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ARTICLE CIX.

A Faute d’homme, aveu non baillé, droits & devoirs Seigneuriaux non faits, le Seigneur peut user de prise de Fief quarante jours apres le déces du dernier possesseur ou mutation du vassal avenuë.

a faute d’homme, aveu non baillé, droits & devoirs Seigneuriaux non faits, le Seigneur peut user de prise de FiefII y a trois causes pour lesquelles il est permis à un Seigneur de saisir feodalement le fief servant, ré. Faute d’homme ou vassal ; 25, Faute d’aveu non fournis ; 36. Faute de droits & devoirs Seigneuriaux non faits & non payez.

Il n’y a que le Seigneur proprietaire du fief dominant, qui ait droit de faire saisir feodalement le fief de son Vassal, son tuteur, ou le gardien noble ; mais il faut que la saisie feodale soit faite au nom du Seigneur, elle ne pourroit pas être faite au nom & à la requête de son Procureur Fiscal, parce qu’en France il n’y a que le Roy qui plaide par Procureur ; les creanciers du Seigneur pourroient faire faire cette saisie.

Lorsqu’il y a plusieurs Seigneurs dominans, chacun peut faire saisir feodalement pour sa part, & les uns malgré les autres : mais si la saisie feodale soit faite par un seul au nom de tous, elle vaudroit pour chacun d’eux, quoiqu’ils n’y eussent pas donné leur consentement expres, parce qu’en ce cas il s’agit d’un droit individu.

Il y a donc ouverture de fief, premierement quand celui qui étoit l’homme du Seigneur a cessé de l’être, & c’est par la prestation de foy & hommage que le Seigneur retrouve son homme & son vassal ; & cette ouverture arrive par la mort naturelle, par la mort civile du vassal, ou si le vassal a quitté la proprieté de son fief par donation, vente, alienation ou autrement.

Les gens de main-morte sont obligez de donner homme vivant & mourant au Seigneur suzerain, mais non confiscant ; car quand un tel homme auroit commis un crime dont la condamnation emporteroit confiscation de biens, le fief pour raison duquel les gens de main-morte qui l’auroient donné pour homme, ne tomberoit pas dans la confiscation.

Foy signifie le serment de fidelité que le vassal fait à son Seigneur, par lequel il lui promet de le fervir dans toutes les occasions ; hommage est la soumission avec laquelle le vassal fait ce serment à son Seigneur ; on appelle aussi quelque fois la reception en foy, investiture, parce que par ce moyen le vassal est inveslsi du fief & devient l’homme du Seigneur.

Les actes de foy & hommage ne sont pas le titre du fief, mais sont des actes d’exercice, execution & possession du fief, qui induisent une preuve entre le vassal & le Seigneur.

Tout nouveau vassal est tenu de faire la foy & hommage à son Seigneur, quand même la mutation de vassal seroit en succession directe, & que le Seigneur dominant seroit roturier, & le vassal Gentilhomme & en dignité.

Secondement, on peut saisir feodalement faute d’aveu baillé & fourni ; & c’est au vassal à indiquer au Seigneur les dettes qu’il possede mouvantes du Seigneur qui demande cette indication, à moins qu’il ne desavoué la mouvance pour tout ou pour partie.

La presentation de l’aveu, bon ou mauvais, précedé de la prestation de foy & hommage, & avec offres de faire & payer les droits & devoirs, anneantit la saisie feodale avant même que l’Aveu ait été régû par le Seigneur ; Arrêt du Parlement de Roüen du 6. Fevrier 1546.

L’aveu doit contenir en particulier toute la consistence du fief servant, les droits qui en dépendent, les terres qui en rélevent, & tous les héritages qui en composent le Domaine non fieffé, afin que le Seigneur puisse avoir une connoissance parfaite des appartenances & dépendances du fiel duquel il reçoit l’aveu.

Un aveu doit être signé du vassal, & passé devant Notaire où Tabellion reconnu en Justice ; il est ordinairement en parchemin, mais ce n’est pas une necessité, il peut être fait en papier.

En troisième lieu, le Seigneur peut saisir feodalement faute de droits non payez qui sont les droits de Relief & de Treizieme, & lorsque notre Article ajoute, & faute de devoirs & droits Seigneuriaux non faits, cela ne se peut entendre que faute de foy & hommage, aveu non fournis, & droits non payez, ce qui est une répetition inutile ; car par rapport à la saisie feodale, il n’y a que ces trois devoirs & droits qui puissent donner lieu à la saisie feodale.

Il y à de deux sortes de saisies feodales, les unes emportent perte de fruits, les autres ne l’emportent point.

Quand la saisie feodale est faite faute de fuy & hommage, ou pour droits seigneuriaux non payez, elle emporte perte de fruits jusqu’à ce que la foy & hommage ait été faite & les droits payez & les fruits appartiennent au Seigneur : mais il n’en est pas de même lorsque le vassal a commencé & a été recût a faire la foy & hommage, & à payé ou offert valablement de payer les droits Seigneuriaux, où que la saisie feodale ne subsiste plus que faute d’aveu non baillé ni fourni, la saisie feodale continuera & subsistera à la vérité, mais elle n’emportera pas perte de fruits ; car il n’y a point perte de fruits faute d’aveunon fourni, le vassal porte seulement les frais de la saisie feodale.

Le Seigneur ne peut de son autorité privée user de prise ou saisie de fief, il faut qu’il prenne une Ordonnance, Mandement ou Commission du Jugre naturel, portant permission de saisir feodalement, & que la saisie feodale soit faite par le ministere d’un Huissier ou Sergent, à peine de nullité de la saisie feodale ; Arrét du même Parlement du 3. Aoust 1533. sans quoi il arriveroit journellement en faisant des rebellions & voyes de fait, en faisant par le Seigneur saisir feodalement de fief de son vassal sans autorité de Justice, par le seul ministere d’un Sergent, Non est singulis concedendum quod per Alagisiratum publice possit fieri, ne occasio sit majoris temulius faciendi ; Leg. 176. au ff. de Reg. jur.

Un usufruitier du fief dominant peut en son nom, à sa requête, & à ses périls & fortunes, faire saisir feodalement le fief servant, mais il faut que cette saisie soit précedée d’une Sommation au Seigneur propriétaire du fief de saisie feodalement, sinon que l’usufruitier y fera proceder en son nom & à sa requête ; le Seigneur ne pourroit même donner main-levée de cerre saisie au vassal, qu’en payant ou faisant payer les causes de la saisie à l’usufruitier ; mais une telle saisie ne peut être faite que faute de droits Seigneuriaux non payez, & non faute de foy & hommage, ou d’aveu non fournis.

Il est aussi permis à un mari de faire faire une saisie feodale d’un fief servant, duquel sa femme est pareillement & de son chef Dame suxeraine, à cause d’un fief qui lui appartient d’autant qu’un muri est maître des actions possessoires & mobiliaires de sa femme ; mais il faut que le nom de la femme soit inseré dans l’Exploit de saisie, afin que le vassal soit instruit de quel côté vient la saisie feodale.

Le Fermier du fief dominant ne peut user en son nom & à sa requête de saisie feodale du fief servant, quand même par son Bail le Seigneur lui auroit cedé tous ses droits de fief, la saisie devroit nonobstant cette clause, être faite à la requête & au nom du Seigneur Regulierement parlant, la saisie feodale est préferable à la saisie réelle ; mais alors il est permis aux creanciers pour faire cesser la saisie feodale d’établir un Commissaire au fief servant en cas d’absence ou de refus du vassal, pour faire la foy & hommage, fournir aveu & payer les droits Seigneuriaux, remplir ces devoirs & faire cesser les causes de la saisie feodale, sans que le Seigneur puisse le refuser ; & par ce moyen le fief servant sera couvert, & il n’y aura plus que la saisie feodale qui subsistera, parce que le Seigneur dominant étant hors d’interet & satisfait des causes de la saisie feodale, il ne peut plus faire ni laisser subsister sa saisie feodale ; au moins s’il ne vouloit pas accepter un Commissaire pour homme de sies, ni ses offres, il ne pouvoit pas se dispenser de donner souffrance ; par-là la saisie feodale cesseroit, & la saisie reelle des créanciers auroit son cours.

Comme le droit de saisir feodalement depend de la pure faculté du Seigneur dominant, le vassal ne pourroit s’exempter de cette faculté par la prescription, cependant quant aux droits Seigneuriaux, la demande pour le payement de ceux qui sont échus, ne dure que trente ans ; ainsi aprés trente ans le Seigneur ne pourroit saisir feodalement le Fief servant faute de payement de ces droits, parce qu’ils se trouveroient prescrits ; mais quant à la directe & mouvance qui donne lieu aux droits & devoirs feodaux, elle est imprescriptible.

Le vassal qui enfreint la saisie feodale doit être condamné à la restitution des fruits, même en l’amende, depens, dommages & interêts, selun l’exigence du cas & de la qualité des violences qui auroient ête commises par le vassal ; & même nonobstant la relation qui est entre le Seigneur & le vassal, il seroit permis de prendre la voye extraordinaire contre le vassal & ses adherans, un tel fait étant pour ainsi dire une rebellion faite à Justice ; car le vassal est tenu de soussrir la saisie feodale.

Il y a trois cas où il n’est pas permis au Seigneur de saisir feodalement le Fief de son vassal. 1. Quand le vassal désavoue formellement le Seigneur & tenir de lui. 2. Lorsqu’il y a contestation entre deux Seigneurs sur la mouvance.. Lorsque le vassal a fait des offres suffisantes. 3.

Comme il est permis au Seigneur de saisir feodalement pour trois causes ; sçavoir faute d’homme, aveu non baillé & droits Seigneuriaux non payés, il s’ensuit que ce n’est pas assez pour empécher la saisie feodale de faire une de ces trois choses, supposé qu’elles soient toutes trois, simul & cumulatives, les causes de la saisie feodale, le vassal est obligé de satisfaire aux trois choses & faire cesser les trois causes de la saisie feodale.

La donation que feroit un vassal de son Fief avec retention d’usufruit, produisoit une mutation suffisante pour donner ouverture au Fief & causer une saisie feodale de ce Fief, si le donataire ne satisfaisoit pas à la Coûtume & ne faisoit pas tous les devoirs de nouveau vassal, tels qu’il faudroit les faire pour une pareille donation & par raport à la qualité du donataire.

L’absence dit vassal, quelque longue qu’elle soit, ne peut donner ouverture au Fief ni à la saisie feodale, ce seroit au Seigneur dominant à raporter la preuve de la mort de son vassal.

La saisie feodale n’emporte que la perte des fruits & non la réünion ni la perte du fonds, ni pareillement la perte des meubles du vassal, trouvés dans les manoirs, maisons & fermes du vassal, ni des grains & fruits recueillis, serrés & engrangés avant la saisie feodale ; il n’y a que les fruits & grains pendans par les racines, qui tombent dans la saisie feodale & dans la perte des fruits & grains ; ainsi quoique la saisie feodale eût été faite aprés le jour de St. JeanBaptiste & aprés le premier Septembre, que les grains pendans par les racines & les pommes étans aux arbres sont ameublis par nôtre Coûtume, art. 50s. tout cela tomberoit dans la perte de fruits si la saisie feodale avoit precedé ces jours-là, par la raison que ces grains & fruits n’étoient point encore recueillis, Il est permis au Seigneur qui saisit feodalement le fief de son vassal, de faire sortir le vassal du manoir ou maison seigneuriale pour s’y loger pendant la saisie feodale, mais non pas si le Seigneur joüissoit du fief pour son droit de relief il est même permis au Seigneur au cas de saisie feodale d’expulser le fermier du vassal du fief ; au milieu de tout cela le Seigneur doit joüir & exploiter le fief en bon pere de famille & dans les bornes prescrites par la Coûtume, & avec toutes les voyes possibles de civilité & de douceur à cause de la liaison regale qui est entre le vassal & le Seigneur.

Pendant la saisie feodale le Seigneur à la coupe des bois qui sont en coupe & les émondages des bois de haute futaye, supposé qu’il soit necessaire de les émonder, même les bois morts & qui tombent, il a encore la péche des étangs. dans leurs saisons ordinaires de péche, il presente aux Offices de la Justice & aux Benefices qui viennent à vaquer pendant la saisie feodale : mais d’un au tre côté il est tenu d’entretenir les maisons, bâtimens & lieux du fief & dependances d’icelui en bon état de réparations, s’il perçoit les fruits : Arrét du méme Parlement du S. Fevrier 1653.

Il n’est pas permis au Seigneur d’user de saisie feodale du fief servant, faute de payement des rentes & redevances Seigneuriales, il peut seulement saisir les fruits & les faire saisir, c’est-à-dire vendre par publications & encheres.

Le Seigneur ne peut saisir feodalement que les fiefs mouvans & relevans de lei immediatement, & non les arriere-fiefs ; il se pourroit même faire que des héritages seroient mouvans & tenus d’une Seigneurie sans être chargés d’aucunes rentes & redevances Seigneuriales envers cette Seigneurie.

Le Seigneur ne pourroit céder ni transporter son droit & faculté de saisir feodalement ; & la saisie feodale qui seroit faite à la requête du Cessionnaire, comme ayant droit par transport du Seigneur, seroit nulle.

Quant à la formalité de l’exploit de la saisie feodale, il faut nonobstant le Controle des Exploits, que l’Huissier ou Sergent se fasse assister de deux témoins. ou Records qui sçachent signer, comme dans les saisies réelles & les clameurs où demandes en retrait, le tout à peine de nullité, sans cependant qu’il soit necessaire de faire preceder la saisie feodale d’un commandement, à la difference d’une saisie réelle ou d’une execution de meubles.

Si le Seigneur recevoit son vassal à foy & hommage sans réserve des droits de Relief ou de Treiziéme, il ne pourroit plus mettre en sa main le fief servant faute de payement de ces droits par la voye de la saisie feodale, il n’auroit que l’action en condamnation des droits, & à faire fournir aveu, mais point de saisie feodale, parce que le fief est couvert par la prestation de foy & hommage pure & simple & sans reserve.

Quarante jours aprés le décës du dernier possesseur, soit mutation du vassal avenuë.

Autrefois dés le moment qu’un vassal étoit décédé ou qu’il y avoit mutation de vassal, le Seigneur pouvoit saisir le fief comme vacant, & l’unit à sa table jusques à ce qu’il eût un autre vassal.

Suivant cette partie de nôtre Article, le nouveau vassal à quarante jours pour faire foy & hommage, fournir aveu & payer les droits, à compter du jour du décës du dernier vassal ou autre mutation, soit que la mort du dernier vassal soit naturelle, ou civile, & à l’égard des autres mutations qui peuvent arriver, comme par vente, échange, donation ou autres alienations, du jour du contrat fait & parfait ; mais le Seigneur ne peut saisir feodalement avant les quarante jours finis & expirés, à peine de nullité de la saisie ; jusques-là que si le nouveau vassal venoit à mourir avant les quarante jours, fon heritier & nouveau successeur auroit encore quarante jours à compter du jour du déces du vassal décedé dons le delai des quarante jours.

Si les coheritiers d’un seigneur dont les biens ne sont pas partagés, ou une Communauté de gens de main-morte, ne nommoient pas une personne pour recevoir pour eux la foy & hommage, en ce cas le vassal pour ne pas s’exposer à une saisie feodale, fera la foi & hommage au Juge ou au principal manoir du fief, en observant les formalités prescrites par l’article 1o8. de nôtre Coûtûme.

Il ne faut pas manquer de faire signifier la saisie feodale au vassal sur lequel elle est faire, comme aussi les Sentences qui declareroient la saisie feodale bonne & valable Le Seigneur doit se comporter pendant la saisie feodale & dans l’exploitation du fief en bon père de famille et principalement sans qu il puisse changer la face des fonds ni détruire les édifices, pas même abattre les bois de hautefutaye ni hôter la recolte, c’est-àdire faire recuëillir les fruits avant leur maturité.