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ARTICLE CXX.
A Veu baillé, soit bon ou mauvais, sauve la levée, doit neanmoins le Vassal payer les frais de la saisie, adjudication, si aucune y a, & de ce qui s’en est ensuivi.
Aveu baillé, bon ou mauvais, sauve la levée.
Aveu ou dénombrement est la description de toutes les terres & droits que le vassal tient en Fief, & que le vassal est obligé de fournir & bailler à son Seigneur duquel il releve.
Il y a cette difference entre la saisie feodale faite faute de foy & hommage & droits non payés, & la saisie feodale faite faute d’aveu non baillé ni fourni, que la première saisie emporte perte de fruits contre le vassal au profit du Seigneur saisissant, tant qu’elle dure & que le vassal n’a point pleinement effectué & fait cesser les causes de la saisie ; au lieu que la seconde n’emporte point perte de fruits, de sorte que des que l’aveu est presenté, bon ou mauvais, & avant même qu’il ait été blamé ou reçû par le Seigneur, il n’y a plus de perte de fruits, la levée des fruits appartient au vassal : pourvû toutefois que les grains & fruits ne soient pas enlevés, engrangés & serrés lors de la presentation de l’aveu, & à la charge par le vassal de payer & de rembourser les frais de la saisie feodale, de l’adjudication si aucune a été faite, & de tout ce qui s’en est ensuivi ; en un mot, la seule presentation de l’aveu détruit & anéantit la saisie feodale, si elle n’est faite pour autre cause comme faute de foy & hommage ou droits Seigneuriaux non payés ; car en ces deux derniers cas la saisie feodale subsisteroit, nonobstant la presentation d’aveu, à moins que la presentation d’aveu ne contint les offres de la soy & hommage & des droits Seigneuriaux.
Dans nôtre Coûtume, aveu ou dénombrement se dit tant en matiere feodale qu’en matiere roturiere : on y fourni aveu ou dénombrement pour les Fiefs & terres nobles, & pour les héritages roturiers.
L’aveu présenté & fourni par un Procureur fondé de procuration speciale, feroit ceder la saisie feodale ; Arrét du Parlement de Normandie du dernier Avril 1574 ; même un simple heritier presomptif d’un vassal absent, & qui n’a point fourni d’aveu, peut le faire pour & au nom de ce vassal absent ; & cette presentation fera cesser la saisie feodale, à la charge toutefois de donner caution de raporter les fruits en cas de retour du vassal absent, s’il ne ratifioit pas cette presentation d’aveu, & de payer les frais de le saisie feodale & de l’adjudication ou réunion ; Arrét du même Parlement du 7 Juin 1661. si mieux n’aimoit le Seigneur donner souffrance pour fournir aveu par le vassal, aprés qu’il seroit de retour.
Tout vassal est tenu de fournir aveu à l’exception des mineurs, furieux & insensés, le seigneur ne peut se dispenser de donner souffrance à ces sortes de vassaux, en attendant la majorité des mineurs & la resipiscence des furieux & insensés, à condition neanmoins par leurs tuteurs & curateurs de reconnoître & payer les rentes rentes & redevances Seigneuriales, si le Fief fou les héritages roturiers en doivent la Seigneurie de celui a qui il est du aveuLn Vassal ne doit qu’un aveu en sa vie ; & c’est aux frais du Vassal que l’aveu doit être baille & fourni.
Si le Seigneur, nonobstant & au préjudice de la presentation de l’aveu, ne vousoi point donner mainlevée de la saisie feodale, le Vassal pourroit la demander en Iustice reglée & par les voyes de droit, à l’effet que le Seigneur fût tenu de lui laisser la jouissance de son Fief ou autres heritages.
En matière feodale, un aveu peut bienêtre presenté, fourni & baillé en même-temps de la prestation de foy & hommage, mais non avant la prestation de foy & hommage ; parce que ce n’est que par la prestation de fuy & hommage, que le nouveau proprietaire & possesseur du Fief a été reconnu vassal, & consequement il n’étoit point avant ce temps-là en état de former aveu.
La forme enlaquelle l’aveu doit être fourni, dépend de l’usage des lieux ; on en fourni en papier ou en parchemin, mais ordinairement c’est en parchemin, attendir l’importance d’un acte de cette qualité, qui doit servir à la postérité des familles.
C’est en la Chambre des Comptes de la Province, où se reçoivent les aveux des Fiefs qui relevent immediatement du Roy, & la verification s’en fait sur les conclusions du Procureur Géneral de la Chambre ; cette verification doit être faite avec beaucoup d’exactitude.
Doit neanmoins payer les frais de la saisie, adjudication si aucune y a, & de tout ce qui s’en est ensuivi, faits jusques au jour de la presentation de l’aveu, & suivant qu’ils seront reglés à l’amiable, si faire se peut ; mais si la taxe ou liquidation des frais duroit long-temps par les difficultez qui pourroient s’y rencontrer, le Seigneur ne pourroit pas sous ce prétexte tenir le Fief ou autres heritages, saisis, parce qu’il n’auroit pas de titre certain, fixe & liquide pour faire sub-sister sa saisie ; & même aprés que les frais auroient été taxés, il ne pourroit pas, faute de payement des frais, faire saisir feodalement le Fief, ni demander la réunion des héritages roturiers à son Fief, il n’auroit que la voye de saisies & arrêts, ou saisies & executions de meubles ou bestiaux, ou saisie réelle du Fief ou autres héritages.