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ARTICLE CXL.

E N ce cas l’Eglise ou autre corps de Main-morte, à qui est le don ou aumône fait, doit en tout pourvoir à l’Indemnité du Seigneur, & lui bailler homme vivant, mourant & confiscant, pour faire & payer les droits & devoirs qui lui sont dûs.

Ici Eglise, Corps & gens de Main-morte, sont les Chapitres, Eglises, Monasteres, Colleges, Hopitaux, Fabriques & Communautez tant Seculieres que Regulieres, approuvées & autorisées par Lettres Patentes du Roy, bien & duëment enregistrées au Parlement, on les apppelle gens de Main-morte, parce qu’ils ne meurent jamais, & que c’est toujours le même corps par subrogation.

Pour pouvoir par l’Eglise & autre corps de gens de Main-morte posseder par aumone ou autrement des héritages nobles ou roturiers, étant dans la mouvance ou la censive d’un Seigneur, il faut aux termes de cette Article deux choses, l’une de payer le droit d’Indemnité au Seigneur feodale, ou censier, l’autre lui fournir, donner & bassier un homme vivant, mourant & confiscant en un mot de pourvoir à l’entière indemnité du Seigneur.

Mais ce n’est pas encore assez, il faut qu’ils obtiennent en outre des Lettres d’Amortissement du Roy en la grande Chancellerie, par lesquelles le Roy par grace speciale leur accorde la permission de posseder des terres & heritages nobles, ou roturiers dans son Royaume, soit à eux donnez & aumônez, ou par eux acquis à titre onereux moyennant une certaine finance, sans être tenus de mettre ces biens hors leurs mains ; car il n’y a que le Roy. qui puisse accorder des Lettres d’Amortissement ; il faut même qu’elles soient enregistrées au Parlement & en la Chambre des Comptes.

Les dons faits par le Roy aux gens de Main-morte n’ont pas besoin d’être suivis de Lettres d’Amortissement, non plus que les Eglises fondées par le Roy. & de fondation Royale ; parce que le Roy en faisant ces dons & aumônes, & en fondant lui-même des Eglises, est censé avoir donné la permission à ces sortes de gens de Main-morte de posseder les terres & héritages donnez ou aumônez, ou à titre de fondation, sans avoir besoin de plus ample permission, ni Lettres patentes d’Amortissement.

Il y a trois sortes d’Amortissemens que le Roy peut donner aux gens de Mainmorte.

Le premier est un Amortissement general accordé par le Roy à toute une Province ou à un Diocese, par lequel il amortit tous les biens & heritages, nobles ou roturiers, possedez ou à posseder par les gens de Main-morte de toute la Province ou de tout le Diocese, sans les specifier, ni les déclarer par le menu & en détail.

Le second est un Amortissement particulier, par lequel les héritages sont declarez par le menu & en détail, & accordé à un Corps particulier de gens de Main-morte.

Le troisième est un Amortissement mixte, qui n’est ni general ni particulier, mais qui comprend toutes les terres nobles ou roturieres, Seigneuries, Censives, Justices, cens, rentes & redevances Seigneuriales ou autres droits Seigneuriaux, ou autres droits réels & immobiliers appartenans à une Eglise, Monastere ou Communauté Ecclesiastique, Seculière ou Regulière.

Si les gens de Main-morte ont fait des acquisitions sans les avoir fait amortir, ils sont sujets aux droits de nouveaux Acquëts, sans qu’ils puissent prescrire le droit d’Amortissement contre le Roy ; aujourd’hui on fait payer ce droit au temps du Contrat ou acte d’acquisition, sans attendre les vingt ans du jour du Contrat ou acte, comme il se pratiquoit anciennement, & on oblige les gens de Main morte de prendre des Lettres d’Amortissement dés que le Receveur, Fermier ou Préposé du Roy a connoissance de la nouvelle acquisition ; de cette manière ils évitent la finance des nouveaux Acquêts dont on faisoit la recherche de temps en temps, & aprés de certaines années depuis la derniere recherche, qui étoit de vingt en vingt ans.

Les gens de Main-morte ne peuvent obliger le Roy de leur amortir leurs héritages, au lieu que les Seigneurs peuvent être contraints à recevoir leur Indemnité ou un homme vivant, mourant & confiscant.

Si les gens de Main-morre aprés avoir amorti un héritage, l’alienne, & par aprés l’acquierent de nouveau C ex nova causa, soit à titre gratuit ou à titre onereux, cette acquisition seroit sujette au droit d’Amortissement ; il faudroit dire le contraire s’ils rentroient en leur héritage ex antiqua tausa.

On appelle en cette matière nouveaux acquêts tous héritages, soit féodaux ou roturiers, ou droits immobiliers, comme rentes foncieres ou hypoteques, c’està-dire constituées à prix d’argent, qui appartiennent aux gens de Main-morte, & qu’ils n’ont point fait amortir.

L’Amortissement accordé par le Roy aux gens de Main-morte, ne les affranchit & ne les exempte point du droit d’Indemnité envers les Seigneurs. indemnité est un droit qui est dû aux Seigneurs feodaux ou censiers par forme de récompense, à cause de la diminution qui arrive en leurs droits & profits

Seigneuriaux, lorsque les terres & héritages feodaux ou roturiers, qui sont de leur mouvance ou censive, passent & tombent en la main de gens de Mainmorte par donation, legs, vente, échange, ou à autre titre d’acquisition, tel qu’il soit.

Toutes sortes de terres & héritages sont sujets au droit d’Indemnité, nobles roturieres, en bougage ou en franc-aleu ; parce qu’en certains cas il y a ouverture à des profits de fief, dont les Seigneurs se trouvent frustrez dés que ces biens tombent à des gens de Main-morte ; mais la Coûtume veut que les gens de Main-morre indemnisent les Seigneurs, ou bien qu’ils vuident leurs mains, & outre l’Indemnité qu’ils donnent aux Seigneurs un homme vivant, mourant & confiscant ; & apres cette Indemnité, & avoir obtenu des Lettres d’Amortissement, ils joüiront paisiblement de leurs terres & héritages.

En Normandie le droit d’indemnité se regle pour les fiefs au tiers deniers de l’acquisition, & au quart denier des rotures ; Article 21. du Reglement de 1686. mais par rapport aux héritages en bourgage ou en franc-aleu, comme les Seigneurs perdent & souffrent moins de diminution en leurs profits de fiefs, leur droit d’Indemnite doit être moindre ; & si par le Contrat & titre d’acquisition il n’y avoit point de prix, ou qu’il ne fût pas figé, il faudroit en venir à l’estimation pour liquider le droit d’Indemnité ; il y a une Déclaration du 21 Novembre 1724. qui fixe le droit d’indemnité pour les biens des gens de Mainmorte qui relevent du Roy, au cinquième de leur valeur quant aux fiefs, & à l’égard des rotures, au tiers. Art. 1. si le droit d’Indemnité n’est fixé par la Coutume ou usage du lieu ; Art. 2. de la même Déclaration.

Il ne seroit point du de droit d’indemnité au Seigneur duquel releve en arrierefief le fief acquis par gens de Main-morte, quoiqu’il soit réuni au fief servant, & qu’il ne fassent plus qu’un seul & même fief avec celui auquel il est réuni parce que le droit d’indemnité n’est du qu’au Seigneur immediat, & non au Seigneur mediat, sans que le Seigneur mediat pût les inquieter ni troubler, quand même le seigneur mediat auroit fait sa sir feodalement le fief du Seigneur immediat des héritages possedez par gens de Main-morte, faute de foy & hommage. aveu non fourni, & droits Seigneuriaux non payez.

Outre le droit d’Indemnité payé, les gens de Main-morte sont tenus de donner au Seigneur homme vivant, mourant & confiscant ; l’un sans l’autre n’est rien faire, il faut accomplir ces deux obligations, sans quoi les gens de Mainmorte pourront être contraints à mettre les héritages hors leurs mains.

L’obligation de bailler & donner par les gens de Main-morte homme vivent, maitrant & confiscas : au Seigneur, c’est nommer au Seigneur un homme laie, & non ecclesiastique, tel qu’ils jugeront à propos, lequel par sa mort naturel ou civile, fera ouverture au fief, & qui pendant sa vie fera tous les services & devoirs de vassal ou de censitaire, & payera les rentes, redevances & autres droits Seigneuriaux au Seigneur ; il y aura même ouverture au droit de garde commise ou reversion & confiscation.

Cependant quant à la commise & la confiscation, il ne paroit pas raisonnable ni juste de les ordonner pour le fait & le crime de l’homine donné au Seigneur, cer homme n’étant pas le véritable proprietaire du fief ou autres heritages, il ne l’est que par fiction, ce seroit chose dangereuse & trop preiudiciable à l’Eglise & aux gens de Main-morte, qu’un homme qu’ils ont donné à un Seigneur pour les terre senter par ferme de vassal, Et commettre & confisquer par son propre fait & crime leur bien & patrimoine à leur insu, sans leur participation & sans leur fait ; aussi est-il rare de voir de pareilles condamnations de commises & confiscations ; ainsi le mot de consiscant inseré dans cet Article, ne paroit pas d’une grande utilité pour les Seigneurs, d’autant plus que dans notre Coutume la confiscation de corps & de biens ne procede pas de la Justice annexée à un fief ; tous Seigneurs de fief s, soit qu’ils avent Iustice, ou non, annexée à leurs fiefs, profitent de la confiscation de biens, & de cette manière le mot de confistant ne pourroit s’appliquer qu’en saveur de Seigneur qui avoit une Justice annexée à son fief & à sa Seigneurie, ce qui n’est pas dans notre Coûtume.

Lorsque l’Indemnité a été payée, l’homme vivant & mourant est donné pour conserver la mouvance & la directe sur le fief relevant d’eux, & la directe foncière sur les héritages roturiers ; afin que si les gens de Main-morte venoient à vendre les fiefs & héritages, les Seigneurs fussent payez des droits de fiefs pour cette vente & alienation, & pour payer les droits Seigneuriaux dans les ouvertures de fief, qui donnent lieu aux droits Seigneuriaux.

L’héritage amorti qui sort des mains des Gens de, Main-morte, & qui revient en la main d’homme vivant, mourant & confiscant, n’est plus censé amorti, il retourne à sa premiere nature & qualité, & il est tenu & mouvant du Seigneur dans les droits & devoirs de vassal ou de censitaire, ainsi & de la manière qu’il étoit tenu & mouvant avant l’amortissement & l’indemnité ; en un mot, c’est tout comme si l’heritage n’avoit jamais été és mains des Gens de Main-morte.

Si le Seigneur avoit recû purément & simplement les Gens de Main-morte à la foy & hommage, ou s’il avoit reçû d’eux le droit de Treizième sans aucune reserve ni prestation, il ne pourroit plus les contraindre à mettre les héritages mouvans & relevans de son Fief hors leur mains ; mais s’il avoit seulement reçû les arrérages des rentes & redevances Seigneuriales, ce ne seroit pas là une fin de non récevoir contre sa demande en payement du droit d’indemnité.

Le Seigneur n’a qu’une action pour demander son droit d’indemnité aux Gens de Main-morte, il n’a pas la faculté de saisir feodalement ni autrement les héritages, par ce que les Gens de Main-morte ont l’option de payer le droit d’indemnité ou de mettre les héritages hors leurs mains ; il ne pourroit donc demander en ce cas la réünion des héritages à sa table, à moins qu’il n’y eût une opiniâtreté & une contumace affectée de leur part, de ne point mettre les héritages hors leurs mains ; il en pourroit même user en ce cas de saisie.

La jurisprudence est constante par les Arrêts du Parlement de Normandie, que les heritiers des personnes qui ont donné des Fiefs ou heritages roturiers à lEglise ou autres Gens de Main-morte par donation entre vifs, ou à cause de mort, ou par testament, ne sont point tenus de payer les droits d’Amortissement ni d’indemnité à la décharge de l’Eglise & Gens de Main-morte, donataires ou legataires : c’est une charge tacite de la donation ou du legs, en sorte que les heritiers sont en droit de leur dire cede aut solve ; Arrêts du Parlement de Roüen des S Decembre 1655, & 7 Juin 1660.

Les rentes hypoteques ou constituées, acquises par les Gens de Main-morte par donation ou legs, ou à titre onereux ou autrement, ne sont point sujetes aux droits d’indemnité.

Tous les droits & profits casuels, tant ordinaires qu’extraordinaires, s’éteignent par le payement du droit d’indemnité, à la reserve du droit de Garde, de Commise & de confiscation, encore ces deux dernieres casualites & aventures de Fief, auroient beaucoup de peine à réussir en la personne de l’homme vivant, mourant & confiscant, que les Gens de Main-morte auroient donné au Seigneur ; il ne seroit pas juste ( on le repete ) que les Gens de Main-morte perdissent leur fief & autres heritages par le fait d’autrui & d’un vassal fictif & imaginaire, mais à l’égard des rentes foncieres, redevances, corvées, services de Prévoté, banalité de moulin, four, taureau, verat, & autres charges réelles & Seigneuriales/w> , & dont l’écheance & les termes du payement sont fixes, certains & ordinaires, subsistent nonobstant le droit d’indemnité payé au Seigneur par les Gens de Main-morte, s’il n’y a eû par la quittance du payement de l’indemnité, convention au contraire ; Arrét du même Parlement du 14 Août 1659.

Les Gens de Main morte, en acquerant d’autres Gens de Main-morte, ne doivent pas moins le droit d’indemnité pour raison de cette acquisition, que s’ils avoient acquis les héritages d’autres personnes, parce que toute nouvelle requisition doit le droit d’indemnite.

L’an & jour par les Gens de Main-morte, pour mettre les heritages non amortis. & pour lesquels ils n’ont pas payé le droit d’indemnité, hors leurs mains, ne Coure pas du jour de l’acquisition, mais seulement du jour de la sommation, interpellation ou demande par écrit faite à la requête du Seigneur aux Gens de Main-morte.

Lorsque des terres & héritages viennent au Domaine du Roy par felonie, desaveu, confiscation ou autrement, le Roy doit suivant les Ordonnances les mettre hors ses mains dans l’an & jour de la casualité arrivée.