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ARTICLE CCX.

N Ul ne peut faire construire de nouveau pêcherie, ou moulin, si les deux rives de la riviere ne sont assises en son Fief.

Il ne faut pas prendre les mots de pécberie & de moulin pour une même chose, sous prétexte de la particule ou dont se sert notre article, pécherie ou moulin, ce sont deux choses bien differentes ; pécberie, est un lieu plein d’eau dormante pour faire toutner un moulin à cau, & modlin est l’instrument fait sur la ri-viere, ou autre eau, dormante ou non dormante, pour moudre le bled : car pécherie ne veut pas dire ici droit de pécher du poisson, ni un étang & lieu à poisson.

Le droit de moulin, soit à eau, soit à vent, est un droit féodal, qui par le droit general des Fiefs, appartient au Seigneur de Fief, & est une dépendance du Fief ; de sorte que des qu’on a un Fief, on peut bâtir un moulin dans l’etenquë du Fief, sans avoir besoin d’aucune autre concession ni d’aucun autre titre, la qualité de Seigneur de Fief est suffisante, Il y aordinairement deux sortes de moulins, moulin à eau & moulin à vent, l’un & l’autre sont un droit féodal.

Nui Seigneur ne peut de nouveau saire pécherie ou eau dormante, ni construire un moulin à cau sur une riviere, à moins que les deux rives ou bords de la riviere où feroit faite la pécherie, ou sur laquelle le moulin seroit bûti & construit, ne soient assises dans l’etenduë du Fief du Seigneur qui veut faire de nou-reau pecherie ou construire un moulin.

Lon dit construire de nouveau, car si la pécherie ou le moulin se trouvoit construit par un Seigneur du Fief il y a plus de quarante ans sur une riviere dont les deux rives ne seroient point assises dans son Fief, on ne pourroit pas faire détruire la pécherie ni abattre le moulin, la posseision paisible, publique & conrinuë pendant ce long tems, feroit maintenir le Seigneur dans son droit, la Coûtume dans cet article ne parle que pour le tems à venir.

Quoique le droit de moulin soit un droit féodal, néanmoins il peut être tenu & possedé séparement du Fief par une concession particulière faite par le seigneur de Fief à un particulier ; & ce particulier aura par ce moyen droit de moulin, encore qu’il n’ait point de Fief : mais est-il toujours certain en Normandie, que celui qui ne possede que des rotures, ne peut construire de moulin à eau sur une riviere qui iui appartient, & quoique les deux rives de cette riviere foient assises sur son fonds.

On ne peut pareillement faire construire un moulin à vent sur des rotures sans la concession & permission expresse du Seigneur du Fief.

Nul Seigneur, nonobstant que par sa qualité de Seigneur il ait droit de batir moulin, ne se peut faire qu’à trois conditions ; l’une, de le faire batir dans son Fief & sur une glebe noble ; l’autre, si c’est un moulin à eau, que les deux rives de la rivière sur laquelle il veut faire construire un moulin, soient dans son Fief ; la troisième, que la riviere lui appartienne.

Encore bien que le droit de moulin soit un droit féodal, cependant nul Seigneur ne peut obliger ni contraindre ses Vassaux & Censitaires à aller moudre à son moulin, s’il n’a droit de bannalité par un titre constitutif ou du moins déclaratif, comme aveux & dénombremens.

Or moulin bannal, tant à eau qu’à vent, est un moulin public, où les Vassaux & Censitaires sont obligez de faire moudre non seulement les bleds croissans dans l’étenduë du Fief, mais encore les bleds reposans sur la Seigneurie du Seigneur, ou de lui payer la verte moute des bleds qui croissent sur la Seigneurie, mais que n’y reposent pas, le tout à peine de confiscation de leur farine & d’amende arbitraire ; & c’est cette bannalité qui donne droit aux Meüniers des Seigneurs d’al-ler chasser sur les terres voisines des autres moulins, & d’arrêter les bleds que les Vassaux banniers du moulin de leur Seigneur y font porter ; cela dépend beaucoup des titres.

On appelle bleds reposans, tous les bleds que le Vassal ou Censitaire consomme en sa maison, ou dont il fait du pain pour vendre, quoiqu’ils croissent ailleurs ou qu’il les ait achettez au marché publie ; on n’est pas moins obligé à la bannalité du moulin & de faire moudre ces sortes de bleds au moulin bannal, & non ailleurs que ceux qui auroient crûs dans l’etenduë du Fiefs ; Arrests du Parlement de Roüen, des 17. Janvier 1541, 26. Janvier 1é63, & 17. Juillet 3685.

Par le mot de verte moute, on entend le droit de gerbe des bleds que le Vassal ou Censitaire qui n’a point de maison sur le Fief, & qui n’engrange point ses bieds quoiqu’ils y croissent, paye au Seigneur qui a un moulin bannal ; & ce droit est la seizième gerbe des bleds qui se recueillent sur les terres du Vassal & Censitaire, mouvantes du Fief du Seigneur qui a droit de bannalité, s’ii n’y a titre ou possession au conttaire.

Quiconque possede un Fief, a la faculté de faire bâtir un moulin, encore bien que ce Fief soit dans l’etenduë de la bannalité du moulin du Seigneur duquel le Fief releve ; Arrest du même Parlement, du 26. Juin 1534, à moins que par un titre particulier cette faculté ne lui fût ôtée.

Le Seigneur qui a cedé ou vendu son moulin bannal où son droit de bannalité, n’en peut batir un autre dans l’etenduë du même Fief & de la même Sei-gneurie ; Arrest du même Parlement, du 10. Mai 1632.

Un Seigneur de Fief qui fait construire un moulin, est obligé de le faire construire de maniere qu’il ne cause aucun dommage à ses voisins qui ont droit de moulin & qui ont un moulin.

Ce n’est pas assez au Seigneur de Fief pour pouvoir bâtir un moulin à eau d’avoir les deux rives de la rivière sur son Fief, il faut en outre que la riviere lui appartienne ; car si la riviere appartient à un autre Seigneur de Fief, il ne lui sera pas permis de faire construire un moulin sur cette rivière.

Nul ne peut prétendre avoir droit de bannalité, ou de verte moute sans titre, soit constitutif ou du moins déclaratif, suivi de possession ; car la seule possession, fût-elle centenaire & immémoriale, ne suffiroit pas pour donner & attri-buer ce droit.

Le droit de bannalité n’a rien de commun avec le droit de moute-verte, de sorte que la moute-verte n’est pas une suite & une dépendance nécessaire de la bannalité d’un moulin, ces deux droits sont distincts & séparez, on peut avoir l’un sans avoir l’autre, mais il faut toujours avoir titre exprés & formel pour l’établissement de l’un & l’autre droit.

Le moulin à vent ne peut être bannal, même à l’égard du Seigneur du Fief, fondé en titre & en reconnoissance par écrit du droit de bannalite d’un moulin à eau, à moins qu’un titre particulier ne fasse mention expresse de la qualité du moulin, & ne porte formellement & expressément que le moulin à vent en question est bannal ; car l’expression generale & indéfinie de moulin bannal, ne sentend que du moulin à eau, & le Seigneur n’ayant point de moulin à eau en sa Seigneurie, mais seulement un moulin à vent, ne pourroit pas prétendre que ce moulin à vent fût bannal, à moins qu’en vertu d’un titre spécifique ; & ne pourroit contraindre ses Vassaux & Censitaires à y aller moudre.

Le droit de bannalité n’est pas tellement une servitude roturiere, que les Nobles & Gentilhommes, & même les Ecclesiastiques n’y puissent êrre assujertis par titres ; mais de droit commun, la bannalité n’a point lieu contre les Nobles, Gentilhommes & Ecclesiastiques.

Le Seigneur qui n’a point droit de bannalité, ne peut empécher que les Meûniers voisins ou autres ne viennent chasser dans l’etenduë de son Fief.

Si la plus grande partie des Vassaux & Censitaires s’est obligée volontairement & sans contrainte par des aveux, déclarations & reconnoissances autentiques au droit de bannalité, une pareille obligation engage le reste des Vassaux & Censitaires au même droit de bannalité, quoique ces derniers ne s’y soient point engagez par des aveux, déclarations & reconnoissances particulières ; Arrest du même Parlement, du 22. Fevrier 1660.

Le droit de bannalité ne peut être demandé que sur les hommes tenans héritage dans la mouvance & direct du Fief du Seigneur, à cause duquel Fief-on retend le droit de bannalité, à moins que par un titre particulier & special, d’autres personnes ne se fussent assujetties à ce droit.

Le Seigneur qui a droit de moulin, peut d’un moulin à bled en faire un moulin à papier, à tan, à draps, à huile, à peaux, à poudre ou à autre usage, sans que ses voisins qui ont droit de moulin, & qui ont des moulins de cette nature, puissent se plaindre de ce changement ; Arrests du même Parlement, du 39 Mars 1548, & 7 Mars 1678 ; mais il ne pourroit changer la qualité d’un moulin bannal à bled, parce que ce changement feroit préjudice aux habitans banniers.

Il est pareillement permis au Seigneur de transferer son moulin d’un lieu en un autre sans le consentement de ses Vassaux & Censitaires, ni des Seigneurs voisins qui ont droit de moulin, & qui ont moulin, pourvû que cette nouvelle construction se fasse dans l’etenduë du Fief, & si le moulin est bannal, que le publie n’en souffre point d’incommodité, Quoique le droit de bannalité de moulin ou de four, ne puisse point s’acquerir par prescription, quand le Seigneur en auroit une qui seroit centenaire & immemoriale, il faut titre & possession pour établir un droit de bannalité, néanmoins le droit de bannalité peut se perdre & s’éteindre par la non-joüissance, & par une possession contraire de quarante ans ; & par cette prescription les Vassaux & Censitaires, qui originairement étoient sujets au droit de bannalité, reprennent leur liberté naturelle, & sont affranchis de cette servitude par la maxime qu’on peur s’affranchir d’un droit de servitude, par la voye de la prescription, qui est de quarante ans, par le non-usage de la servitude de la part de celui qui avoit droit de la pretendre avant la prescription.

Le titre réquis pour établir un droit de bannalité, doit être par écrit & constitutif, fait & passé devant Notaire, Tabellion, Greffier ou autre personne Sublique, par les Vassaux & Censitaires, de leur libre volonté, & non forcément ; cependant au défaut de titre constitutif, premier & originaire, il suffiroit de rapporter d’anciens aveux & dénombremens, que le Seigneur & ses predécesseurs ou ayans causes y ont fournis au Seigneur dominant, & qui onr été par lui blamez & reçûs, dans lesquels le droit de bannalité seroit employé, où des aveux, reconnoissances & déclarations de ce droit de la part des Vassaux & Censitaires aux Gagepleges du Seigneur, entre les mains de son Sénéchal, ou au Prevot du Gageplege ; tout cela joint à une possession publique, paisibole & non interrompue depuis un long-tems, mais de quarante ans au moins, pourroit servir de titres vallables d’un droit de bannalité ; cela dépend des circonstances du fait.

Quand un moulin bannal est tombé de caducité ou démoli, ou qu’il chomme ou cesse de tourner faute d’eau, comme si l’eau s’étoit détournée de son cours, les sujets à la bannalité peuvent aller moudre où bon leur semble, sans être tenus de payer aucun droit de moute-verte ni autre droit au Seigneur, & même dans ces cas, ou lorsque le Seigneur n’a point droit de bannalité, le Seigneur ne peut pas empécher les particuliers d’aller moudre ailleurs, ou d’a-voir chez eux des moulins à bras, pour s’en servir pour eux & pour autres ; de plus, si le moulin bannal cessoit de moudre pendant quarante ans, le droit de bannalité seroit éteint au profit des Vassaux & Censitaires ; mais cela n’empecheroit pas que le Seigneur ne pût remettre son moulin sur pied, & ne le fit travailier, mais ce moulin ne seroit plus bannal ; cûr le droit de moulin à la vérité ne se perd pas par la prescription, mais le droit de bannalité s’éteint par une possession contraire de quarante ans : On appelle les moulins à bras, mole manitariae. Quoique le Seigneur n’ait pas droit de bannalité, & qu’il ne puisse par consequent empécher ses Vassaux & Censitaires d’aller moudre leur bled au moulin d’un autre Seigneur, ou d’avoir des moulins à bras dans leurs maisons, néanmoins il n’est pas permis à ces Vassaux & Censitaires de constituer sur euxun droit de bannalité de moulin envers un autre Seigneur, pas même un droit de bannalité de four.

Le Seigneur faute par ceux qui sont sujets au droit de bannalité, de venir moudre au moulin bannal, peut saisir la farine & le pain dans l’etenduë de son Fief, & les confisquer, même les faire condamner en l’amende, mais non s’ils sont pris hors le Fief ; dans ce dernier cas, il pourroit seulement poursuivre ses Sujets pour être condamnez au payement des droits de bannalité, & en une amende.

Les moulins à eau & à vent sont reputez immeubles, à la reserve de ceux bâtis & posez sur bâteaux, qui néanmoins se décretent comme immeubles ; à l’égard des moulins à bras, ils sont toûjours meubles.

Il y a encore les pressoirs, lesquels peuvent être bannaux en vertu de titres constitutifs ou déclaratifs, suivis de possession.

Le Committimus n’a point lieu dans les actions pour droit de bannalité, parce que cette action est purement réelle, pas même mixte ; Arrest du même Par-lement du 10. Iuin 166s, & telle est la Jurisprudence du Parlement de Roüen.