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ARTICLE CXLVI.
A Ux Seigneurs feodaux appartiennent les heritages de leurs vassaux, après leurs décès, à droit de desherence & ligne éteinte, aux charges de droit s’il ne s’y presente hoirs, habiles à succeder dans le septiéme dégré inclusivement.
Cet Article établit le Droit de Desherance en faveur des Seigneurs de Fief, soit le Roy, soit le Seigneur particulier de Fief Le droit de Deshérance est de succéder à un défunt, laic où Ecclesiastique, qui n’a aucun heritier jusques au septième dégré inclusivement, dans les biens meubles & immeubles, nobles ou roturiers, étans de la mouvance ou censive des Seigneurs feodaux, aux charges de droit ; ce droit s’appelle encore droit à ligne éteinte, & de laquelle il ne reste plus aucun parent, ni hoir, habile à succeder dans le septième dégré inclusivement, sans qu’une ligne puisse succeder à l’autre ; dans la Compilation de loix du Royaume de Sicile, les biens qui tombent en desherance, sont appellez bona cadentia in fiseum deficiente omni cogndtione, quia Junc jacent sine domino ; en droit Romain nous avions la loi Juste caducarta, laquelle contenoit une espèce de droit de deshérance.
De cette disposition generale voici les décisions qu’on en peut tirer, & qui sont autant de maximes en cette matière.
La
La première, que dans nôtre Coûtume il suffit d’être Seigneur de Fief pour avoir droit de deshérance, sans qu’il soit necessaire d’être Seigneur Haut-Justicier ; aussi cet Article porte aux Seigneurs feodaux, & ne dit pas aux Seigneurs Hauts. Justiciers ; c’est pourquoi le droit de deshérance est un profit de Fief, & non de la haute Justice.
La seconde, que les Seigneurs peuvent non seulement exercer leur droit de deshérance sur les héritages & immeubles qui sont dans la mouvance & la censure de leur Fief, tant nobles que roturiers, mais encore sur les meubles & effets mobiliers qui se trouvent dans l’etenduë de leur Fief, quand même le défunt de catjzs bonis agitar n’y eût pas son domicile lors de son déces, sans que les Seigneurs soient execius par le Roy, des meubles & rentes hypoteques soit constituées, comme quelques uns l’ont voulu dire sans fondement.
La troisième, que chaque Seigneur prend les biens meubles & immeubles, qui se trouvent dans son Fief & sa directe, chacun en droit soiLa quatrième, que le Seigneur ne peut exercer le droit de desherance, que sur les biens dont le défunt étoit proprietaire & en possession au jour de son déces avec ses droits, noms, raisons & actions ; ainsi un Seigneur ne pourroit rien prétendre sur les biens dont le défunt ne joüissoit que par usufruit ou à titre de précaire.
La cinquième, que le droit de deshérance n’a lieu que lorsque celui des biens duquel il est question, est mort ab intestat, & sans avoir valablement disposé de ses biens par donation entre vifs, ou par testament, ou par autre acte en bonne & duë forme ; car le droit de deshérance ne peut empécher que celui qui n’a point d’heritiers ne puisse disposer de ses biens ; mais il ne faut pas que la disposition excéde ce qui est permis de donner ou léguer, car cet excedent tomberoit dans la deshérance ; Art. 4. du Reglement de 1666.
La sixiéme, que le droit de deshérance n’a pas seulement lieu quand le défunt n’a laissé aucun heritier, ni parent legitime de son côté & ligne, & habile à succeder, mais encore quand il a laisse de presomptifs heritiers qui ne paroissent point ou qui ne veulent pas se porter heritiers ; car dans ce dernier cas il est permis au Seigneur de Fief de prendre les biens à titre de desherance à ses risques, périls & fortune ; mais si dans la suite lheritier presomptif, qui étoit absent & qui ne paroissoit point, revient & se presente, le Seigneur sera tenu de lui rendre les biens avec restitution de fruits, & l’heritier ne sera obligé qu’à lui payer & rembourser les frais bien & légitimement faits.
La septiéme, que dans nôtre Coûtume une ligne ne succede point à une autre, ainsi les parens paternels ne succedent point aux parens maternels, la ligne maternelle manquant ; & les parens maternels ne succedent point aux parens paternels, la ligne paternelle manquant : ce sont les Seigneurs qui en ce cas prennent tous les biens de la ligne qui manque à droit de desherance.
La huitième, qu’un heritier prétendu, qui en cette qualité voudroit exclure le Seigneur feodal du droit de deshérance, seroit tenu de preuver & justifier non seulement sa parenté & son lignage, mais encore son dégré de parenté & lignage. au septième degré, qui est le dernier degré de succeder dans nôtre Coûtume, & aprés lequel on n’est plus habile à succeder, quand même on feroit voir une parenté au de-là de ce dégré ; la capacité de lignage est fixée & bornée à ce degré là, on ne peut plus aller plus lons en matière de succession, & aprés le septième degré inclusivement on est censé, reputé & regardé comme étranger à la succesion, & on n’y peut être admis ab intestat, c’est le seigneur qui succede aux biens comme si toute la ligne étoit éteinte.
La neuviême, que c’est un premier principe dans cette Coûtume, qu’il n’y a point d’heritier d’un défunt, mort ab intestat, aprés le septième degré de parenté & lignage inclusivement ; ainsi les degrés de succeder ne vont point à l’infini dans cette Coûtume.
La dixiéme, que les biens situez en bourgage & en franc-alleu, non tenus d’aucun Seigneur, appartiennent au Roy à droit de deshérance, à l’exclusion & privativement aux Seigneurs particuliers de Fief.
L’onzième, que ce n’est pas assez aux termes de notre Article d’être parent du défunt dans le septième degré, il faut en outre être parent du côté & ligne d’oû procedent les biens vacans ; car nôtre Coûtume est une Coûtume souchere.
La douziême, que les rentes foncieres appartiennent au Seigneur de Fief duquel relevent les héritages chargez des rentes foncieres : mais à l’égard des rentes hypoteques où constituées & des meubles, ils appartiennent au Roy ou aux Seigneurs particuliers de Fiefs, pour ce qui s’en trouve dans chaque directe & censive ; or en Normandie c’est le domicile des debiteurs des rentes hypoteques ou constituées, qui regle le lieu de leur situation, & non le domicile duu propriétaire des rentes.
La treizième, que suivant la jurisprudence des Arrêts du Parlement de Roüen, le titre ande vir & uxor, est inconnu dans cette Province ; de sorte qu’au defaut de parens lignagers & habiles à succeder, le mary ne peut demander les biens de sa femme par le titre unde vir, ni la femme pretendre ceux de son mari par le titre unele uxor, à l’exclusion du Seigneur à droit de deshérance, pas même dans le cas de bâtardise.
La quatorzième, dés que le Roy & les Seigneurs de Fief ne peuvent avoir les biens à droit de deshérance qu’aux charges de droit, c’est-à-dire de payer toutes les dettes du défunt, tant mobiliaires & personnelles qu’hypotecaires, de quelque nature que soient les dettes, par contrats de rentes ou par obliga : ions, billets & promesses, le tout cependant pro modo emolumentè ; car les Seigneurs qui prennent les biens du défunt à titre de deshérance, ne les possedent que comme des heritiers anonimes & à titre singulier, & non à titre universel tel que seroit un véritable heritier.
Au nombre des dettes dont les Seigneurs à titre de desherance sont tenus, il faut mettre la dot, le douaire, les reprises & conventions matrimoniales de la femme, même son droit de societé ou communauté dans les biens situez en bourgage.
Un Seigneur, dans le cas de desherance, n’est point tenu personnellement des dettes, elles ne se peuvent prendre que sur la chose ; Art. 24. du Reglement de 1686.
Le Seigneur à titre de deshérance, pour ne plus être exposé aux dettes du défunt, peût quand bon lui semble quitter & abandonner les biens ; Art. 22. du même Reglement de 1666, en payant toutefois les arrerages des rentes & charges foncieres, échuës pendant sa joüissance, quand même ces arrerages excederoient le revenu & les joüissances ; Art. 23 du même Reglement.
La quinzième, que les successions des Evéques, Beneficiers & autres Ecclésiastiques séculiers, tombent dans la deshérance au profit du Roy ou des Seigneurs particuliers, comme les biens des personnes laiques.
La seizième & dernière maxime, est que par le droit de deshérance les biens feodaux sont réunis au domaine & à la Seigneurie des Seigneurs particuliers de Fief ; & à l’égard du Roy, il est tenu par les Ordonnances du Royaume de les mettre hors ses mains dans l’an & jour, mais ordinairement il en fait don comme des biens qui lui appartiennent par bâtardise, confiscation ou aubaine.