Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


ARTICLE CLXX.

L E troisiéme, pour racheter le corps de son Seigneur de prison, quand il est pris en guerré, faisant le service qu’il doit au Roy. à cause de son Fief, & est appellé Aide de Rançon.

Nous mettons ces trois Articles dans une seule & même explication, parce que les décisions qu’il faut faire à cet égard roulent sur les mêmes principes ; M. du Cange en son Glossaire appelle en latin le mot de Chevel, Capitaneum.

Ces trois Articles marquent combien il y a de sortes d’Aides-Chevels, & disent qu’il y en a de trois sortes.

Le premier s’appelle aide de Chevalerie, qui est celui qui est dû lorsque le Seigneur de Fief fait son fils ainé Chevalier, c’est-à. dire Chevalier des Ordres du Roy, comme Chevalier de l’Ordre du Saint Esprit, mais non de tout autre Ordre, tels que sont les Ordres de Saint Lazare, Montheilier ou Saint Louis, pas même si le fils ainé se faisoit Chevalier de l’Ordre de Saint Iean de Jerusalem ou de Malthe.

Quoique cet Article porte que ce droit d’Aide est dû quand le sils ainé du Seigneur de Fief est fait Chevalier, neanmoins il seroit dû au fils puisné si le fils ainé étoit incapable d’être Chevalier, ou s’il avoit fait Profession en

Religion, s’il s’étoit mis dans les Ordres sacrez, ou s’ii étoit mort, de sorte que ce droit est du à l’ainé des mâles qui se trouve capable d’être Chevalier des Ordres du Roy.

Il n’y a que le Roy qui ait droit de faire & d’établir des Ordres de Chevalerie, & de faire des Chevaliers dans son Royaume.

Chamberlain en son Histoire des Affaires d’Angleterre, dit que le droit d’Aide de Chevalerie à pareillement lieu en Angleterre.

En France, il y a nombre d’exemples que nos Rois l’ont demandé & levé ; on voit dans un Arrêt de la Cour de Paris de la Pentecôte 1270. que Saint Loüis leva ce droit de Chevalerie sur les Bourgeois de Paris pour faire sont fils ainé Chevalier, que Philippe le Bel fit la même chose pour faire son fils ainé Chevalier, suivant. l’Arrêt de la même Cour de la Chandeleur 1283. & que Philippe de Vallois fit payer ce droit dans toute la Province de Normandie pour la Chevalerie de Iean, son fils ainé, Duc de Normandie, par Arrét du 22. Decembre 1334.

Nonobstant que ce droit n’eût pas été payé ni demandé dans le temps que le fils ainé du Seigneur a été fait Chevalier, il peut neanmoins être demandé depuis sa reception.

Le second Aide Chevel est l’aide de Mariage, qui est lorsque la fille ainée du Seigneur se marie, bien entendu la fille ainée legitime & née en légitime mariage.

Ce droit n’est dû qu’en cas de mariage, & non en cas de Profession de la fille ainée en Religion, & encore faut-il que ce soit le premier mariage, il ne seroit point du pour le second ou autres subsequens mariages, quand même cette fille ainée n’auroi point eu d’enfans des premiers mariages, mais si la fille ainée étoit inhabile par des deffauts essentiels à contracter mariage, ou qu’elle se fit Religieuse, ou qu’elle mourût, la cadette ou puisnée qui se marieroit pour la premiere fois, auroit l’Aide Chevel de mariage.

Ce droit peut être demandé depuis le Mariage.

Il paroit par un Arret de 1270. que le Roy Saint Loüis fit payer le droit d’Aide de Mariage pour le mariage d’Isabelle de France sa fille, avec Thibaud Roy de Navarre, Comte de Champagne.

Le troisième & dernier droit d’Ayde Cheval est le droit d’Ayde de Rancon, qui a lieu quand le Seigneur est fait prisonnier de Guerre en rendant service au Roy, soit comme commandé à l’arriere Ban à cause de s ’on Fief, soit comme servant dans les Armées du Roy en qualité d’Officier ; tel que soit son poste & son emploi, il suffir que le Seigneur soit fait prisonnier dens les Armées de son Prince, pour donner ouverture au droit d’Aide de Rançon.

Encore bien que suivant le texte de l’article 170, la Coûtume ne donne le droit d’Aide de Rançon qu’au Seigneur fait prisonnier de Guèrre en servant le Roy, néanmoins si le Seigneur étoit fait captif & mené en esclavage par les Tures & autres ennemis du nom Chrétien, il seroit juste & raisonnable d’accorder ce secours au Seigneur, s’il n’avoit pas moyen de trouver ailleurs le prix de sa rançon, & si le vassal étoit en état d’y contribuer sans s’incommoder, plutôt que de le laisser périr ; du moins en ce cas la Noblesse de son voisinage par un motif de gloire, même de compassion & de charité, feroit une espèce de Quête pour mettre ce Gentilhomme en liberté ; mais quoiqu’il en soit, comme la Coutume ne parle point de ce dernier cas, on ne pourroit pas contraindre le vassal à payer la rançon de son seigneur pris & mené en esclavage par les Barbares.

Ce droit de rançon est tellement personnel au Seigneur de Fief & pour délivrer sa seule personne, qu’il ne s’étend point à son fils ainé, ni à aucun autre de ses enfans, qui auroient été faits prisonniers au service du Roy, Les droits d’Aides de Chevalerie, de Mariage & de Rançon ne sont pas moins dûs au Roy comme Seigneur immediat d’un Fief, qu’ils sont dûs aux Seigneurs particuliers.

Ces droits ne sont dus qu’une fois par le vassal le cas arrivant, & un vassal ne seroit tenu que de payer le droit qui seroit ouvert de son temps, encore faudroit il que son predecesseur ne l’eût pas payé au même Seigneur qui lui demanderoit, ni pour la même cause.

La faveur de ces droits fait qu’ils sont imprescriptibles par rapport au fonds du droit, parce que le temps auquel il pourra y avoir ouverture est trop incertain, éloigné & non continu ; mais si ces droits, ou l’un d’iceux étoient échus dans un des trois cas, ils seroient sujets à la prescription de quarante ans du tout de l’ouverture ; car enfin il y auroit une négligence blamable de la part du Seigneur ou de ceus qui auroient pû demander ces droits, d’avoir laissé passer qu’rante années sans les demander & en former la demande.

Comme ces droits sont établis par la Coûtume en faveur du Seigneur de Fief, ils peuvent être demandez en Justice reglée, ils ne sont point de pure volonté, ils peuvent être reglez en cas de refus de la part du vassal ou ses representans ; le Seigneur auroit même une action directe, & un privilege sur le Fief servant pour le payement de ces droits.

Comme la Coûtume ne fixe point la somme à laquelle les droits d’Aide Chevel doivent être payez, il faudroit le cas arrivant les évaluer arbitrio boni viri ; car on ne peut pas dire qu’il faudroit les paver sur le pied du droit de Relief d’un Fief, ou du droit d’Aide de Relief ; ce seroit trop peu de chose dans les cas qui peuvent donner lieu aux droits d’Aides Che vel.

Il y avoit encore anciennement l’Aide pour un voyage en la Terre Sainte ou Croisade, on pour une nouvelle Milice ; mais ces deux derniers droits n’appartenoient qu’au Roy, & non aux simples Seigneurs de Fief.