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ARTICLE CXLV.

L Es fruits des immeubles de celui qui est condamné par Justice Royale, appartiennent au Roy pour la première année, exempts. de toutes dettes, autres que les rentes Seigneuriales & foncieres duës pour ladite année ; & outre, il a les meubles du condamné, les dettes préalablement payées.

Cet Article contient une disposition trés-préjudiciable & desavantageuse aux Seigneurs particuliers de Fief ; il porte que si en matière criminelle le Jugement de condamnation à mort naturelle ou civile, emportatit par consequent confiscation de biens, est rendu par un Juge Royal, non seulement les fruits des heritages & immeubles du condamné, quoique mouvans & relevans d’eux immediatement en fief ou en roture, & non du Roy, appartiennent au Roy seul pour la première année privativement & à l’exclusion des Seigneurs de Fief, exempts de toutes dettes autres que l’année d’arrerages des rentes Seigneuriales & foncieres duës sur les héritages & immeubles, laquelle échera pendant la joüissance du Roy, mais encore tous les meubles & effets mobiliers du condamné, à la charge de payer les dettes mobiliaires, d’où il faut conclure à contrario que si le Jugement de condamnation a été rendu par un Iuge de Seigneur, suivant sa competence, cette prérogative du R. y n’aura point lieu ni pour la première année de joüissance des fruits des héritages & immeubles, étans dans la mouvance & la censive des Seigneurs particuliers de Fief, ni pour les meubles & effets mobiliers du condamné, trouvez dans l’etenduë de la mouvance ou censive de son Fief, tout est dans ce cas reduit au droit commun ; car il n’y à que la qualité du Juge qui a rendu le Jugement de condamnation, qui donne cette prérogative au Roy, ou qui laisse les choses dans la regle generale ; & ce seroit une erreur que de dire qu’il faut restraindre ces termes condamné par une Justice Royale, à la première année des fruits, ils se rapportent également aux meubles dit condamné, de sorte que ceux qui ont avancé le contraire n’y ont pas assez pensé.

La Partie civile, ayant fait les frais de l’instruction du procés du condamné par la Justice Royale, en sera remboursée sur les meubles & fruits de la premiere année du revenu, & le surplus des meubles & fruits appartiendra au Roy, sans préjudice de P’hypoteque des creanciers sur les meubles ; Art. 25 du Reglement de 16o8 ; de plus, le Roy en prenant les fruits de la première année des héritages & immeubles doit payer l’année d’arrerages des rentes foncieres & Seigneuriales duës sur les héritages & immeubles, échus pendant la première année de la joüissance du Roy, mais non les arrérages de toutes autres rentes, telles qu’elles soient, même des arrerages de la dot ou du doüaire de la femme, sauf le recours de la femme sur les autres biens de son mary condamné ; Arrét du Parlement de Roüen du 30 Janvier 1635 ; les enfans ne pourroient pas même demander leur nourriture & entretien sur cette année de joüissance ; mais si le Roy prend les meubles & effets mobiliers, il est tenu de payer ses dettes mobiliaires, jusques à concurrence de la valeur des meubles & effets mobiliers, suivant les privilege & hypoteque de chaque creancier sur les meubles & effets mobiliers ; & si les meubles & effets mobiliers ne suffisoient pas pour payer toutes les dettes mobiliaires, les creanciers seroient en droit de se pourvoir sur les immeubles.

Chaque Seigneur confiscataire est tenu des dettes personnelles & mobiliaires du condamné, pro modo émolumente, qu’ils prendront dans les meubles & immeubles confisquez ; mais quant aux rentes Seigneuriales & foncieres, & autres charges réelles, elles seront portées par le Seigneur, qui aura les héritages sujets. à ces sortes de rentes & charges réelles ; les rentes hypoteques ou constituées, quoiqu’immeubles, doivent aussi être mises au rang des cettes personnelles, & être payées par chaque Seigneur pro mudo emolumente, qu’ils ont dans les biens confisquez ; tout ce que peut faire un Seigneur confiscataire, pour ne point être tenu des dettes d’un condamné, est de délaisser & abandonner les biens qui devroient leur appartenir par la confiscation ; il est même de la prudence des Seigneurs confiscataires de faire un inventaire des meubles & effets mobiliers, & dresser des Procés-verbaux de l’état des lieux, pour s’en servir à telle fin que de raison : un donataire du Roy d’une confiscation doit prendre la même précaution, L’hypoteque des interéts civils, adjugez à une partie civile sur les biens du condamné, est préferable à l’hypoteque de l’amende, adjugée par le même Jugement de condamnation, au Roy, parce que les interéts civils sont reputez une dette du condamné du jour qu’il a commis le crime, au lieu que l’amende n’est duë que du jour de la condamnation.

Les meubles d’un condamné par un Juge Royal appartiennent au Receveur du Domaine du lieu où les meubles sont trouvez, & non au Receveur du Domaine du lien où le condamné étoit domicilié, de la méme manière que si le jugement de condamnation avoit été rendu par un Iuge de Seigneur, comme les meubles appartiendroient en ce cas à chaque Seigneur, dans l’etenduë du Fief duquel les meubles se trouvent, il en seroit de même pour le Roy, parce que la confiscation n’opere point un droit successif universel, mais un droit singulier ; car on ne peut pas dire dans ce cas que les meubles suivent la personne, puisque le condamné est mort ou reputé mort.

Si les fruits de la premiere année des héritages du condamné étoient péris par cas fortuit, le Roy ne pourroit prétendre les fruits de l’année suivante, d’autant que le privilege du Roy est à cet égard limité aux fruits de la premiere année, & que chaque année porte ses charges.