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ARTICLE CXXVI.

P Areillement le Seigneur qui met la main sur son homme & vassal pour l’outrager, perd l’hommage & tenure, rentes & devoirs à lui dûs à cause du Fief de son vassal ; & sont les foy & hommage devolus & acquis au Seigneur superieur, & ne paye le vassal outragé rente de son Fief fors ce qui en est dû au Chef-Seigneur.

Par la raison qu’il n’y a point de commise de desaveu du Seigneur au vassal, c’est-à-dire, que quand même le Seigneur desavoüeroit mal à propos, temerairement, avec détermination, malicieusement, avec persevérance & opiniâtreté son vassal, & prétendroit que le Fief que son vassal possederoit ne seroit pas dans sa mouvance, il ne perdroit pas pour cela sa mouvance, il n’y a que la commise de felonie dans laquelle le Seigneur peut tomber contre son vassal.

Or le Seigneur peut commettre félonie contre son vassal, pour les mêmes causes & les mêmes faits que le vassal peut commettre felonie contre son Seigneur, parceque le Seigneur & le vassal font obligés à des devoirs reciproques ; c’est pourquoi le Seigneur ne tomberoit pas seulement en commise de felonie, si la felonie est commise en la propre personne du vassal, mais encore si la felonie est commise contre la femme ou le fils ainé du vassal : en un mot, la commise de felonie du vassal au Seigneur, & la felonie du Seigneur au vassal, marchent d’un même pas, & se décident sur les mêmes regles.

Par la commise de felonie du Seigneur au vassal, le Seigneur perd en pure perte la foy & hommage & tous les droits de Fief, & la mouvance retourne au Seigneur dominant & suzerain, duquel le Fief tombé en commise, & ne relevoit que mediatement & en arriere-Fief ; de sorte que le Seigneur qui met la main sur son homme ou vassal, sur sa femme ou sur son fils ainé, pour les excéder & outrager, & qui commet d’autres faits de felonie sur eux, perd la mouvance feodale sur le Fief de son vassal, aussi bien que les rentes & redevances Seigneuriales dont le Fief servant étoit chargé envers sa Seigneurie, & la mouvance est acquise au Seigneur superieur dans toute son étenduë & sa consistence ; & à l’égard des rentes & redevances Seigneuriales, le Fief en est liberé & déchargé, elles ne passent point en ce cas au Seigneur superieur ; mais si le Seigneur superieur avoit d’autres rentes & redevances avant la commise, elles lui seroient toûjours dues sans que de Fief en fût liberé & déchargé ; car le Fief du vassal ne tombe pas par la felonie en franc-alleu, la mouvance en est dévolué au Chef-Seigneur ou Seigneur superieur, duquel d’arriere-Fief qu’il étoit, il dévient Fief immédiat ; & même les arrérages des rentes & redevances dues sur le Fief, échues avant la commise, appartiennent au Seigneur qui a commis la felonie contre son vassal ; Arrét du Parlement de Roüen du a8 Novembre 1569.

Les excës, maltraitemens, violences, outrages, injures, calomnies & autres faits de felonie du Seigneur au vassal doivent être graves, même atroces & énormes ; car Il ne faut pas s’imaginer que de simples voyes de fait & des injures legeres d’un Seigneur à son vassal soient capables de faire perdre au Seigneur sa mouvance & ses droits de Fief sur le Fief de son vassal ; il faut dire la même chose des faits de felonie du vassal au Seigneur ; tout cela encore un coup dépend de la qualité des faits & de la prudence du Juge.

De la même manière que la commise de felonie du vassal au Seigneur, n’a point lieu ipso facto ni de plein droit, & qu’il faut un Jugement d’adjudication, il faut un pareil jugement en commise de felonie de Seigneur à vassal, & tout Seigneur qui ne seroit point propriétaire incommutable de son Fief, ou qui n’aurois point de pouvoir d’aliéner, ne tomberoit point dans la commise de felonie contre son vassal, tel seroit un tuteur, un curateur, un mineur, un interdit, un titulaire de fice, une femme, un mari par rapport au Fief de la femme, un usufruitier ou toutes personnes de cette qualité, ils seroient seulement punissables ainsi & de la Taniere qu’il se pratiqueroit dans la felonie du vassal au Seigneur en pareil cas, mais mais il y a toûjours une observation generale à faire ici, qui est que la réunion du domaine utile se fait plus aisement à la Seigneurie dominante & suzereine, que la Seigneurie directe ne se perd, ainsi il semble qu’il faudroit que le fait de felonie du Seigneur au vassal fût plus grave, que le fait de felonie du vassal au Seigneur ; cependant à vray dire il y a peu de différence, parce que la relation de l’un à l’autre est égale.