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ARTICLE CXI.

T Oute prise de fief est annale, & doivent les diligences être recommencées par chacun an, S’il n’y a Sentence d’adjudication ou procès formé pour lesdites diligences.

Toute prises de fief est annale, & doivent les diligences être recommencées par chacun an.

Prise de Fief veut dire saisie feodale du fief servant.

Toute saisie feodale ne dure qu’un an, & aprés l’an elle devient nulle, en sorte que le vassal rentre de plein droit en joüissance de son fief, & que si le Seigneur aprés l’an percevoit les fruits, il seroit tenu de les restituer au vassal, actione indebiti.

Il faut done renouveller la saisie feodale tous les ans ; mais quant aux fruits perçûs par le Seigneur pendant l’an, ils lui demeurent incommutablement encore bien que la saisie feodale n’ait point été renouvellée aprés l’an, & qu’elle soit perie.

Toute saisie feodale est annale & ne dure qu’un an, tant entre majeurs, mineurs, presens & absens, que contre l’Eglise & le Roy.

Une surséance pour un temps que le Seigneur auroit accordée au vassal sur la saisie feodale, ne seroit point capable de perpetuer la saisie feodale au delâ de l’an, il seroit necessaire de la renouveller aprés l’an comme s’il n’y avoit point eu de surséance accordée, & la preception reprendra son cours dés que la surséance sera expirée comme s’il n’y avoit point eu de surséance accordée.

Si le Seigneur avoit souffert que le vassal eût perçù les fruits & revenus du fief nonobstant la saisie feodale & pendant l’année qu’elle a été faite, il ne pourroit les repeter, il seroit censé avoir remis l’effet de la saisie feodale à son vassal, qui est la joüissance de son fief, & avoir voulu que son vassal profitât des fruits plûtot que lui.

Sil n’y a Sentence d’adjudication ou procés formé pour lesdites diligences.

Par la raison que la saisie feodale est annale, les diligences, poursuites & l’instance sur la saisie feodale, ne durent qu’un an ; ensorte que l’Ordonnance de Roussillon de 1563. art, 15. qui fait durer une instance pendant trois années, & qui n’admet la peremption d’instance qu’aprés trois années de cessation de procedures, n’a point lieu dans le cas de nôtre Article ; l’instance de saisie feodale ne dure qu’un an, de la même manière que la saisie feodale ne dure qu’un an ; dés qu’il y a cessation de poursuites, diligences & procedures pendant un an, l’instance est perie, parce que la saisie feodale qui a donné lieu à l’instance, perit aprés un an, à moins qu’elle ne soit renouvellée ou qu’il y ait eu une Sentence d’adjudication des fruits au profit du Seigneur, & qui ait declaré la saisie feodale bonne & valable, par forme de reünion du fief servant au fief dominant, soit qu’il n’y ait procés formé pour les diligences, c’est-à-dire qu’il n’y ait contestation, instance & procés sur la saisie feodale ; en ce cas tant que la Sentence d’adjudication ou réunion dure ou que le procés subsiste, & qu’il n’y a point de discontinuation de poursuites pendant l’an, la saisie feodale dure & subsiste sans qu’il soit besoin de la renouveller tous les ans ; Arrêt du même Parlement du 31. Juillet 1671.

En Normandie la seule saisie feodale ne suffit pas pour mettre le Seigneur en état de jouir du fief, il faut que le Seigneur en prenne possession en vertu d’une Sentence d’adjudication ou de réünion ; & alors cette joüissance durera jusques à ce que le vassal ait fait & offert les devoirs & droits pour lesquels la saisie feodale a été faite, pourvû encore un coup, on le repete, que le Seigneur ait pris possession actuelle du fief saisi feodalement, & dont il a fait juger la réunion par la Sentence d’adjudication, qu’il se soit maintenu en cette possession & qu’il n’ait point laissé joüir le vassal ; car s’il avoit souffert que le vassal eût joüi pendant la saisie feodale, la réünion ne lui serviroit de rien ; & non seulement il ne pourroit repeter les fruits perçûs par son vassal, mais il seroit enco-re obligé de recommencer la saisie feodale ; il faudroit qu’une pareille soufrance fût bien précise & bien formelle pour pouvoir produire cet effet, une simple souffrance presumée & conjecturale ne suffiroit pas ;’Arrét du même Parlement du 12. Juillet 1674.

Cette prise de possession ne doit être entenduë que par raport à la joüissance des fruits, & non par raport à la proprieté du fief, car la Sentence d’adjudication ne s’étend qu’aux fruits, & non au fonds & à la proprieté du fief.

Les fermages des héritages réünis par la saisie feodale sont acquis au Seigneur, si pendant que les fruits sont encore sur le champ le Seigneur a signifié au fermier qu’il les arrête & s’en tient aux fermages, art. 19. du Reglement de 1666.

En finissant l’explication de cet Article, il est bon d’observer que quoique la saisie feodale n’emporte point la perte du fonds ou de la proprieté du fief saisi feodalement, mais seulement la perte des fruits, néanmoins elle n’affecte pas moins de fonds du fief saisi que la saisie réelle, de manière qu’en saisissant feodalement un fief, il faut saisir le fonds & la proprieté du fief tout comme il se pratique en saisie réelle ; car si l’exploit de la saisie feodale portoit qu’on a seulement saisi les fruits pendans par les racines & ceux qui croîtroient tant que la saisie feodale durera, sans dire qu’on a saisi le fonds du fief, la saisie feodale seroit nulle.