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ARTICLE CCVI.
L E Seigneur peut détourner l’eau courante en sa terre, pourvû que les deux rives foient assises en son Fief, & qu’au sortir d’icelui, il les remette en leur cours ordinaire, & que le tout se fasse sans dommage d’autrui.
Il faut donc trois choses, pour que le Seigneur puisse détourner l’eau qui tourne dans l’etenduë de son Fief, 1. Que les deux rives du lieu où est l’eau, soient dans son Fief, 25. Qu’au sortir du Fief, le Seigneur les remette en leur cours ordinaire, 35. Que tout cela se fasse sans qu’autruy souffre quelque dommage. du détournement des eaux.
Si une des rives est située hors l’etenduë du Fief du Seigneur, il n’est pas permis au Seigneur de détourner le cours des eaux, sans le consentement du Sei-gneur auquel appartient l’autre bord ou rive de l’eauQuoique les deux rives de l’eau appartiennent au Seigneur de Fief, & qu’elles soient assises dans l’etenduë de son Fief, néanmoins il n’est pas permis de détourner le cours de l’eau, si les Vassaux, Censitaires ou le publie en reçoit du dommage & de l’incommodité, comme si le Vassal, Censitaire & autres habitans n’avoient point d’autre cau pour leur usage, ou celui de leur bestiaux dans ces cas, le Seigneur ne pourroit pas détourner le cours de l’eauII n’est pas pareillement permis au Seigneur de Fief de détourner le cours des rivieres ou fleuves navigables, quoique les deux rives du fleuve ou de la riviere soient assises en son Fief ; car les fleuves & rivieres navigabies appartiennent au Roy, & les Seigneurs de Fief ne peuvent rien entreprendre sur leur eours.
La faeuité donnée aux Seigneurs de Fief de pouvoir détourner le cours des éaux qui sont dans l’etenduë de leurs Tiefs aux modifications portées par cet Article, n’appartient point aux simples particuliers, encore qu’ils soient maîtres ou possesseurs du fonds dans lequel passent les eaux, & que les deux rives des eaux soient assises sur leur fonds, & même que les voisins n’en reçoivent aucun dommage, ni incommodité ; car c’est une grace particulière dont la Coutume a voulu favoriser les Seigneurs de Fief par une distinction sur les habitans des Villages, Vassaux, Censitaires ou autres, laquelle ne peut & ne doit être tirée à consequence, ni passer aux particuliers.
Mais les Seigneurs & tous autres peuvent encore moins boucher ou arrêter le cours des fontaines, puits & mares, qui prennent leur source & ori-gine dans leurs héritages, & dont le publie est en possession immemoriale d’user & le servir, soit pour boire, où leurs bestiaux, ou pour blanchir, laver, ou à autre usage, paisiblement, publiquement & sans trouble ; cette longue, paisible & publique possession ou souffrance, vaut en ce cas titre en faveur du public, pour faire juger que les proprietaires de ces eaux n’en peuvent empecher l’usage au publie. Mais ade particulier à particulier, il est certain qu’un particulier n’a point l’usage du puits ou de la fontaine ou de la mare appartenante à son voisin, sans un titre constitutif de la faculté ou decla-ratif, ni contre son consentement ; & la simple possession, quelque longue qu’elle soit, ne peut autoriser cette tollerance indépendemment de la vo-sonté du proprietaire du puits, de la fontaine ou de la mare, ni empécher le proprietaire de boucher ou arrêter le cours du puits, fontaine ou mare qui lui appartient en particulier, quand il lui plait, ou d’empécher que d’autres particuliers, voisins ou autres, ne viennent y puiser de l’eau, ou s’en servir à au-tre usage, parce que dans ce cas, ce seroit une servitude de particulier à particulier, qui ne peut s’établir que sur un titre constitutif, ou du moins de-claratif, & non par la simple possession, fût-elle centenaire & immemoriale ; car point de servitude sans titre, mais on peut se liberer d’une servitude par la prescription ou possession contraire à la servitude.
Il y a trois cas, dans lesquels on est obligé de recevoir les eaux de son voisin, même sans titre constitutif ou declaratif : 15 Par la nature du lieu : 25. Par la Loy ou la Coûtume de la Province : 30. Par la longue possession, qui seroit de quarante ans ; car dans ces cas, la necessité qu’un voisin reçoive les eaux de son voisin, a introduit cette servitude, soit à cause de la nature du lieu qui est inferieur & au-dessous d’un autre, ou de la disposition particuliere & formelle de la Loy ou Coûtume, ou de la possession.