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ARTICLE CXVI.

L E vassal ne peut prescrire le droit de foy & hommage dû au Seigneur, par quelque temps que ce soit.

Le droit de foy & hommage est imprescriptible par quelque temps que ce soit, fût-il de plus de cent ans & immémorial, parce que la qualité de Seigneur & de vassal ne peut subsister l’une sans l’autre, & que la privation de l’une opere en un même instant la destruction de l’autre, ainsi le vassal pour s’exempter de faire la foy & hommage, ne peut pas alléguer de prescription, en un mot il ne peut décharger son fief de ce devoir auquel il est essentiellement & par le droit de l’investiture sujet ; mais il peut se liberer par la prescription de quarante ans des corvées, banalité, servitudes & autres charges réelles dont le fief étoit originairement chargé envers le Seigneur suzerain, ces droits n’étant point de l’essence du fief, ni fondez sur le droit commun des fiefs.

Mais deux Seigneurs peuvent prescrire l’un contre l’autre la mouvance ou directe feodale par quarante ans de possession paisible, publique, continuë & entre majeurs.

Les profits de fief sont pareillement sujets à la prescription ; mais il ne faut à cet égard que la prescription de trente ans, s’agissant d’une action mobiliaire & personnelle qui se prescrit par trente ans.

a l’égard des rentes Seigneuriales/w> , le vassal ne pourroit en liberer & décharger son fief ni ses autres héritages que par un non payement de quarante années ; Arrêts du Parlement de Roüen des 19 Iuillet 1541. & 23. Decembre 1623. Par la même raison un Seigneur qui auroit été payé de rentes Seigneuriales par son vassal pendant quarante ans continuels & complets, pourroit les acquerir par cette prescription de quarante ans ; mais pour prouver ce payement les seuls Journaux, Papiers cueillerets & de recette du Seigneur ne suffiroient pas, à moins qu’ils ne se trouvassent soûtenus de quelques titres, du moins declaratifs, tels que seroient des aveux, declarations ou reconnoissances : il faudroit peu de chose pour joindre à un payement fait pendant quarante années sans interruption.

Quant aux rentes & redevances Seigneuriales dûës au Domaine du Roy, les papiers de recette en bonne forme sont d’un grand poids pour l’établissement de ces rentes & redevances.

a l’égard du premier cens qui emporte la directe sur un héritage roturier, il est imprescriptible, parce qu’un censitaire ne peut prescrire la directe contre son Seigneur ; mais ce qui est du second cens, qu’on appelle ordinairement surcens, lequel n’emporte point de directe ; il est prescriptible par quarante ans, & le censitaire s’en peut liberer par cet espace de temps contre le Seigneur direct foncier & censier. C’est sur ce pied qu’il faut regler le droit de Champart, si le Champart est le premier cens & sans autre cens, il est imprescriptible, mais non s’il est seulement surcens ou rente seconde ; en ce dernier cas il seroit prescriptible par quarante ans : le droit de Champart n’est pas beaucoup ordinaire dans la Province de Normandie, ce droit s’appelle Pars campi, & il se paye ordinairement en grains, tels qu’ils viennent sur l’heritage ; la quotité dépend des titres ou de la maniere dont il a été payé, mais cette quotité est prescriptible par quarante ans.

La quotité des rentes, redevances, droits Seigneuriaux, comme Relief, Treiziéme & autres droits utiles de fief, sont prescriptibles par quarante ans.

Un simple acte de prestarion de foy & hommage faite par un vassal ne rendroit pas l’heritage roturier feodal, il en faudroit plusieurs pendant quarante ans au moins, suivis même d’aveux, pour pouvoir faire présumer qu’un tel héritage est en fief, quoiqu’il y eût apparence qu’originairement il étoit une roture de la même maniere qu’un parrage ne pourroit pas changer la nature & la qualité d’un héritage, c’est à-dire d’un héritage roturier en faite un héritage feodal, ou d’un feodal en faire un roturier, il faut toûjours en revenir au titre.

Sur ce même principe, si un vassal consentoit qu’une roture qui est dans sa directe, prenne la qualité de fief, ou qu’un héritage en fief devienne une roture, tout cela ne se pourroit faire sans le consentement du Seigneur suzerain du fief de ce vassal, lequel donneroit son consentement à ce changement.