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ARTICLE. CIII.

E N Normandie il y a quatre sortes de tenure, par hommage, par parage, par aumône, & par bourgage.

En Normandie il y a quatre sortes de tenure, c’est-à-dire qu’il y a quatre sortes de manieres avec lesquelles un héritage peut relever d’une Seigneurie superieure & immediate, & qu’on peut être vassal, qui sont par hommage, parage, aumone & bourgage.

Par hommage ou prestation de foi & hommage, qui est duë par un vassal possedant Fief & Terre noble, à son Seigneur suzerain & immediat.

Par parage.

On tient en parage lorsqu’un Fief ou Terre noble est partagée entre filles ou leurs descendans : Or ce mot de Parage vient du mot paragium, qui veut dire divifio ; & Paragers signifient les Vassaux qui possedent chacun une portion d’un Fiel ou Terre noble comme ayant été partagée & divisée entr’eux, comme dans les cas de cet Article lorsqu’un Proprietaire d’un Fief ou Terre noble n’a laissé que des filles pour heritières, ces filles partagent ce Fief ou Terre noble entre elles, & elles & leurs descendans la tiennent en parage, c’est-à-dire, chacun pour sa portion du Seigneur suzerain immediat ; c’est ainsi que Ducange dans son Glossaire explique le mot de paragium ; il dit que paragium vient de par, égal, comme qui voudroit dire que des filles ou leurs descendans, qui tiennent un Fief en parage, le tiennent par égales portions du Seigneur, sans prérogative du droit d’ainesse, qui dans nôtre Coûtume n’a point lieu dans un partage de Fief entre filles.

E. Par aumône, C’est quand le Seigneur Suzerain d’un Fief ou Terre noble, donne à l’Eglise qu à quelque autre Corps de gens de main-morte, un Fief ou Terre noble mouvante & relevante de son Fief ; par cette simple donation on presume que ce Seigneur à consenti que les gens de main-morte qui possederont cet héritage, seront exemps de payer à la Seigneurie de laquelle cet héritage releve, aucuns droits Seigneuriaux, comme Reliefs & Treizièmes ; c’est-là tenir un héritage du Seigneur suzerain par aumone, dénomination prise de la qualité des donataires, qui au commencement de l’Eglise n’avoient des biens autres que ceux qui leur étoient donnés par aumone & par la charité des fideles soit pour fondations ou pour autres oeuvres de pieté.

Il faut qu’il se soit fait dans les premiers temps bien de ces sortes de dons en Normandie, puisqu’un grand nombre d’Abbayes ou autres benesices de cette Province possedent quantité de Fiefs & Terres nobles à titre d’aumones.

Les gens de main-morte peuvent encore tenir un héritage par aumone d’une autre manière, c’est tor squ’un vassal ayant aumoné son fonds, l’Eglise, ou autre Corps de gens de main-morte, l’a possedé par quarante ans, aprés lesquels l’Eglise ou autres gens de main-morte ne sont obliges qu’à fournir, donner & bailler’une simple déclaration ou aveu au Seigneur direct, contenant les rentes & les redevances Seigneuriales dont cet héritage est chargé envers la Seigneurie, sans que les gens de main-morte soient tenus de payer Relief, Treizième & autres droits Seigneuriaux, pour raison de cet héritage au Seigneur suzerain, parce que par la longue possession de quarante ans cet héritage est devenu un fonds tenu par aumone & affranchi comme un héritage tenu & mouvant d’un Seigneur par aumone.

Par Bourgage, c’est-à-dire roturièrement ; car une tenure par bourgage est une tenure roturiere ou héritage roturier, pour raison duquel heritage le Seigneur direct ne peut pretendre que les rentes & redevances Seigneuriales dont il est chargé envers la Seigneurie, declaration & reconnoissance de ces rentes, redevances, & le droit de Treizième le cas arrivant.