serment que fait le Vassal à son Seigneur de lui être fidele en tout & par tout, au lieu que hommage est un service de sujetion ; la foy est de l’essence du Fief mais non l’hommage, aussi l’hommage est d’un usage bien plus nouveau que la foy en fait de Fiefs.

Nos anciens Auteurs, tels que sontReginon , Aimonins & plusieurs autres, appellent Vassal l’eudatarius, Beneficiarius, Cliens, Fidelis, Vassus, Vasiailus, Miles ; à l’occasion de laquelle signification Cesar nous apprend que c’étoit un crime à un Vassal d’abandonner son Seigneur de Fief, même dans le danger ; Clientibus nefas erat, etiam in extremia fortuna, patronos deerrare ; c’est au Livre 7. de Bello Gallico.

Les héritages & terres nobles ou Fiefs sont de deux sortes, les uns sont Fiefs de dignité, comme sont les Duchez, Marquisats, Comtez & Baronnies ; les autres sont les Fiefs de Haubert, qui sont les plus nobles aprés les Fiefs de dignité ; tous les autres Fiefs sont Fiefs à l’ordinaire : il y a neanmoins encare quelques Fiefs qu’on appelle Fiefs d’honneur, ce sont des Dignitez ou Offices tenus en Fief sans fonds ni glebe pour raison desquels on doit hommage ; ces Fiefs sont des Fiefs en l’air & incorporels : il y a aussi des rentes, cens, où autres droits réels tenus à hommage, les Fiefs incorporels ou en l’air ne doivent point de relief.

La noblesse du Fief, ni pareillement la justice annexée au Fief, ne peuvent être données & accordées que par le Roy, elles ne peuvent s’acquerir par prescription, parce que la possession contraire à l’origine & à la qualité essentrelle de la chose, ne peu en changer la nature & la condition ; Arrét du Parlement de Roüen du 11. May 1616. On n’est pas cependant obligé de rapporter le titre primordial de l’investiture du Fief, les aveux & dénombremens blamez & reçûs par le Seigneur Suzerain, & suivis d’une possession immemoriale suffisent.

Il n’est pas permis de prendre la dénomination d’un Fief duquel on n’est pas Seigneur ; & quand dans une même Paroisse il y a deux Fiefs qui ont la même dénomination, & qui appartiennent à deux differens Seigneurs lesquels n’ont aucune preéminence ni prérogative l’un sur l’autre par leurs Fiefs, chacun d’eux peut & doit seulement se qualifier & se dire Seigneur en partie d’un tel Fief.

Les droits de Fief sont de deux sortes, les uns de l’essence & de la nature du Fief, telle est la prestation de foy & la retention de la Seigneurie ou mouvance directe ; ces droits sont immuables & inalterables, & le Fiel ne peut exister & subsister sans ces droits ; les autres droits sont seulement accidentels aux Fiefs, & ils ne naissent & ne dépendent que de la convention des Parties ; l’hommage est de cette dernière espèce, la préstation d’hommage n’est point de l’essence du Fief, aussi les Fiefs ont existé & subsisté sans être assujettis à la prestation d’hommage.

Il n’est point necessaire de prouver les droits feodaux qui sont de l’essence & de la nature du Fief ; mais quant à ceux qui ne sont dus qu’accidentellement & par conventions, ils ne sont point dus s’ils ne sont prouvez & justifiez.

Les gens d’Eglise & de Main-morte peuvent posseder des Fiefs & terres nobles en obtenant des Lettres d’Amortissement du Roy, autrement ils sont sujets aux droits de nouveaux acquets que le Roy leur fait payer de temps en tems ; ils sont en outre obligez de payer l’indemnité aux Seigneurs, & leur donner un homme vivant & mourant, Les femmes ne sont pas moins capables de posseder des Fiefs & terres nobles que les hommes.

En Normandie point de terre sans Seigneur, ainsi quiconque a un Fief doit s’avoüer d’un Seigneur dominant ; car s’il y a des biens en franc-aleu ou allodiaux en cette Province, il faut que cette qualité soit établie par la Coûtume ou par des titres particuliers, sans même qu’un héritage pût devenir en francaleu ou allodial par la prescription, quelque longue qu’elle soit, il suffit au Seigneur dominant que la terre soit dans l’etenduë de sa Seigneurie pour prétendre que le Fief releve de sa Seigneurie, ainsi en Normandie le franc-aleu n’est point presumé, il faut le justifier par titres.

Un Seigneur ne peut faire payer d’autres droits & devoirs à son Vassal que ceux portez par la Coûtume, s’il n’y a titre au contraire, le Seigneur & le Vassal sont obligez également d’obéir & satisfaire à la disposition generale de la Coûtume, qui sert en cette rencontre de titre.

Outre la qualité des biens il y a la qualité des personnes ; or nous ne connoissons que de deux fortes de personnes, les unes sont nobles, les autres roturieres & non nobles : sous ces deux espèces de personnes font compris tous les Habitans du Royaume, soit gens d’Eglise, gens de justice, Gentilshommes de race & Gentilshommes annoblis par concession particulière du Roy, dignitez, Charges ou autrement, Bourgeois, Marchands, Arrisans Laboureurs & Paysans.

Dans notre Coûtume le mot de Vassal s’applique, tant à celui qui tient noblement qu’à celui qui tient en roture, & à titre de cens, rentes & redevances Seigneuriales/w> .

Il

Il y a des Vavassories, qui sont des arriere-fiefs & arrière-tenures.

Il y en à de deux sortes, les unes nobles, les autres roturieres.

Les Vavassories nobles sont celles où il y a Cour & usage, c’est à. dire droit Justice foncière, & d’avoir un taureau & un verrat bannaux, où qui ont droit de collombier, de moulin & autres droits feodaux sans aucune sujetion à aucun service roturier ; ces Vavasssories sont appellées nobles & franches ; elles sont tenuës par foy & hommage, se relevent comme fiefs nobles & on tombe en garde pour raison de ces Vavassories ou arriere-fiefs comme pour les autres fiefs.

les Vavassories roturieres & non nobles sont des arrieres-tenures d’héritages roturiers qu’un Seigneur de fief a donnez & Baillez à titre de cens, rentes, redevances & services, & à la charge de la directe, mais sans tomber en garde ni prêter la soy & hommage comme on fait pour les Vavassories nobles.

En cas de vente des Vavassories tant nobles que roturieres, on paye le droit Treizième au Seigneur direct & immediat.

On appelle encore les. Vavassories roturieres fiefs villains, c’est-à-dire roturiers telles que sont les ainesses ou tenemens d’heritages roturiers donnez & baillez par un Seigneur feodal à l’un de ses tenanciers, vassaux ou censitaires par un seul & même contrat à la charge de la directe, & des rentes & redevances Seigneuriales portées par le Contrat d’allienation, & lesquels héritages ont été depuis divisez en plusieurs portions par succession ou autrement ; cependant au milieu de cette façon de parler, il faut convenir que le terme de fief ne convient point à l’heritage roturier, puisque communément parlant, par le mot de fief on n’entend que l’héritage noble.

Un fief ou Terre noble ne peut perdre sa qualité de fief & de Terre noble sans l’autorité du Roy, quand même le propriétaire du fief, & le Seigneur direct & dominant consentiroient à ce changement, & renonceroient formelement & expressement à la qualité de fief & à la directe & mouvance.

Il y a en outre des fiefs simples & des fiefs liges.

Les fiefs simples sont ceux pour lesquels il n’est dû au Seigneur dominant que la foy & hommage, où la bouche & les maius, dont la prestation est plus réelle que personnelle ; aussi des que le vassal alliene son fief, il est déchargé de ce devoir, parce que la foy & hommage n’est dûé qu’à cause du fief & l’obligation que le vassal avoit contractée au temps de la reception & investiture envers son Seigneur, se trouve éteinte & resoluë des que le vassal n’est plus posseseur du fief, de même que les qualitez de vassal & de Seigneur cessent dés ce mo ment-là.

Les fiefs liges sont des fiefs réels & personnels appellez fiefs de corps, parce e celui qui en devient propriétaire, est obligé en faisant la foy & hommage. ton Seigneur, de faire serment de le servir & deffendre envers & contre tous Ien’à la mort, nemine excepto, hors & contre le Roy & l’Etat, & y oblige tous ses siens ; ces sortes de fiefs sont rares en Normandie, principalement par rapport aux simples Seigneurs ; quoi qu’il en soit, le vassal n’est tenu à ces formes & devoirs que tant qu’il est possesseur du fief, & generalement parlant, on ne peut tre vassal lige de deux Seigneurs pour raison d’un seul & même fief, & c’est le cas de dire que nemo debet servire duobus Dominis.

Ordinairement les fiefs liges font des fiefs & terres nobles titrées & de dignicomme sont les Duchez, les Comtez, les Marquisats & autres titres qui relevent immédiatement de la Couronne & à suy lige.

Les Domaines d’un Duché sont inalienables & ne peuvent être démembrez ; Arrêt du Parlement de Paris du 38 Iuillet rés--il est dans le Journal des Audiences.

Ev. 6. chap. 1. Mais on peut saisir réellement un Duché, même un Duché. Pairie omme une autre Terre noble, mais la Saisie réelle ou Decret d’un Duché Pairie peut être : poursuivie qu’au Parlement de Paris comme étant la Cour des Pairs France.

Il a été jugé par Arrét du même Parlement, que les Ducs & Pairs étoient intraignables par corps, même pour dettes civiles comme les autres Sujets du Roy ; cet Arrét est du 19. Mars 1624. il est rapporté par Bardet en son Recueil Arrêts, Liv. 2. chap. 16. Cependant j’ai vû juger à l’Audience de la Grande

Chambre du même Parlement, que le Carosse d’un Duc & Pair n’avoit pû être saisi lui étant dedans ; main-levee lui fut faite du Carosse, & le creancier condamné aux dépens ; je ne rapporte point la date de cet Arrêt, parce que je ne m’en souvient point, & qu’aucun Arrétiste n’a pris soin de le rapporter, ces Compilateurs en ont rapporté nombre d’autres qui n’étoient pas si import ans, mais il n’est pas moins certain ; dans le besoin on le trouveroit dans les Registres du Parlement.

Les fiefs se divisent encore en fiefs dominans, fiefs servans & arriere-fiefs.

Le fief dominant est celui duquel un autre fief releve immediatement & en plein Fief : or un Fief n’est dit dominant qu’à l’égard du Fief qui en est mouvant & qui en releve immediatement ; car le Fief qui est dominant à l’égard d’un Fief, & servant à l’égard d’un autre duquel il releve, & les Fiefs relevent les uns des autres excepté les Fiefs de dignité & les Fiefs de Haubert, qui relevent immediatement du Roy & de la Couronne.

Le Fief servant est celui qui releve sans milieu d’un autre, & dont le proprietaire est obligé de porter la foy & hommage au proprietaire du Fief dominant.

Le Fief servant quant aux profits & droits de Relief, Treizième & autres droits Seigneuriaux à titre lucratif, est regi par la Coûtume du lieu où le Fief servant est situé, & quant aux droits d’honneur pour le service, par la Coûtume du lieu où le Fief dominant est assis, quo, ad onera suectatur feudum seruiens, quo ud hoxores feudum dominans, ditCoquille , qu’est. 267.

ArriereFief est celui qui relève mediatement du Seigneur duquel releve immediatement l’arriere-Fief, & auquel il est dû la foy & hommage, & autres droits Seigneuriaux pour raison de cet arriere-Fief, de sorte que le proprietaire de l’arriere-Fief n’est pas vassal du Seigneur mediat, mais seulement du Seigneur immediat.

Il ne faut pas confondre le Fief avec la Justice, ce font deux choses si differentes & si separées, qu’elles n’ont aucun raport ensemble, soit pour l’établisse ment, soit pour les droits, soit pour la joüissance ; non-seulement il y a des Fiefs sans Justice, mais encore un même vassal peut relever d’un Fief & être Justiciable de la Justice d’un autre Seigneur.

Le droit des Fiefs est purement réel, & il ne regarde les personnes qu’autant qu’elles sont propriétaires ou possesseurs d’un Fief ; aussi les Fief se regissent dans les successions & autres cas par la Coûtume de leur situation, de quelque qualité que soient ces Fiefs, même ceux de dignité, comme Duchez, Marquisats, Comtez, Baronnies & autres.

Le Fief ou Terre noble n’anoblit point celui qui en est le proprietaire & possesseur.

Un Seigneur foncier ne peut prendre la qualité de Seigneur du Village où il a un fonds noble, il n’y a que le Seigneur Justicier qui puisse se dire Seigneur du Village ; & même un proprietaire d’un fief particulier ne se peur dire Seigneur du Village, mais seulement Seigneur d’un tel fief.