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TITRE IX. DES FIEFS ET DROITS FEODEAUX.

L E mot de Fief vient de sides, parce que la première charge d’un Vassal envers son Seigneur est la préstation de foy.

Or le mot de Fief se prend quelquefois pour le droit que le Vassal a sur l’immeuble qu’il tient de son Seigneur, & quelquefois il se prend pour l’immeuble même.

Dans la première signification, on peut le définir avecM. Cujas , jus predio ilieno in perpetutem urendi, fritendi, quod pro beneficio Dominus dat câ lege, ut qui aecipit sibi fidem & militte munis aliudve servitium exhibeat.

Dans la seconde signification, il peut être défini avec Contius, res immobiis ita data alicuil, ut ejus proprieras peries dantem marteat, usufructus vero ad acci-vientem haredesque ejus, mascuias vel feminas, si it à dictum sit, in perpet uum transeat, dummodo accipiens exusque beredes fidelitas Domino sertiant.

Il est difficile de trouver l’origine des Fiefs ; ce qu’il y de certain, c’est qu’ils sont trés-anciens, & à present ils ne sont pas moins hereditaires & patrimoniaux que les autres biens.

Il y deux choses dans un Fief, le Vassal & le Seigneur ; le Vassal est le proprietaire du Domaine utile du Fief, ce nom vient du mot Vassus, & Vassal en Allemand vient du mot uussen, qui veut dire obligare, vincire


ARTICLE XCIX.

P Ar la Coutume de Normandie tout héritage est noble, roturier, ou tenu en franc-aleu.

Il n’y a donc dans toute la Province de Normandie, que de trois sortes d’heritages, l’héritage noble ou feodal, l’héritage roturier, & l’héritage en franc-aleu.

L’héritage noble ou feodal sont toutes les possessions, terres, maisons & droits immobiliers, à cause desquels on tombe en garde & on est tenu de faire foy & hommage ; ces héritages sont communément appellez Tief.

Il n’est pas permis aux personnes de condition roturières de posseder ces sortes de biens sans la permission du Roy ; cette permission est un droit Royal qu’on nomme le droit de Franc-fief.

L’héritage roturier est celui à cause duquel on est tenu de payer censives, rentes & redevances feodales au Seigneur duquel l’heritage est tenu, avec la reconnoissance de la Seigneurie directe & foncière, sans néanmoins faire la foy & hommage ni tomber en garde ; on donne quelquefois le nom de Censier à cet héritage.

Toutes sortes de personnes, nobles où roturieres, sont capables de posseder des héritages de cette qualité, sans avoir besoin d’aucune permission du Roy.

L’héritage en franc aleu est celui pour lequel on ne connoit point de Seigneur en feodalité, & dont les proprietaires ne sont point tenu de faire foy & hommage ni payer de droits Seigneuriaux ; on dit aussi heritage allodial.

Les héritages en franc-aleu ou allodiaux sont de deux especes, les uns sont tenus en franc-aleu noble, desquels relevent des Fiefs ou des rotures, & qui ont quelquefois Justice ; les autres sont tenus en franc-aleu roturiers, & desquels il n’y Aa ni Fiefs ni rotures qui en relevent, & qui n’ont point de Justice, lles rentes de ces sortes de biens ne produisent point de droits de Treiziéme, ou autres droits Seigneuriaux.


ARTICLE C.

L’Héritage noble est celui à cause duquel le Vassal tombe en garde & doit foy & hommage.

Il y a deux principales conditions attachées à un héritage noble ou Fief, l’une est la garde dans laquelle tombe le Vassal ou celui qui possede l’héritage noble ou Fief envers le Seigneur suzerain ; l’autre est la foy & hommage que de vassal doit au Seigneur du Fief superieur & immediat.

Fidelité & hommage sont choses differentes ; la prestation de foy est un simple. serment que fait le Vassal à son Seigneur de lui être fidele en tout & par tout, au lieu que hommage est un service de sujetion ; la foy est de l’essence du Fief mais non l’hommage, aussi l’hommage est d’un usage bien plus nouveau que la foy en fait de Fiefs.

Nos anciens Auteurs, tels que sontReginon , Aimonins & plusieurs autres, appellent Vassal l’eudatarius, Beneficiarius, Cliens, Fidelis, Vassus, Vasiailus, Miles ; à l’occasion de laquelle signification Cesar nous apprend que c’étoit un crime à un Vassal d’abandonner son Seigneur de Fief, même dans le danger ; Clientibus nefas erat, etiam in extremia fortuna, patronos deerrare ; c’est au Livre 7. de Bello Gallico.

Les héritages & terres nobles ou Fiefs sont de deux sortes, les uns sont Fiefs de dignité, comme sont les Duchez, Marquisats, Comtez & Baronnies ; les autres sont les Fiefs de Haubert, qui sont les plus nobles aprés les Fiefs de dignité ; tous les autres Fiefs sont Fiefs à l’ordinaire : il y a neanmoins encare quelques Fiefs qu’on appelle Fiefs d’honneur, ce sont des Dignitez ou Offices tenus en Fief sans fonds ni glebe pour raison desquels on doit hommage ; ces Fiefs sont des Fiefs en l’air & incorporels : il y a aussi des rentes, cens, où autres droits réels tenus à hommage, les Fiefs incorporels ou en l’air ne doivent point de relief.

La noblesse du Fief, ni pareillement la justice annexée au Fief, ne peuvent être données & accordées que par le Roy, elles ne peuvent s’acquerir par prescription, parce que la possession contraire à l’origine & à la qualité essentrelle de la chose, ne peu en changer la nature & la condition ; Arrét du Parlement de Roüen du 11. May 1616. On n’est pas cependant obligé de rapporter le titre primordial de l’investiture du Fief, les aveux & dénombremens blamez & reçûs par le Seigneur Suzerain, & suivis d’une possession immemoriale suffisent.

Il n’est pas permis de prendre la dénomination d’un Fief duquel on n’est pas Seigneur ; & quand dans une même Paroisse il y a deux Fiefs qui ont la même dénomination, & qui appartiennent à deux differens Seigneurs lesquels n’ont aucune preéminence ni prérogative l’un sur l’autre par leurs Fiefs, chacun d’eux peut & doit seulement se qualifier & se dire Seigneur en partie d’un tel Fief.

Les droits de Fief sont de deux sortes, les uns de l’essence & de la nature du Fief, telle est la prestation de foy & la retention de la Seigneurie ou mouvance directe ; ces droits sont immuables & inalterables, & le Fiel ne peut exister & subsister sans ces droits ; les autres droits sont seulement accidentels aux Fiefs, & ils ne naissent & ne dépendent que de la convention des Parties ; l’hommage est de cette dernière espèce, la préstation d’hommage n’est point de l’essence du Fief, aussi les Fiefs ont existé & subsisté sans être assujettis à la prestation d’hommage.

Il n’est point necessaire de prouver les droits feodaux qui sont de l’essence & de la nature du Fief ; mais quant à ceux qui ne sont dus qu’accidentellement & par conventions, ils ne sont point dus s’ils ne sont prouvez & justifiez.

Les gens d’Eglise & de Main-morte peuvent posseder des Fiefs & terres nobles en obtenant des Lettres d’Amortissement du Roy, autrement ils sont sujets aux droits de nouveaux acquets que le Roy leur fait payer de temps en tems ; ils sont en outre obligez de payer l’indemnité aux Seigneurs, & leur donner un homme vivant & mourant, Les femmes ne sont pas moins capables de posseder des Fiefs & terres nobles que les hommes.

En Normandie point de terre sans Seigneur, ainsi quiconque a un Fief doit s’avoüer d’un Seigneur dominant ; car s’il y a des biens en franc-aleu ou allodiaux en cette Province, il faut que cette qualité soit établie par la Coûtume ou par des titres particuliers, sans même qu’un héritage pût devenir en francaleu ou allodial par la prescription, quelque longue qu’elle soit, il suffit au Seigneur dominant que la terre soit dans l’etenduë de sa Seigneurie pour prétendre que le Fief releve de sa Seigneurie, ainsi en Normandie le franc-aleu n’est point presumé, il faut le justifier par titres.

Un Seigneur ne peut faire payer d’autres droits & devoirs à son Vassal que ceux portez par la Coûtume, s’il n’y a titre au contraire, le Seigneur & le Vassal sont obligez également d’obéir & satisfaire à la disposition generale de la Coûtume, qui sert en cette rencontre de titre.

Outre la qualité des biens il y a la qualité des personnes ; or nous ne connoissons que de deux fortes de personnes, les unes sont nobles, les autres roturieres & non nobles : sous ces deux espèces de personnes font compris tous les Habitans du Royaume, soit gens d’Eglise, gens de justice, Gentilshommes de race & Gentilshommes annoblis par concession particulière du Roy, dignitez, Charges ou autrement, Bourgeois, Marchands, Arrisans Laboureurs & Paysans.

Dans notre Coûtume le mot de Vassal s’applique, tant à celui qui tient noblement qu’à celui qui tient en roture, & à titre de cens, rentes & redevances Seigneuriales/w> .

Il

Il y a des Vavassories, qui sont des arriere-fiefs & arrière-tenures.

Il y en à de deux sortes, les unes nobles, les autres roturieres.

Les Vavassories nobles sont celles où il y a Cour & usage, c’est à. dire droit Justice foncière, & d’avoir un taureau & un verrat bannaux, où qui ont droit de collombier, de moulin & autres droits feodaux sans aucune sujetion à aucun service roturier ; ces Vavasssories sont appellées nobles & franches ; elles sont tenuës par foy & hommage, se relevent comme fiefs nobles & on tombe en garde pour raison de ces Vavassories ou arriere-fiefs comme pour les autres fiefs.

les Vavassories roturieres & non nobles sont des arrieres-tenures d’héritages roturiers qu’un Seigneur de fief a donnez & Baillez à titre de cens, rentes, redevances & services, & à la charge de la directe, mais sans tomber en garde ni prêter la soy & hommage comme on fait pour les Vavassories nobles.

En cas de vente des Vavassories tant nobles que roturieres, on paye le droit Treizième au Seigneur direct & immediat.

On appelle encore les. Vavassories roturieres fiefs villains, c’est-à-dire roturiers telles que sont les ainesses ou tenemens d’heritages roturiers donnez & baillez par un Seigneur feodal à l’un de ses tenanciers, vassaux ou censitaires par un seul & même contrat à la charge de la directe, & des rentes & redevances Seigneuriales portées par le Contrat d’allienation, & lesquels héritages ont été depuis divisez en plusieurs portions par succession ou autrement ; cependant au milieu de cette façon de parler, il faut convenir que le terme de fief ne convient point à l’heritage roturier, puisque communément parlant, par le mot de fief on n’entend que l’héritage noble.

Un fief ou Terre noble ne peut perdre sa qualité de fief & de Terre noble sans l’autorité du Roy, quand même le propriétaire du fief, & le Seigneur direct & dominant consentiroient à ce changement, & renonceroient formelement & expressement à la qualité de fief & à la directe & mouvance.

Il y a en outre des fiefs simples & des fiefs liges.

Les fiefs simples sont ceux pour lesquels il n’est dû au Seigneur dominant que la foy & hommage, où la bouche & les maius, dont la prestation est plus réelle que personnelle ; aussi des que le vassal alliene son fief, il est déchargé de ce devoir, parce que la foy & hommage n’est dûé qu’à cause du fief & l’obligation que le vassal avoit contractée au temps de la reception & investiture envers son Seigneur, se trouve éteinte & resoluë des que le vassal n’est plus posseseur du fief, de même que les qualitez de vassal & de Seigneur cessent dés ce mo ment-là.

Les fiefs liges sont des fiefs réels & personnels appellez fiefs de corps, parce e celui qui en devient propriétaire, est obligé en faisant la foy & hommage. ton Seigneur, de faire serment de le servir & deffendre envers & contre tous Ien’à la mort, nemine excepto, hors & contre le Roy & l’Etat, & y oblige tous ses siens ; ces sortes de fiefs sont rares en Normandie, principalement par rapport aux simples Seigneurs ; quoi qu’il en soit, le vassal n’est tenu à ces formes & devoirs que tant qu’il est possesseur du fief, & generalement parlant, on ne peut tre vassal lige de deux Seigneurs pour raison d’un seul & même fief, & c’est le cas de dire que nemo debet servire duobus Dominis.

Ordinairement les fiefs liges font des fiefs & terres nobles titrées & de dignicomme sont les Duchez, les Comtez, les Marquisats & autres titres qui relevent immédiatement de la Couronne & à suy lige.

Les Domaines d’un Duché sont inalienables & ne peuvent être démembrez ; Arrêt du Parlement de Paris du 38 Iuillet rés--il est dans le Journal des Audiences.

Ev. 6. chap. 1. Mais on peut saisir réellement un Duché, même un Duché. Pairie omme une autre Terre noble, mais la Saisie réelle ou Decret d’un Duché Pairie peut être : poursuivie qu’au Parlement de Paris comme étant la Cour des Pairs France.

Il a été jugé par Arrét du même Parlement, que les Ducs & Pairs étoient intraignables par corps, même pour dettes civiles comme les autres Sujets du Roy ; cet Arrét est du 19. Mars 1624. il est rapporté par Bardet en son Recueil Arrêts, Liv. 2. chap. 16. Cependant j’ai vû juger à l’Audience de la Grande

Chambre du même Parlement, que le Carosse d’un Duc & Pair n’avoit pû être saisi lui étant dedans ; main-levee lui fut faite du Carosse, & le creancier condamné aux dépens ; je ne rapporte point la date de cet Arrêt, parce que je ne m’en souvient point, & qu’aucun Arrétiste n’a pris soin de le rapporter, ces Compilateurs en ont rapporté nombre d’autres qui n’étoient pas si import ans, mais il n’est pas moins certain ; dans le besoin on le trouveroit dans les Registres du Parlement.

Les fiefs se divisent encore en fiefs dominans, fiefs servans & arriere-fiefs.

Le fief dominant est celui duquel un autre fief releve immediatement & en plein Fief : or un Fief n’est dit dominant qu’à l’égard du Fief qui en est mouvant & qui en releve immediatement ; car le Fief qui est dominant à l’égard d’un Fief, & servant à l’égard d’un autre duquel il releve, & les Fiefs relevent les uns des autres excepté les Fiefs de dignité & les Fiefs de Haubert, qui relevent immediatement du Roy & de la Couronne.

Le Fief servant est celui qui releve sans milieu d’un autre, & dont le proprietaire est obligé de porter la foy & hommage au proprietaire du Fief dominant.

Le Fief servant quant aux profits & droits de Relief, Treizième & autres droits Seigneuriaux à titre lucratif, est regi par la Coûtume du lieu où le Fief servant est situé, & quant aux droits d’honneur pour le service, par la Coûtume du lieu où le Fief dominant est assis, quo, ad onera suectatur feudum seruiens, quo ud hoxores feudum dominans, ditCoquille , qu’est. 267.

ArriereFief est celui qui relève mediatement du Seigneur duquel releve immediatement l’arriere-Fief, & auquel il est dû la foy & hommage, & autres droits Seigneuriaux pour raison de cet arriere-Fief, de sorte que le proprietaire de l’arriere-Fief n’est pas vassal du Seigneur mediat, mais seulement du Seigneur immediat.

Il ne faut pas confondre le Fief avec la Justice, ce font deux choses si differentes & si separées, qu’elles n’ont aucun raport ensemble, soit pour l’établisse ment, soit pour les droits, soit pour la joüissance ; non-seulement il y a des Fiefs sans Justice, mais encore un même vassal peut relever d’un Fief & être Justiciable de la Justice d’un autre Seigneur.

Le droit des Fiefs est purement réel, & il ne regarde les personnes qu’autant qu’elles sont propriétaires ou possesseurs d’un Fief ; aussi les Fief se regissent dans les successions & autres cas par la Coûtume de leur situation, de quelque qualité que soient ces Fiefs, même ceux de dignité, comme Duchez, Marquisats, Comtez, Baronnies & autres.

Le Fief ou Terre noble n’anoblit point celui qui en est le proprietaire & possesseur.

Un Seigneur foncier ne peut prendre la qualité de Seigneur du Village où il a un fonds noble, il n’y a que le Seigneur Justicier qui puisse se dire Seigneur du Village ; & même un proprietaire d’un fief particulier ne se peur dire Seigneur du Village, mais seulement Seigneur d’un tel fief.


ARTICLE CI.

E T combien qu’en plusieurs endroits ceux qui tiennent roturiairement, declarent en leurs aveux tenir par foy & hommage, ils ne font pourtant foy & hommage, & suffit qu’ils le déclarent en leurs aveux, sans que pour ce ils tombent en garde ou puissent acquerir de noblesse en leur héritage.

La première notion que cet Article nous donne, est qu’on se sert indifferemment du mot avez en matière de Fief & en matière d’héritage roturier, comme le mot de vassal est commun tant au Possesseur de Fief qu’au Possesseur d’heritage roturier.

La seconde, qu’une declaration que feroit un vassal censitaire par les aveux ou reconnoissances qu’il tient des héritages roturiers à foy & hommage, il ne rendroit pas pour cela l’héritage noble, & ce vassal ou Censitaire ne rétomberoit par par une telle declaration en garde, & n’acquereroit pas aux héritages qu’il tient en roture la qualité d’héritages nobles ; nonobstant cette declaration les héritages demeureroient toûjours dans leur qualité de roture ; aussi suivant nôtre article ce n’est qu’en certains endroits de la Province où des Tenanciers d’heritages roturiers déclarent par leur aveux où reconnoissances à leur Seigneur feodal, foncier ou censier, qu’ils tiennent ces héritages à foy & hommage quoiqu’ils soient en roture, cet usage n’est pas general ; mais au milieu de cela ces possesseurs ne font point foy & hommage, le Seigneur même ne pourroit Pas les y contraindre, ils peuvent cependant mettre dans leur déclaration qu’ils tiennent ces héritages roturiers à fuy & hommage, sans neanmoins que cette declaration, ( fut-elle suivie de la prestation de foy & hommage & rêiterée par nombre d’aveux, ) pût d’un héritage roturier en faire un héritage noble, une pareille déclaration ne seroit qu’un effet de pure ostentation, & on s’étonneroit si le Seigneur la toleroit.

La prestation de foy est une declaration solemnellement faite par le vassal qu’il gardera la foi a son seigneur, & la prestation d’hommage est une declaration faite par le vassal, portant qu’il se reconnoit l’homme du seigneur ; ce qui fait entendre qu’on ne doit point faire & on ne fait point de pareilles declarations. pour raison d’héritages roturiers, mais seulement pour des heritages nobles, & c’est un abus en bonnes maximes de dire le contraire.

Il y a cependant quelques cas où les proprietaires & possesseurs de Fiefs & Terres nobles, sont exemps de faire la foy & hommage.

Premierement, le Roy ne doit point de foi & hommage au Seigneur suzerain & immediat des Fiefs consignez au profit du Roy pour crime de leze-majesté, ou autre crime dont la condamnation a prononcé la confiscation au profit du Roy, ou parce qu’au nombre des biens confisquez il y avoit des Fiefs qui relevoient du Domaine du Roy, ou de la Couronne, d’autant que le Roy ne reconnoit aucun Superieur in temporalibus, que Dieu ; c’est pour cette raison que le Roy suivant les Ordonnances du Royaume, est tenu de vuider ses mains dans l’an & jour de l’Arrét ou Jugement deffinitif & en dernier ressort, qui a prononcé la confiscation des Fiefs & Terres nobles ainsi retournées à son Domaine.

Secondement, la prestation de foi & hommage, n’est point dué par les Propriétaires ou possesseurs de Fiefs & Terres nobles, ausquelles elle a été remise par les conditions de l’investiture, parce qu’encore bien que la foi soit inseparable du Fief, le serment de la foi peut neanmoins être remis par le titre de l’investiture, à plus forte raison la prestation de l’hommage qui n’est point de l’essence du Fief & Terre noble


ARTICLE CII.

L Es terres de franc-aleu sont celles qui ne reconnoissent Superieur en feodalite, & ne sont sujetes à faire ou payer aucuns droits Seigneuriaux.

Par cette définition il est aisé de connoître que les biens en franc-aleu ou allodiaux, sont des biens estimables & au-dessus des autres biens, puisque le propriétaire ou possesseur d’un héritage en franc aleu où allodial, ne reconnoit point de Superieur en feodalité, & que les biens de cette qualité ne sont point sujets à faire ou payer aucuns droits Seigneuriaux, foi, hommage, relief, treizième, & autres droits tel qu’ils soient & quelques mutations qu’il arrive ; mais. quant à la justice les proprietaires ou possesseurs de ces biens n’en sont point exempts, ils sont justiciables de la Justice Royale ou de celle des Seigneurs ; car les biens en franc-aleu ou allodiaux & la Justice ou Jurisdiction n’ont rien de commun, leur qualité n’est point alterée pour reconnoître un Superieur quant à la Jurisdiction ; & la Jurisdiction du Prince & la Jurisdiction des Seigneurs ne sont jamais comprises sous le franc : aleu pour dire que les proprietaires ou possesseurs de ces sortes de biens, ne sont justiciables d’aucune Jurisdiction.

Il y a franc : aleu noble & franc-aleu roturier.

Le franc-aleu noble est celui qui a Fief ou Justice.

Le franc-aleu roturier est lorsque parmi les héritages tenus en franc-aleu, il n’y a ni Fief ni justice.

Suivant la maxime generale, point de terre sans Seigneur, quiconque prétend être en franc-aleu, doit le prouver & le justifier soit par le titre primordial ou constitutif, & à son défaut par des titres déclaratoires, tels que seroient des aveux, declarations, reconnoissances, contrats & partages, soûtenus d’une possession legitime.

Les propriétaires ou possesseurs de franc-aleux nobles tombent en la gardenoble du Roy, comme les autres Proprietaires ou Possesseurs des autres Fiefs qui sont sujets à la garde-noble du Roy ; & même si le Roy faisoit un Papier Terrier, les Propriétaires ou Possesseurs des héritages en franc-aleu, seroient tenus d’y exhiber leurs titres, mais non au Seigneur Haut-Justicier, il suffiroit de lui fournir declaration des biens qu’il prétendroit être en franc-aleu sans lui en exhiber les titres, par raport à sa Justice.

Le franc-aleu n’empéche point que les heritages allodiaux ou en franc-aleu ne soient sujets à la confiscation comme les autres biens, dans les cas de la confiscation, par la raison que la confiscation est un fruit de la Jurisdiction ou Justice, & que les biens en franc-aleu ne sont point exempts de la Jurisdiction ; mais par une prérogative, c’est au Roy à qui seul appartiendroit la confiscation des biens en franc-aleu, sans que le Seigneur Haut-Justicier y pût rien prétendre, encore bien que la confiscation soit un effet & depende de la Justice.


ARTICLE. CIII.

E N Normandie il y a quatre sortes de tenure, par hommage, par parage, par aumône, & par bourgage.

En Normandie il y a quatre sortes de tenure, c’est-à-dire qu’il y a quatre sortes de manieres avec lesquelles un héritage peut relever d’une Seigneurie superieure & immediate, & qu’on peut être vassal, qui sont par hommage, parage, aumone & bourgage.

Par hommage ou prestation de foi & hommage, qui est duë par un vassal possedant Fief & Terre noble, à son Seigneur suzerain & immediat.

Par parage.

On tient en parage lorsqu’un Fief ou Terre noble est partagée entre filles ou leurs descendans : Or ce mot de Parage vient du mot paragium, qui veut dire divifio ; & Paragers signifient les Vassaux qui possedent chacun une portion d’un Fiel ou Terre noble comme ayant été partagée & divisée entr’eux, comme dans les cas de cet Article lorsqu’un Proprietaire d’un Fief ou Terre noble n’a laissé que des filles pour heritières, ces filles partagent ce Fief ou Terre noble entre elles, & elles & leurs descendans la tiennent en parage, c’est-à-dire, chacun pour sa portion du Seigneur suzerain immediat ; c’est ainsi que Ducange dans son Glossaire explique le mot de paragium ; il dit que paragium vient de par, égal, comme qui voudroit dire que des filles ou leurs descendans, qui tiennent un Fief en parage, le tiennent par égales portions du Seigneur, sans prérogative du droit d’ainesse, qui dans nôtre Coûtume n’a point lieu dans un partage de Fief entre filles.

E. Par aumône, C’est quand le Seigneur Suzerain d’un Fief ou Terre noble, donne à l’Eglise qu à quelque autre Corps de gens de main-morte, un Fief ou Terre noble mouvante & relevante de son Fief ; par cette simple donation on presume que ce Seigneur à consenti que les gens de main-morte qui possederont cet héritage, seront exemps de payer à la Seigneurie de laquelle cet héritage releve, aucuns droits Seigneuriaux, comme Reliefs & Treizièmes ; c’est-là tenir un héritage du Seigneur suzerain par aumone, dénomination prise de la qualité des donataires, qui au commencement de l’Eglise n’avoient des biens autres que ceux qui leur étoient donnés par aumone & par la charité des fideles soit pour fondations ou pour autres oeuvres de pieté.

Il faut qu’il se soit fait dans les premiers temps bien de ces sortes de dons en Normandie, puisqu’un grand nombre d’Abbayes ou autres benesices de cette Province possedent quantité de Fiefs & Terres nobles à titre d’aumones.

Les gens de main-morte peuvent encore tenir un héritage par aumone d’une autre manière, c’est tor squ’un vassal ayant aumoné son fonds, l’Eglise, ou autre Corps de gens de main-morte, l’a possedé par quarante ans, aprés lesquels l’Eglise ou autres gens de main-morte ne sont obliges qu’à fournir, donner & bailler’une simple déclaration ou aveu au Seigneur direct, contenant les rentes & les redevances Seigneuriales dont cet héritage est chargé envers la Seigneurie, sans que les gens de main-morte soient tenus de payer Relief, Treizième & autres droits Seigneuriaux, pour raison de cet héritage au Seigneur suzerain, parce que par la longue possession de quarante ans cet héritage est devenu un fonds tenu par aumone & affranchi comme un héritage tenu & mouvant d’un Seigneur par aumone.

Par Bourgage, c’est-à-dire roturièrement ; car une tenure par bourgage est une tenure roturiere ou héritage roturier, pour raison duquel heritage le Seigneur direct ne peut pretendre que les rentes & redevances Seigneuriales dont il est chargé envers la Seigneurie, declaration & reconnoissance de ces rentes, redevances, & le droit de Treizième le cas arrivant.


ARTICLE CIV.

I L y a deux sortes de foy & hommage, l’un lige dû au Roy seul à cause de sa Souveraineté, l’autre dû aux Seigneurs qui tiennent de lui mediatement ou immediatement, auquel doit être exprimée la reservation de la Feoté au Roy.

Cet article nous apprend qu’en Normandie nulle autre Seigneur de Fief que le Roy, quand même ce Fief seroit un Fief de dignité, ne peut pretendre de foy & hommage lige de son vassal, c’est-à dire de le servir envers & contre tous, parce que la foi & hommage lige n’est du qu’au Roy seul à cause de sa Souveraineté ; tous les autres Seigneurs, tels qu’ils soient, même ceux de dignité & de haute dignité, ne peuvent exiger de leur vassal que la foi & hommage non lige & sans service, & même avec reserve de fidelité au Roy comme Seigneur Souverain de ses Sujets ; car quoiqu’un vassal ne fut pas vassal immediatement du Roy, mais seulement mediatement, il n’en devroit pas moins la fidelité au Roy, & ce seroit un crime capital de lui manquer de foi, comme trahison, revolte ou porter les armes contre lui & contre l’Etat.

Quoique le vassal non lige ne soit tenu de faire la foi & hommage à son Seigneur qu’une fois en sa vie, néanmoins le Roy, encore bien qu’il ne fût pas Seigneur immediat, peut faire prêter serment de fidelité par son Sujet toutes & quantes fois qu’il lui plaira, non pas comme vassal, mais comme sujet du Roy ; c’est pour cette raison que les Evéques & Archevéques à cause du titre & de la dignité de l’Episcopat, & par raport aux peuples qu’ils doivent maintenir dans l’obéissance & fidelité envers le Roy & en la foi Catholique, Apostolique & Romaine, sont tenus de jurer le serment de fidelité au Roy, quand méme ils ne possederoient point à caule de leurs Evéchés, de Fiefs & Terres nobles mouvantes & relevantes du Roy, sans neanmoins que ce serment de fidelité les exempte de prêter la foi & hommage au Roy pour les Terres nobles qu’ils possederoient comme Evéques ou de leur chef, lesquelles releveroient du Roy, & aux Seigneurs particuliers pour celles qui releveroient d’eux.


ARTICLE CV.

L E Seigneur n’est tenu de recevoir son vassal à lui faire foi & hommage par Procureur sans excuse legitime.

Le Seigneur n’est tenu de recevoir son vassal à lui faire foi & hommage par Procureur.

La foi & hommage est un droit personnel & inseparable de la personne du vassal ; le vassal est tenu de s’acquiter de ce devoir en personne & non par Pron cureur ; c’est pourquoi le Seigneur ne peut être contraint de recevoir son vassal à la foi & hommage par le ministère d’un Procureur, quand même il seroit fondé de la Procuration speciale du vassal, cette facilité ne pourroit être que de la pure volonté du Seigneur par un motif d’honnêteté, civilité, complaisance & condescendance pour son vassal ; car la prestation de foi & hommage en personne, est une marque de respect & de soumission à laquelle on a voulu astraindre les vassaux, envers leurs Seigneurs, pour leur témoigner en personne qu’ils sont leur vassaux & qu’ils leur rendront dans les occasions les devoirs qui leur sont dus comme seigneurs suzerains des Fiefs qu’ils possedent ; ea autem, dit le Jurisconsulte, quee sunt dignitatis, bonoris seu reverentiae, non possunt per alios expediri, L. nullus aux Dig. de Decurionibus. De plus le seigneur a’interét de voir & connoître son vassal ; de sorte qu’un vassal ne pourroit pas retirer de cette obligation, quand même il seroit d’une condition ou d’un rang infiniment au dessus du Seigneur.

Cette regle generale souffre neanmoins plusieurs exceptions.

La premiere étoit pour les Fiefs échus au Roy par acquisition, donation, succession, confiscation ou autrement, pour lesquels le Roy ne rendoit, la soi & hommage que par Procureur aux Seigneurs suzerains ; mais comme il y avoit en cela quelque chose d’extraordinaire, que le Roy fit la foi & hommage à l’un de ses Sujets, Philippe le Bel par son Ordonnance de 1302. & Loüis Hutin en 1315. ordonnerent que le Roy ne rendroit plus la foi & hommage par Procureur, mais que dans l’an & jour il mettroit le Fief hors ses mains, & c’est ce qui s’est toûjours depuis pratiqué, & ce qui se pratique encore aujourd’hui, La seconde, que les gens de main-morte & Communautés Laiques, Ecclesiastiques, seculieres ou regulieres font la foy & hommage par Procureur ou par un homme qu’ils presentent au Seigneur pour tenir lieû d’homme vivant & mouvant & representer le propriétaire, par la mort duquel il y ait ouverture au Fief, qui donneroit lieu à la saisie feodale jusques à ce que la main-morte ait nommé un autre homme vivant & mouvant, & qu’il ait fait la soy & hommage au Seigneur.

La troisième, est au cas d’un Fief saisi reéllement & en decret ; le Commissaire établi à la saisie réelle peut, au refus du vassal saisi, faire la foy & hommage pour le vassal saisi au Seigneur suzerain du Fief saisi réellement ; autrement un vassal saisi voyant ses affaires délabrées & en mauvais état, ne se mettroit pas en peine de faire la foy & hommage, & par-là il donneroit lieu à une saisie feodale, à moins que le Seigneur n’aimât mieux donner souffrance.

La quatrième, est que le mari peut faire la foy & hommage pour les Fiefs de sa emme.

La cinquiéme, un tuteur pour ses mineurs, si mieux n’aime le Seigneur donner souffrance jusques à leur majorité où un vassal peur-être reçu à foy & hommage, c’est à-dire jusqu’à leur majorité feodale.

La sixième, si le vassal n’a excuse legitime, dit cet Article, & suffisante, par empechemens qui feroient que le vassal ne pourroit pas venir rendre en personne la foy & hommage à son Seigneur.

Or ces empéchemens sont personnels ou réels, Les empéchemens personnels viennent de la personne du vassal, comme s’ii est Conseiller au Parlement & autres Cours souveraines, si mieux n’aime le Seigneur donner souffrance jusqu’au temps des vacations ; l’absence necessaire, la

Captivité, l’emprisonnement, la détention & maladie de corps où d’esprit, sont encore des empéchemens personnels, qui fourniroient une excuse legitime.

Les empéchemens réels procedent du lieu où le vassal seroit tenu de se transporter pour faire la foy & hommage, comme si c’étoit en un temps de guerre, peste, si les chemins ou le lieu de la prestation de foy & hommage n’étoient pas surs pour le vassal, y ayant une haine capitale entre lui & son Seigneur, & autres empéchemens qu’on ne peut pas definir, & qui dépendent des lumieres & de la prudence du Juge.

Dans tous ces cas il sera permis au vassal de rendre la foy & hommage par Procureur fondé d’une procuration speciale ad hoc, si mieux n’aime le Seigneur donner souffrance, ainsi & de la maniere qu’il sera convenu pour rendre par de vassal la foy & hommage en personne.

Si le Seigneur & le vassal sont convenus que la prestation de foy & hommage. sera reîterée aprés les empéchemens finis & cessés., le vassal doit la faire de nouveau.

Le vassal doit aussi affirmer dans la Procuration que les excuses y énoncées sont véritables,


ARTICLE CVI.

F Oy & hommage ne sont dûs que par la mort ou mutation du vassal, & non par la mort ou mutation du Seigneur.

Le vassal ne doit pendant sa vie qu’une prestation de foy & hommage au Seigneur suzerain & immediat de son Fief, sans qu’il soit obligé de la retirer tant qu’il vivra.

Ce n’est que la mutation qui arrive de la part du vassal, qui donne lieu à la prestation de foy & hommage, soit par mort naturelle ou par mort civile, ou autre, mais non la mutation de la part du Seigneur suzerain, telle qu’elle soit ; ce nouveau Seigneur ne peut rien exiger de son vassal, pas même la bouche & les mains, à moins que ce vassal n’eût pas fait la foy & hommage à l’ancien seigneur par le proprietaire véritable & legitime du Fief, le vassal de ce Fief seroit tenu de prêter de nouveau la soy & hommage au propriétaire véritable & legitime du Fief suzerain, qui a gagné son proces ; le nouveau Seigneur ne pourroit pas même demander aveu & dénombrement au vassal, qui l’auroit fourni à l’ancien Seigneur.


ARTICLE CVII.

L A forme de l’hommage est que le vassal noblement tenant, doit étendre ses mains entre celles de son Seigneur, & dire ces mots : Je deviens vôtre homme à vous porter foi & hommage contre tous, sauf la Feoté du Roy.

Sur la forme de la prestation de soy & hommage il faut suivre la Coûtume du Fief dominant & suzerain, & non la Coûtume du Fief servant ; de sorte que le vassal dans la prestation de foy & hommage doit se conformer aux formalités prescrites par la Coûtume du lieu où le Fief dominant est situé, sans que le Seigneur suzerain puissent en exiger d’autres à moins qu’il n’y en eût de particulieres portées par la concession & l’investiture du Fief.

Comme nôtre Coûtume ne dénote point en quelle posture doit être le vassal en faisant la foy & hommage, il faur dire qu’il doit être debout & non à genoux, il ne pourroit pas s’asseoir si le Seigneur ne lui permettoit ; il ne doit point avoir le chapeau à la tête ni être ganté, il ne seroit point obligé d’ôter son épée de son côté, quant aux bottes, le Seigneur pourroit lui dire de se faire débotter ; il ne peut de plus se servir d’autres termes que ceux prescrits & marqués par la Coûtume, quoiqu’équipolens, c’est un formulaire qu’il faut suivre : Je deviens vôtre homme à vous porter foy & hommage contre tous, sauf la Feoté du Roy, le mot d’homme veut dire ici vassal.

L’acte de foy & hommage engage le vassal non-seulement à ne point attenter contre l’honneur, la vie & les biens de son Seigneur, mais encore à lui-donner aide & se cours contre toutes sortes de personnes, excepté contre le Roy envers lequel un vassal doit tout faire, au préjudice même de son Seigneur.

Le vassal n’est tenu de faire la foy & hommage qu’à une seule personne, quand même le Seigneur auroit laissé plusieurs coheritiers ; dans ce cas ces coheritiers doivent en choisir un d’entr’eux pour recevoir la foy & hommage tant que la succession n’aura point été partagée ; mais aprés le partage la foy & hommage sera renduë à celui au lot duquel sera échu le Fief dominant.

Il faut dire la même chose des Communautés Ecclesiastiques tant séculieres que régulières, Chapitres, Monasteres, Fabriques & autres Corps qui possedent des Fiefs & Terres nobles, il faut que ces Communautés & Corps nomment une personne d’entr’eux pour recevoir la foy & hommage des Vassaux qui relevent de Terres nobles & Fiefs.

Comme nôtre Coûtume art. 109. prescrit le temps dans lequel le vassal doit faire la foy & hommage, à compter du jour ce la mutation de vassal, le vassal profiteroit de la negligence du Seigneur qui aprés ce delai ne se feroit point servir & qui ne seroit point saisit feodalement le Fief faute de foy & hommage, aveu non fourni, droits & devoirs non faits ; car s’il est vrai de dire que tant que le Seigneur veille le vassal dort, on peut aussi dire que tant que le Seigneur dort le vassal veille ; mais d’un autre côté dés que le delai est fini le Seigneur peût user de saisie feodale, sans que le Seigneur soit obligé de faire des sommations & interpellations au vassal de lui prêter foy & hommage, & faire les autres devoirs feodaux, & payer les droits Seigneuriaux, si aucuns sont dus, & c’est ici le cas de dire que dies interpellat pro Romine.


ARTICLE CVIII.

L E vassal est tenu faire les foi & hommage en la maison Seigneuriale du Fief d’où il releve ; & si le Seigneur n’y est pour le recevoir ou Procureur pour lui, en ce cas le vassal aprés avoir frapé à la porte de ladite maison & demandé son Seigneur pour lui faire les foy & hommage, doit attacher ses offres à la porte en la presence d’un Tabellion ou autre personne publique, pour lui en bailler acte, & puis se presenter aux Plaids ou Gage-Plege de ladite Seigneurie pour y faire lesdits foy & hommage ; & où il n’y auroit maison Seigneuriale, il sera ses offres au Bailly, Senechal, Vicomte ou Prévôt du Seigneur, s’il y en a sur les lieux, sinon il se pourra adresser au Juge, soit Superieur du Fief, Royal ou autre, pour avoir sa main-levée.

Le vassal est tenu faire les foi & hommage en la maison Seigneuriale /w> du Fief d’ou il releve ; car l’honneur que le vassal doit à son Seigneur, l’oblige d’aller trouver son seigneur en son manoir ou maison Seigneuriale du Fief dominant pour lui faire la soy & hommage ; & d’autant que les Fiefs font reputés plus réels que personnels, c’est en la maison ou manoir Seigneurial que la foi & hommage doit être faite, comme le lieu le plus noble & le plus respectable où le Seigneur puisse exercer les actes les plus considérables & les plus importans de son pouvoir feodal ; ce lieu s’appelle ordinairement Cour, Manoir, Maison ou Chateau du Fief dominant.

Cependant si la Cour, Manoir, Maison ou Château Seigneurial /w> étoit ruiné ou qu’il n’y en eût point, ou qu’il y eût du danger & peril d’y aller, soit à cause des violences du Seigneur ou à cause d’inimitiés capitales qui seroient entre le vassal & le Seigneur, ou s’il y avoit guerre, peste, maladie contagieuse, chemins impraticables, inondations d’eaux ou autres choses de cette qualité qui empécheroient le vassal de se transporter au manoir Seigneurial, il lui seroit permis de faire les offres aux Officiers de la Justice, si non il se pourvoiroit au Juge d’où releve la Justice du Fief, pour lui demander acte de ses offres & mainlevée de la saisie feodale, si aucune avoit été faite par le Seigneur faute de foi & hommage.

Il ne seroit pas permis à un Seigneur de changer le Siege de la Iustice ni la maison Seigneuriale pour faire verir ses Vassaux à une nouvelle maison ou autre lieu, Pour lui faire la foi & hommage, principalement si cette nouvelle maison ou autre lieu étoit hors l’etenduë du Fief suzerain.

Et si le Seigneur n’y est pour le recevoir ou Procureur pour lui, en ce cas le vassal aprés avoir frappé à la porte de ladite maison & demande son seigneur pour lui faire les foy & hommage, doit attacher ses offres à la porte en la presence d’un Tabellion ele autre personne publique, pour lui en bailler acte, & puis se presenter aux Plaids. es Gage-plege de ladite Seigneurie pour y faire lesdits foy & hommage.

En ce cas le Vassal est oblisé, 1. De fraper à la porte du manoir Seigneurial & demander son Seigneur, pour lui faire hommage. 2. D’attacher les offres à la porte en la presence d’un Notaire, Tabellion ou autre personne publique, pour lui en donner acte. 30. De se presenter aux Plaids ou Gage plege de la Seigneurie pour y faire la foy & hommage.

Cet Article nous fait entendre que quoiqu’un Vassal ne foit pas recevable à rendre la foy & hommage par Procureur, neanmoins le Seigneur suzerain. peut recevoir son Vassal à la foy & hommage par Procureur de lui fondé de sa Procuration ou autrement.

Des qu’il est permis, en cas que le Seigneur ne se trouve point dans le manoir ou maison Seigneuriale, ni autre pour lui, fondé de sa Procuration, & aprés avoir frapé à la porte & demandé son Seigneur pour lui faire la foy & hommage, d’attacher ses offres à la porte du manoir ou Château Seigneurial, en presence d’un Notaire, Tabellion ou autre personne publique ; il semble que ce seroit parler aux murailles, comme dit du Moulin sur l’Article 115. de la Coutume de Paris ; mais n’importe cela suffit, & de pareilles offres sont valables pour empécher la saisie feodale, ou se procurer main-levée de la saisie feodale si aucune avoit été faite, mais le Vassal seroit tenu au retour du serment de recommencer les offres, parce que ces sortes d’offres ne sont que provisionnelles.

Et où il ny auroit maison seigneuriale, il fera ses offres au Bailly, Senechal, T’i comte ou Prevot du Seigneur, s’il y en a sur les lieux, sinon il pourrâ s’adresser au Juge, soit superieur du Fief Royal, ou autre, pour avoir main-levée.

Si donc le Fief dominant à Iustice & Officiers, & que ces Officiers soient sur les lieux, ce fera devant eux qu’il faudra se pourvoir, sinon devant le Juge immediatement superieur, soit juge Royal ou Juge Haut Justicier, il suffit que ce soit le Juge superieur de la Justice du fief ; & si le Fief n’a point de, Justice, ce sera au Juge de la Iustice de laquelle les possesseurs du fief sont justiciables auquel il faudra s’adresser, ou bien au Juge Royal.

Notre Article donne quatre differens noms à un Juge de Seigneur ; sçavoir, Bailly, Senechal, Vicomte, Prevôt ; c’est pourquoi la Coûtume, pour distinguer de Bailly Royal & le Vicomte Royal d’avec le Bailly ou Vicomte de Seigneurs, met souvent Bailly Royal, Vicomte Royal.

Les susdites offres ainsi faites & en cette forme, le Vassal doit avoir mainlevée de la saisie feodale, si aucune avoit été faite par le Seigneur, ou elles le mettront à couvert que le Seigneur n’en fist faire une, mais elles ne le dispenseroient pas de faire de nouveau la foy & hommage si le Seigneur le vouloit.

Les formalitez prescrites par cet Article doivent être observées par toutes sortes de Vassaux, mâles ou femelles, & de quelque condition & rang que soient les Vassaux.

Ce même article, par rapport au lien où se doit rendre la foy & hommage, ne doit s’entendre que de la foy & hommage qui se rend par les Vassaux aux Seigneurs. particuliers, & non de la soy & hommage qui se rend au Roy pour les fiefs qui relevent nuément & immediatement de la Couronne ou du Domaine du Roy, la prestation de laquelle foy & hommage se fait entre les mains de M. le Chancelier ou aux Chambres des Comptes, dans le ressort desquelles les fiefs sont situez ; & à l’égard des fiefs alienez par engagement, la foy & hommage des fiefs qui relevent des Terres engagées, ne s’en fait point aux Engagistes, mais aux Chambres des Comptes, d’autantque les Engagistes n’ont que les droits utiles ; il en est autrement des Appanages des Enfans de France, c’est à eux û qui la foy & hommage doit être renduë par les Vassaux dont les fiefs relevent des Terres nobles données en appanage.


ARTICLE CIX.

A Faute d’homme, aveu non baillé, droits & devoirs Seigneuriaux non faits, le Seigneur peut user de prise de Fief quarante jours apres le déces du dernier possesseur ou mutation du vassal avenuë.

a faute d’homme, aveu non baillé, droits & devoirs Seigneuriaux non faits, le Seigneur peut user de prise de FiefII y a trois causes pour lesquelles il est permis à un Seigneur de saisir feodalement le fief servant, ré. Faute d’homme ou vassal ; 25, Faute d’aveu non fournis ; 36. Faute de droits & devoirs Seigneuriaux non faits & non payez.

Il n’y a que le Seigneur proprietaire du fief dominant, qui ait droit de faire saisir feodalement le fief de son Vassal, son tuteur, ou le gardien noble ; mais il faut que la saisie feodale soit faite au nom du Seigneur, elle ne pourroit pas être faite au nom & à la requête de son Procureur Fiscal, parce qu’en France il n’y a que le Roy qui plaide par Procureur ; les creanciers du Seigneur pourroient faire faire cette saisie.

Lorsqu’il y a plusieurs Seigneurs dominans, chacun peut faire saisir feodalement pour sa part, & les uns malgré les autres : mais si la saisie feodale soit faite par un seul au nom de tous, elle vaudroit pour chacun d’eux, quoiqu’ils n’y eussent pas donné leur consentement expres, parce qu’en ce cas il s’agit d’un droit individu.

Il y a donc ouverture de fief, premierement quand celui qui étoit l’homme du Seigneur a cessé de l’être, & c’est par la prestation de foy & hommage que le Seigneur retrouve son homme & son vassal ; & cette ouverture arrive par la mort naturelle, par la mort civile du vassal, ou si le vassal a quitté la proprieté de son fief par donation, vente, alienation ou autrement.

Les gens de main-morte sont obligez de donner homme vivant & mourant au Seigneur suzerain, mais non confiscant ; car quand un tel homme auroit commis un crime dont la condamnation emporteroit confiscation de biens, le fief pour raison duquel les gens de main-morte qui l’auroient donné pour homme, ne tomberoit pas dans la confiscation.

Foy signifie le serment de fidelité que le vassal fait à son Seigneur, par lequel il lui promet de le fervir dans toutes les occasions ; hommage est la soumission avec laquelle le vassal fait ce serment à son Seigneur ; on appelle aussi quelque fois la reception en foy, investiture, parce que par ce moyen le vassal est inveslsi du fief & devient l’homme du Seigneur.

Les actes de foy & hommage ne sont pas le titre du fief, mais sont des actes d’exercice, execution & possession du fief, qui induisent une preuve entre le vassal & le Seigneur.

Tout nouveau vassal est tenu de faire la foy & hommage à son Seigneur, quand même la mutation de vassal seroit en succession directe, & que le Seigneur dominant seroit roturier, & le vassal Gentilhomme & en dignité.

Secondement, on peut saisir feodalement faute d’aveu baillé & fourni ; & c’est au vassal à indiquer au Seigneur les dettes qu’il possede mouvantes du Seigneur qui demande cette indication, à moins qu’il ne desavoué la mouvance pour tout ou pour partie.

La presentation de l’aveu, bon ou mauvais, précedé de la prestation de foy & hommage, & avec offres de faire & payer les droits & devoirs, anneantit la saisie feodale avant même que l’Aveu ait été régû par le Seigneur ; Arrêt du Parlement de Roüen du 6. Fevrier 1546.

L’aveu doit contenir en particulier toute la consistence du fief servant, les droits qui en dépendent, les terres qui en rélevent, & tous les héritages qui en composent le Domaine non fieffé, afin que le Seigneur puisse avoir une connoissance parfaite des appartenances & dépendances du fiel duquel il reçoit l’aveu.

Un aveu doit être signé du vassal, & passé devant Notaire où Tabellion reconnu en Justice ; il est ordinairement en parchemin, mais ce n’est pas une necessité, il peut être fait en papier.

En troisième lieu, le Seigneur peut saisir feodalement faute de droits non payez qui sont les droits de Relief & de Treizieme, & lorsque notre Article ajoute, & faute de devoirs & droits Seigneuriaux non faits, cela ne se peut entendre que faute de foy & hommage, aveu non fournis, & droits non payez, ce qui est une répetition inutile ; car par rapport à la saisie feodale, il n’y a que ces trois devoirs & droits qui puissent donner lieu à la saisie feodale.

Il y à de deux sortes de saisies feodales, les unes emportent perte de fruits, les autres ne l’emportent point.

Quand la saisie feodale est faite faute de fuy & hommage, ou pour droits seigneuriaux non payez, elle emporte perte de fruits jusqu’à ce que la foy & hommage ait été faite & les droits payez & les fruits appartiennent au Seigneur : mais il n’en est pas de même lorsque le vassal a commencé & a été recût a faire la foy & hommage, & à payé ou offert valablement de payer les droits Seigneuriaux, où que la saisie feodale ne subsiste plus que faute d’aveu non baillé ni fourni, la saisie feodale continuera & subsistera à la vérité, mais elle n’emportera pas perte de fruits ; car il n’y a point perte de fruits faute d’aveunon fourni, le vassal porte seulement les frais de la saisie feodale.

Le Seigneur ne peut de son autorité privée user de prise ou saisie de fief, il faut qu’il prenne une Ordonnance, Mandement ou Commission du Jugre naturel, portant permission de saisir feodalement, & que la saisie feodale soit faite par le ministere d’un Huissier ou Sergent, à peine de nullité de la saisie feodale ; Arrét du même Parlement du 3. Aoust 1533. sans quoi il arriveroit journellement en faisant des rebellions & voyes de fait, en faisant par le Seigneur saisir feodalement de fief de son vassal sans autorité de Justice, par le seul ministere d’un Sergent, Non est singulis concedendum quod per Alagisiratum publice possit fieri, ne occasio sit majoris temulius faciendi ; Leg. 176. au ff. de Reg. jur.

Un usufruitier du fief dominant peut en son nom, à sa requête, & à ses périls & fortunes, faire saisir feodalement le fief servant, mais il faut que cette saisie soit précedée d’une Sommation au Seigneur propriétaire du fief de saisie feodalement, sinon que l’usufruitier y fera proceder en son nom & à sa requête ; le Seigneur ne pourroit même donner main-levée de cerre saisie au vassal, qu’en payant ou faisant payer les causes de la saisie à l’usufruitier ; mais une telle saisie ne peut être faite que faute de droits Seigneuriaux non payez, & non faute de foy & hommage, ou d’aveu non fournis.

Il est aussi permis à un mari de faire faire une saisie feodale d’un fief servant, duquel sa femme est pareillement & de son chef Dame suxeraine, à cause d’un fief qui lui appartient d’autant qu’un muri est maître des actions possessoires & mobiliaires de sa femme ; mais il faut que le nom de la femme soit inseré dans l’Exploit de saisie, afin que le vassal soit instruit de quel côté vient la saisie feodale.

Le Fermier du fief dominant ne peut user en son nom & à sa requête de saisie feodale du fief servant, quand même par son Bail le Seigneur lui auroit cedé tous ses droits de fief, la saisie devroit nonobstant cette clause, être faite à la requête & au nom du Seigneur Regulierement parlant, la saisie feodale est préferable à la saisie réelle ; mais alors il est permis aux creanciers pour faire cesser la saisie feodale d’établir un Commissaire au fief servant en cas d’absence ou de refus du vassal, pour faire la foy & hommage, fournir aveu & payer les droits Seigneuriaux, remplir ces devoirs & faire cesser les causes de la saisie feodale, sans que le Seigneur puisse le refuser ; & par ce moyen le fief servant sera couvert, & il n’y aura plus que la saisie feodale qui subsistera, parce que le Seigneur dominant étant hors d’interet & satisfait des causes de la saisie feodale, il ne peut plus faire ni laisser subsister sa saisie feodale ; au moins s’il ne vouloit pas accepter un Commissaire pour homme de sies, ni ses offres, il ne pouvoit pas se dispenser de donner souffrance ; par-là la saisie feodale cesseroit, & la saisie reelle des créanciers auroit son cours.

Comme le droit de saisir feodalement depend de la pure faculté du Seigneur dominant, le vassal ne pourroit s’exempter de cette faculté par la prescription, cependant quant aux droits Seigneuriaux, la demande pour le payement de ceux qui sont échus, ne dure que trente ans ; ainsi aprés trente ans le Seigneur ne pourroit saisir feodalement le Fief servant faute de payement de ces droits, parce qu’ils se trouveroient prescrits ; mais quant à la directe & mouvance qui donne lieu aux droits & devoirs feodaux, elle est imprescriptible.

Le vassal qui enfreint la saisie feodale doit être condamné à la restitution des fruits, même en l’amende, depens, dommages & interêts, selun l’exigence du cas & de la qualité des violences qui auroient ête commises par le vassal ; & même nonobstant la relation qui est entre le Seigneur & le vassal, il seroit permis de prendre la voye extraordinaire contre le vassal & ses adherans, un tel fait étant pour ainsi dire une rebellion faite à Justice ; car le vassal est tenu de soussrir la saisie feodale.

Il y a trois cas où il n’est pas permis au Seigneur de saisir feodalement le Fief de son vassal. 1. Quand le vassal désavoue formellement le Seigneur & tenir de lui. 2. Lorsqu’il y a contestation entre deux Seigneurs sur la mouvance.. Lorsque le vassal a fait des offres suffisantes. 3.

Comme il est permis au Seigneur de saisir feodalement pour trois causes ; sçavoir faute d’homme, aveu non baillé & droits Seigneuriaux non payés, il s’ensuit que ce n’est pas assez pour empécher la saisie feodale de faire une de ces trois choses, supposé qu’elles soient toutes trois, simul & cumulatives, les causes de la saisie feodale, le vassal est obligé de satisfaire aux trois choses & faire cesser les trois causes de la saisie feodale.

La donation que feroit un vassal de son Fief avec retention d’usufruit, produisoit une mutation suffisante pour donner ouverture au Fief & causer une saisie feodale de ce Fief, si le donataire ne satisfaisoit pas à la Coûtume & ne faisoit pas tous les devoirs de nouveau vassal, tels qu’il faudroit les faire pour une pareille donation & par raport à la qualité du donataire.

L’absence dit vassal, quelque longue qu’elle soit, ne peut donner ouverture au Fief ni à la saisie feodale, ce seroit au Seigneur dominant à raporter la preuve de la mort de son vassal.

La saisie feodale n’emporte que la perte des fruits & non la réünion ni la perte du fonds, ni pareillement la perte des meubles du vassal, trouvés dans les manoirs, maisons & fermes du vassal, ni des grains & fruits recueillis, serrés & engrangés avant la saisie feodale ; il n’y a que les fruits & grains pendans par les racines, qui tombent dans la saisie feodale & dans la perte des fruits & grains ; ainsi quoique la saisie feodale eût été faite aprés le jour de St. JeanBaptiste & aprés le premier Septembre, que les grains pendans par les racines & les pommes étans aux arbres sont ameublis par nôtre Coûtume, art. 50s. tout cela tomberoit dans la perte de fruits si la saisie feodale avoit precedé ces jours-là, par la raison que ces grains & fruits n’étoient point encore recueillis, Il est permis au Seigneur qui saisit feodalement le fief de son vassal, de faire sortir le vassal du manoir ou maison seigneuriale pour s’y loger pendant la saisie feodale, mais non pas si le Seigneur joüissoit du fief pour son droit de relief il est même permis au Seigneur au cas de saisie feodale d’expulser le fermier du vassal du fief ; au milieu de tout cela le Seigneur doit joüir & exploiter le fief en bon pere de famille & dans les bornes prescrites par la Coûtume, & avec toutes les voyes possibles de civilité & de douceur à cause de la liaison regale qui est entre le vassal & le Seigneur.

Pendant la saisie feodale le Seigneur à la coupe des bois qui sont en coupe & les émondages des bois de haute futaye, supposé qu’il soit necessaire de les émonder, même les bois morts & qui tombent, il a encore la péche des étangs. dans leurs saisons ordinaires de péche, il presente aux Offices de la Justice & aux Benefices qui viennent à vaquer pendant la saisie feodale : mais d’un au tre côté il est tenu d’entretenir les maisons, bâtimens & lieux du fief & dependances d’icelui en bon état de réparations, s’il perçoit les fruits : Arrét du méme Parlement du S. Fevrier 1653.

Il n’est pas permis au Seigneur d’user de saisie feodale du fief servant, faute de payement des rentes & redevances Seigneuriales, il peut seulement saisir les fruits & les faire saisir, c’est-à-dire vendre par publications & encheres.

Le Seigneur ne peut saisir feodalement que les fiefs mouvans & relevans de lei immediatement, & non les arriere-fiefs ; il se pourroit même faire que des héritages seroient mouvans & tenus d’une Seigneurie sans être chargés d’aucunes rentes & redevances Seigneuriales envers cette Seigneurie.

Le Seigneur ne pourroit céder ni transporter son droit & faculté de saisir feodalement ; & la saisie feodale qui seroit faite à la requête du Cessionnaire, comme ayant droit par transport du Seigneur, seroit nulle.

Quant à la formalité de l’exploit de la saisie feodale, il faut nonobstant le Controle des Exploits, que l’Huissier ou Sergent se fasse assister de deux témoins. ou Records qui sçachent signer, comme dans les saisies réelles & les clameurs où demandes en retrait, le tout à peine de nullité, sans cependant qu’il soit necessaire de faire preceder la saisie feodale d’un commandement, à la difference d’une saisie réelle ou d’une execution de meubles.

Si le Seigneur recevoit son vassal à foy & hommage sans réserve des droits de Relief ou de Treiziéme, il ne pourroit plus mettre en sa main le fief servant faute de payement de ces droits par la voye de la saisie feodale, il n’auroit que l’action en condamnation des droits, & à faire fournir aveu, mais point de saisie feodale, parce que le fief est couvert par la prestation de foy & hommage pure & simple & sans reserve.

Quarante jours aprés le décës du dernier possesseur, soit mutation du vassal avenuë.

Autrefois dés le moment qu’un vassal étoit décédé ou qu’il y avoit mutation de vassal, le Seigneur pouvoit saisir le fief comme vacant, & l’unit à sa table jusques à ce qu’il eût un autre vassal.

Suivant cette partie de nôtre Article, le nouveau vassal à quarante jours pour faire foy & hommage, fournir aveu & payer les droits, à compter du jour du décës du dernier vassal ou autre mutation, soit que la mort du dernier vassal soit naturelle, ou civile, & à l’égard des autres mutations qui peuvent arriver, comme par vente, échange, donation ou autres alienations, du jour du contrat fait & parfait ; mais le Seigneur ne peut saisir feodalement avant les quarante jours finis & expirés, à peine de nullité de la saisie ; jusques-là que si le nouveau vassal venoit à mourir avant les quarante jours, fon heritier & nouveau successeur auroit encore quarante jours à compter du jour du déces du vassal décedé dons le delai des quarante jours.

Si les coheritiers d’un seigneur dont les biens ne sont pas partagés, ou une Communauté de gens de main-morte, ne nommoient pas une personne pour recevoir pour eux la foy & hommage, en ce cas le vassal pour ne pas s’exposer à une saisie feodale, fera la foi & hommage au Juge ou au principal manoir du fief, en observant les formalités prescrites par l’article 1o8. de nôtre Coûtûme.

Il ne faut pas manquer de faire signifier la saisie feodale au vassal sur lequel elle est faire, comme aussi les Sentences qui declareroient la saisie feodale bonne & valable Le Seigneur doit se comporter pendant la saisie feodale & dans l’exploitation du fief en bon père de famille et principalement sans qu il puisse changer la face des fonds ni détruire les édifices, pas même abattre les bois de hautefutaye ni hôter la recolte, c’est-àdire faire recuëillir les fruits avant leur maturité.


ARTICLE CX.

T Ant que le Seigneur dort le vassal veille, c’est-à-dire tant que le Seigneur est negligent de faire la prise du fief, le vassal en jouit & fait les fruits siens, encore qu’il n’ait fait la foy & hommage.

Le Seigneur ne fait pas les fruits siens par la seule negligence du nouveau vassal de Satisfaire aux obligations & devoirs de la Coutume, il faut que le Seigneur fasse auparavant saisir feodalement le fief servant, sans quoi il ne peut profiter des fruits du fief de son vassal, & le vassal en fait toûjours les fruits siens comme s’il avoit rempli tous les devoirs de vassal ; & c’est ce que veulent dire ces paroles tant que le Seigneur dort le vassal veille, d’un autre côté dés-qu’il y a une saisie feodale du fief au nom & à la requête du Seigneur, revétuë de toutes les formalités requises & necessaires, le Seigneur fait les fruits siens du fief, & sont en pure perte pour le vassal tant que le vassal ne couvre point le fief & ne fait point tous les devoirs de vassal conformément à la Coûtume ; son inaction est la cause qu’il pert les fruits de son fief, & cette perte durera tant qu’il ne dira rien & qu’il n’aura point rempli tous ses devoirs : c’est ce qui nous est dénoté par ces paroles, tant que le vassal dort le Seigneur veille, de sorte que cette disposition tant que le Seigneur dort le vassal veille, & tant que le Seigneur veille le vassal dort, est tellement constante qu’elle est un premier principe general & universel dans tout le Royaume, ditDumoulin , & ita generaliter observatar in IOro Regno, c’est sur l’Article 61. de la Coutume de Paris, mais il en étoit autrement par l’ancienne Jurisprudence, suivant laquelle un Seigneur dominant avoit droit de saisir & tenir autant de temps le fief servant sans homme, qu’il avoit été tenu sans Seigneur ; c’est ce que nous apprenons deBeaumanoir , chap. 14. pag. 8.

Le Seigneur feodal, qui fait saisir feodalement le fief mouvant de lui pour les causes qui donnent lieu à une saisie feodale, peut pareillement saisir feodalement tous les arriere-fiefs, ou Vavassories, ouverts & dependans du fief saisi, & il fait siens les fruits tant du fief que des arriere. fiefs ou Vavassories.


ARTICLE CXI.

T Oute prise de fief est annale, & doivent les diligences être recommencées par chacun an, S’il n’y a Sentence d’adjudication ou procès formé pour lesdites diligences.

Toute prises de fief est annale, & doivent les diligences être recommencées par chacun an.

Prise de Fief veut dire saisie feodale du fief servant.

Toute saisie feodale ne dure qu’un an, & aprés l’an elle devient nulle, en sorte que le vassal rentre de plein droit en joüissance de son fief, & que si le Seigneur aprés l’an percevoit les fruits, il seroit tenu de les restituer au vassal, actione indebiti.

Il faut done renouveller la saisie feodale tous les ans ; mais quant aux fruits perçûs par le Seigneur pendant l’an, ils lui demeurent incommutablement encore bien que la saisie feodale n’ait point été renouvellée aprés l’an, & qu’elle soit perie.

Toute saisie feodale est annale & ne dure qu’un an, tant entre majeurs, mineurs, presens & absens, que contre l’Eglise & le Roy.

Une surséance pour un temps que le Seigneur auroit accordée au vassal sur la saisie feodale, ne seroit point capable de perpetuer la saisie feodale au delâ de l’an, il seroit necessaire de la renouveller aprés l’an comme s’il n’y avoit point eu de surséance accordée, & la preception reprendra son cours dés que la surséance sera expirée comme s’il n’y avoit point eu de surséance accordée.

Si le Seigneur avoit souffert que le vassal eût perçù les fruits & revenus du fief nonobstant la saisie feodale & pendant l’année qu’elle a été faite, il ne pourroit les repeter, il seroit censé avoir remis l’effet de la saisie feodale à son vassal, qui est la joüissance de son fief, & avoir voulu que son vassal profitât des fruits plûtot que lui.

Sil n’y a Sentence d’adjudication ou procés formé pour lesdites diligences.

Par la raison que la saisie feodale est annale, les diligences, poursuites & l’instance sur la saisie feodale, ne durent qu’un an ; ensorte que l’Ordonnance de Roussillon de 1563. art, 15. qui fait durer une instance pendant trois années, & qui n’admet la peremption d’instance qu’aprés trois années de cessation de procedures, n’a point lieu dans le cas de nôtre Article ; l’instance de saisie feodale ne dure qu’un an, de la même manière que la saisie feodale ne dure qu’un an ; dés qu’il y a cessation de poursuites, diligences & procedures pendant un an, l’instance est perie, parce que la saisie feodale qui a donné lieu à l’instance, perit aprés un an, à moins qu’elle ne soit renouvellée ou qu’il y ait eu une Sentence d’adjudication des fruits au profit du Seigneur, & qui ait declaré la saisie feodale bonne & valable, par forme de reünion du fief servant au fief dominant, soit qu’il n’y ait procés formé pour les diligences, c’est-à-dire qu’il n’y ait contestation, instance & procés sur la saisie feodale ; en ce cas tant que la Sentence d’adjudication ou réunion dure ou que le procés subsiste, & qu’il n’y a point de discontinuation de poursuites pendant l’an, la saisie feodale dure & subsiste sans qu’il soit besoin de la renouveller tous les ans ; Arrêt du même Parlement du 31. Juillet 1671.

En Normandie la seule saisie feodale ne suffit pas pour mettre le Seigneur en état de jouir du fief, il faut que le Seigneur en prenne possession en vertu d’une Sentence d’adjudication ou de réünion ; & alors cette joüissance durera jusques à ce que le vassal ait fait & offert les devoirs & droits pour lesquels la saisie feodale a été faite, pourvû encore un coup, on le repete, que le Seigneur ait pris possession actuelle du fief saisi feodalement, & dont il a fait juger la réunion par la Sentence d’adjudication, qu’il se soit maintenu en cette possession & qu’il n’ait point laissé joüir le vassal ; car s’il avoit souffert que le vassal eût joüi pendant la saisie feodale, la réünion ne lui serviroit de rien ; & non seulement il ne pourroit repeter les fruits perçûs par son vassal, mais il seroit enco-re obligé de recommencer la saisie feodale ; il faudroit qu’une pareille soufrance fût bien précise & bien formelle pour pouvoir produire cet effet, une simple souffrance presumée & conjecturale ne suffiroit pas ;’Arrét du même Parlement du 12. Juillet 1674.

Cette prise de possession ne doit être entenduë que par raport à la joüissance des fruits, & non par raport à la proprieté du fief, car la Sentence d’adjudication ne s’étend qu’aux fruits, & non au fonds & à la proprieté du fief.

Les fermages des héritages réünis par la saisie feodale sont acquis au Seigneur, si pendant que les fruits sont encore sur le champ le Seigneur a signifié au fermier qu’il les arrête & s’en tient aux fermages, art. 19. du Reglement de 1666.

En finissant l’explication de cet Article, il est bon d’observer que quoique la saisie feodale n’emporte point la perte du fonds ou de la proprieté du fief saisi feodalement, mais seulement la perte des fruits, néanmoins elle n’affecte pas moins de fonds du fief saisi que la saisie réelle, de manière qu’en saisissant feodalement un fief, il faut saisir le fonds & la proprieté du fief tout comme il se pratique en saisie réelle ; car si l’exploit de la saisie feodale portoit qu’on a seulement saisi les fruits pendans par les racines & ceux qui croîtroient tant que la saisie feodale durera, sans dire qu’on a saisi le fonds du fief, la saisie feodale seroit nulle.


ARTICLE CXII.

L E Prévôt, Sergent ou autres faisant prise du fief, doit déclarer par trois Dimanches consecutifs à l’issuë de la Messe Paroissiale du lieu où les héritages sont assis, que le Seigneur les entend mettre en sa main à faute d’homme, droits & devoirs Seigneuriaux non faits, & que s’il ne se presente aucun homme pour les faire dans les quarante jours ensuivans de la derniere criée, ils seront adjugés au Seigneur aux prochains Plaids ensuivans ; & en ce faisant, doit déclarer le jour, le lieu & heure desdits Plaids par le même Exploit qui sera certifié de témoins.

Le Prévot.

Ce mot veut dire ici l’Officier de la Justice du Seigneur, dont les fonctions sont de faire payer les rentes, redevances & autres droits Seigneuriaux au Seigneur & d’en faire la recette ; c’est une espèce de Sergent en cette partie, & pour ce qui regarde le Fief dans la iustice duquel il est Officier ; il peut même faire une saisie feodale par sa seule qualité de Prévot, comme pourroit faire un autre Sergent.

Sergent ou autres.

Tout Sergent, ayant pouvoir d’instrumenter & exploiter dans le lieu où le Fief est saisi, peut faire la saisie feodale ; mais d’un autre côté le Seigneur n’est point obligé de se servir du Sergent de la Justice du Fief, qu’il s’agit de saisir feodalement ; il y auroit même de l’inconvenient en cela : il arriveroit que le Sergent de la Justice du Fief qui seroit à saisir feodalement, ne voudroit point travailler contre son seigneur, & de cette manière la saisie feodale ne se seroit point ; ainsi il est raisonnable que le Seigneur ait la liberté de prendre tel Sergent qu’il voudra, pour faire la saisie feodale, pourvû que ce Sergent ait caractere & pouvoir d’exploiter & faire les fonctions de Sergent dans le lieu où le Fief qu’il faut saisir est situé ; ce n’est donc point ici le cas où le ministere du Sergent de la querelle soit necessaire, comme dans les saisies réelles.

Faisant prise de Fiefs, & le reste de l’Article.

La formule de l’exploit de la saisie feodale est donc, suivant cet Article, 1o. que le Prévôt, Sergent ou autre Officier qui aura droit de faire la saisie feodale, déclare par l’exploit par trois Dimanches consecutifs à l’issue de la Messe paroissiale du lieu où le Fief qu’on a saisi est situé, que le Seigneur entend mettre en sa main ce Fief & ses dépendances, faute d’homme, droits & devoirs seigneuriaux non payez ni faits : & que s’il ne se presente aucun homme ou vassal pour les faire dans les quarante jours suivans la derniere criée, le Fief saisi sera adjugé, quant à la possession & aux fruits, au Seigneur aux prochains Plaids suivans, 26. Le même exploit de saisie feodale portera le jour, le lieu & l’heure des plaids. 36. Le Sergent se fera assister de deux témoins où records qui signeront l’exploit ; tout cela est essentielle à peine de nullité de la saisie feodale.

D’où il faut tirer les consequences suivantes : La premiere, qu’il faut trois criées & publications de la saisie feodale.

La seconde, que ces trois criées & publications soient faites par trois jours de Dimanches consecutifs ; car ces trois criées & publications ne peuvent être faites un autre jour de Fête que le Dimanche, quelque soit la Fête.

La troisième, il faut faire ces trois criées & publications à l’issuë de la Messe paroissiale, & non de Vêpres.

La quatrième, il ne doit point y avoir d’interruption dans les trois criées & publications, elles doivent être faites par trois Dimanches consecutifs.

La cinquiéme, le vassal a quarante jours, à compter du jour de la derniere criée ou publication, pour faire la foy & hommage, fournir aveu & payer les droits seigneuriaux, & couvrir le Fiefs de manière que si le vassal se presente & satisfait aux causes de la saisie feodale dans ce délay de quarante jours & avant qu’ils soient expirez, & avant la Sentence d’adjudication de la possession du Fief, c’està-dire des fruits au profit du Seigneur & en pure perte pour le vassal, le vassal aura mainlevée de la saisie feodale sans aucune perte de fruits, il payera seulement les frais faits jusques à ce jour-là.

La sixiéme, qu’il faut qu’il y ait une Sentence d’adjudication pour produire la perte de fruits, mais non la commise du Fief, car la saisie feodale n’emporte point la commise, ni la perte du Fief, & n’ôte point la proprieté du Fief au vassal.

La septiéme, que l’exploit de la saisie feodale & chaque exploit de criée & publication doivent être signés de deux témoins, nonobstant l’Edit du Contrôle des Exploits, & contenir le jour, le lieu & l’heure des Plaids où se fera l’adjudication ou réunion du Fief saisi feodalement par rapport aux fruits.

La huitiéme, que c’est aux Plaids de la Justice du vassal sur lequel la saisie feodale est faite, que la Sentence d’adjudication des fruits doit être renduë : & si le Fief saisi n’avoit point de Justice, ce seroit en la Justice du Seigneur à la requête duquel la saisie feodale a été faite.

La neuviéme, que quoique cet Article ne porte point qu’il faille afficher par placards placards la saisie feodale à la porte de l’Eglise du lieu où le Fief saisi est situé, ni de signifier la saisie feodale au vassal, cependant il sera mieux de le faire, afin que le vassal ne puisse pas prétendre cause d’ignorance de la saisie feodale ; on va plus loin, cette signification est aujourd’hui de necessité, depuis que par l’Ordonnance de 1667. art. 7. du titre 33. tout exploit de saisie doit être signifié au saisi, à peine de nullité de la saisie.

Finalement, qu’il n’est point necessaire de faire une sommation ou commandement au vassal, de satisfaire aux devoirs de vassal, & de couvrir le Fief, avant de procéder à la saisie feodale.

Comme cet Article ne parle pareillement point d’établissement de Commisre à la saisie feodale, il ne paroit pas qu’il soit necessaire d’en établir un, le Seigneur exploitera le Fief par lui : même, d’autant qu’il n’est point comptable, qu’il fait les fruits siens tant que la saisie feodale dure, aprés qu’il se aura fait adjuger aux prochains Plaids suivans immediatement la saisie feodale ; mais il faut faire signifier la saisie feodale au vassal, à peine ne nullité.


ARTICLE CXIII.

S I les heritages sont roturiers, les bouts & côtés seront inserés dans la déclaration ; & s’ils sont nobles, il suffit saisir le corps du Fief.

Cet Article ne paroit pas clair, car suivant cet termes : Si les héritages sont roturiers, les bouts & côtés seront inserés dans la déclaration, il sembleroit qu’on pourroit saisir feodalement des héritages roturiers, ce qui n’est pas, puisque la saisie feodale ne se fait que faute de foy & hommage, aveu non fourni, & droits non payés, qui sont des devoirs & droits qui ne sont dûs que par raport aux biens nobles ; car on ne peut saisir feodalement une roture faute d’aveù ou déclaration non fournie par le censitaire, ou faute du droit de Treizième non payé par l’acquereur d’un héritage roturier, le Seigneur direct & censier n’auroit que l’action contre le censitaire, à ce qu’il eût à fournir aveu & déclaration des rentes & redevances seigneuriales, sinon que son héritage roturier seroit réunis au Fief du Seigneur, & contre l’acquereur, pour le faire condamner à payer le droit de Treizième, aprés laquelle condamnation il pourra faire procéder par saisie réelle sur les heritages roturiers ; & la saisie réelle contiendra les héritages par le même détail, tenans, bouts & côtés, mais non par saisie feodale ; ainsi il faut entendre cette disposition que s’il y a des héritages roturiers dépendans du Fief saisi feodalement, l’exploit de saisie feodale doit les déclarer par tenans, côtés & aboutissans, & que ce ne seroit pas assez en ce cas de saisir feodalement le corps du Fief, ce qu’il suffiroit de faire si tous les héritages qui composent le Fief étoient nobles ; voilà comment il faut entendre cet Article.


ARTICLE CXIV.

L E Seigneur ayant joüi en vertu de prise de Fief, peut neanmoins se faire payer des Reliefs & Treiziémes qui lui sont dûs ; mais il ne peut rien demander des arrerages des rentes Seigneuriales ou foncieres, ni même des charges & redevances dûes à cause des heritages desquels il a joüi, de tant qu’il en seroit échu depuis & durant la Saisie ; & neanmoins le vassal payera les arrerages dûs auparavant icelle Saisie.

Le Seigneur ayant joüi en vertu de prise de fief, peut neanmoins se faire payer des Reliefs e Treiziémes qui sont dûs ; c’est-à-dire que ce Seigneur peut même se faire payer par le vassal des droits de Relief & de Treiziéme qui lui étoient dûs par le vassal avant la saisie feodale, sans que ces droits soient confondus. dans la joüissance du fief & la perception des fruits, parce que les fruits étant en pure perte pour le vassal qui n’a pas rempli les devoirs de vassal, le Seigneur en profite, & il reste toujours creancier du vassal pour les droits de Relief & de Treiziéme ; en un mot le Seigneur n’est point reputé rempli de ces droits par la joüissance du fief, & il ne les confond point en sa personne : de plus les droits de Relief & de Treiziéme, qui tombent pendant la saisie feodale au vassal saisi, pour raison d’arriere-fiefs ou Vavassories, appartiennent au Seigneur qui a fait faire la saisie feodale, mais non les droits de Relief & Treiziéme échus avant la saisie feodale.

Mais ils ne peuvent rien demander des rentes Seigneuriales ou foncieres, ni même des charges & redevances dûës à cause des héritages desquels il a joüi, de tant qu’il ex seroit échû depuis & durant la saisie.

En ce cas le vassal payera seulement les arrerages dûs auparavant icelle saisie ; car du moment que le Seigneur par sa saisie feodale profite des fruits du fief saisi feodalement, il confond en sa personne les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales ou foncieres qui lui sont dûs & à son fief dominant, par le fief saisi feodalement, échus pendant la saisie feodale, & il ne peut s’en faire payer par le vassal, ces arrerages étant une déduction legale sur les fruits ; mais quant aux arrerages des autres rentes, telles qu’elles soient, foncieres ou hypoteques qui lui sont dûs personnellement, quoi qu’échus pendant la saisie feodale, il ne les confond point en sa personne, d’autant que ces rentes ne sont point des rentes & redevances Seigneuriales & infeodées, & ne font point partie des charges du fief ; les arrerages qui en échéent pendant le cours de la saisie feodale tombent sur le compte du vassal, & non sur les fruits du fief saisi seodale ment, aussi bien que les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales échus avant la saisie feodale ; les autres biens du vassal y sont sujets, & s’il n’avoit point d’autres biens que le fief saisi feodalement, le Seigneur ou d’autres créanciers de ces sortes de rentes, même le Seigneur pour les arrérages des rentes & redevances Seigneuriales échus avant la saisie feodale, ne pourroient se pourvoir que par la voye de saisie réelle du fief ou des autres biens du vassal ; en quoi diffère la joüissance du fief en conséquence d’une saisie feodale, d’avec la la reversion du fief par confiscation, desherence ou bâtardise, en ce que cette reversion oblige le Seigneur de payer les rentes foncieres, quoique non infeodées, & les rentes hypoteques, & les autres dettes du vassal, mais non en saisie feodale ni en commise d’un fief.


ARTICLE CXV.

S I après la saisie ou adjudication d’une Aînesse faite au Seigneur, l’ainé est negligent d’obtenir main-levée, les puisnez sont reçûs à la demander ; & en ce cas, il est à l’option du Seigneur de la leur bailler chacun pour leur part, retenant par devers lui la part de l’aîné, où bien la leur laisser en baillant par eux declaration entière de toute l’Aînesse, & payant les arrerages des rentes qui en sont dûs.

Il est permis au Seigneur de saisir l’Ainesse entière, tant par rapport à la portion de l’ainé qu’à l’égard de la portion des puisnez, faute par l’ainé d’avoir fourni aveu ou declaration de l’Ainesse & payé les droits Seigneuriaux qui ont donné lieu à la saisie, & cette saisie durera jusqu’à ce que l’ainé ait satisfait aux causes de la saisie ; mais si l’aîné étoit négligent de demander la main-levée, les puisnez seroient bien fondez à la demander, ce que le Seigneur ne pourroit refuser pour la part & portion des puisnez, de manière que la saisie ne subsisteroit plus que pour la part & portion de l’ainé, à moins que les puisnez en faisant les devoirs pour la part & portion qu’ils ont dans l’Aînesse, ne fissent en même temps cesser les causes de la saisie pour la part & portion de leur ainé, au moyen de quoi la saisie ou adjudication que le Seigneur auroit fait faire de toute l’Ainesse, tomberoit, & les tenanciers rentreroient en la joüissance de leurs heritages.

Or on appelle Aînesse un héritage roturier donné originairement à droit de cens, rentes & redevances Seigneuriales, & à la charge de la directe, lequel est porté par l’aîné des Tenanciers au Seigneur, tant pour la part & portion qu’il a dans l’héritage que pour celle des puisnez ou cadets, & il paye les rentes & redevances Seigneuriales au Seigneur, sauf à lui à se faire faire raison par ses puisnez des parts & portions de ces rentes & redevantes pour ce qu’ils en sont tenus, eu égard à ce qu’ils ont dans ces héritages ; en un mot Ainesse est une certaine quantité d’heritages qui sont dans la directe ou censive d’un Seigneur, & qui relevent par indivis de son fief, & dont il y a une portion, sçavoir celle qui est possedée par l’ainé ce la famille ou ses representans, qui assujettit celui qui la possede, à en fournir aveu ou declaration, & à en payer les rentes & redevances Seigneuriales au Seigneur foncier ou censier en l’acquit des autres portions, sauf son recours contre les puisnez pour leurs parts & portions ; car à proprement parler, l’ainé ne fait qu’avancer leur contingent au Seigneur ; ce propriétaire ou possesseur s’appelle ainé ou Porteur en avant.

Cette saisie n’est pas une saisie feodale ; car on ne saisit point feodalement des heritages roturiers, mais c’est une saisie à l’ordinaire des héritages, dont l’effet est que le Seigneur les fait réünir à son fief & en fait les fruits siens tant qu’elle dure.

Si le Seigneur retient l’Ainesse ou qu’elle retourne & revienne en sa main, les puisnez ne peuvent plus être poursuivis par indivis, & solidairement pour les rentes & redevances duës à la Seigneurie, mais seulement pour leurs parts & portions, à moins que le Seigneur n’eût depuis remis aux puisnez le chef de l’Ainesse ; car en ce cas les puisnez seroient tenus solidairement aux rentes & redevances Seigneuriales, sauf à eux à faire leur profit de toute l’Ainesse & à élire entr’eux un ainé ; Arrét du Parlement de Normandie du 28. Février 1631.

Mais quoique le Seigneur eût opté d’abandonner la joüissance de l’Ainesse aux puisnez, en lui payant solidairement routes les rentes & redevances Seigneuriales, & en lui fournissant aveu ou déclaration de l’Ainesse entiere, il lui se-roit neanmoins permis de renoncer toutes fois & quantes à cette option, & de reprendre la joüissance de la portion ce l’ainé, au moyen dequoi les puisnez ne seront plus tenus que de leurs parts & portions des rentes & redevances Seigneuriales, divisément & sans solidité.

Sur le fondement de la disposition de cet article, une doüairiere ou autre usufruitier d’un fief, seroit recevable à vouloir purger la negligence du vassal & proprietaire du fief, & à faire pour lui & en son nom. les devoirs de vassal & payer les droits Seigneuriaux afin d’obtenir main-levée de la saisie feodale ; d’autant qu’il ne seroit pas juste que la doüairiere ou autre usufruitier souffrir de la negligence ou malice d’un vassal ou de la collusion avec le Seigneur, à moins que le Seigneur n’aimât mieux donner souffrance à la doüairiere ou autre usufruitier du fief des créanciers pourroient pareillement se faire autoriser par Justice à couvrir le fief aprés avor dûëment sommé le vassal de le faire.

En matière d’heritages roturiers chargez de rentes & redevances Seigneuriales envers un Seigneur, les termes de déclaration & d’aveu sont la même chose ; car dans notre Coutume aveu se dit en héritages roturiers comme en héritages nobles.


ARTICLE CXVI.

L E vassal ne peut prescrire le droit de foy & hommage dû au Seigneur, par quelque temps que ce soit.

Le droit de foy & hommage est imprescriptible par quelque temps que ce soit, fût-il de plus de cent ans & immémorial, parce que la qualité de Seigneur & de vassal ne peut subsister l’une sans l’autre, & que la privation de l’une opere en un même instant la destruction de l’autre, ainsi le vassal pour s’exempter de faire la foy & hommage, ne peut pas alléguer de prescription, en un mot il ne peut décharger son fief de ce devoir auquel il est essentiellement & par le droit de l’investiture sujet ; mais il peut se liberer par la prescription de quarante ans des corvées, banalité, servitudes & autres charges réelles dont le fief étoit originairement chargé envers le Seigneur suzerain, ces droits n’étant point de l’essence du fief, ni fondez sur le droit commun des fiefs.

Mais deux Seigneurs peuvent prescrire l’un contre l’autre la mouvance ou directe feodale par quarante ans de possession paisible, publique, continuë & entre majeurs.

Les profits de fief sont pareillement sujets à la prescription ; mais il ne faut à cet égard que la prescription de trente ans, s’agissant d’une action mobiliaire & personnelle qui se prescrit par trente ans.

a l’égard des rentes Seigneuriales/w> , le vassal ne pourroit en liberer & décharger son fief ni ses autres héritages que par un non payement de quarante années ; Arrêts du Parlement de Roüen des 19 Iuillet 1541. & 23. Decembre 1623. Par la même raison un Seigneur qui auroit été payé de rentes Seigneuriales par son vassal pendant quarante ans continuels & complets, pourroit les acquerir par cette prescription de quarante ans ; mais pour prouver ce payement les seuls Journaux, Papiers cueillerets & de recette du Seigneur ne suffiroient pas, à moins qu’ils ne se trouvassent soûtenus de quelques titres, du moins declaratifs, tels que seroient des aveux, declarations ou reconnoissances : il faudroit peu de chose pour joindre à un payement fait pendant quarante années sans interruption.

Quant aux rentes & redevances Seigneuriales dûës au Domaine du Roy, les papiers de recette en bonne forme sont d’un grand poids pour l’établissement de ces rentes & redevances.

a l’égard du premier cens qui emporte la directe sur un héritage roturier, il est imprescriptible, parce qu’un censitaire ne peut prescrire la directe contre son Seigneur ; mais ce qui est du second cens, qu’on appelle ordinairement surcens, lequel n’emporte point de directe ; il est prescriptible par quarante ans, & le censitaire s’en peut liberer par cet espace de temps contre le Seigneur direct foncier & censier. C’est sur ce pied qu’il faut regler le droit de Champart, si le Champart est le premier cens & sans autre cens, il est imprescriptible, mais non s’il est seulement surcens ou rente seconde ; en ce dernier cas il seroit prescriptible par quarante ans : le droit de Champart n’est pas beaucoup ordinaire dans la Province de Normandie, ce droit s’appelle Pars campi, & il se paye ordinairement en grains, tels qu’ils viennent sur l’heritage ; la quotité dépend des titres ou de la maniere dont il a été payé, mais cette quotité est prescriptible par quarante ans.

La quotité des rentes, redevances, droits Seigneuriaux, comme Relief, Treiziéme & autres droits utiles de fief, sont prescriptibles par quarante ans.

Un simple acte de prestarion de foy & hommage faite par un vassal ne rendroit pas l’heritage roturier feodal, il en faudroit plusieurs pendant quarante ans au moins, suivis même d’aveux, pour pouvoir faire présumer qu’un tel héritage est en fief, quoiqu’il y eût apparence qu’originairement il étoit une roture de la même maniere qu’un parrage ne pourroit pas changer la nature & la qualité d’un héritage, c’est à-dire d’un héritage roturier en faite un héritage feodal, ou d’un feodal en faire un roturier, il faut toûjours en revenir au titre.

Sur ce même principe, si un vassal consentoit qu’une roture qui est dans sa directe, prenne la qualité de fief, ou qu’un héritage en fief devienne une roture, tout cela ne se pourroit faire sans le consentement du Seigneur suzerain du fief de ce vassal, lequel donneroit son consentement à ce changement.


ARTICLE CXVII.

L E Seigneur ne peut prescrire les héritages saisis en sa main, ains est tenu les rendre au vassal ou ses hoirs toutes fois qu’ils se presenteront, en faisant leurs devoirs.

Par le principe de Droit que nemo porest mutare causam possessionis sue, & que personne ne peut prescrire autre que celui qui possidet anioio Domini, le Seigneur qui a saisi & mis en sa main le Fief de son vassal, faute d’homme, aveu non fourni, ou de Droits seigneuriaux non payés, ne peut prescrire ce Fief sur son vassal par quelque temps que ce soit, fût-il de cent ans & immémorial ; il est indispensablement obligé de rendre le Fief & le remettre entre les mains du vassal, ses heritiers ou ayans cause, toutes & quantes fois qu’on se met en devoir de vassal, qu’on couvre le Fief par la prestation de foy & hommage, qu’on fourni aveu, & qu’on paye les Droits seigneurieux ; les heritiers du Seigneur qui auroient joüi du Fief sans sçavoir que leur auteur ne le possedoit qu’en vertu d’une saisie feodale, ne pourroient pareillement se prévaloir d’aucune préscription ; mais il n’en seroit pas de même d’un acquereur à titre singulier d’un Fief saisi feodalement, qui lui auroit été vendu par le Seigneur ou ses heritiers ; car si cet acquereur avoit de bonne soy joüi de ce Fief pendant quarante ans sans interruption, il seroit en droit d’opposer la prescription de quarante ans au vassal ou à ses heritiers, devant s’imputer de n’avoir pas fait connoître la saisie feodale à cet acquereur pendant une aussi longue espace de temps, ni fait le moindre acte d’interruption.

Par un argument contraire à la disposition de cet Article, un Seigneur peut prescrire par quarante ans le Fief ou autres héritages de son vassal non saisis feodalement, ou depuis la mainlevée pure & simple de la saisie feodale.

Le vassal qui demanderoit que son Seigneur le desistât de quelque heritage en la possession duquel il prétendroit que son Seigneur s’étoit mis en possession en vertu d’une Simple saisie feodale, seroit tenu de justifier de la saisie feodale, parce que le Seigneur auroit pû posseder à autre titre ; mais dans ce cas là le vassal pourroit demander que le Seigneur representât le registre de ses plaids & de son gageplege, pour reconnoître s’il n’y seroit pas fait mention de la saisie feodale alléguée par le vassal ; Arrêt du Parlement de Normandie du 15 Mars 1661.

Le vassal ou ses heritiers ne peuvent demander à rentrer en la joüissance du Fief saisi feodalement & mis ës mains du Seigneur, qu’ils n’ayent satisfait à toutes les causes de la saisie feodale, c’est-à-dire fait la foy & hommage, fourni aveu & payé les droits Seigneuriaux, il faut que le tout ait été préalablement executé & effectué ; Arrêt du même Parlement du 21 May 1518 ; mais ils peuvent le faire toutes & quantes fois qu’ils le jugent à propos, sans que le Seigneur puisse refuser leurs offres, faut au vassal ou ayans cause à perdre les fruits du Fief jusques à leurs offres.

a l’égard des contracts de fieffe ou baux à rente, rachetable ou non rachétable, le Seigneur ou proprietaire foncier, bailleur du fonds, est recevable à demander à rentrer dans son héritage, faute par le preneur de payer la rente portée par le contract, soit qu’il y ait clause comminatoire dans le contract de fieffe ou bail à rente, ou qu’il n’y en ait pas ; Arrêt du même Parlement du 23 Juin 1671 ; mais il feut que cela se fasse viâ juris, c’est-à-dire par une demande, & non privatâ authoritate ; les preneurs ne seroient pas même recevables à vouloir depuis la demande intentée, faire cesser la clause portée au contract en offrant de payer les arrerages de la rente, parce que la faculté de rentrer étoit acquise au bailleur par le contract même qui interpelloit sans cesse le preneur de payer la rente aux écheances, & par la demande assurée de rentrer dans l’héritage faute de payement de la rente ; Arrét du même Parlement du 18 Fevrier 1618. Quant aux clauses commissoires inserées dans les contracts de vente, elles doivent être suivies sans qu’on puisse les reputer comminatoires, étant un moyen pour faire tenir & executer des promesses & engagemens, & sans lequel les contracts de vente seroient frustratoires & illusoires ; Arrêt du même Parlement du 16 Decembre 1670. La cessation de trois années dans le payement des rentes de fieffe ou baux à rentes, suffiroit pour donner lieu à cette demande.


ARTICLE CXVIII.

L Es fruits adjugez au Seigneur ne lui sont acquis, s’ils ne sont engrangés avant que le vassal presente son aveu ou forme délivrance.

Non seulement les fruits naturels tombent dans la saisie feodale, & le Seigneur les fait siens par la saisie feodale, mais encore les fruits civils dans leur echeance ; tels que sont les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales, & fermages.

Le Seigneur en saisie feodale, faite faute de foy & hommage, aveu non fourni & droits Seigneuriaux non payés, ne gagne les fruits & ne les feit siens à moins qu’ils n’ayent êté enlevés de dessus la terre, sciés & engrangés avant que le vassal ait fait la soy & hommage, presenté & fourni aveu, & payé les droits Seigneuriaux, ou formé sa demande en mainlevée de la saisie feodale, aprés avoir dûe ment fait ses offres ; en sorte qu’il ne suffiroit pas pour acquerir & donner les fruits au Seigneur en consequence de sa saisie feodale, que les fruits fussent en maturité, même siés & coupés, ou tombés des arbres sur la terre : il faut qu’ils soient actuellement serés, engrangés & écueillis ; car dés que le vassal en faisant son devoir trouve les fruits encore sur la terre, en quelque saison & de quelque manière qu’ils y soient, ils lui appartiennent, sans que le Seigneur y puisse rien prétendre, & même quand ils seroient actuellement dans la charette, sur des chevaux ou autrement, pour les porter & mettre dans la grange ou en un autre endroit, selon la qualité des grains & fruits.

a l’égard des buis taillis & des étangs, le Seigneur n’aura que ce qu’il aura pris & enlevé au moment que le vassal aura fait & rempli tous les devoirs de vassal : & même si le vassal avoit commencé à couper ses bois taillis ou à pécher ses étangs avant la saisie feodale, le Seigneur n’y pourroit rien prétendre, pas même dans ce qui resteroit à couper ou à pécher.

Le Seigneur qui a une fois opté les fermages au lieu des fruits naturels, ne peut varier ni changer son option ; Arrêt du Parlement de Roüen du premier Mars 1663 ; c’est pourquoi les fermages des héritages réunis ou saisis feodalement sont acquis au Seigneur, si pendant que les fruits sont encore sur le champ il a fait signifier au fermier qu’il s’arrêtoit & s’en tenoit aux fermages, à moins que le vassal ne baille aveu avant que les fruits soient engrangés par le Fermier ; Art. 19 du Reglement de 1666 ; mais en cas d’option des Fermages par le Seigneur, ils lui appartiennent du jour de l’écheance, quand même ils n’auroient pas encore été payés au Seigneur au jour que le vassal s’est mis en état de satisfaire aux causes de la saisie feodale ; Arrêt du même Parlement du 8 Juin 1660 ; mais d’un autre côté le Seigneur n’auroit pas les Fermages échus & dus au jour de la saisie feodale, mais seulement ceux qui échéroient pendant la saisie feodale, Le Vassal doit en outre avoir les fruits, nonobstant la vente que le Seigneur en auroit fait, pourvû que le vassal se presente & remplisse tous ses devoirs & engagemens de vassal avant que les fruits ayent été enlevés, serrés & engrangés par l’acheteur, à la charge néanmoins par le Seigneur de désinteresser l’acheteur, si la vente avoit été faite maturis frictibus, & de bonne foy, & non autrement.

Sur le fondement de la disposition de nôtre Article, quoique par l’Article 525. les fruits, grains & foins pendans par les racines, soient réputés meubles aprés le S. Jean-Baptiste, & les pommes & raisins le premier Septembre, neanmoins le Seigneur qui a sait saisir feodalement le Fief de son vassal, & qui s’est fait adjuger les fruits, & pris possession du Fief, ne gagne les grains & fruits s’ils ne sont enlevés, engrangés & serrés avant que le vassal ait fait cesser les causes de la saisie feodale, ou en consequence de ses offres ait demandé mainlevée de la saisie feodale.

Il n’est pas permis au Seigneur de couper pendant la saisie feodale les bois de haute futaye, mais s’il en tomboit par vetusté, tempête ou autrement, sans aide d’homme, ils lui appartiendroient ainsi & de la même manière que les autres fruits de la terre ; mais quant à l’émondage, il ne pourroit pas le faire, parce que sa

Joüissance est momentanée, & qu’il se peut faire que le vassal laisse ses arbres, sans les faire émonder.

Le Vassal qui a obtenu mainlevée de son Fief, n’est point tenu d’entretenir les baux que le Seigneur auroit faits pendant la saisie feodale des terres & héritages faisans partie & dépendans du Fief.

Le Seigneur n’a rien dans les meubles du Vassal, nonobstant qu’il ait saisi feodalement le Fief dans les manoirs, bûtimens & maisons duquel ils sont, ni encore moins les bestiaux, quand même ils seroient trouvés pacageans sur les terres & herbages du Fief saisi lors de la saisie feodale, Sentence de réunion, & prise de possession.

Le Seigneur fait les fruits siens pendant la saisie feodale, nonobstant que le vassal y eut formé opposition, à moins que le moyen d’opposition ne fût fondé sur le desaveu formel & précis qu’il feroit du Seigneur saisissant, & qu’il ne déclarât positivement qu’il ne le reconnoit point pour Seigneur.

Si le Vassal recueilloit les grains & fruits avant leur maturité, apprehendant la saisie feodale, il seroit obligé de les restituer au Seigneur saisissant, ou l’estimation. d’iceux, à dire d’Experts & gens à ce connoissans.

Les profits des Arriere-Fiefs ou Vavassories, qui écheroient pendant la saisie feodale, comme sont les droits de Relief & de Treizième, appartiendroienr au Seigneur saisissant, d’autant qu’ils font partie des fruits du Fief saisi.

Le Seigneur pendant la saisie feodale doit se comporter en bon père de famille. & joüir du Fief saisi, comme seroit un usufruitier, & en propriétaire incommutable, sans pouvoir changer ni déteriorer les fonds, lieux & bâtimens ; il est même tenu d’entretenir les batimens des menuës reparations, cultiver les terres, & veiller aux droits du Fief : en un mot, faire tout ce qu’un bon père de famille fait en faisant valoir son propre bien.


ARTICLE CXIX.

S I les fruits demeurent au Seigneur, il doit payer les airrures, labours & semences à celui qui les aura faites, autre que le vassal, si mieux le Seigneur n’aime se contenter du fermage ou de la moitiè des fruits.

Le vassal qui ne fait point cesser la saisie feodale, non seulement perd les fruits de son Fief & héritages saisis feodalement, & le Seigneur qui a fait faire la saisie feodale les gagne & en profite seul, mais il perd encore les façons ou airrures, les labours & semences.

Mais si lors de la saisie feodale, le Fief, terres & héritages en dependans étoient affermés, le Seigneur seroit tenu de rembourser les airrures ou façons, les labours & semences au Fermier, si mieux il n’aimoir se contenter de la moitié des fruits, & l’autre moitié appartiendroit au Fermier ; la raison de cette disposition est que fructus non intelliguntur nisi deduciis impensis, L. Si à Domino, § ult. au Dig. de perit. hered. ce qui neanmoins n’a point lieu à l’égard du Vassal, il ne repete rien, & cela in odium de sa negligence ou contumace a ne point couvrir le Fief, & à faire ceser les causes de la saisie feodale ; mais à l’égard du Fermier qui est une personne étrangere, il est juste de l’indemniser, quand même le Seigneur ne recueilleroit aucuns grains ni fruits à cause de la stérilité de l’année, parce que dés que le Seigneur a opté de s’en tenir aux fruits & non au prix du bail, il s’est engagé dés l’instant de l’option à rembourser les façons, labours & semences au Fermier, quelque évenement qu’ait la recolte.

Dés que suivant cer Article il est permis au Seigneur, qui a fait saisir feodalement le Fief de son Vassal, de rembourser les façons, labours & semences au Fermier, & joüir par ses mains du Fief & terres en dépendantes, il peut déposseder le Fermier de son bail & maisons, bâtimens & lieux qu’il occupoit, c’est-à-dire qu’il peut le mettre dehors la Ferme, même le Vassal dehors le manoir, s’il vouloit exploiter & faire valoir la terre par ses mains, & qu’il n’y eût point d’autre principale habitation que le manoir ; il seroit pourtant plus honnête & plus civile au

Seigneur de ne point déloger son vassal ; mais jure flricto, c’est le bien & l’héritage du Seigneur ex prim. va & ex antiqua causâ ; cependant au cas que le Seigneur voulût y mettre un Fermier, il ne pourroit pas en ce cas là déloger le vassal du manoir & principale habitation, sauf au Fermier de se loger dans les Fermes & autres endroits du Fief saisi feodalement.

Le Vassal en faisant cesser la saisie feodale, n’est point tenu d’entretenir les baux faits par le Seigneur pendant la saisie, & même le Fermier n’a point de recours de garantie contre le seigneur qui lui a fait le bail, s’il avoit connoissance de la saisie feodale.

Si un Fermier ne vouloit pas continuer avec le seigneur saisissant le bail qu’il avoit fait avec le vassal avant la saisie feodale, lequel bail le Seigneur avoit opté au lieu des fruits, le Fermier ne seroit pas recevable dans sa prétention, d’autant que le Seigneur par cette option exerce les droits du Vassal, & que la faculté d’entretenir les baux n’appartient qu’au Seigneur, & non au Fermier.


ARTICLE CXX.

A Veu baillé, soit bon ou mauvais, sauve la levée, doit neanmoins le Vassal payer les frais de la saisie, adjudication, si aucune y a, & de ce qui s’en est ensuivi.

Aveu baillé, bon ou mauvais, sauve la levée.

Aveu ou dénombrement est la description de toutes les terres & droits que le vassal tient en Fief, & que le vassal est obligé de fournir & bailler à son Seigneur duquel il releve.

Il y a cette difference entre la saisie feodale faite faute de foy & hommage & droits non payés, & la saisie feodale faite faute d’aveu non baillé ni fourni, que la première saisie emporte perte de fruits contre le vassal au profit du Seigneur saisissant, tant qu’elle dure & que le vassal n’a point pleinement effectué & fait cesser les causes de la saisie ; au lieu que la seconde n’emporte point perte de fruits, de sorte que des que l’aveu est presenté, bon ou mauvais, & avant même qu’il ait été blamé ou reçû par le Seigneur, il n’y a plus de perte de fruits, la levée des fruits appartient au vassal : pourvû toutefois que les grains & fruits ne soient pas enlevés, engrangés & serrés lors de la presentation de l’aveu, & à la charge par le vassal de payer & de rembourser les frais de la saisie feodale, de l’adjudication si aucune a été faite, & de tout ce qui s’en est ensuivi ; en un mot, la seule presentation de l’aveu détruit & anéantit la saisie feodale, si elle n’est faite pour autre cause comme faute de foy & hommage ou droits Seigneuriaux non payés ; car en ces deux derniers cas la saisie feodale subsisteroit, nonobstant la presentation d’aveu, à moins que la presentation d’aveu ne contint les offres de la soy & hommage & des droits Seigneuriaux.

Dans nôtre Coûtume, aveu ou dénombrement se dit tant en matiere feodale qu’en matiere roturiere : on y fourni aveu ou dénombrement pour les Fiefs & terres nobles, & pour les héritages roturiers.

L’aveu présenté & fourni par un Procureur fondé de procuration speciale, feroit ceder la saisie feodale ; Arrét du Parlement de Normandie du dernier Avril 1574 ; même un simple heritier presomptif d’un vassal absent, & qui n’a point fourni d’aveu, peut le faire pour & au nom de ce vassal absent ; & cette presentation fera cesser la saisie feodale, à la charge toutefois de donner caution de raporter les fruits en cas de retour du vassal absent, s’il ne ratifioit pas cette presentation d’aveu, & de payer les frais de le saisie feodale & de l’adjudication ou réunion ; Arrét du même Parlement du 7 Juin 1661. si mieux n’aimoit le Seigneur donner souffrance pour fournir aveu par le vassal, aprés qu’il seroit de retour.

Tout vassal est tenu de fournir aveu à l’exception des mineurs, furieux & insensés, le seigneur ne peut se dispenser de donner souffrance à ces sortes de vassaux, en attendant la majorité des mineurs & la resipiscence des furieux & insensés, à condition neanmoins par leurs tuteurs & curateurs de reconnoître & payer les rentes rentes & redevances Seigneuriales, si le Fief fou les héritages roturiers en doivent la Seigneurie de celui a qui il est du aveuLn Vassal ne doit qu’un aveu en sa vie ; & c’est aux frais du Vassal que l’aveu doit être baille & fourni.

Si le Seigneur, nonobstant & au préjudice de la presentation de l’aveu, ne vousoi point donner mainlevée de la saisie feodale, le Vassal pourroit la demander en Iustice reglée & par les voyes de droit, à l’effet que le Seigneur fût tenu de lui laisser la jouissance de son Fief ou autres heritages.

En matière feodale, un aveu peut bienêtre presenté, fourni & baillé en même-temps de la prestation de foy & hommage, mais non avant la prestation de foy & hommage ; parce que ce n’est que par la prestation de fuy & hommage, que le nouveau proprietaire & possesseur du Fief a été reconnu vassal, & consequement il n’étoit point avant ce temps-là en état de former aveu.

La forme enlaquelle l’aveu doit être fourni, dépend de l’usage des lieux ; on en fourni en papier ou en parchemin, mais ordinairement c’est en parchemin, attendir l’importance d’un acte de cette qualité, qui doit servir à la postérité des familles.

C’est en la Chambre des Comptes de la Province, où se reçoivent les aveux des Fiefs qui relevent immediatement du Roy, & la verification s’en fait sur les conclusions du Procureur Géneral de la Chambre ; cette verification doit être faite avec beaucoup d’exactitude.

Doit neanmoins payer les frais de la saisie, adjudication si aucune y a, & de tout ce qui s’en est ensuivi, faits jusques au jour de la presentation de l’aveu, & suivant qu’ils seront reglés à l’amiable, si faire se peut ; mais si la taxe ou liquidation des frais duroit long-temps par les difficultez qui pourroient s’y rencontrer, le Seigneur ne pourroit pas sous ce prétexte tenir le Fief ou autres heritages, saisis, parce qu’il n’auroit pas de titre certain, fixe & liquide pour faire sub-sister sa saisie ; & même aprés que les frais auroient été taxés, il ne pourroit pas, faute de payement des frais, faire saisir feodalement le Fief, ni demander la réunion des héritages roturiers à son Fief, il n’auroit que la voye de saisies & arrêts, ou saisies & executions de meubles ou bestiaux, ou saisie réelle du Fief ou autres héritages.


ARTICLE CXXI.

S I le Seigneur ne blâme l’aveu dans les prochains Plaids ensuivans la presentation d’icelui, le Vassal n’est plus tenu y comparoit, s’il n’y est assigné pour recevoir blâmes, lesquels lui doivent être fournis au jour de la premiere assignation.

Si le Seigneur ne blâme l’aueu dans les prochains Plaids en suivans la presentation d’icelus, le lasûi n’est plus tenu y comparoir, s’il n’y est assigné pour recevoir blames ; de sorte que le Vassal qui a presenté son aveu, est obligé de comparoir aux prochains Plaids de la Seigneurie, du jour de la presentation de son aveu, encore bien qu’il n’ait été interpellé, cité & ajourné pour y comparoir ; cette interpellation où citation est legale, mais d’un autre côté le Seigneur est tenu de blamer ou recevoir l’aveu dans ces Plaids, autrement le Vassal n’est plus obligé de comparoir à d’autres Plaids, s’il n’y est assigné pour entendre blâmer son aveu, ou pour être reçûLesquels lui doivent être fournis au jour de la première assignation, sans toute-fois qu’il soit necessaire de fournir les blames par l’assignation même, il suffit de les fournir le jour de l’assignation de Procureur à Procureur ; il convient de les donner par écrit, afin que le Vassal les puisse examiner & y répondre.

Or un aveu peut être blamé pour differentes raisons ; 15. S’il ne contient pas toutes les rentes & redevances Seigneuriales /w> ; 25. Si le Vassal n’y a pas assez & en particulier désigné, déclaré & exprimé les héritages mouvans & relevans de la Seigneurie ; 36. S’il n’a pas employé la quantité des terres & redevances, les bornes ; tenans & aboutissans, conformes aus anciens aveux ; 48. S’il a omis de déclarer les charges, corvées ou servitudes du Fief & autres héritages, & de toût ce qui releve & est mouvant du Seigneur ; 56. S’il prend dans l’aveu des qualité, qui ne lui appartiennent pas, & qui peuvent préjudicier au Seigneur, & par autres moyens semblables, & tels qui peuvent se rencontrer ; Arrêt du Parlement de Normandie du rs Decembre 1666.

La reconnoissance qui seroit faite par un Vassal en vendant son Fief ou heritages roturiers, de mouvances, de directes, rentes, cens, corvées, servitudes & autres charges & redevances Seigneuriales, pourroit servir de titre au Seigneur pour les prétendre, à moins que le Vassal sur la demande en garantie, qui seroit formée à ce sujet contre lui par l’acquereur, ne fit voir clairement & évidemment qu’il l’avoit fait par erreur & inadvertance, & faute d’instruction.


ARTICLE CXXII.

P Eut neanmoins le Seigneur blâmer l’aveu de son vassal trente ans aprés qu’il lui est presenté ; & cependant le vassal jouit, & les fait les fruits siens.

C’est du jour de la presentation de l’aveû que les trente ans donne au Seigneur pour blâmer l’aveu commencent, & non du jour que le vassal à comparu aux prochains plaids de la presentation de l’aveu, ni du jour qu’il auroit été assigné aux autres plaids, sans neanmoins que la saisie feodale qui avoit été faite faute d’aveu non fournis durit & subsistât pendant tout ce temps-là ; le vassal joüit de son fief & autres heritages librement comme s’il n’y avoit point eu de saisie feodale ; mais aprés les trente ans finis & expirez, le Seigneur ne seroit plus recevable à vouloir blamer l’aveu, il seroit tenu pour blamé & pour reçû ; & ce temps de trente ans pour fournir blames contre un aveu est atal, sans neanmoins qu’il se compte de momento ad momentum, mais civilement ; de sorte que les jours des termes n’y sont point compris ; mais d’un autre côté cette prescription de trente ans courre, tant contre le mineur que contre le majeur, même contre l’absent, l’Eglise & le Roy, parce que cette prescription est une prescription statuaire.

Il faut en outre remarquer que quoique le blâme d’aveu se prescrive par trente ans, néanmoins les rentes & redevances Seigneuriales dûës par le fief ou par l’héritage roturier, pour raison uquel l’aveu a été presenté, & dans lequel le vassal a obmis des rentes & redevances Seigneuriales, ne se prescrivent que par quarante ans ; de manière que le Seigneur aprés trente ans n’est pas à la verité recevable à blamer l’aveu, mais il peut demander le payement & continuation des rentes & redevances Seigneuriales jusqu’à quarante ans, Arrét du Parle, nent de Roüen du 2. Aoust ; 66s.

Le vassal de son côté n’a pas trente ans pour reformer l’aveu par lui baillé & fourni, quand même il se seroit trompé, & qu’il y seroit lesé, il n’a que dix ans du jour qu’il l’a fourni & baillé en majorité, & encore faudroit-il des Lettres de Rescision obtenuës en Chancellerie, fondées sur des erreurs de fait & sur la lesion, & aprés ces dix ans le vassal feroit non-recevable en ses Lettres & en sa demande à revenir contre l’aveu ; car un aveu fourni par le vassal & reçû par le Seigneur, est un acte synnalagmatique & obligatoire de part & d’autre entre le Seigneur & le vassal, & contre lequel on ne peut revenir que par je benefice des Lettres du Prince, & dans le temps prescrit pour pouvoir reclamer contre des actes faits par majeurs & entre majeurs, bien entendu qu’on air des moyens de rescision.

Des que le Seigneur a reçû l’aveu de son vassal, il est obligé de prendre son fait & cause contre tous les Seigneurs qui pretendroient que quelques portions des choses, rentes, redevances & droits contenus & portez en l’aveu, seroient de leur Seigneurie, releveroient d’eux & appartiendroient à leur Seigneurie, sinon & à faute de ce, le vassal demeurera déchargé envers ce Seigneur de la mouvance & directe pour ce dont le seigneur seroit évincé par les autres Seigneurs.

Des aveux presentez, blâmez & reçûs sont de grande consideration pour prouver une mouvance, une directe, une censive, une justice, la consistance d’un fief, l’étenduë, les dépendances d’une Seigneurie, les rentes, charges, corvées, servitudes & autres redevances Seigneuriales, & de quels cens, rentes, & redevances Seigneuriales un héritage roturier est chargé envers une Seigneurie.


ARTICLE CXXIII.

E Ntre les Seigneurs & leurs hommes, foy doit être gardée, & ne soit l’un faire force à l’autre.

Le Seigneur & son homme, c’est-à-dire son vassal, sont tellement liez les uns envers les autres par des devoirs mutuels & reciproques de bienveillance & de confiance, qu’ils doivent s’abstenir l’un envers l’autre de la moindre action qui ressente & qui approche de la mauvaise soy & de la violence, ils doivent se garder la foy l’un à l’autre, & ne se faire force & injure lun à l’autre ; il devroit même y avoir des manieres de civilité & d’honnêteté particulieres entr’eux, cependant c’est ce qui n’est pas assez observé, il semble même que la qualité de vassal mette un Seigneur en droit de regarder un vassal comme infiniment Son inferieur, & d’avoir une espèce de mépris pour lui, ce qui blesse les premieres notions des matieres feodales & les regles de la politesse ; ils devroient être toûjours prêts à se rendre service l’un à l’autre dans les occasions, & à ne pas manquer de foy l’un à l’autre, ou ne se faire injure ; c’est ce qui leur est défendu par cet Article directement ni indirectement, ouvertement ou clandestinement, par soi-même ou par autruy & personnes interposées.


ARTICLE CXXIV.

L E vassal doit porter honneur à son Seigneur, sa femme & son fils aîné ; comme aussi les freres puisnez doivent porter honneur à leur frere aîné.

Le vassal doit porter honneur à son seigneur, sa femme & son fils ainé.

Il y a trois personnes à qui le vassal doit porter honneur, au Seigneur, à sa femme & à son fils ainé, mais non au reste de la famille du Seigneur ; il ne seroit pas obligé de nourrir son Seigneur, ni encore moins sa femme & son fils ainé s’ils tomboient dans la pauvreté & misere ; quant à la veuve du Seigneur, le vassal lui doit porter honneur tant qu’elle sera & demeurera en viduité, quand même elle ne leroit pas doüairière particulière sur le fief, & qu’elle ne joüissoit pas du fief à titre de douaire.

Un Avocat ne contreviendroit pas à la disposition de cet Article en prétant son ministere d’Avocat contre le Seigneur duquel il est vassal, soit en plaidant, écrivant ou consultant contre lui, pourvû neanmoins que l’affaire dans laquelle il occuperoit ne concernât pas l’honneur de son Seigneur, de sa femme ou de son fils ainé, & qu’il ne s’agisse pas des droits du fief duquel cet Avocat releveroit, à cause d’un fief qui lui appartiendroit & dont il seroit possesseur.

Le vassal Patron d’une Eglise, ne seroit point tenu de deférer à son Seigneur les honneurs, la preséance & autres droits honorifiques qui appartiennent aux Patrons dans les Eglises ; mais hors l’Eglise le vassal, quoique Patron, seroit obligé, suivant la disposition de cet Article, de rendre honneur à son Seigneur, à sa femme & à son fils ainé.

Comme aussi les freres puisnez doivent porter honneur à leur frère ainé, à cause du droit de Primogeniture & d’Ainesse du sils ainé sur ses cadets, & qu’il est leur tuteur naturel & légitime : mais s’il n’y avoit que des filles, cette obligation cesseroità l’égard des cadets pour leur seur ainée ; parce que le droit de Primogeniture ne donne aucune prérogative entre filles.

Le vassal qui manqueroit de porter honneur à son seigneur, à sa femme & à son fils aine, & les puisnez à leur frère ainé, seroient punissables de quelque amende ou autre peine pecuniaire, pour être contrevenus à eet Article, laquelle amende seroit arbitraire & dependroit de la prudence du Iuge ; on ne pourroit prononcer aucune peine corporelle ni infamante pour un pareil fait, à moins que par rapport au Seigneur, sa femme ou son fils ainé, il n’y eût un crime de felonie.


ARTICLE CXXV.

S I le vassal est convaincu par Justice avoir mis la main violentement sur son Seigneur il perd le fief, & toute la droiture qu’il y à revient au Seigneur.

Il y a deux causes principales pour lesquelles un fief tombe en commise, c’est-à-dire pour lesquelles un vassal perd son fief en proprieté, possession & jouissance, & que le fief revient en tout au Seigneur suzerain ; ces deux causes sont la felonie & le désaveu ; de sorte qu’il y a de deux sortes de commises, l’une est la commise de felonie, l’autre est la commise de desaveu.

Commise, de felonie est quand le vassal est dûëment atteint & convaincu par Justice avoir mis violemment ses mains sur son Seigneur, où être tombé dans les fautes & delits qui seront ci-aprés expliquez.

Commise de désaveu est quand le vassal a formellement, opiniâtrément, malicieusement & avec perseverance dénié son seigneur ; ce fait n’est pas moins criminel & ne prive pas moins le vassal de son fief quant à la proprieté & jouissance, en pure perte pour lui, & en pure gain pour le Seigneur mal désavoüé, que la commise pour felonie.

Or la commise est un droit qui appartient aux Seigneurs sur les fiefs mouvans & immediatement relevans de leurs Seigneuries, & par lequel le Seigneur suzerain acquiert dans les cas où la commise à lieu la pleine proprieté & possession du fief de son vassal, & la mouvance sur les arriere fiefs, ainsi & de la manière que si le fief qui est réuni & consolidé au fief suzerain n’avoit jamais été désunis & separé du fief immediatement suzerain.

La felonie est une deloyauté qui se commet de differentes manieres ; ré, Si de vassal met malicieusement & violemment la main sur la personne de son Seigneur ; 2. S’il l’outrage & le maltraite de paroles injurieuses & par des écrits injurieux & calomnieux ; 3e. Sil a machiné sa mort & sa perte ; 4. Sil a tâché à le deshonorer ; 5, s’il avoir fait ou s’étoit servi de faux titres pour faire perdre la mouvance à fon feigneur, & autres cas graves qui pourroient arriver & le peine de cette insigne ingratitude est de faire confisquer & perdre le fief de ce vassal au profit du Seigneur.

Il y a cette difference entre la commise & la confiscation de biens, que la commise a seulement lieu pour les fiefs tenus & relevans du Seigneur qui a été intenté, & que la confiscation emporte la perte de tous les biens, meubles & immeubles du vassal contre lequel il y a un Jugement de confiscation de biens, laquelle confiscation est presque inseparable de la confiscation du corps, c’e st -àdire la mort naturelle où civile, au moins dans notre Coûtume.

La commise de felonie n’a pas seulement lieu quand le Seigneur a été violemment maltraité & outragé par son vassal, mais encore si les maltraite mens & outrages ont été faits par le vassal à la femme ou au fils ainé du Seigneur, mais non par rapport au reste de la famille du Seigneur.

Comme les causes qui peuvent donner lieu à la commise de felonie, dépendent des circonstances & de la qualité des outrages, injures, calomnies, excës & maltraitemens faits par le vassal à son Seigneur, sa femme & son fils ainé, c’est au Juge saisi de la contestation, d’examiner & peser les circonstances particulieres du fait ; mais au milieu de tout cela il faut que le fait soit bien Grave & bien prouvé pour pouvoir produire cet effet, parce qu’il s’agit en pareil cas de la perte irreparable des fiefs & terres nobles du vassal au profit du Seigneur.

On peut cependant marquer plusieurs causes de felonie.

La première, si l’injuré que le vassal a faite à son Seigneur, sa femme, ou à son fils ainé, est attroce, comme si le vassal avoit donné un démenti à son Seigneur, ou qu’il eût abusé de la femme de son Seigneur, ou de la femme de son fils ainé.

La seconde, lorsque le vassal a mis les mains sur la personne de son Seigneur, de sa femme, ou de son fils ainé, en les maltraitant & excedant, La troisième, si le vassal avoit de dessein prémedité causé la perte de l’honneur ou des biens de son Seigneur par des voyes criminelles & indirectes, ou s’il a dressé des embuches à la vie de son Seigneur, de sa femme, ou de son fils ainé, où s’il leur a suscité une accusation capitale & calomnieuse, ou autres choses semblables, qui sont laissées aux lumieres & à la prudence du Juge.

Le Seigneur est censé avoir remis l’offense à lui faite, à sa femme, ou à sont fils ainé par son vassal, par son silence pendant un certain temps ; & s’il ne s’est point plaint pendant sa vie ou celle de son vassal, son heritier ne seroit pas recevable à intenter aprés sa mort une demande en commise ; comme aussi l’acquereur du fief dominant ne pourroit pas demander la commise au lieu & place dit Seigneur offensé, qui pendant sa vie ne s’étoit point plaint ; de plus le vassal étant mort le Seigneur, ne pourroit inquietter son heritier pour raison de la commise, à moins qu’il n’y eût eu action intentée contre le vassal de son vivant, & la cause contestée avec lui au sujet de la commise.

La commise pour desaveu qui détruit la qualité de Seigneur, & la relation mutuelle & reciproque de Seigneur & de vassal, ensemble toutes les obligations respectives qui en dépendent, fait tomber le vassal dans la perte de son fief, au profit du Seigneur mal desavoüé ; c’est un vassal qui dénie le fief être tenu du Seigneur feodal dont il est neanmoins mouvant, ce desaveu fait perdre le fief au vassal.

Mais pour que le desaveu puisse donner lieu à la commise, il faut qu’il soit fait avec science certaine, en pleine connoissance de cause, de propos déliberé, malicieusement, formellement, par mépris du Seigneur & avec perseverance ; car tant que la chose ne seroit pas consommée, il y auroit lieu au repentir, d’où il faut conclure qu’un aveu frauduleux & témeraire n’emporteroit point la commise du fief, parce qu’en ce cas il n’y a point de desaveu formé, encore moins un desaveu par erreur pourroit-il donner lieu à la perte du fief.

La commise de desaveu n’a pas lieu pour les rentes & redevances Seigneuriales, quoique déniées & méconnuës par le vassal dans la vûé de les faire perdre au Seigneur, le vassal ne perdroit pas pour cela les héritages sujets aux rentes & redevances, il seroit seulement condamné à réformer son aveu ou declaration, & à y ajoûter les rentes & redevances obmises déniées & méconnuës.

Nulle commise n’a lieu de plein droit & ipso facto, il faut une Sentence, Arrét ou Jugement qui declare la commise bonne & valable, ensemble la réunion & consolidation du fief servant au fief dominant, tant pour la proprieté que pour les fruits & revenus, à compter du jour de la demande en commise ; de sorte que si le vassal pendant le procés en commise, avoit joui de son fief & perçù les fruits, il seroit tenu de les restituer au Seigneur à qui on adjugeroit la commise.

Il est indifferent que le desaveu soit fait hors jugement ou en Jugement pour operer la perte du fief, pourvû qu’il ait été fait malicieusement, témérairement avec opiniâtreté & perseverance ; mais le vassal seroit recevable avant le Jugement à vouloir purger son desaveu, en offrant de reconnoître la Partie pour son Seigneur, lui faire la foy & hommage & lui payer les droits, si aucuns étoient dus, le tout avec condamnation de dépens, même de dépens, dommages & interêts, & de quelque amende ; aprés quoi il n’y auroit plus lieu à la commise ou perte du fief, mais quant aux fruits, le Seigneur en profiteroit s’il y avoit eu une saisie feodale pour causes justes & légitimes.

Or le desaveu se fait en plusieurs manieres.

La premiere, lorsque le vassal dénie directement, formellement & absolument la nature & la qualité de son fief, soutenant malicieusement par dol & fraude que ce n’est pas un fief noble, mais une roture, si par l’évenement du proces il est jugé que l’heritage est noble & non roturier, il y aura lieu à la commise du fief ; il faudroit dire le contraire si la prétention du vassal n’alloit qu’à soutenir que son fief étoit en franc-aleu, & allodial, ou relevant d’une autre Seigneurie.

La seconde, quand le desaveu regarde la personne & la chose conjointement, comme si le vassal soutient que son fief n’est point mouvant, & ne releve point du fief dominant dont le Seigneur se dit proprietaire & possesseur & dans ce cas il y auroit lieu à la commise.

La troisième, lorsque le desaveu regarde seulement la personne du Seigneur, comme quand le vassal avoué la mouvance, mais qu’il soutient que le Seigneur qui, lui fait un proces, n’est pas proprietaire du fief dominant ; un pare il desaveu ne seroit pas capable de former la commise ou perte du fief, parce que le vassal ne désavoué pas la mouvance, mais seulement la personne du Seigneur.

La quatriême, quand le désaveu regarde la chose & non la personne ; ce qui se fait lorsque le vassal reconnoit la personne du Seigneur pour son Seigneur, mais il dit que son fief ne releve point d’un tel fief qui appartient à ce Seigneur, mais d’un autre fief dont il est pareillement proprietaire ; on ne pour-roit pareillement dans ce cas adjuger la commise, parce que le desaveu ne trouve que sur la difference des fiefs dont le fief du vassal est mouvant & releve.

La cinquiéme, quand le vassal ne dénie point le fief entier, mais une partie seulement, & qu’il prétend relever d’un autre Seigneur ; ce n’est point encore là une commise de désaveu.

La sixième & derniere, lorsque le désaveu ne concerne que la qualité du fief, comme si le vassal soutient que ce n’est pas un Fief lige, un Marquisat, un Comté, une Baronnie ou à autre titre ; & ce désaveu ne pourroit pas non plus faire un sujet de commise.

Le vassal qui soutient être dans la mouvance du Roy, & duquel le Procureur du Roy prend le fait & cause & se joint à lui, ou qui se feroit revendiquer par un autre Seigneur, ne tombe point dans la commise de désaveu, à moins qu’il ne parût & qu’il ne fût justifié évidemment que tout cela s’est fait malicieusement & par dol & fraude pour se mettre à couvert d’un témeraire désaveu, & que le vassal avoit mandié l’intervention du Procureur du Roy, & la revendication d’un autre Seigneur, en un mot que cette prétention n’avoit ni fondement, ni raison, ni apparence quelconque ; dans ce cas il ne laisseroit pas d’avoir lieu à la commise du fief ; car ce seroit là un trés-mauvais & trésindigne procedé. un fief ne tombe en commise que par rapport au Seigneur immediat du fief.

Pour donner lieu à la commise d’un fief, soit dans le cas de felonie, soit dans le cas de désaveu, il faut que le vassal soit le véritable & incommutable propriétaire du fief, & qu’il soit capable d’aliener.

Sur ce principe, il faut dire ; 1. Que le tuteur ou curateur ne peut en aucun cas commettre le fief de leur mineur ou interdit ; 2. Qu’un heritier par benefice d’inventaire ne peut commettre un fief de la succession beneficiaire au prejudice des creanciers, à moins que les créanciers ne pussent être payez tant fut les autres biens de la succession, que sur les biens personnels de l’heritier beneficiaire, eur en ce cas le fief seroit commis en pure perte pour lui, comme ayant lui seul donné lieu à la commise, soit de felonie, soit de désaveu ; 30. Qu’un heritier présomptif ne tombe point en commise avant d’avoir fait acte d’heritier, si dans la suite il renonçoit à la succession, parce qu’il est vrai de dire qu’il n’a jamais été véritable vassal du Seigneur qu’il avoit offensé ou mai désavoüé, puisqu’en Ce temps-là il n’avoit pas encore de qualité, 4, Que la femme ne tombe point en commise pour ses propres fiefs tant qu’elle est mariée & en puissance de mari, ni le mari pour les fiefs de sa femme, il en perdroit seulement les fruits

Pendant son mariage, à moins que la femme ne fût separée de biens, auquel Cas ils appartiendroient à la femme ; 5.. Le Beneficier ne peut commettre les fiefs qui sont partie du temporel de son benefice, parce qu’il n’est qu’un simple usufruitier, & que sa faute ne peut nuire ni préjudicier à son Eglise ; il per-droit neanmoins les fruits tant qu’il seroit titulaire du benefice ; car dés qu’il auroit résigné ou permuté son benefice, la perte des fruits ceseroit, ils appartiendroient à son successeur ; mais si cet Ecclesiastique avoit des fiefs de son chef ils seroient sujets à la commise comme ceux des autres vassaux ; &. Qu’une Doüairiere, comme tout autre usufruitier d’un fief, ne peut tomber en commise pour ce fief que pour les fruits, & non pour la proprieté du fief ; 7, Qu’un mineur ne tombe point en commise, soit pour cause de felonie, soit pour cause de désaveu ; cependant si à un certain âge qui seroit un peu au dessous de la majorité coûtumière, qui est dans notre Coûtume à vingt ans accomplis, il avoit fait des maltraitemens & outrages à son Seigneur, à sa femme ou à son fils ainé, & tels qui seroient capables de faire tomber un majeur en commise, il seroit condamnable en quelque réparation, amende & dommages & interêts, suivant les circonstances du fait, mais il ne tomberoit point dans la commise ni pour la proprieté du fief, ni pour les fruits ; 8. Qu’un interdit, soit pour prodigalité, soit pour imbecilité, ne peut pareillement tomber en commise.

Lorsqu’un fief releve & est mouvant de deux Seigneurs, & que le vassal tombe en felonie contre l’un des Seigneurs, le fief n’est commis que pour la portion qui releve de ce Seigneur, l’autre portion demeure au même état qu’elle étoit ayant la commise.

La commise, telle qu’elle soit, par felonie ou par désaveu, ne tombe point sur les arriere-fiefs ou vavassories ; tout ce qui arrive, c’est que l’arriere vassal devient vassal immediat du Seigneur qui a fait juger la commise à son profit, au lieu qu’il n’étoit auparavant que Seigneur mediat de cet arriere-fief ou vavassorie.

La demande en commise se prescrit par trente ans, comme étant une action personnelle & mobiliaire, qui dans notre Coûtume se prescrit par trente ans.

Le Seigneur qui profite du fief par la commise de felonie ou desaveu, n’est point tenu des rentes, charges, hypoteques & dettes contractées par le vassal avant la commise sur le fief tombé en commise, en quelque tems que ces de tres ayent été contractées, parce qu’en ce cas le Seigneur rentre en son fief ex anrequa & primevâ causâ ; & la concession du fief se résout comme s’il n’y en avoit jamais eu ; d’où vient que le Seigneur en faisant réunir le fief à sa table pour cette cause, peut expulser le Fermier du Vassal, sans être tenu d’entretenir le Bail que le vassal avoit fait au Fermier ; le vassal perd même les ameliorations qu’il auroit fait faire dans les terres & batimens du fief, mais non dans les terres & héritages qu’il auroit acquit & qu’il auroit joints & unis au fief, comme ne faisant point parti de l’ancien Domaine & des anciennes dépendances du fief ; il y a plus, c’est que le fief qui revient au Seigneur par la commise, se réunit naturellement & de plein droit au fief dominant des que la commise est adjugée, sans qu’il soit besoin d’aucune declaration du Seigneur pour faire cette réunion & consolidation ; c’est pour cette raison que l’usufruitier du fief dominant, comme feroit une Doüairiere, joüiroit des fruits & revenus du fief tombé en commise, & réuni au fief dominant par là commise, tant que l’usufruit auroit lieu.

Il est hors de doute que les rotures ne tombent point en commise ; de manière qu’un vassal, rentier ou censitaire qui déniroit la directe ou mouvance d’un heritage roturier, qui désavoüeroit le Seigneur censier ou foncier, qui commettroit la felonie contre lui, sa femme ou son fils ainé, ou qui désavouroit les rentes & redevances Seigneuriales, ne commettroit point de felonie, ne tomberoit point en commise, & ne perdroit point par ces faits ses héritages roturiers, il n’y a que le cas de la confiscation de corps & de biens qui pourroit produire un pareil effet.


ARTICLE CXXVI.

P Areillement le Seigneur qui met la main sur son homme & vassal pour l’outrager, perd l’hommage & tenure, rentes & devoirs à lui dûs à cause du Fief de son vassal ; & sont les foy & hommage devolus & acquis au Seigneur superieur, & ne paye le vassal outragé rente de son Fief fors ce qui en est dû au Chef-Seigneur.

Par la raison qu’il n’y a point de commise de desaveu du Seigneur au vassal, c’est-à-dire, que quand même le Seigneur desavoüeroit mal à propos, temerairement, avec détermination, malicieusement, avec persevérance & opiniâtreté son vassal, & prétendroit que le Fief que son vassal possederoit ne seroit pas dans sa mouvance, il ne perdroit pas pour cela sa mouvance, il n’y a que la commise de felonie dans laquelle le Seigneur peut tomber contre son vassal.

Or le Seigneur peut commettre félonie contre son vassal, pour les mêmes causes & les mêmes faits que le vassal peut commettre felonie contre son Seigneur, parceque le Seigneur & le vassal font obligés à des devoirs reciproques ; c’est pourquoi le Seigneur ne tomberoit pas seulement en commise de felonie, si la felonie est commise en la propre personne du vassal, mais encore si la felonie est commise contre la femme ou le fils ainé du vassal : en un mot, la commise de felonie du vassal au Seigneur, & la felonie du Seigneur au vassal, marchent d’un même pas, & se décident sur les mêmes regles.

Par la commise de felonie du Seigneur au vassal, le Seigneur perd en pure perte la foy & hommage & tous les droits de Fief, & la mouvance retourne au Seigneur dominant & suzerain, duquel le Fief tombé en commise, & ne relevoit que mediatement & en arriere-Fief ; de sorte que le Seigneur qui met la main sur son homme ou vassal, sur sa femme ou sur son fils ainé, pour les excéder & outrager, & qui commet d’autres faits de felonie sur eux, perd la mouvance feodale sur le Fief de son vassal, aussi bien que les rentes & redevances Seigneuriales dont le Fief servant étoit chargé envers sa Seigneurie, & la mouvance est acquise au Seigneur superieur dans toute son étenduë & sa consistence ; & à l’égard des rentes & redevances Seigneuriales, le Fief en est liberé & déchargé, elles ne passent point en ce cas au Seigneur superieur ; mais si le Seigneur superieur avoit d’autres rentes & redevances avant la commise, elles lui seroient toûjours dues sans que de Fief en fût liberé & déchargé ; car le Fief du vassal ne tombe pas par la felonie en franc-alleu, la mouvance en est dévolué au Chef-Seigneur ou Seigneur superieur, duquel d’arriere-Fief qu’il étoit, il dévient Fief immédiat ; & même les arrérages des rentes & redevances dues sur le Fief, échues avant la commise, appartiennent au Seigneur qui a commis la felonie contre son vassal ; Arrét du Parlement de Roüen du a8 Novembre 1569.

Les excës, maltraitemens, violences, outrages, injures, calomnies & autres faits de felonie du Seigneur au vassal doivent être graves, même atroces & énormes ; car Il ne faut pas s’imaginer que de simples voyes de fait & des injures legeres d’un Seigneur à son vassal soient capables de faire perdre au Seigneur sa mouvance & ses droits de Fief sur le Fief de son vassal ; il faut dire la même chose des faits de felonie du vassal au Seigneur ; tout cela encore un coup dépend de la qualité des faits & de la prudence du Juge.

De la même manière que la commise de felonie du vassal au Seigneur, n’a point lieu ipso facto ni de plein droit, & qu’il faut un Jugement d’adjudication, il faut un pareil jugement en commise de felonie de Seigneur à vassal, & tout Seigneur qui ne seroit point propriétaire incommutable de son Fief, ou qui n’aurois point de pouvoir d’aliéner, ne tomberoit point dans la commise de felonie contre son vassal, tel seroit un tuteur, un curateur, un mineur, un interdit, un titulaire de fice, une femme, un mari par rapport au Fief de la femme, un usufruitier ou toutes personnes de cette qualité, ils seroient seulement punissables ainsi & de la Taniere qu’il se pratiqueroit dans la felonie du vassal au Seigneur en pareil cas, mais mais il y a toûjours une observation generale à faire ici, qui est que la réunion du domaine utile se fait plus aisement à la Seigneurie dominante & suzereine, que la Seigneurie directe ne se perd, ainsi il semble qu’il faudroit que le fait de felonie du Seigneur au vassal fût plus grave, que le fait de felonie du vassal au Seigneur ; cependant à vray dire il y a peu de différence, parce que la relation de l’un à l’autre est égale.


ARTICLE CXXVII.

L A Tenure par parage est quand un Fief noble est divisé entre filles ou leurs descendans à leur representation.

La Tenure par parage est tenir un Fief en pareil droit ; Or cette tenure a lieu, lorsque des filles ou leurs descendans par representation partagent entre elles un Fief noble par égale portion, chaque lot prend le titre & la qualité du Fief avec tous ses droits, appartenances & dépendances, sunt pares in feudo ; car encore bien que par notre Coûtume le Fief noble soit indivisible & non partageable entre mâles, néanmoins il est divisible & partageable entre filles ou descendans d’elles par representation, & alors les filles puisnées ou leurs descendans par representation relevent sans hommage les portions du Fief, tombées en leur lot, de leur soeur ainée ou de ses descendans & representans, & non du Seigneur dominant & suzerain du Fief ; il n’y a que la seur ainé qui porte tour le Fief au Seigneur ; ce qui fait voir qu’entre co-partageans mâles non descendans de filles il n’y a point de Tenure par parage, mais seulement entre soeurs ou leurs descendans & représentans.

Quoique le parage rende la condition des paragers égale, cependant la fille ainée ou ses descendans & representans ont toujours les prérogatives du parage, comme sont les honneurs du patronnage, encore qu’il soit alternatif pour la presentation & nomination au benefice, avant les filles puinées où leurs enfans & representans, même pendant le temps du Curé qui auroit été presenté & nommé par une fille cadete ou ses enfans & representans ; Arrêt du Parlement de Normandie du premier Avril 16b6 ; d’où il faut conclure que le droit de patronnage annexé au Fief qui tombe en parage, n’appartient pas à la fille ainée seule ou à ses enfans & representans, il est alternatif entre toutes les filles ou leurs descendans & representans, quand même l’enfant de la fille ainée seroit mâle ; car le sexe masculin venant & descendant de la fille ainée, n’empéche point la division d’un Fief noble, quand celui de cujus bonis agitur n’a laissé que des filles pour ses heritieres, & consequemment n’empéche point la Tenure par parage.

Si dans la succession entre filles il y avoit un droit de patronnage honoraire, c’est-à-dire aumoné & sans droit de presentation à la Cure, les droits honorifiques dans l’Eglise appartiendroient à tous les paragers ou leurs descendans & representans, à condition toutefois que la portion du Fief tombé au lot de la fille ainée, aura seule les droits honorifiques apres le parage fini ; Arrét du même Parlement du 20 Mars 1632.

Mais pour prévenir toutes les contestations qui surviennent pour raison du droit de patronnage ou des droits honorifiques en cas de Tenure par parage, il est à propos de convenir par l’acte de partage que le droit de patronnage ou les droits honorifiques appartiendront à la portion du Fief qui tombera au lot de la fille ainée & de ses enfans & representans, où dans un autre lot ; pour lors il faudra s’en tenir au partage, & par ce moyen on évitera beaucoup de procés.

La Tenure par parage n’a lieu qu’entre coheritiers & dans le cas de partage. d’une succession entre heritiers, & non entre associés qui diviseroient & partageroient entre eux un Fief noble par eux acquis des deniers de la societé, ou entre deux personnes qui partageroient & diviseroient entre eux un Fief qu’ils auroient acquis conjointement.

Si par le partage fait entre deux soeurs le Fief n’est point divisé, & qu’un lot soit composé seulement d’une portion du domaine utile du Fief sans aucune dignité ni mouvance feodale, la seur cadete au lot de laquelle est tombé le domai-ne utile du Fief sans aucune mouvance ni dignité feodale, ne tient point sa portion en parage de sa soeur ainée, parce que le parage concerne uniquement les Fiefs avec leur dignité & mouvance.

Lorsque dans une succession il y a plusieurs Fiefs, & que chaque seur a un Fief en partage & en son lot, il n’y a point de Tenure par parage, chaque fille releve du Seigneur du Fief tombé dans chaque lot, comme auparavant le Partage. & les filles puisnées ne tiennent rien en parage de leur soeur ainée.

La prérogative du parage doit toûjours demeurer à la fille ainée ou à ses descendans & representans, nonobstant que la fille ainée eût choisi un lot qui par le partage & convention de l’acte de partage, dût tenir par parage d’un autre lot, car la prerogative du parage est en quelque maniere personnelle à la fille ainée, & tellement attachée à sa personne qu’elle ne peut en être détachée par quelque acte ou paction que se puisse être ; parce que c’est pour ainsi dire le droit de la nature & de primogeniture, qui donne cette prerogative.

Il n’y a que les Fiefs & Terres nobles qui puissent être tenuës en parage, & non les héritages roturiers.


ARTICLE CXXVIII.

L Es aînez font les hommages aux Chefs-Seigneurs pour eux & leurs puînez paragers ; & les puînez tiennent des aînez par parage sans hommage.

Par ces mots les ainez il faut entendre les filles ainées ou leurs enfans, descendans & representans, & non pas les fils ainez venans de mâles ; de sorte qu’aux termes de cet Article la fille ainée, ou ses enfans & representans, font & rendent la foy & hommage au Seigneur du Fief partagé entre la fille ainée & ses puinées, tant pour elles que pour les soeurs cadetes parageres ; & les soeurs cadetes tiennent leurs portions du Fief de leur seur ainée ou ses representans, à droit de parage sans hommage à son égard ; c’est-à-dire qu’elle ne peut exiger de prestation de foy & hommage de ses puinées, toutes les filles comme heritieres sont égales in bac parte, sans que la soeur ainée puisse se dire Dame des portions du Fief, tombées aux lots de ses cadetes, c’est toûjours le seigneur ; toute la difference qu’il y a, est que la soeur ainée semble être la seule vassale envers le Sei-gneur du Fief partagé entre elle & ses soeurs, & que c’est elle seule qui doit rendre la foy & hommage & aveu au Seigneur, sans même que le Seigneur puisse le refuser, d’aurant que l’honneur du parage appartient & est attache à la personne de la fille ainée, & elle fait tous les devoirs de vassal envers le seigneur suzerain, & en les faisant elle en acquite ses soeurs & couvre le Fief en entier, sans que le Seigneur puisse saisir feodalement les portions du Fief tombé au lot des filles puinées des qu’il sera servi par l’ainée.


ARTICLE CXXIX.

E N cette manière le puisné & les descendans de lui, tiennent de l’aîné & de ses hoirs jusques à ce que le parage vienne au sixiéme degré inclusivement.

Par le mot de puisné il faut entendre la fille puisnée ou descendans d’elle & ses representans, & non un fils puisné au premier degré ou descendant de luiCet Article ne tend qu’à nous faire entendre que le parage ne dure que pendant six degrez complets de filiation ou parenté, & qu’aprés le sixième degré inclusivement le parage finit ; aprés quoi les heritiers representans les filles puis-nées tiennent & relevent leurs portions du Fief divisé & partagé, des heritiers ou representans leur soeut ainée ; qui de leur côté reportent le Fief au Seigneur suzerain, & lui en font tous les devoirs de vassal, foy & hommage, aveu & autres droits feodaux, Il est done vray de dire que le droit de parage n’est pas perpetuel, il est limité & circonscrits dans six degrez de parenté inclusivement, pendant lesquels, & non au-de-là, les filles puisnées ou leurs ensans, descendans & representans, tiennent leurs portions du Fief de la fille ainée, ses enfans, descendans & representans, par parage sans hommage.

Le degré de parage finit plûtôt que le dégré de succeder, en ce que le degré de parage finit au sixième degré inclusivement, au lieu que le degré de succeder ne finit qu’au septième degré inclusivement.


ARTICLE CXXX.

P Ar les mains des aînez, payent les puisnez les Reliefs, Aides & toutes Redevances aux Chefs-Seigneurs ; & doivent les puisnez être in-terpellez par les ainez pour le payement de leursdits droits.

Il faut toûjours prendre garde que les termes d’ainez & de puisnez doivent en cet endroit être pris pour la fille ainée, & pour ses soeurs cadetes, ou leurs descendans & representans, & non pour les freres au premier degré ou leurs descen-dans & representans, Suivant cet Article, quoique les filles puisnées qui tiennent des portions d’un Fief par parage, ou leurs descendans & representans, soient tenues de contribuer au payement du droit de Relief, aides, rentes, redevances & autres droits Seigneuriaux, si aucuns sont dus au Seigneur suzerain du Fief, chacune pour sa part & portion dans le Fief partagé & divise, neanmoins c’est à la fille ainée ou à ses representans à faire ce payement tant pour elle que pour ses cadetes, & la quittance dui en est donnée par le Seigneur, sauf à elle à en aider ses soeurs, & à en repeter contre ses soeurs puisnées leurs peres & portions ; & si ses seurs ne vouloient pas payer leur contingent, & le mettre és mains de leur soeur ainée, la seur ainée seroit en droit de les interpeller de le faire par le ministere d’un Sergent ou du Prévot du Gageplege ; sinon & sur leur refus, attesté par un acte en bonne forme, elle pourroit les actionner & les y faire condamner, sans qu’elles puissent dire qu’elles voudroient payer elles-mêmes leur contingent par leurs mains au Seigneur, car c’est à la seur ainée à faire le payement tant pour elle que pour ses leurs ; & de-là il faut conclure que quoique la tenure par parage exempte les filles puisnées, ou leurs descendans & representans, de rendre la foy & hommage & autres devoirs de Fief à leur soeur ainée ou à ses descendans & representans, néanmoins elles ou leurs descendans & representans ne sont pas exemptes & déchargées envers le seigneur du droit de relief, aides, rentes, redevances & autres droits Seigneuriaux dus sur le Fief, chaque soeur tant l’ainée que les puisnées doivent payer leur contingent eu égard à chaque portion & par égale. portion, s’il n’y a clause au contraire par le partage ; car de droit il n’y a point de droit d’ainesse entre filles, elles partagent entre elles le Fief par égales portions : mais quant au Seigneur, il a une action solidaire contre tous les paragers & peut saisir feodalement les portions des unes & des autres, c’est-à-dire le Fief entier, faute de foy & hommage, aveu non fourni & autres droits Seigneuriaux non payés par l’ainé parager, sauf le recours des filles puisnées ou leurs descendans & representans, contre la soeur ainée ou ses descendans & representans, si elles n’ont pas été interpellées par la seur ainée de paye : leur contingent.

Lorsque la fille ainée ou ses descendans & representans, de laquelle ses soeurs puisnées ou leurs descendans & representans tiennent en parage, vient à décéder., elles doivent chacune à proportion de leur tenement un droit ce Relief au Seigneur du Fief tombé en parage, & même un droit d’Aides lorsque le Seigneur mari sa fille ainée ou fait son fils ainé Chevalier, ou si le Seigneur est fait prisonnier de guerre, ou par les Infideles ; & tous les paragers sont tenus avec la fille ainée ou ses de scendans & representans, de contribuer par égales portions au payement de ces droits.

Le mot Chef-Seigneur, dont se sert notre Article, veut dire Seigneur suzerain, superieur & dominant immediat du Fief servant.


ARTICLE CXXXI.

L Es aînez paragers peuvent faire justice sur les biens des puisnez par les mains du Prevôt de leur fief.

Les ainez paragers, c’est encore à dire, la fille ainée ou ses descendans & representans, de laquelle les filles puinées tiennent leurs portions dans le fief partagé en parage de leur soeur ainée.-Il est permis à la fille ainée ou à ses descendans & representans, aprés une interpellation regulière & par écrit, de faire assigner les filles cadetes ou leurs descendans & representans, qui tiennent en parage, pour être condamnées à payer leur contingent des droits, rentes & redevances dûës au Seigneur, & en vertit d’un jugement de condamnation faire Jussice, c’est-à-dire faire saisir leurs biens, tant meubles qu’immeubles, même les portions qu’elles ont dans le fief, & les faire vendre ; mais tout cela ne se pourroit faire qu’en vertu d’un titre paré, tel que seroit un Jugement de condamnation.

Quoique la soeur ainée ou ses descendans mâles ou femelles, ne puissent exiger la foy & hommage des paragers, néanmoins ils ont Jurisdiction sur eux, même la seodalité & mouvance ; c est à cet égard une superiorité de la fille ainée ou ses descendans, sur les puisnées ou leurs descendans ; la mouvance & la feodalité resident en la personne de la fille ainée ou deses descendans & representans ; & si le fief divisé & partagé a une Justice, cette Justice appartient à la fille ainée, & est exercée au nont de la soeur ainée, ou descendans & representans icelle, aussi le mot de Justice, dont se sert cet Article, est pour faire entendre que la fille ainée ou ses descendans & representans a la voye de Droit pour obliger ses puisnées ou leurs descendans & representans qui tiennent en parage, à contribuer au payement des droits, rédévances & autres charges dont le fief tenu en parage est chargé envers le Seigneur suzerain & immediat.


ARTICLE CXXXII.

Q uand le lignage est hors le sixiéme degré, les hoirs des puisnez sont tenus faire foy & hommage aux hoirs de l’aîné où autres possesseurs du Fief qui échet à la part de l’aîné.

La Tenure en parage ne finit pas seulement lorsqu’elle sort le sixième degré du lignage inclusivement, mais encore lorsque les filles puisnées ou leurs descendans ou representans vendent & transportent les parts & portions qu’ils ont dans le fief à des étrangers de la famille & du lignage, qui ne sont ni paragers, ni descendans de paragers, ou quand les portions des filles puisnées ou leurs descendans, sont subdivisées en plus de huit portions.

Or dans ces trois cas les portions du fief retombent dans le droit commun, & les possesseurs de ces portions sont obligez d’en faire la foy & hommage aux heritiers de la fille ainée ou ses ayans cause possesseurs de la portion du fief, daquelle par le partage étoit tombée au lot de la fille ainée, sauf aux heritiers ou ayans cause de la soeur ainée à porter la foy & hommage au Seigneur suzerain pour tout le fief ; car il n’y avoit que le parage qui faisoit cesser la foy & hommage des soeurs puisnées à leur ainée, & des que le parage a cessé, les heritiers ou ayans cause de la fille ainée rentrent dans la plenitude de tous les droits & prérogatives de Seigneur, & notamment de la foy & hommage que les possesseurs du fief, qui ne sont plus paragers, sont tenus de leur rendre ; & par la cessation du parage, les heritiers & representans de la fille ainée deviennent Seigneurs en tous droits.

L’alienation faite de la portion de la fille ainée, de laquelle ses soeurs puisnées viennent par parage, né fait finir la tenure par parage, mais cette portion conserve la première dignité & prérogative de fief parager, & les filles puisnées où leurs representans paragers, doivent à l’acquereur de la portion de la fille ainée les mêmes droits qu’ils devoient à la fille ainée ou ses representans ; mais ils faut dire le contraire des portions des filles puisnées, qui seroient alienées à un étrange du lignage ; car cette alienation feroit perdre à ces portions du fief la dignité & la prérogative du parage, parce que le droit de parage est inséparable eu lignage ou de la ligne des filles puisnées, qui comme heritieres ont partagé & divisé le fief, tant que le parage est dans le sixième degré de lignage des co-partageans.


ARTICLE CXXXIII.

L E Fief fort de parage & doit foy & hommage quand il tombe en main d’autres qui ne sont paragers ou descendans des paragers, encore qu’ils soient parens.

Cet Article contient le second cas dans lequel la tenure par parage cesse, sçavoir lor que les portions du fief tenuës en parage, qui sont les portions de filles puisnées ou de leurs descendans, tombent à des étrangers de la ligné des paragers & descendans des paragers, encore même que ces nouveaux acquereurs soient parens des paragers ; car la simple parenté, quand même elle seroit infra fines du premier dégré jus qu’au sixième inclusivement, ne suffiroit pas pour empécher dans ce cas d’alienation la cessation du parage ; il faudroit absolument que le nouvel acquereur fût de la ligne & descendit de l’un des paragers, ou qu’il fut lui-même parager, sans quoi les portions du fief alienées à des étrangers du lignage des paragers, ou qui ne sont paragers, ne conservent plus de parité de dignité & de prérogative avec la portion du fief tombée au lot de la fille ainée ; ces portions seront en tout sujettes aux droits de vassal, comme la prestation de la foy & hommage, l’aveu, Relief, Aides, Treizième & autres droits feodaux & Seigneuriaux.


ARTICLE CXXXIV.

T Reixiéme n’est dû pour la premiere vente que fait le parager de son Fief, soit à un étrange ou à celui à qui il pourroit écheoir à droit de succession.

Le droit de Treizième est la treizième partie du prix de la vente d’un fief, ou d’un héritage roturier, qui appartient au Seigneur immediat du fief, censier & foncier de l’héritage roturier, car il n’y a en cela aucune différence entre les terres nobles & les roturieres, le droit de Treizième est toujours la treizième partie du prix, soit que l’heritage soit noble, soit qu’il soir roturier.

Il n’est point du de Treizième pour la premiere vente faite par le parager de la portion de son fief, ou par tous les paragers de la totalité du fief, soit que la vente soit faite à une personne du lignage & à laquelle la portion du fief en parage pouvoit un jour écheoir par succession, ou à un étranger du lignage : mais d’un autre côté cette exemption est bornée à la premiere vente, elle ne va pas plus loin ; c’est pourquoi il est dû un droit de Treizième pour la vente faire par un lignager de la portion du chef tenu en parage, qu’il auroit retirée, & qui la posse roit par Clameur ou Retrait lignager & en qualité de parager, sur la vente qui en auroit été faite par un parager ou ses descendans & representans ; parce que cette vente faite par ce Retrayant est une seconde vente, & qu’il n’y a que la premiere vente de la portion du fief en parage, qui soit exempte du Treizième, toutes les autres ventes y sont sujetes.


ARTICLE CXXXV.

E T au cas que le Fief parager vendu à un étrange, soit retiré à droit de lignage par aucun des descendans des paragers étans dans le sixiéme degré, en ce cas ledit Fief vendu retombe en Tenure par parage.

La raison de cette disposition est que le Retrait lignager remet les choses en l’état qu’elles étoient avant la vente, & comme s’il n’y avoit point eu de vente, donc si un Fief en parage avoit été vendu à un étranger du lignage des para-gers, & qu’il eût été ensuite rétiré à titre de clameur ou retrait lignager par un des descendans des paragers, étant encore dans le sixième degré au lignage, il retomberoit en plein parage comme s’il n’y avoit point eu de vente, & le retrayant le tiendroit en parage ainsi & de la manière que le vendeur le tenoit, sans aucun changement ni novation ; en un mot, la Tenure est toûjours la même.

Il y a encore une autre décision importante à former ici, c’est que quand toutes les portions du Fief tenu en parage, échéent par succession à un seul des pa-ragers, & qu’aprés sa mort il ne laisse que des : filles pour ses heritieres, il y a ouverture à un nouveau droit de parage dens le partage qui sera fait entre elles de tout le fief, pourvû qu’elles soient encore dans le sixième degré du lignage, de sorte que ce nouveau partage fait un nouveau parage, & les filles puisnées tiennent leurs portions dans le Fief de leur soeur ainée à titre de parage.


ARTICLE CXXXVI.

P Areillement si le vendeur rentre en possession de son héritage par clameur revocatoire, ou par relevement, ou condition de rachapt, il tiendra son héritage par parage comme il faisoit auparavant ; mais s’il le rachete, il le tiendra par hommage.

Clameur revocatoire, relevement, Lettres de restitution ou rescision, sont tous mots synoni-nes & qui signifient la même chose ; & le mot condition de rachat, veut dire faculté de remerer.

Si donc un contract de vente qu’un parager auroit fait de sa portion du Fief à un étranger, & qui avoit fait cesser le parage à cette portion de Fief, vient à être resolu ex antiquâ & primaevâ causa, volontairement ou forcement viâ lueris, comme par relevement ou Lettres de rescision, ou à faculté de remerer inserée au contract de vente, ou autrement, le vendeur en rentrant dans son héritage, le tiendra toûjours par parage comme il faisoit auparavant la vente, parce qu’on regarde la chose comme s’il n’y avoit point eu de vente, & comme Ii l’héritage n’avoit jamais sorti des mains du vendeur.

Mais il en seroit autrement si ce vendeur rachetoit lui-même numeratâ pecaniâ la portion du Fief, qu’il avoit venduë à un étranger ; en ce cas cet acque-reur, quoique parager, ne tiendroit plus sa portion de Fief par parage, mais par hommage comme auroit dit celui auquel il avoit originairement vendu sa portion de Fief, d’autant qu’il n’est plus censé par la qualité du contrat de vente, posseder cette portion du Fief comme parager, mais comme personne étrangere au lignage ; c’est une nouvelle vente faire par un acquereur étranger à fon propre vendeur, en voilâ assez pour faire cesser le parage nonobstant que ce nouvel acquereur fut lui-même parager.

Autre chose seroit si cette portion de Fief lui étoit revenuë à titre de donation ou à autre titre gratuit & de liberalité qui lui en auroit été faite par son acquereurs en ce cas cette portion du Fief reviendroit dans sa première Tenure de parage par la qualité du titre qui a rendi ce parager propriétaire & possesseur de la portion de Fief qu’il avoit venduë, qui est un titre de liberalité, & non de vente faite pretio & numeratà pecuniâ, qui même auroit donné lieu à la clameur, ou retrait lignager, mais non un titre de pure liberalité.


ARTICLE CXXXVII.

E N cas de division de Fief le droit de colombier doit demeurer à l’un des heritiers, sans que les autres le puissent avoir, encore que chacune part prenne titre & qualité de Fief avec les autres droits appartenans à Fief noble par la Coûtume : neanmoins si les paragers ont bâti un colombier en leur portion & joui d’icelui par quarante ans paisiblement, ils ne pourront être contraints de le démolir.

En cas de division de Fief le droit de colombier doit demeurer à l’un des heritiers, sans que les autres le puissent avoir, encore que chacune part prenne titre & qualité de Tief auec les autres droits appartenans à Fief noble par la Coûtume. suivant notre Coûtume c’est un premier principe que le droit de colombier est un droit purement feodal & Seigneurial, quand même le Fief sur lequel le colombier est bâti n’auroit point de Justice, D’où il faut tirer ces consequences, & qui sont autant de décisions. 16. Qu’un colombier ne peut être bâti sur un fonds ou héritage roturier, sans même qu’un particulier qui auroit bâti un colombier sur un héritage roturier, pût acquerir ce droit par préscription ; Art. 20. du Reglement de 1666. fût-elle centenaire & immemoriale. 26. Qu’un colombier ne peut être bâti sur un fonds ou héritage tenu en francalleu ou en bourgage ; Arrét du Parlement de Roüen du 24 May 1613. 30. Qu’il suffit d’avoir un Fief, pour pouvoir batir un colombier dessus, quand même le Fief ne seroit pas un Fief de Haubert ; de sorte que c’est une erreur de dire qu’un colombier ne peut être bâti que sur un Fief de Haubert ou autre Fief de dignité, la Coûtume n’exige point cette condition ; & si par cet Article dans de partage & la division d’un Fief entre filles, seules heritieres du défunt de la succession duquel il s’agit & de cujus bonis agitur, le droit de colombier doit demeurer à l’une des filles heritieres & coparrageantes, au lot de laquelle il sera échù, sans que les autres puissent avoir droit de colombier ; cela ne veut pas dire qu’un colombier ne puisse être bâti que sur un Fief de Haubert ou autre Fief de dignité, & qu’il n’y a que les Seigneurs de Fiefs de Haubert ou autre Fief de dignité, qui puissent avoir droit de colombier ; on a un Fief, on y peut batir un colombier, parce que ce droit est purement feodal, il n’y a que l’héritage roturier qui n’est point susceptible du droit de colombier.

Il faut donc tenir pour certain que lorsqu’un Fief est parragé & divisé entre filles, & dont les puisnées par ce partage & division tiennent leurs portions par parage de leur seur ainée sans hommage, le colombier ou le droit de colombier doit demeurer à l’une dés filles heritieres & repartageantes ; & ce sera celle au lot de laquelle le colombier ou droit de colombier sera tombé, à qui appartiendra le colombier ou le droit de colombier, sans que les autres puissent avoir droit de colombier, encore bien que chaque portion du Fief prenne le titre & la qualité du Fief avec tous les droits appartenans au Fief noble ; s’il en étoit autrement chaque parager en faisant un colombier sur la portion du Fief, multiplieroit les colombiers de manière que cela ruineroit les terres de tout un village, ce qui seroit contre l’utilité publique, ainsi il ne peut y avoir qu’un colombier sur un Fief parager ; tout ce que peuvent faire les paragers est de fe qualifier chacun de Seigneur en partie d’un tel Fief.

Le droit de colombier ne se perd point par la caducité ni par la démolition eu colombier, ni per non usum, il suffit pour conserver le droit de colombier, que les restes & vestiges du colombier paroissent ; un Seigneur est toûiours en droit de le faire réédifier & rebatir quand il le voudra ou qu’il le pourra.

Neanmoins si les paragers ont bâti un colombier en leur portion de Fief & joùi d’icelUi par quarante ans paisiblement, ils ne pourront être contraints i le démolir ; c’est-à-dire que si un parager ou tous les paragers, autre que celui auquel est échù le colombier ou le droit de colombier, avoit bâti un colombier sur sa portion de Fief, & qu’il en eût joui paisiblement pendant quarante ans, il ne pourroit pas être contraint par le parager au lot duquel étoit échù le colombier ou le droit de colombier, à le démolir ; mais il faut pour cela deux choses, l’une que le colombier soit réellement bâti, l’autre que le parageur qui l’a fait bâtir ou ses heritiers & ayans cause, ayent joui du colombier pendant quarante ans consecutifs, complets, publiquement, paisiblement & entre majeurs ; ces deux conditions doivent concourir ensemble ; car la simple construction du colombier, sans cette possession de quarante ans paisibles & complets, ne suffiroit pas.


ARTICLE CXXXVIII.

L’Héritage tenu en bourgage est exempt de payer Relief, Treiziéme & autres droits Seigneuriaux & coûtumiers, & n’est tenu le possesseur d’icelui que bailler simple déclaration, en laquelle il doit exprimer les rentes & redevances qui sont duës, s’il n’y a titre, convenant, ou possession suffisante au contraire.

La Tenure en bourgage est un héritage roturier, situé dans une Ville ou gros Bourg, qu’on tient sans directe ni mouvance feodale, soit du Roy ou d’autres Seigneurs fonciers ou censiers.

Le privilege de cette Tenure est un héritage de cette qualité & est exempt de payer droit de Relief, de Treizième & autres droits Seigneuriaux établis par la Coûtume, dans les cas où ces droits seroient dûs, & que le possesseur de cet heritage est seulement tenu d’en fournir déclaration au Roy ou au Seigneur, chacun en droit soi, contenant les rentes & redevances dont cet héritage peut être chargé.

Mais cette prérogative, qui est legale, peut n’avoir point lieu ou être ôtée & suprimée par quelque titre particulier ou convention à ce contraire, ou par une possession de quarante ans, contraire à cette prérogative & à cette exemption car on peut déroger & renoncer à un privilege qui nous est ac quis par la loy ou autrement.

Ainsi pour prouver & justifier qu’un héritage est en bourgage, c’est assez, outre la situation de cet héritage, de faire voir qu’on ne paye point de Relief, Treizième ni autres droits Seigneuriaux pour raison d’un héritage en bourgage ; car pour établir le contraire de la part du Seigneur direct, il faudroit qu’il justifiat & fit apparoir du contraire par quelque titre ou acte legitime, autentique & valable, ou par une possession de quarante ans pendant lesquels le possesseur de cet héritage auroit payé ces droits Seigneuriaux ; de sorte qu’un heritage en bourgage, non-obstant l’exemption portée par la Coûtume, peut être chargé & assujetti au droit de Relief, Treizième & autres droits Seigneuriaux par un titre particulier ou par une possession de quarante ans, qui est la possession que la Coûtume dans cet Article qualifie & appelle suffisante.

Le Privilege des héritages en bourgage ne rend pas ces héritages en franc-alleu ou allodiaux, parce que qu’encore bien que pour raison d’iceux on ne paye point de droits Seigneuriaux, néanmoins ils sont dans la Seigneurie & directe d’un Seigneur, & ils en sont mouvans & en relevent ; ce qui n’est point, & ce qu’on ne peut pas dire des héritages en franc : alleu ou allodiaux, lesquels ne reconnoissent point de mouvance ni de directe.

L’exemption accordée par la Coûtume aux héritages en bourgage, a eu pour objet d’exciter par là les peuples à batir & s’habituer dans les Villes & Bourgs de la Province.

ARTICLE.


ARTICLE CXXXIX.

P Ar aumône ou bienfait que fasse le vassal de son bien à l’Eglise, les droits du Seigneur ne sont en rien diminuez, soit en Justice, rentes, où autres devoirs

L’Eglise peut recevoir par aumone, bienfait & liberalité toutes sortes d’heritage, nobles, roturiers, en franc-aleu, en bourgages ou autres, ce qui fait que les gens de Main-morte peuvent posseder des immeubles de quelque qualité qu’ils soient, même par acquisition ; mais tout cela ne peut en rien diminuer par ce changement de proprietaire & de possesseur des droits du Seigneur suzerain, direct & immediat, soit Seigneur feodal, soit Seigneur censier, tant pour la mouvance & la directe, que pour la Justice ou Jurisdiction, rentes Seigneuriales, & autres droits Seigneuriaux ordinaires ou extraordinaires ; mais ils sont obligez de prendre des Lettres d’Amortissement du Roy, payer le droit d’Indemnité, & donner un homme vivant & mourant au Seigneur & en outre si ces gens de Main-morte étoient des Couvents, Monasteres ou Communautez tant Seculieres que Regulieres, soit d’Hommes ou de Filles, il leur faudroit non seulement des Lettres Patentes d’Etablissement, bien & dûëment enrégistrées, mais encore qui leur permettroient de recevoir à titre de donation entre vifs ou à cause de mort ou par Testament, s’il étoit question de don ou legs, autrement ils seroient incapables de recevoir ; mais quant aux Religieux Mandians, il sont incapables de toutes donations & legs.

La tenure par aumône se forme en deux manieres, l’une quand le Seigneur d’un fief donne à l’Eglise & à gens de Main morte par aumone, bienfait & puré liberalité des héritages, soit nobles ou roturiers, qui sont dans sa mouvance, directe ou censive, il est en ce cas présumé avoir tacitement consenti que ces héritages demeurent déchargez à l’avenir & à son égard des droits de Relief, Treizième, rente, redevances & tous autres droits Seigneuriaux, à moins que par l’Acte de donation il ne se soit reservé expressément & formellement les mêmes mouvances, rentes, redevances & droits feodaux, & qu’il n’ait stipulé que les choses seront & demeureront à cet égard comme auparavant ; l’autre est si l’Eglise ou autre Corps de Main morte, a possedé pendant quarante ans un heritage, noble ou roturier, qui avoit été donné & aumoné à l’Eglise & gens de Main-morte sans avoir fournis ni baillé homme vivant & mourant, ni p. ye le droit d’Indemnité au Seigneur suzerain ; car aprés ce temps-là le Seigneur ne seroit plus recevable à prétendre des rentes, redevances & autres droits Seigneuriaux ordinaires ou extraordinaires, ils en sont affranchis tant pour le passé que pour l’avenir par cette possession contraire, même de donner homme vivant & meutant ni Indemnite, ils ne doivent qu’une simple déclaration de ces héritages au Seigneur feodal, ou au Seigneur censier, suivant la nature & la qualité des biens.


ARTICLE CXL.

E N ce cas l’Eglise ou autre corps de Main-morte, à qui est le don ou aumône fait, doit en tout pourvoir à l’Indemnité du Seigneur, & lui bailler homme vivant, mourant & confiscant, pour faire & payer les droits & devoirs qui lui sont dûs.

Ici Eglise, Corps & gens de Main-morte, sont les Chapitres, Eglises, Monasteres, Colleges, Hopitaux, Fabriques & Communautez tant Seculieres que Regulieres, approuvées & autorisées par Lettres Patentes du Roy, bien & duëment enregistrées au Parlement, on les apppelle gens de Main-morte, parce qu’ils ne meurent jamais, & que c’est toujours le même corps par subrogation.

Pour pouvoir par l’Eglise & autre corps de gens de Main-morte posseder par aumone ou autrement des héritages nobles ou roturiers, étant dans la mouvance ou la censive d’un Seigneur, il faut aux termes de cette Article deux choses, l’une de payer le droit d’Indemnité au Seigneur feodale, ou censier, l’autre lui fournir, donner & bassier un homme vivant, mourant & confiscant en un mot de pourvoir à l’entière indemnité du Seigneur.

Mais ce n’est pas encore assez, il faut qu’ils obtiennent en outre des Lettres d’Amortissement du Roy en la grande Chancellerie, par lesquelles le Roy par grace speciale leur accorde la permission de posseder des terres & heritages nobles, ou roturiers dans son Royaume, soit à eux donnez & aumônez, ou par eux acquis à titre onereux moyennant une certaine finance, sans être tenus de mettre ces biens hors leurs mains ; car il n’y a que le Roy. qui puisse accorder des Lettres d’Amortissement ; il faut même qu’elles soient enregistrées au Parlement & en la Chambre des Comptes.

Les dons faits par le Roy aux gens de Main-morte n’ont pas besoin d’être suivis de Lettres d’Amortissement, non plus que les Eglises fondées par le Roy. & de fondation Royale ; parce que le Roy en faisant ces dons & aumônes, & en fondant lui-même des Eglises, est censé avoir donné la permission à ces sortes de gens de Main-morte de posseder les terres & héritages donnez ou aumônez, ou à titre de fondation, sans avoir besoin de plus ample permission, ni Lettres patentes d’Amortissement.

Il y a trois sortes d’Amortissemens que le Roy peut donner aux gens de Mainmorte.

Le premier est un Amortissement general accordé par le Roy à toute une Province ou à un Diocese, par lequel il amortit tous les biens & heritages, nobles ou roturiers, possedez ou à posseder par les gens de Main-morte de toute la Province ou de tout le Diocese, sans les specifier, ni les déclarer par le menu & en détail.

Le second est un Amortissement particulier, par lequel les héritages sont declarez par le menu & en détail, & accordé à un Corps particulier de gens de Main-morte.

Le troisième est un Amortissement mixte, qui n’est ni general ni particulier, mais qui comprend toutes les terres nobles ou roturieres, Seigneuries, Censives, Justices, cens, rentes & redevances Seigneuriales ou autres droits Seigneuriaux, ou autres droits réels & immobiliers appartenans à une Eglise, Monastere ou Communauté Ecclesiastique, Seculière ou Regulière.

Si les gens de Main-morte ont fait des acquisitions sans les avoir fait amortir, ils sont sujets aux droits de nouveaux Acquëts, sans qu’ils puissent prescrire le droit d’Amortissement contre le Roy ; aujourd’hui on fait payer ce droit au temps du Contrat ou acte d’acquisition, sans attendre les vingt ans du jour du Contrat ou acte, comme il se pratiquoit anciennement, & on oblige les gens de Main morte de prendre des Lettres d’Amortissement dés que le Receveur, Fermier ou Préposé du Roy a connoissance de la nouvelle acquisition ; de cette manière ils évitent la finance des nouveaux Acquêts dont on faisoit la recherche de temps en temps, & aprés de certaines années depuis la derniere recherche, qui étoit de vingt en vingt ans.

Les gens de Main-morte ne peuvent obliger le Roy de leur amortir leurs héritages, au lieu que les Seigneurs peuvent être contraints à recevoir leur Indemnité ou un homme vivant, mourant & confiscant.

Si les gens de Main-morre aprés avoir amorti un héritage, l’alienne, & par aprés l’acquierent de nouveau C ex nova causa, soit à titre gratuit ou à titre onereux, cette acquisition seroit sujette au droit d’Amortissement ; il faudroit dire le contraire s’ils rentroient en leur héritage ex antiqua tausa.

On appelle en cette matière nouveaux acquêts tous héritages, soit féodaux ou roturiers, ou droits immobiliers, comme rentes foncieres ou hypoteques, c’està-dire constituées à prix d’argent, qui appartiennent aux gens de Main-morte, & qu’ils n’ont point fait amortir.

L’Amortissement accordé par le Roy aux gens de Main-morte, ne les affranchit & ne les exempte point du droit d’Indemnité envers les Seigneurs. indemnité est un droit qui est dû aux Seigneurs feodaux ou censiers par forme de récompense, à cause de la diminution qui arrive en leurs droits & profits

Seigneuriaux, lorsque les terres & héritages feodaux ou roturiers, qui sont de leur mouvance ou censive, passent & tombent en la main de gens de Mainmorte par donation, legs, vente, échange, ou à autre titre d’acquisition, tel qu’il soit.

Toutes sortes de terres & héritages sont sujets au droit d’Indemnité, nobles roturieres, en bougage ou en franc-aleu ; parce qu’en certains cas il y a ouverture à des profits de fief, dont les Seigneurs se trouvent frustrez dés que ces biens tombent à des gens de Main-morte ; mais la Coûtume veut que les gens de Main-morre indemnisent les Seigneurs, ou bien qu’ils vuident leurs mains, & outre l’Indemnité qu’ils donnent aux Seigneurs un homme vivant, mourant & confiscant ; & apres cette Indemnité, & avoir obtenu des Lettres d’Amortissement, ils joüiront paisiblement de leurs terres & héritages.

En Normandie le droit d’indemnité se regle pour les fiefs au tiers deniers de l’acquisition, & au quart denier des rotures ; Article 21. du Reglement de 1686. mais par rapport aux héritages en bourgage ou en franc-aleu, comme les Seigneurs perdent & souffrent moins de diminution en leurs profits de fiefs, leur droit d’Indemnite doit être moindre ; & si par le Contrat & titre d’acquisition il n’y avoit point de prix, ou qu’il ne fût pas figé, il faudroit en venir à l’estimation pour liquider le droit d’Indemnité ; il y a une Déclaration du 21 Novembre 1724. qui fixe le droit d’indemnité pour les biens des gens de Mainmorte qui relevent du Roy, au cinquième de leur valeur quant aux fiefs, & à l’égard des rotures, au tiers. Art. 1. si le droit d’Indemnité n’est fixé par la Coutume ou usage du lieu ; Art. 2. de la même Déclaration.

Il ne seroit point du de droit d’indemnité au Seigneur duquel releve en arrierefief le fief acquis par gens de Main-morte, quoiqu’il soit réuni au fief servant, & qu’il ne fassent plus qu’un seul & même fief avec celui auquel il est réuni parce que le droit d’indemnité n’est du qu’au Seigneur immediat, & non au Seigneur mediat, sans que le Seigneur mediat pût les inquieter ni troubler, quand même le seigneur mediat auroit fait sa sir feodalement le fief du Seigneur immediat des héritages possedez par gens de Main-morte, faute de foy & hommage. aveu non fourni, & droits Seigneuriaux non payez.

Outre le droit d’Indemnité payé, les gens de Main-morte sont tenus de donner au Seigneur homme vivant, mourant & confiscant ; l’un sans l’autre n’est rien faire, il faut accomplir ces deux obligations, sans quoi les gens de Mainmorte pourront être contraints à mettre les héritages hors leurs mains.

L’obligation de bailler & donner par les gens de Main-morte homme vivent, maitrant & confiscas : au Seigneur, c’est nommer au Seigneur un homme laie, & non ecclesiastique, tel qu’ils jugeront à propos, lequel par sa mort naturel ou civile, fera ouverture au fief, & qui pendant sa vie fera tous les services & devoirs de vassal ou de censitaire, & payera les rentes, redevances & autres droits Seigneuriaux au Seigneur ; il y aura même ouverture au droit de garde commise ou reversion & confiscation.

Cependant quant à la commise & la confiscation, il ne paroit pas raisonnable ni juste de les ordonner pour le fait & le crime de l’homine donné au Seigneur, cer homme n’étant pas le véritable proprietaire du fief ou autres heritages, il ne l’est que par fiction, ce seroit chose dangereuse & trop preiudiciable à l’Eglise & aux gens de Main-morte, qu’un homme qu’ils ont donné à un Seigneur pour les terre senter par ferme de vassal, Et commettre & confisquer par son propre fait & crime leur bien & patrimoine à leur insu, sans leur participation & sans leur fait ; aussi est-il rare de voir de pareilles condamnations de commises & confiscations ; ainsi le mot de consiscant inseré dans cet Article, ne paroit pas d’une grande utilité pour les Seigneurs, d’autant plus que dans notre Coutume la confiscation de corps & de biens ne procede pas de la Justice annexée à un fief ; tous Seigneurs de fief s, soit qu’ils avent Iustice, ou non, annexée à leurs fiefs, profitent de la confiscation de biens, & de cette manière le mot de confistant ne pourroit s’appliquer qu’en saveur de Seigneur qui avoit une Justice annexée à son fief & à sa Seigneurie, ce qui n’est pas dans notre Coûtume.

Lorsque l’Indemnité a été payée, l’homme vivant & mourant est donné pour conserver la mouvance & la directe sur le fief relevant d’eux, & la directe foncière sur les héritages roturiers ; afin que si les gens de Main-morte venoient à vendre les fiefs & héritages, les Seigneurs fussent payez des droits de fiefs pour cette vente & alienation, & pour payer les droits Seigneuriaux dans les ouvertures de fief, qui donnent lieu aux droits Seigneuriaux.

L’héritage amorti qui sort des mains des Gens de, Main-morte, & qui revient en la main d’homme vivant, mourant & confiscant, n’est plus censé amorti, il retourne à sa premiere nature & qualité, & il est tenu & mouvant du Seigneur dans les droits & devoirs de vassal ou de censitaire, ainsi & de la manière qu’il étoit tenu & mouvant avant l’amortissement & l’indemnité ; en un mot, c’est tout comme si l’heritage n’avoit jamais été és mains des Gens de Main-morte.

Si le Seigneur avoit recû purément & simplement les Gens de Main-morte à la foy & hommage, ou s’il avoit reçû d’eux le droit de Treizième sans aucune reserve ni prestation, il ne pourroit plus les contraindre à mettre les héritages mouvans & relevans de son Fief hors leur mains ; mais s’il avoit seulement reçû les arrérages des rentes & redevances Seigneuriales, ce ne seroit pas là une fin de non récevoir contre sa demande en payement du droit d’indemnité.

Le Seigneur n’a qu’une action pour demander son droit d’indemnité aux Gens de Main-morte, il n’a pas la faculté de saisir feodalement ni autrement les héritages, par ce que les Gens de Main-morte ont l’option de payer le droit d’indemnité ou de mettre les héritages hors leurs mains ; il ne pourroit donc demander en ce cas la réünion des héritages à sa table, à moins qu’il n’y eût une opiniâtreté & une contumace affectée de leur part, de ne point mettre les héritages hors leurs mains ; il en pourroit même user en ce cas de saisie.

La jurisprudence est constante par les Arrêts du Parlement de Normandie, que les heritiers des personnes qui ont donné des Fiefs ou heritages roturiers à lEglise ou autres Gens de Main-morte par donation entre vifs, ou à cause de mort, ou par testament, ne sont point tenus de payer les droits d’Amortissement ni d’indemnité à la décharge de l’Eglise & Gens de Main-morte, donataires ou legataires : c’est une charge tacite de la donation ou du legs, en sorte que les heritiers sont en droit de leur dire cede aut solve ; Arrêts du Parlement de Roüen des S Decembre 1655, & 7 Juin 1660.

Les rentes hypoteques ou constituées, acquises par les Gens de Main-morte par donation ou legs, ou à titre onereux ou autrement, ne sont point sujetes aux droits d’indemnité.

Tous les droits & profits casuels, tant ordinaires qu’extraordinaires, s’éteignent par le payement du droit d’indemnité, à la reserve du droit de Garde, de Commise & de confiscation, encore ces deux dernieres casualites & aventures de Fief, auroient beaucoup de peine à réussir en la personne de l’homme vivant, mourant & confiscant, que les Gens de Main-morte auroient donné au Seigneur ; il ne seroit pas juste ( on le repete ) que les Gens de Main-morte perdissent leur fief & autres heritages par le fait d’autrui & d’un vassal fictif & imaginaire, mais à l’égard des rentes foncieres, redevances, corvées, services de Prévoté, banalité de moulin, four, taureau, verat, & autres charges réelles & Seigneuriales/w> , & dont l’écheance & les termes du payement sont fixes, certains & ordinaires, subsistent nonobstant le droit d’indemnité payé au Seigneur par les Gens de Main-morte, s’il n’y a eû par la quittance du payement de l’indemnité, convention au contraire ; Arrét du même Parlement du 14 Août 1659.

Les Gens de Main morte, en acquerant d’autres Gens de Main-morte, ne doivent pas moins le droit d’indemnité pour raison de cette acquisition, que s’ils avoient acquis les héritages d’autres personnes, parce que toute nouvelle requisition doit le droit d’indemnite.

L’an & jour par les Gens de Main-morte, pour mettre les heritages non amortis. & pour lesquels ils n’ont pas payé le droit d’indemnité, hors leurs mains, ne Coure pas du jour de l’acquisition, mais seulement du jour de la sommation, interpellation ou demande par écrit faite à la requête du Seigneur aux Gens de Main-morte.

Lorsque des terres & héritages viennent au Domaine du Roy par felonie, desaveu, confiscation ou autrement, le Roy doit suivant les Ordonnances les mettre hors ses mains dans l’an & jour de la casualité arrivée.


ARTICLE CXLI.

N Eanmoins si l’Eglise a possedé Fief ou heritage par quarante ans en exemption de bailler homme vivant, mourant & consistant, ou de pourvoir à l’indemnité du Seigneur, elle tiendra de là en avant le Fief ou heritage en pure aumône, & ne sera tenuë que bailler simple. déclaration au Seigneur.

Quoique le droit d’amortissement soit imprescriptible, néanmoins le droit d’indemnité & de bailler homme vivant, mourant & confiseant au Seigneur, est préscriptible par quarante ans ; de sorte que si le Seigneur a laisse passer quarante ans sans demander aux Gens de Mainmorte, acquereurs, le droit d’indemnité, & un homme vivant, mourant & confiscant, non seulement les Gens de Mainmorte seront pleinement déchargez de cette obligation, & ne pourront être contraints à mettre les héritages par eux acquis hors leurs mains, mais encore ils ne seront tenus qu’à faite la foy & hommage, le cas arrivant, & à fournir une simple déclaration des terres & héritages par eux possedez, & ils tiendront ces héritages en pure aumône, c’est-à-dire exempts des droits casuels & profits de Fief, ordinaires & extraordinaires, comme Relief, Treizième, Aides, de comparoir au Gageplege, & autres droits feodaux, Les quarante ans requis pour cette prescription commencent du jour de la possession actuelle & publique des cens de Mainmorte, du Fief ou autres héritages : une possesion secrete & clandestine ne suffiroit pas, parce qu’il seroit aisé aux Cens de Mainmorte de cacher leurs acquisitions, & par là priver un Seigneur de son droit d’indemnité & de celui de pouvoir demander un homme vivant, mourant & confiscant ; par la même raison il ne faut pas faire courir les quarante ans du jour du contract ou autre acte d’acquisition, d’au tant que le Seigneur pourroit n’en pas avoir de connoissance : ainsi ce n’est que du jour de la possession publique & connuë que la prescription commencera.

Si l’Eglise ou autre Corps de Gens de Mainmorte avoit donné, fourni & baillé un homme vivant, mourant & confiscant, & que depuis le décés de cet homme l’Eglise ou autre Corps de Mainmorte eût possedé un Fief ou des heritages rotutiers, publiquement & paisiblement pendant quarante ans sans avoir donné un nouvel homme au Seigneur, les quarante ans ne commenceroient que du jour du décës du dernier homme, nommé & fourni par l’Eglise ou autre Corps de Gens de Main morte.

C’extinction que les Gens de Mainmorte acquereroient par cette prescription de quarante ans, ne les affranchiroit pas de la prestation de foy & hommage, parce que ce devoir de vassal est imprescriptible & une suire necessaire de la mouvance, laquelle ne s’éteint pas par le temps ni par le payement de l’indemnité, c’est pourquoi les Gens de Mainmorte, aprés avoir payé le droit de l’indemnité, sont tenus de donner un homme vivant, mourant & confiscant pour representer le vassal, quant à la mouvance & à la directe.

Comme par les Ordonnances du Royaume les biens de Mainmorte ne peuvent posseder des terres & héritages sans la permission du Roy, le droit d’indemnité est imprescriptible à son égard comme le droit d’amortissement.

Le droit d’indemnité & se droit de demander homme vivant, mouvant & confiscant, sont deux droits qui peuvent se prescrire separement ; car si on avoit sa-tisfait à l’un, on pourroit s’affranchir de l’autre par la prescription de quarante ans, De cette préscription il ne faut pas conclure que le droit de Treizième est prescriptible, on se tromperoit dans la consequence ; ce droit est imprescriptible comme la mouvance & la directe ; mais quant au Treizième échù, il est préscriptible par quarante ans.


ARTICLE CXLII.

C Elui qui a fait don à l’Eglise de son héritage ; n’y peut reclamer autre chose que ce qu’il a expressément reservé : néanmoins s’il lui a fait don de patronnage sans reservation, les droits honoraires dûs aux Patrons, lui demeurent entiers & à ses hoirs ou ayans cause, au Fief ou glebe auquel étoit annexé ledit patronnage.

Celui qui a fait don à l’Eglise de son héritage, n’y peut reclamer autre chose que ce qu’il & expressement reservé.

Ces paroles veulent dire que si un propriétaire de Fief ou d’un héritage roturier en a fait don à l’Eglise ou autre Corps de Gens de Mainmorte, il n’a plus rien à prétendre sur ce Fief ou sur cet héritage roturier, ni mouvance, ni directe, ni censive, ni profits de Fief, ordinaires ou extraordinaires, ni rentes, ni redevances, ni corvées, ni autres droits Seigneuriaux ou roturiers, à moins qu’il n’eût fait quelque reserve par l’acte de don, & il n’aura que ce qu’il s’est reservé enpressement par l’acte de donation.

Néanmoins s’il lui a fait don de patronnage sans reservation, les droits honoraires dus aux patrons lui demeurent entiers & à ses hoirs ou ayans cause, au Fief ou glebe auquel étoit annexé ledit patronnage.

Cette partie de notre Article est une exception à la premiere partie ; cette exception veut dire : que quoiqu’un Seigneur, qui étoit patron d’un benefice, ait donné par aumone & pure liberalité le droit de patronnage à l’Eglise, les droits honorifiques de l’Eglise demeurent & appartiennent en entier au Seigneur qui a fait le don, ses heritiers ou ayans cause, au Fief ou glebe auquel étoit annexé le droit de patronnage ; de sorte que par ce don, aumone & liberalité les droits honorifiques ne sont point éteints ni consolidez à l’Eglise, ils appartiennent comme auparavant au Seigneur qui a fait le don à l’’Eglise, ses heritiers ou ayans cause, au Fief ou à la glebe auquel étoit annexé & attaché le droit de patronnage avant qu’il eût été aumoné ; & c’est ici le cas dans lequel on peut aliéner le droit de patronnage separement du Fief ou de la glebe auquel il étoit attaché, qui est le cas que le droit de patronnage soit aumone à l’Eglise ; mais d’un autre côté les droits honorifiques demeurent au patron qui a fait cette aumone, ses heritiers ou ayans cause au fief ou au Fonds auquel le droit de patronnage est annexé, sans qu’il soit necessaire de faire réserve des droits honorifiques par l’acte de don ou autre titre de liberalité, cette reserve est de droit sans clause, convention, ni stipulation ; & pour en priver le Patron, ses heritiers ou ayans cause, il faudroit une abdication & une renonciation formelle par un acte précis à ces droits ; la raison de cette Décision est que le Patron qui a remis, donné & aumoné son droit de patronnage à l’Eglise, n’est point censé s’être depouillé & avoir remis ce qui ne consistoit qu’en des témoignages d’honneur & de respect.

Les droits honorifiques dûs aux Patrons sont réels & attachez au Fief ou à la glebe auquel le patronnage est annexé, & même ces droits honorifiques demeurent attachez au Fief ou a la glebe, auquel il étoit annexé, depuis l’aumone faite du droit de patronnage à l’Eglise.

Les droits honorifiques dus aux Patrons sont : la recommendation nominale. aux prieres du Trone de l’Eglise paroissiale ou prieres publiques, la présceance dans l’Eglise & les Processions, l’encens, le pain béni, l’eau benite, la sepulture, les livres ou ceintures funebres à l’entour des Eglises, banc dans le choeur & autres droits de cette qualité.

L’acquereur du Fief ou de la glebe à laquelle étoit annexé le droit de patronnage avant que le droit de patronnage eût été donné & aumoné à l’Eglise, jouit seul des droits honorifiques dus aux Patrons au préjudice des heritiers de celui qui a donné & aumoné le droit de patronnage à l’Eglise.

Si le droit de patronnage & le Fief ou la glebe à laquelle le droit de patronnage est annexé, sont donnez & aumonez conjointement à l’Eglise, les heritiers du Patron qui a fait ce don & cette aumone, auront les droits honorifiques ; Arrêt du Parlement de Normandie du mois de Mars 1662 ; mais s’il n’y a eû que le droit de patronnage aumoné, les droits honorifiques appartiendront à quiconque possedera le Fief ou le fonds auquel le droit de patronnage étoit annexé, soit les héritages du Patron, soit un étranger de la famille ; car il n’est pas necessaire d’être heritier du Patron pour avoir les droits honorifiques, il suffit d’être possesseur du Fief ou de la glebe à laquelle le droit de patronnage étoit attaché, mais faut-il toujours posseder ce Fief & cette glebe, sans quoi point de droits honorifiques à cet égard. Dans la Province de Normandie les droits honorifiques sont dus aux seuls fondateurs de l’Eglise, ou qui l’ont fait batir ou qui l’ont dotée, leurs heritiers & ayans cause au Fief ou fonds auquel le patronnage est annexé, & non aux Seigneurs justiciers, même hauts Justiciers, quand même l’Eglise seroit bâtie & située dans l’etenduë de leur Justice.

Les engagistes du domaine du Roy joüissent des droits honorifiques des patronnages donnés & aumonés à l’Eglise, comme possesseurs par engagement du Fief ou glebe à laquelle le droit de patronnage étoit annexé avant le don & l’aumone ; Arrét du même Parlement du ro Decembre 1657.

Quoique le droit de patronnage & les droits honorifiques du patronnage ne puissent être cédés par un particulier, sans en même-temps céder & le Fief ou le fonds auquel le droit de patronnage est annexé, néanmoins le Roy peut conceder & donner les droits honorifiques de Patron dans une Eglise dont il est Patron à qui il veut, separement de la glebe, : laquelle le droit de patronnage est annexé, Arrêts du même Parlement des 16 Fevrier 1656, & premier Iuin 1681.

L’acquereur a faculté de remerer du Fiel ou fonds, auquel le droit de patronnage étoit annexé avant le don fait à l’Eglise du droit de patronnage, joüit des droits honorifiques des Patrons ; mais un simple possesseur par antichrese n’auroit pas cette prérogative.

Une doüairiere ou autre usufruitier du Fief ou de la glebe à laquelle étoit annexé le droit de patronnage, jouit pareillement des droits honorifiques de Patron, nonobstant que le droit de patronnage eût été aumoné à l’Eglise avant le doüaire ou autre usufruit ouvert.

Le preneur à Fieffe ou à Bail à rente d’un Fief ou fonds avec le droit de patronnage, y annexé, lequel Fief ou fonds a été donné & aumôné à l’Eglise avec le droit de patronnage, depuis donné par le Corps de Gens de Main-morte à titre de Fieffe ou Bail à rente, joüir des droits honorifiques des Patrons ; Arrêt du même Parlement du 6 Fevrier 1622 ; mais si le Corps de Gens de Main-morte en baillant le Fief ou fonds à ce titre d’aliénation, même à titre de vente, retient & reserve le patronnage, les droits honorifiques ne passeront point à cet acquereur, ils resteront au Corps de sens de Main-morte qui a aliéné le Fief ou fonds auquel le droit de patronnage étoit annexé., Si un Fief aumoné à l’Eglise avec le droit de patronnage est depuis aliéné par un Corps de siens de Main-morte, & retombe és mains d’une personne laique, en ce cas le droit de patronnage reprend sa qualité de patronnage laique.

Dans le cas du patronnage aumone à l’Eglise, les droits Honorifiques appartiennent au possesseur de la portion du Fief dans laquelle l’Eglise est bâtie, quoi-que cette portion de Fief soit la portion des puisnés, & ce à l’exclusion du possesseur de la portion de l’ainé ; Arrêt du même Parlement du 17 Iuillet 1. 52.

Le possesseur du Fief dominant, situé en la Paroisse où l’Eglise est située, & dont le droit de patronnage a été aumoné, joüit des droits honorifiques de Patron privativement & à exclusion du simple Seigneur de Fief servant ; Arrét du même Parlement du 25 Juillet 1657.

Il y a de certaines Cures qui se divisent en deux portions dans une même Eglise, qui sont remplies par deux differens Titulaires & Curés, & dont les Patrons sont différens ; mais quant aux droits honorifiques, le Patron de la premie re portion aura la premiere prérogative comme de choisir côté du choeur & chancel qu’il voudra, pour y placer son banc & y faire sa sepulture, & le Patron de seconde portion aura l’autre côté ; Arrêt du même Parlement du quatrième Juin 1604.

Les droits honorifiques ne sont pas pour le Patron seul, ni pour sa personne seule, ils appartiennent aussi à sa femme & à ses enfans ; quant à la femme, elle précedera toutes les Dames & Demoiselles de la Paroisse, & les enfans précederont tous les gentils-hommes de la Paroisse, soit d’épée, soit de robe ; Arrét du même Parlement du 24 Mars 1665.

Le Patron honoraire a sa place dans le choeur du côté de l’Evangile pour lui & pour la famille ; Arrêt du même Parlement du 4 Fevrier 1658.

Le Patron Ecclesiastique ne peut disposer ni conceder les droits honorifiques au préjudice du Patron honoraire, posesseur du Fief ou Glebe à laquelle le droit de patronnage etoit annexé avant qu’il eût été aumoné & donné par le Patron laie à l’Eglise & Gens de Main-morte, qui par là sont devenus Patrons Ecclesiastiques du benéfice.

Les droits honorifiques ne se multiplient point par la division du Fief auquel étoit annexé le droit de patronnage par exemple par la division du Fief entre filles, seules heritieres au défunt ; de sorte que les puisnées où leurs representans qui tiennent leurs portions du Fief en parage, ne participent aux droits honorifiques qu’autant que dure le parage, apres quoi il n’y aura que les possesseurs de la portion ce l’ainée dans le Fief, qui auront seuls les droits honorifiques de Patron ; Arret du même Parlement du 22 Fevrier 1618.

Pour pouvoir joüir des droits honorifiques en qualité de Patron honoraire, il faut avoir la preuve que l’on possede le Fief ou fonds auquel le droit de patronnage. n été annexé avant l’aumone du droit de patronnage à l’Eglise ; Arrét du même Parlement du 13 M. y 1624. Car il ne suffiroit pas de posseder un simple Fief dans la Paroisse, auquel le droit de patronnage n’a jamais été annexé : c’est le seul possesseur de la Glebe, à laquelle le droit de patronnage étoit annexé arent qu’il eur été aumoné, à qui les droits honorifiques appartiennent, & nul autre que lui ne peut les pretendre, quand même il seroit Gentil-homme ou personne de Judicature.

Lorsqu’il y a plusieurs Gentils-hommes dans une Paroisse, on donne la presence au plus âgé, à la réserve de celui à qui appartiendroient les droits honorifiques, comme possesse du fonds auquel le droit de patronnage étoit annexé avant qu’il eût été aumoné & donné à l’Eglise, quand même ce possesseur ne seroit pas Gentil-homme, parce que les droits honorifiques sont réels & non personnels.

a l’égard des Officiers de judicature, les Gentils hommes précédent les Officiers Royaux non nobles ; mis si les Officiers Royaux font nobles, la préseance appartiendra au plus âgé des Gentils hommes, soit d’epée, soit ce robe, à l’exception toutefois du Iuge en chef, noble, comme un Lieutenant General, dé condition noble, lequel précédera le Gentilhomme, quoique plus âge, dans les Ceremonies publiques de l’Eglise qui sera dans l’etenduë de la jurisdiction de ce Magistrat ; Arrêts du même Parlement des 4 Avril 1659. & 19 Mars 1660.

Le fils du frère ainé & les fils du second frere précédent leur oncle ; Arrét du même Parlement du 23 Mars 1610.

Les femmes ne doivent point précéder les hommes aux Processions, encore bien que les droits honorifiques dans l’Eglise leur appartint, & que les hommes fussent leurs vassaux, même roturiers ; Arrét du même Parlement du 1 Fevrier 633, Nul, à la réserve du Patron, soit en titre ou honoraire, ne peut avoir de banc dans l’Eglise sans la permission & concession des Tresoriers ou Marguilliers de la Fabrique de la Paroisse, & la place du banc du Patron est dans le choeur du côté de l’Evangile.

La concession des bancs dans les Eglises n’est pas hereditaire, au contraire les heritiers de ceux à qui la concession avoit été faite, n’y peuvent être conservés que moyennant une reconnoissance ou liberalité qu’ils font d’une certaine sommE, mais modique, au Trésor ou Fabrique de l’Eglise, & faute de ce ou à leur re-fus, il est permis de concéder le banc à un autre paroissien qui fera la condition de l’Eglise la meilleure.

Celui qui a un banc ou droit de banc pour lui & les siens, ne le perd point pour changer de Paroisse, pourvû que ce changement sur par necessité & avec un esprit de retour, & que ce ne fût pas pour longues ann2es ; cela dépendroit des circonstances stances du fait ; l’usage à Paris est contraire : si cependant par une convention expresse & faite dans toutes les formes on avoit, moyennant une certaine redevance annuelle à l’Eglise ou autrement, attaché une concession de banc à une maison de la Paroisse, le proprietaire de la maison non seulement joüiroit du banc tant qu’il demeureroit dans cette maison, mais encore l’usufruitier & le loc ataire principal de la maison, si le propriétaire avoit changé de Paroisse ; parce que dans ce cas la concession de bane seroit réelle.

Le Gentil-homme doit avoir son banc dans la place la plus honorable de la nef au préjudice d’un habitant roturier.

Les Commencaux de la Maison du Roy, quoique non Gentils hommes, précédent les Officiers de Judicature Royaux & subalternes non nobles, aux Pro-cessions & autres cérémonies publiques en fait d’Eglise.

On peut former complainte pour raison du trouble fait dans la possession d’un banc ; la connoissance appartiendra même au Juge laic & non au Juge d’Eglise.

Les droits honorifiques ne sont point cessibles, ils sont personnels & attachez à la personne du Patron, tant celui qui est en titre, c’est-à-dire qui est possesseur du Fief auquel le droit de patronnage est annexé, que celui qui est honoraire, ou duquel le droit de patronnage a été aumoné à l’Eglise ; Arrêt du même Parlement du 14 Avril 1677.

Pour faire la concession d’un banc, elle doit être faite dans l’assemblée des Trésoriers ou Marguilliers, & du Curé ; il n’est point necessaire d’y convoquer les habitans, mais il est bon de faire pubiier au Trone de l’Eglise paroissiale ou à lissué de la Grande Messe ou de Vespres qu’un bane est à conceder, afin qu’un chacun en ait connoissance & se presente pour avoir la concession du banc ; & par là l’Eglise trouvera son avantage.

Sur la manière de donner l’Encens, l’Eau-benite & le Pain-beni aux Patrons, il faut suivre la coûtume du Dioce se ou des Lieux, sans vouloir faire de novations, soit de la part des Patrons, soit du côté des Curés ; il faut dire la même chose sur ce cérémonial à l’égard des Seigneurs Hauts-Justiciers, Seigneurs de Fiefs particuliers & Gentils hommes.


ARTICLE CXLIII.

T Out homme condamné à mort par Justice, banni du Royaume, ou condamné aux Galeres à perpétuité, confisque le Fief & son heritage au profit de son Seigneur aux charges de droit, qui sont payer les rentes Seigneuriales, foncieres & hypotheques, même les dettes mobiliaires, discussion faite préalablement des meubles.

Tout homme condamné à mort par Justice, banni du Royaume, oi condamné aux Galeres à perpetuité, confisque le Fief & son héritage au prosit de son seigneur.

C’est un premier principe dans nôtre Coûtume, que qui confisque le corps. confisque les biens routes les fois qu’il y a confiscation de corps, c’est-à-dire que la confiscation de corps emporte de plein droit la confiscation de biens c’est pour cette raison que quiconque est condamné par la Justice à la mort naturelle ou à la mort civile, qui est le bannissement perpetuel, & les galeres à perpétuité, confisque tous ses biens, meubles & immeubles, nobles ou roturiers, au profit du Roy ou des Seigneurs de Fiefs, chacun en droit sal.

Le Roi Iean octroya aux peuples d’Aquitaine, de n’être point sujets à la confiscation si ce n’étoit pour crime de leze-Majesté divine ou humaine ; ce qui a encore aujourd’hui lieu dans toutes les Provinces qui se regissent par le Droit écrit ; nous avons plusieurs Coûtumes qui en usent de même, comme Bretagne, le Maine, Anjou & autres ; mais il en est autrement dans nôtre Coûtume, la confiscation de biens y a lieu lorsqu’il y a confiscation de corps par le Jugement.

Il n’y a point de confiscation, sans un jugement de condamnation à la peine qui emporte la confiscation de biens ; mais nonobstant que la confiscation fut obmise dans le dispositif du Jugement, elie ne seroit pas moins acquise au Roy ou aux Seigneurs, parce qu’elle est ordonnée par la Coûtume, & que le Jugement ne fait que la declarer acquise aux Seigneurs.

Tout Juge, tant Royal que de Seigneur, qui a le pouvoir de condamner à la mort naturelle ou à la mort civile, telle qu’est la condamnation au bannissemert perpetuel ou aux galeres à perpetuité, peut ordonner la confiscation des biens uu condamné, pourvû que ce soit un Juge residant dans le Royaume ; car un jugement de condamnation de mort naturelle ou civile, rendu par un juge d’un Prince étranger contre un François, sujet du Roy, pour un crime commis dans les Etats du Prince étranger, n’emporteroit point de confiscation des biens situez en France, les biens du condamné appartiendroient à ses heritiers, qui seroient actuellement regnicoles, comme s’il n’y avoit point eu de condamnation, & les heritiers les partageront entre eux suivant la Coûtume qui les regit, parce que les jugement rendus par des Juges de Princes étrangers, n’ont point d’execution En France.

Les condamnations à la mort en fait de guerre, n’emportent point de confiscation de biens, nion plus que les condamnations à garder prison perpe-tuelle.

Le Iuge Haut-Justicier peut condamner au bannissement perpétuel & hors du Royaume ; Arrét du Parlement de Roüen du 21 Decembre 1632 ; il pourroit méme condamner aux galeres.

Le bannissement à temps hors l’etenduë d’un Bailliage, ou d’une Vicomté, ou d’une Justice de Seigneur, ou hors la Province, ou hors le ressort du Parlement, n’emporte point de confiscation de biens, non plus que les galeres à temps ; il faut que la condamnation au bannissement ou aux galeres soit a perpetuité, parce qu’il n’y a que cette condamnation qui emporte mort civile, dont l’effet produit la confiscation de biens comme la mort naturelle.

Par une condamnation de mort naturelle ou civile, renduë dans une Province où la confiscation de biens n’a point lieu, les biens situez dans une Province où la confiscation de biens est prononcée par la Loi ou la Coûtume du Pays, comme en Normandie, ne sont point confisquez : de la même manière que la confiscation adjugée dans une Province où la confiscation a lieu, ne peut s’étendre sur les biens situez dans une Province où par la Loi ou la Coûtume elle n’a point lieu.

La confiscation de biens d’un condamné par Sentence à mort naturelle ou civile, qui decéderoit pendant l’appel de cette Sentence, ou avant l’execution de l’Arrét confirmatif de la sentence, n’auroit aucun effet ; Arrét du même Parlement du 10 Fevrier 1632.

Le crime se prescrit par vingt ans, même la Sentence par contumace non executée ; mais si la Sentence ou autre Jugement a été executée par effigie, le crime, la peine & les condamnations, tant afflictives que pecuniaires, ne pourroient le préscrire que par trente ans ; & à l’égard de l’execution du Decret de prise de corps par emprisonnement de l’accusé, elle n’interromproit point la préscription de vingt ans qui est la préscription du crime, si on n’avoit point fait de poursuites pendant vingt années depuis que l’accusé seroit sorti des prisons, par Evasion ou autrement ; Arrêt du même Parlement du 8 n 1660.

Les biens donnez par un pere à son fils en avancement de succession, ne tombent point dans la confiscation des biens du fils prononcée contre lui pour son propre crime, parce que ces biens ne sont point censez appartenir incommurablement au fils ; il seroit même permis à un pere ou autre, voyant que son fils ou sun heritier est accusé & prévenu de crime qui emporteroit la confiscation de biens par la condamnation de mort naturelle ou civile, de disposer de ses propres biens par donation, aliénation ou autrement, en faveur de toute autre personne, sans que cette disposition ou aliénation pût être attaquée & combattuë par le confiscataire, comme faite en fraude de la confiscation ; Arrêt du même Parlement du y Mars 1608.

Le Roy peut, par sa plenitude de puissance & autorité Royale, remettre la peine & la confiscation de biens au préjudice des Seigneurs de fief, par quelque

Sentence, Jugement ou Arrét que la condamnation de mort naturelle ou civile soit portée, & le Jugement de condamnation, quand bien même il auroit été prononcé au condamne, pourvû toutes fois que la condamnation n’eût point été executée réellement, & que le Seigneur confiscataire n’eût point disposé des biens confisquez ; Arrét du même Parlement du 26 Mars 1626.

Les Lettres de Rappel de bannissement ou de Galeres à temps, ne sont presque point connuës ni reçûës dans l’etenduë du Parlement de Normandie, l’im-petrant de pareilles Lettres auroit beaucoup de peine à les faire enteriner & enregistrer ; aussi l’obtention de ces sortes de Lettres est tres-abusive.

Un bannissement à temps ne priveroit point un Curé de la Cure, ni autre Beneficier de son Benefice ; Arrét du même Parlement du 26 Mars 1604.

Le Seigneur confiscataire joüiroit de l’usufruit qui appartiendroit à un condamné au Bannissement ou aux Galeres à perpetuité, jusqu’à ce que le condamné fût mort.

Les Juges d’Eglise ne peuvent ordonner aucune confiscation de biens, parce qu’ils ne peuvent donner aucun Jugement de mort ni de peines afflictives, pas même au Blême, Foüet, Bannissement ou les Galeres à temps ; Arrêt du même Parlement du 14 Novembre 1539.

Aprés un crime capital commis, le coupable ne peut plus vendre, aliener, donner, lequel & disposer de ses biens, soit à titre gratuit, ou à titre onereux, & cette prohibition quiest pour ainsi dire légale, commence à die crimi-nis Commissi, elle est pour ainsi dire née avec le crime ; mais à l’égard des crimes & délits le gers, le coupable est seulement interdit de disposer de ses biens à titre gra : uit & de la liberalité, à die commissi criminis & delicti, comme par donAtion ou TestAment, & non à titre onereux, comme pour vente, échange & autres Contrats d’alienation de cette qualité, pourvû neanmoins qu’il n’y ait point de collusion entre le vendeur & l’acquereur, & que l’acquereur n’eût pas une parfaire connoissance du crime ou delit du vendeur avant la vente ; tout cela dépend des circonstances particulieres du fait ; cette même maxime doit servir de regle au confiscataire pour sçavoir quelles dispositions, que le coupable feroit depuis son crime commis, pourroient être opposées au confiscataire.

Quoiqu’en Normandie les substitutions soient non seulement inconnuës, mais encore qu’elles n’y ayent point lieu l Article 54. du Reglement de 1666, neanmoins il serait permis de faire des deffenses par une espece de substitution, d’aliener & hypotequer les biens que la Coûtume permet de donner, une telle condition apposée à la donation seroit permise ; & dans ce cas les biens donnez à cette condition & sous cette condition expresse, ne tomberoient point dans la confiscation des biens de ce donataire condamné.

La Jurisprudence est certaine en Normandie, que les biens confisquez appartiennent aux Seigneurs de Fief dens la mouvance desquels ou dans la directe ou cencive de squels sont situez les biens confisquez nobles ou roturiers, sans distinction s’ils sont Seigneurs, Bac, Moyens ou Hauts Justiciers ; car dans nôtre Coutume la confiscation est regardée comme un profit de fief, & non comme un profit de la, Iustice Seigneuriale, Tous les biens du condamné tombent dans la confiscation, meubles & immeubles, nobles, roturiers, propres ou acquêts, Offices, rentes, effets mobilier, billets, promesses ou obligations, & tous autres biens tels qu’ils soient, & de quelque nature qu’ils soient ; il faut dire la même chose des biens en bourgage & en franc-aleu, parce que nonobstant que ces biens soient exempts des droits de fief, néanmoins ils sont dans une mouvance & une directe ; ce qui suffit dans nôtre Coûtume, suivant laquelle la consiscation de biens appartient aux Seigneurs de sie l’in uim de la directe & de la mouvance, & non in uim de la Justice qui se trouver ait annexée au fief ; car quand même le fief n’auroit point de Justice. la confiscation de biens ne seroit pas moins acquise au Seigneur du fief dans la mouvance ou directe duquel seroient les terres & héritages consifquez ; & chaque Seigneur de fief prend pour ce qui est de sa mouvance ou directe, même les rentes foncieres ou hypoteques, meubles meublans & autres effets qui se trouvent dans l’etenduë de son fief, quand même le condamné n’y auroit pas eu son véritable domicile, de manière que les enfans d’un condamné n’ont aucune légitime à demander sur les biens consisquez.

La confiscation des biens des Ecclesiastiques Seculiers appartiennent aux Seigneurs de fief, & non aux Evéques Diocesains des Ecclesiastiques, soit meubles ou immeubles.

La confiscation appartient au Seigneur dominant & immediat du fief, & qui l’étoit au semps du crime commis, & non à celui qui l’étoit au temps de la condamnation ; parce que le Jugement de condamnation qui adjuge la confiscation, ne fait dans les grands crimes, & tels que ceux qui meritent la mort naturelle ou la mort civile, que déclarer le droit acquis par le crime in oim consueJudivis.

On ne peut demander la confiscation de biens, qui appartiendroit au Roy ou aux autres Seigneurs, qu’aprés le Jugement de condamnation, à peine de nullité du don ; & si la condamnation est par contumace, la confiscation de biens ne pourra être demandée au Roy & aux Seigneurs de fief qu’aprés les cinq ans du jour du Jugement de la condamnation, sans même que les Receveurs du Domaine du Roy ou des Seigneur s pussent se mettre en joüissance des biens confisquez qu’aprés les cinq années ; Art. 30. & 31. du Titre 17. de :’Ordonnance de 1670.

Le premier d’entre plusieurs donataires du Roy, des biens confisquez comme de tout autre don, est préferable aux autres donataires, pourvû que son Brevet de don ait été vérifié & régistré dans les six mois du jour de l’obtention, verbo enim fit gratiae.

Un mari ne peut confisquer le bien de sa femme, ni la femme le bien de son mary, ni la doüairiere ou autre usufruitier le fonds & la proprieté du bien dont l’un & l’autre ne joüissent que par usufruit ; l’usufruitier du fief dominant telle que seroit la doüairiere, n’auroit pas même l’usufruit des héritages qui seroient réunis au fief par la confiscation, parce que cette réunion se fait ex nobà causa, qui n’a rien de commun avec l’ancien usufruit ; cette doüairiere pourroit encore moins prétendre quelque chose dans les autres immeubles ou meubles qui reviendroient par la confiscation au Seigneur du fief, duquel cette même doüairiere joüiroit par usufruit.

La mort d’un condamné par contumace dans les cinq ans de sa condamnation, fait tomber les condamnations tant corporelles que pecuniaire, & même la representation de l’accusé qui se met en état & en prison dans les cinq ans produit le même effet.

Aux char ges de droit, qui sont payer les rentes Seigneuriales, foncieres & HypoTeques, le tout pro modo emolumenti, & non au de-là de la valeur des biens dont ils profitent, ni solidairement lorsqu’il y a plusieurs Seigneurs confiscataires ; car ils ne sont point heritiers du défunt, & ils n’ont point les biens à titre uniVersel, mais à titre singulier : mais quant aux creanciers, ils peuvent agir hypotecairement contre chaque Seigneur & sur chacune pièce de terre & d’héritage ou autre immeuble dont il est détempteur, & qui appartenoit au debiteur avent la confiscation, sauf son recours contre les autres Seigneurs confiscataires comme lui : cependant quant aux meubles, il seroit prudent au Seigneur confiscataire d’en faire faire repertoire, c’est-à-dire inventaire, ou du moins un état, pour en constater la quantité, la qualité & la valeur ; par ce moyen un Seigneur confiscataire ou son ayant cause, sera à couvert des poursuites des creanciers d’un condamné, si aucuns se trouvoient par la suite.

Le Seigneur confiscataire peut quand bon lui semble quitter, délaisser & abandonner les biens qui lui sont venus par confiscation, en payant les arrerages des rentes & autres charges annuelles échuës pendant sa joüissance, encore qu’ils excedent le revenû ; mais il n’est pas tenu personnellement de payer les dettes mobiliaires qui étoient dûës par fon vassal, censitaire & tenancier lorsqu’il est entré en joüissance, sauf aux creanciers à se pourvoir sur les biens abandonnez par le Seigneur suivant leur privilege & hypoteques. Art. 22. 23. & 24 du Reglement de 1686.

La femme du condamné doit être payée sur les biens confisquez, de sa dot, reprises & autres conventions matrimoniales generalement quelconques suivant ses privilege & hypoteque, elle prend même la moitié des héritages situez en bourgage à titre de communauté, nonobstant la confiscation des biens de son mari d’autant que la confiscation des biens de son mari ne donne point atteinte à la, societé ou communauté pour la moitié qui appartient à la femme au jour de la condamnation du mari, dans ces sortes de biens où elle a moitié par la Coutume ; si cependant elle étoit separée de biens d’avec son mari au jour de la condamnation de son mari, elle ne pourroit pretendre sur tous les biens confisquez que ses conventions matrimoniales, comme sa dot, reprises & doüaire, & non la moitiè des biens qui auroient été acquis en bourgage pendant le mariage.

Les enfans prennent pareillement leur tiers coutumier sur les héritages & immeubles confisquez, avant que le Seigneur confiscataire puisse rien prétendre sur les héritages & immeubles sujets au tiers coutumier, qui est le tiers de tous les héritages & immeubles, de quelques nature qu’ils soient, nobles, roturiers, en bourgage ou en franc-aleu, & tous autres immeubles dont le mari étoit saisi au jour de son mariage qui lui sont échus en ligne directe pendant son mariage ; la mère de ces enfans doit pareillement joüir de ce tiers de biens pour son doüaire pendant sa vie, & la proprieté réservée aux enfans qui se tiendront à leur tiers coutumier, sans que la confiscation des biens du pere puisse nuire ni préjudicier au droit de la mère doüairiere, & au droit des enfans pour leur tiers coûtumier, sur les biens sujets au doüaire & au tiers coutumier, qui sont les mêmes biens pour l’un & pour l’autre ; mais si le pere, dont les biens ont été confisquez, avoit constitué un doüaire préfix, ce doüaire se prendroit sur tous les biens du condamné, meubles ou immeubles, acquets ou-propres, avant que le Seigneur confiscataire pût rien avoir sur les biens du condamné.

Les interéts civils adjugez à une femme ou à des enfans pour assassinat commis en la personne de son mari & de leur pere, doivent être pris sur les biens confisquez avant que le Seigneur confiscataire y puisse rien prétendre, aprés toutefois discussion faites des meubles & effets mobiliers du condamné, qui sont prenables de cette dette, comme étant une dette mobiliaire ; mais s’il ne sont suffisans, la veuve ou les enfans sont en droit de se pourvoir sur les heritages & immeubles.

Il faut ici remarquer en passant, que des interéts civils de cette qualité ne peuvent être saisis ni par les créanciers du mari, ni par les créanciers de la femme ou des enfans, sauf à eux à se pourvoir sur leurs autres biens, s’il y en a, parce que ces interets civils sont comme le prix du sang du mari & du pere ; Arrét du même Parlement du 10. Janvier 1651.

Même les dettes mobiliaires, discussion faire préalablement des meubles.

Comme par nôtre Coûtume les dettes mobiliaires se prennent sur les meubles & effets mobiliers, indéfiniment & sans qu’on puisse profiter d’aucune chose meubles & effets mobiliers, que les dettes mobiliaires d’un defunt n’ayent été payées, & que les immeubles ne sont sujets aux de ttes mobiliaires que les meubles & effets mobiliers n’ayent été discutez & épuisez, il s’enfuit que les terres, héritages, & autres immeubles qui tombent dans la confiscation, ne sont prenables pour raison des dettes mobiliaires que an subsidium, & aprés que par la discussion des meubles & effets mobiliers il paroitra évidemment que les meubles & effets mobiliers ne suffisent pas pour payer les dettes mobiliaires.

Par Arrét du Parlement de Paris du 27. Juillet 1626. il a été jugé dans une affaire de Normandie, qu’un condamné par contumace, depuis mise au néant, par sa representation dans les prisons, & enfin condamné au dernier supplice par Arrét, avoit été incapable des successions à lui échûës pendant la condamnation par contumace ; cet Arrêt est rapporté parBardet , dans son Recueil d’Arrêts, Livre 2. Chap. 90.


ARTICLE CXLIV.

A U Roy seul appartient les confiscations des condamnez pour crime de Leze-Majesté, encore que leurs heritages ne soient im-mediatement tenus de lui.

Il y a deux crimes de Leze-Majesté divine, & le crime de Leze-Majesté humaine.

Le crime de Leze-Majesté divine est par rapport à Dieu & à Sa Majesté divine, comme de proferer des blasphêmes & des injures attroces contre Dieu & ses Saints, attenter à la gloire de la Divinité par des écrits impies, faire & dire publiquement des impietez contre Dieu, ses Saints & la Religion, diffamer la pureté des Saints, critiquer & scandaliser ouvertement & de dessein prêmedité l’Eglise, & autres crimes de Religion de cette qualité, comme magie, sortilege, héresie, & schisme.

Ces crimes sont capitaux, & la connoissance en appartient au Juge Royal laic, & non au Juge d’Eglise, quoique ce soit crimes de Leze Majesté divine.

Le crime de Leze-Majesté humaine est par rapport au Roy, tant au premier chef qu’au second chesf crime de Leze-Majesté humaine au premier chef est de vouloir attenter, ou attenter réellement à la propre personne du Roy, à sa vie, à son honneur, à sa gloire, ou à son Royaume, ou pour fait de trahison, intelligence avec les ennemis de l’Etat, leur fournir de secours, armes, munitions ou autres choses pendant la Guerre, rebellion avec port d’Armes contre le Roy, servir chez les Ennemis, & autres faits de cette nature, qu’on ne peut pas aisément exprimer, parce qu’il n’est pas à présumer qu’ils y air des Sujets assez mauvais, perfides & indignes qui puissent les commettre, ce crime est capital, & mérite les peines les plus grandes & les plus extraordinaires.

Le crime de Leze-Majesté humaine au second chef est le crime qui regarde. les interêts du Roy & de l’Etat, comme est le crime de fausse Monnoye, duel, concussion, peculat, & autres crimes de cette qualité ; ce crime est pareillement Capital.

Il n’y a aussi que les Juges Royaux laies qui puissent connoître du crime de Leze-Majesté humaine dans l’un & l’autre cas, & jamais le Juge d’Eglise.

La confiscation de biens pour crime de Leze-Majesté divine, appartient aux Seigneurs de fief dont relevent immediatement les héritages nobles ou roturiers du condamné, ou qui se trouvent dans l’etenduë de son fief & de sa directe ou censive, au lieu que la confiscation de biens pour crime de Leze-Majesté humaine appartient au Roy seul, privativement aux Seigneurs particuliers imme-diats du fief & héritages consisquez, & encore bien que le Roy n’en fût que le Seigneur mediat, les meubles & effets mobiliers du condamné, appartiennent aussi en ce cas au Roy seul ; mais tout cela ne doit s’entendre & ne doit avoir lieu que pour les crimes de Leze-Majesté humaine au premier chef, & non pour les crimes de Leze-Majesté humaine au second chef, autrement les Seigneurs particuliers de fief souffriroient un trop grand préjudice par cette pré-rogative, qui n’a été accordée au Roy que ix odium implacabile du crime de Leze-Majesté humaine au premier chef ; & d’ailleurs ces biens ne laisseroient pas d’être sujets dans le cas du crime de Leze-Majesté humaine, quoiqu’au premier chef, aux dettes des légitimes creanciers du condamné ; & jamais nos Rois n’ont voulu profiter des biens d’autrui qu’aux charges de droit & de la Justice, qui sont entr’autres choses que xemo fiat locupletior ex jactura alterius, aussi ne voit-on point contester en pareille occasion au nom du Roy les créances des légitimes & véritables creanciers d’un condamné pour crime de Leze-Maiesté humaine, soit au premier chef ou au second chef.

Quoiqu’une condamnation renduë dans un Royaume n’ait point d’autorité ni d’execution dans les pays étrangers, néanmoins dans le cas du crime de leze Majesté humaine, principalement au premier Chef, les Princes se font ladessus raison, les uns aux autres, parce que c’est une cause qui leur est commune & qui les regardent tous ; c’est pourquoi ils veulent bien que le Prince contre lequel le crime à été commis, se saisisse des biens & héritages situez dans leurs Etats, même les meubles & effets mobiliers, qui s’y trouveroient, principalement lorsque ces Princes ne sont point en guerre.

Le crime de fausse monnoye est seulement reputé un crime de Leze-Majesté humaine au second Chef, & par consequent la confiscation des biens du condamné en appartient aux Seigneurs de Fief pour ce qui s’en trouvera dans leur directe ou mouvance.


ARTICLE CXLV.

L Es fruits des immeubles de celui qui est condamné par Justice Royale, appartiennent au Roy pour la première année, exempts. de toutes dettes, autres que les rentes Seigneuriales & foncieres duës pour ladite année ; & outre, il a les meubles du condamné, les dettes préalablement payées.

Cet Article contient une disposition trés-préjudiciable & desavantageuse aux Seigneurs particuliers de Fief ; il porte que si en matière criminelle le Jugement de condamnation à mort naturelle ou civile, emportatit par consequent confiscation de biens, est rendu par un Juge Royal, non seulement les fruits des heritages & immeubles du condamné, quoique mouvans & relevans d’eux immediatement en fief ou en roture, & non du Roy, appartiennent au Roy seul pour la première année privativement & à l’exclusion des Seigneurs de Fief, exempts de toutes dettes autres que l’année d’arrerages des rentes Seigneuriales & foncieres duës sur les héritages & immeubles, laquelle échera pendant la joüissance du Roy, mais encore tous les meubles & effets mobiliers du condamné, à la charge de payer les dettes mobiliaires, d’où il faut conclure à contrario que si le Jugement de condamnation a été rendu par un Iuge de Seigneur, suivant sa competence, cette prérogative du R. y n’aura point lieu ni pour la première année de joüissance des fruits des héritages & immeubles, étans dans la mouvance & la censive des Seigneurs particuliers de Fief, ni pour les meubles & effets mobiliers du condamné, trouvez dans l’etenduë de la mouvance ou censive de son Fief, tout est dans ce cas reduit au droit commun ; car il n’y à que la qualité du Juge qui a rendu le Jugement de condamnation, qui donne cette prérogative au Roy, ou qui laisse les choses dans la regle generale ; & ce seroit une erreur que de dire qu’il faut restraindre ces termes condamné par une Justice Royale, à la première année des fruits, ils se rapportent également aux meubles dit condamné, de sorte que ceux qui ont avancé le contraire n’y ont pas assez pensé.

La Partie civile, ayant fait les frais de l’instruction du procés du condamné par la Justice Royale, en sera remboursée sur les meubles & fruits de la premiere année du revenu, & le surplus des meubles & fruits appartiendra au Roy, sans préjudice de P’hypoteque des creanciers sur les meubles ; Art. 25 du Reglement de 16o8 ; de plus, le Roy en prenant les fruits de la première année des héritages & immeubles doit payer l’année d’arrerages des rentes foncieres & Seigneuriales duës sur les héritages & immeubles, échus pendant la première année de la joüissance du Roy, mais non les arrérages de toutes autres rentes, telles qu’elles soient, même des arrerages de la dot ou du doüaire de la femme, sauf le recours de la femme sur les autres biens de son mary condamné ; Arrét du Parlement de Roüen du 30 Janvier 1635 ; les enfans ne pourroient pas même demander leur nourriture & entretien sur cette année de joüissance ; mais si le Roy prend les meubles & effets mobiliers, il est tenu de payer ses dettes mobiliaires, jusques à concurrence de la valeur des meubles & effets mobiliers, suivant les privilege & hypoteque de chaque creancier sur les meubles & effets mobiliers ; & si les meubles & effets mobiliers ne suffisoient pas pour payer toutes les dettes mobiliaires, les creanciers seroient en droit de se pourvoir sur les immeubles.

Chaque Seigneur confiscataire est tenu des dettes personnelles & mobiliaires du condamné, pro modo émolumente, qu’ils prendront dans les meubles & immeubles confisquez ; mais quant aux rentes Seigneuriales & foncieres, & autres charges réelles, elles seront portées par le Seigneur, qui aura les héritages sujets. à ces sortes de rentes & charges réelles ; les rentes hypoteques ou constituées, quoiqu’immeubles, doivent aussi être mises au rang des cettes personnelles, & être payées par chaque Seigneur pro mudo emolumente, qu’ils ont dans les biens confisquez ; tout ce que peut faire un Seigneur confiscataire, pour ne point être tenu des dettes d’un condamné, est de délaisser & abandonner les biens qui devroient leur appartenir par la confiscation ; il est même de la prudence des Seigneurs confiscataires de faire un inventaire des meubles & effets mobiliers, & dresser des Procés-verbaux de l’état des lieux, pour s’en servir à telle fin que de raison : un donataire du Roy d’une confiscation doit prendre la même précaution, L’hypoteque des interéts civils, adjugez à une partie civile sur les biens du condamné, est préferable à l’hypoteque de l’amende, adjugée par le même Jugement de condamnation, au Roy, parce que les interéts civils sont reputez une dette du condamné du jour qu’il a commis le crime, au lieu que l’amende n’est duë que du jour de la condamnation.

Les meubles d’un condamné par un Juge Royal appartiennent au Receveur du Domaine du lieu où les meubles sont trouvez, & non au Receveur du Domaine du lien où le condamné étoit domicilié, de la méme manière que si le jugement de condamnation avoit été rendu par un Iuge de Seigneur, comme les meubles appartiendroient en ce cas à chaque Seigneur, dans l’etenduë du Fief duquel les meubles se trouvent, il en seroit de même pour le Roy, parce que la confiscation n’opere point un droit successif universel, mais un droit singulier ; car on ne peut pas dire dans ce cas que les meubles suivent la personne, puisque le condamné est mort ou reputé mort.

Si les fruits de la premiere année des héritages du condamné étoient péris par cas fortuit, le Roy ne pourroit prétendre les fruits de l’année suivante, d’autant que le privilege du Roy est à cet égard limité aux fruits de la premiere année, & que chaque année porte ses charges.


ARTICLE CXLVI.

A Ux Seigneurs feodaux appartiennent les heritages de leurs vassaux, après leurs décès, à droit de desherence & ligne éteinte, aux charges de droit s’il ne s’y presente hoirs, habiles à succeder dans le septiéme dégré inclusivement.

Cet Article établit le Droit de Desherance en faveur des Seigneurs de Fief, soit le Roy, soit le Seigneur particulier de Fief Le droit de Deshérance est de succéder à un défunt, laic où Ecclesiastique, qui n’a aucun heritier jusques au septième dégré inclusivement, dans les biens meubles & immeubles, nobles ou roturiers, étans de la mouvance ou censive des Seigneurs feodaux, aux charges de droit ; ce droit s’appelle encore droit à ligne éteinte, & de laquelle il ne reste plus aucun parent, ni hoir, habile à succeder dans le septième dégré inclusivement, sans qu’une ligne puisse succeder à l’autre ; dans la Compilation de loix du Royaume de Sicile, les biens qui tombent en desherance, sont appellez bona cadentia in fiseum deficiente omni cogndtione, quia Junc jacent sine domino ; en droit Romain nous avions la loi Juste caducarta, laquelle contenoit une espèce de droit de deshérance.

De cette disposition generale voici les décisions qu’on en peut tirer, & qui sont autant de maximes en cette matière.

La

La première, que dans nôtre Coûtume il suffit d’être Seigneur de Fief pour avoir droit de deshérance, sans qu’il soit necessaire d’être Seigneur Haut-Justicier ; aussi cet Article porte aux Seigneurs feodaux, & ne dit pas aux Seigneurs Hauts. Justiciers ; c’est pourquoi le droit de deshérance est un profit de Fief, & non de la haute Justice.

La seconde, que les Seigneurs peuvent non seulement exercer leur droit de deshérance sur les héritages & immeubles qui sont dans la mouvance & la censure de leur Fief, tant nobles que roturiers, mais encore sur les meubles & effets mobiliers qui se trouvent dans l’etenduë de leur Fief, quand même le défunt de catjzs bonis agitar n’y eût pas son domicile lors de son déces, sans que les Seigneurs soient execius par le Roy, des meubles & rentes hypoteques soit constituées, comme quelques uns l’ont voulu dire sans fondement.

La troisième, que chaque Seigneur prend les biens meubles & immeubles, qui se trouvent dans son Fief & sa directe, chacun en droit soiLa quatrième, que le Seigneur ne peut exercer le droit de desherance, que sur les biens dont le défunt étoit proprietaire & en possession au jour de son déces avec ses droits, noms, raisons & actions ; ainsi un Seigneur ne pourroit rien prétendre sur les biens dont le défunt ne joüissoit que par usufruit ou à titre de précaire.

La cinquième, que le droit de deshérance n’a lieu que lorsque celui des biens duquel il est question, est mort ab intestat, & sans avoir valablement disposé de ses biens par donation entre vifs, ou par testament, ou par autre acte en bonne & duë forme ; car le droit de deshérance ne peut empécher que celui qui n’a point d’heritiers ne puisse disposer de ses biens ; mais il ne faut pas que la disposition excéde ce qui est permis de donner ou léguer, car cet excedent tomberoit dans la deshérance ; Art. 4. du Reglement de 1666.

La sixiéme, que le droit de deshérance n’a pas seulement lieu quand le défunt n’a laissé aucun heritier, ni parent legitime de son côté & ligne, & habile à succeder, mais encore quand il a laisse de presomptifs heritiers qui ne paroissent point ou qui ne veulent pas se porter heritiers ; car dans ce dernier cas il est permis au Seigneur de Fief de prendre les biens à titre de desherance à ses risques, périls & fortune ; mais si dans la suite lheritier presomptif, qui étoit absent & qui ne paroissoit point, revient & se presente, le Seigneur sera tenu de lui rendre les biens avec restitution de fruits, & l’heritier ne sera obligé qu’à lui payer & rembourser les frais bien & légitimement faits.

La septiéme, que dans nôtre Coûtume une ligne ne succede point à une autre, ainsi les parens paternels ne succedent point aux parens maternels, la ligne maternelle manquant ; & les parens maternels ne succedent point aux parens paternels, la ligne paternelle manquant : ce sont les Seigneurs qui en ce cas prennent tous les biens de la ligne qui manque à droit de desherance.

La huitième, qu’un heritier prétendu, qui en cette qualité voudroit exclure le Seigneur feodal du droit de deshérance, seroit tenu de preuver & justifier non seulement sa parenté & son lignage, mais encore son dégré de parenté & lignage. au septième degré, qui est le dernier degré de succeder dans nôtre Coûtume, & aprés lequel on n’est plus habile à succeder, quand même on feroit voir une parenté au de-là de ce dégré ; la capacité de lignage est fixée & bornée à ce degré là, on ne peut plus aller plus lons en matière de succession, & aprés le septième degré inclusivement on est censé, reputé & regardé comme étranger à la succesion, & on n’y peut être admis ab intestat, c’est le seigneur qui succede aux biens comme si toute la ligne étoit éteinte.

La neuviême, que c’est un premier principe dans cette Coûtume, qu’il n’y a point d’heritier d’un défunt, mort ab intestat, aprés le septième degré de parenté & lignage inclusivement ; ainsi les degrés de succeder ne vont point à l’infini dans cette Coûtume.

La dixiéme, que les biens situez en bourgage & en franc-alleu, non tenus d’aucun Seigneur, appartiennent au Roy à droit de deshérance, à l’exclusion & privativement aux Seigneurs particuliers de Fief.

L’onzième, que ce n’est pas assez aux termes de notre Article d’être parent du défunt dans le septième degré, il faut en outre être parent du côté & ligne d’oû procedent les biens vacans ; car nôtre Coûtume est une Coûtume souchere.

La douziême, que les rentes foncieres appartiennent au Seigneur de Fief duquel relevent les héritages chargez des rentes foncieres : mais à l’égard des rentes hypoteques où constituées & des meubles, ils appartiennent au Roy ou aux Seigneurs particuliers de Fiefs, pour ce qui s’en trouve dans chaque directe & censive ; or en Normandie c’est le domicile des debiteurs des rentes hypoteques ou constituées, qui regle le lieu de leur situation, & non le domicile duu propriétaire des rentes.

La treizième, que suivant la jurisprudence des Arrêts du Parlement de Roüen, le titre ande vir & uxor, est inconnu dans cette Province ; de sorte qu’au defaut de parens lignagers & habiles à succeder, le mary ne peut demander les biens de sa femme par le titre unde vir, ni la femme pretendre ceux de son mari par le titre unele uxor, à l’exclusion du Seigneur à droit de deshérance, pas même dans le cas de bâtardise.

La quatorzième, dés que le Roy & les Seigneurs de Fief ne peuvent avoir les biens à droit de deshérance qu’aux charges de droit, c’est-à-dire de payer toutes les dettes du défunt, tant mobiliaires & personnelles qu’hypotecaires, de quelque nature que soient les dettes, par contrats de rentes ou par obliga : ions, billets & promesses, le tout cependant pro modo emolumentè ; car les Seigneurs qui prennent les biens du défunt à titre de deshérance, ne les possedent que comme des heritiers anonimes & à titre singulier, & non à titre universel tel que seroit un véritable heritier.

Au nombre des dettes dont les Seigneurs à titre de desherance sont tenus, il faut mettre la dot, le douaire, les reprises & conventions matrimoniales de la femme, même son droit de societé ou communauté dans les biens situez en bourgage.

Un Seigneur, dans le cas de desherance, n’est point tenu personnellement des dettes, elles ne se peuvent prendre que sur la chose ; Art. 24. du Reglement de 1686.

Le Seigneur à titre de deshérance, pour ne plus être exposé aux dettes du défunt, peût quand bon lui semble quitter & abandonner les biens ; Art. 22. du même Reglement de 1666, en payant toutefois les arrerages des rentes & charges foncieres, échuës pendant sa joüissance, quand même ces arrerages excederoient le revenu & les joüissances ; Art. 23 du même Reglement.

La quinzième, que les successions des Evéques, Beneficiers & autres Ecclésiastiques séculiers, tombent dans la deshérance au profit du Roy ou des Seigneurs particuliers, comme les biens des personnes laiques.

La seizième & dernière maxime, est que par le droit de deshérance les biens feodaux sont réunis au domaine & à la Seigneurie des Seigneurs particuliers de Fief ; & à l’égard du Roy, il est tenu par les Ordonnances du Royaume de les mettre hors ses mains dans l’an & jour, mais ordinairement il en fait don comme des biens qui lui appartiennent par bâtardise, confiscation ou aubaine.


ARTICLE CXLVII.

P Areillement les heritages, ayans appartenu aux bâtards, reviennent aux Seigneurs en pure proprieté après leur décès, aux charges de droit, comme dit est, si lesdits bâtards n’ont été légitimés par octroy du Prince, enthériné, appellés ceux qui y doivent être appellés, ou qu’ils n’ayent enfans procréez en loyal mariage.

Il y a quatre dispositions dans cet Article, qui toutes quatre concernent le droit de bâtardise.

La première sur ces paroles : Pareillement les héritages, ayans appartenus aux bâtards, reviennent aux Seigneurs en pure proprieté aprés leur déces.

Le Droit de batardise est pareillement un droit de Fief, & non de Iustice ; ainsi quoiqu’un Seigneur de Fief n’ait point de Justice annexée à son Fief, il ne jouit pas moins du droit de bâtardise le cas arrivant.

Le Seigneur ne peut prétendre à droit de bâtardise, que les terres nobles & heritages roturiers, ou rentes Seigneuriales ou foncieres étans dans la mouvance ou dans la censive de son Fief ; quant aux autres biens, tels que sont les meubles & les rentes hypoteques ou constituées, ils appartiennent au Roy, Arrét du Parlement de Roüen du 27 Avril 1624 ; il faut dire la même chose des Offices ainsi si le Roy étoit seul seigneur de Fief, il auroit tous les biens d’un bâtard, tant meubles qu’immeubles : les immeubles comme Seigneur de Fief, & les meubles, rentes hypoteques ou constituées, Offices & tous autres effets mobiliers comme Roy & à cause de la Couronne ; Arret du même Parlement du 11 Fevrier 1609 ; & la raison pour laquelle le droit de batardise est plus étendu en faveur du Roy que des Seigneurs particuliers de Fief, est qu’il s’agit de l’état de la personne d’un suet de Roy, qui ne pourroit être changé en légitime sans l’autorité du Prince, à moins que les pere & mere en se mariant ne le reconnussent, ce que les Seigneurs. particuliers de Fief ne peuvent faire ; d’où vient que le droit de bâtardise ne passe point aux Engagistes du domaine du Roy, si ce droit n’est expressément contenu dans le contrat d’engagement, pas même aux Appanagistes, s’il n’y a clause expresse au contraire.

Le droit de bâtardise n’a lieu qu’au cas que le batard vienne à décéder sans avoir disposé de ses biens, soit par donation entre vifs ou à cause de mort, ou par testament, eû égard aux biens & à la qualité de biens, dont il a pû disposer suivant la Coûtume ; car un bâtard peut disposer de ses biens, soir par donation entre vifs, soit à cause de mort ou par testament, comme une personne dont l’état est legitime, en un mot le droit de bâtardise n’est ouvert qu’au cas que le bâtard décéde ab intestat, & sans avoir donné ses biens ; mais s’il avoit disposé de ses biens au-de là de ce qu’il est permis de donner entrevis ou léguer par testament par la Coûtume, cet excedent tomberoit dans le droit de bâtardise, & même il faudroit que l’acte qui contiendroit la disposition fût revétu de toutes les formalités requises & necessaires pour les donations entre vifs, ou à cause de mort, ou pour les testa mens.

La seconde partie est sur ces termes : aux charges de droit comme dit est ; c’est à dire ainsi & de la manière qu’il se pratique dans le cas de desherance & aux termes du précedent Article de nôtre Coûtume.

Il faut donc tenir pour certain que quiconque profite du droit de bâtardise, soit le Roy ou son donataire, soit les Seigneurs particuliers de Fief, il doit payer toutes les dettes du batard, de quelque nature & qualité qu’elles soient, mais toûjours pro modo emolumenti de ce qu’il retire de la succession ; & s’il y a plusieurs Seigneurs qui profitent du droit de bâtardise, ils contribueront entre eux au payement des dettes pro modo emoitmentè ; cependant le Roy en prenant les meubles, effets mobiliers, rentes hypoteques ou constituées, Offices & autres biens, autres que les héritages & rentes Seigneuriales & foncieres qui seroient de la mouvance ou la censive d’un Seigneur particulier de Fief, seroit tenu de payer seul toutes les dettes personnelles & mobiliaires du batard ; & à l’égard des rentes Seigneuriales & foncieres dont les héritages seroient chargés, elles setoient payées par chaque Seigneur de Fief qui possederoit ces héritages, parce que des detres de cette qualité sont des charges réelles, Comme le droit de bâtardise est un droit de Fief, la douairiere ou autre usufruitier du Fief jouiroit par usufruit des héritages réunis & consolidés au Fief par le droit de bâtardise.

La troisième partie consiste dans ces paroles : Si lesdits batards n’ont été legitimés par octroy du Prince, enteriné, appellés ceux qui y doivent être appellés.

Un bâtard cesse d’être bâtard par deux manières ; l’une, par un mariage l’absequent des pere & mêre du batard, sait & célebré suivant les formalités de l’Eglise & des Ordonnances, & lors duquel le batard a été reconnû par les pere & mere pour leur enfant ; mais il ne faudroit pas que cet enfant fût un batard adulterin, le mariage subsequent ne pourroit le legitimer propter labem ortûs.

L’autre, par Lettres de légitimation du Roy, données en la grande Chancellerie au grand Sceau, & entherinées au Parlement & en la Chambre des Comptes, les parties interessées presentes ou dûement appellées, qui est celui du pere ou de la mere, ou l’un & l’autre du bâtard qui demande l’entherinement des Lettres de légitimation, & les heritiers presomptifs & parens du pere ou de la mere, ou des pere & mère du batard ; cette legitimation sert moins aux bâtards pour l’utile que pour l’honneur ; car rarement & difficilement donne t’on dans l’ordre judiciaire les successions legitimes & ab intestat du pere ou de la mere, ou de l’un ou de l’autre, à leur bâtard : on leur accorde quelquefois une portion des biens ou des alimens ; un batard ainsi legitimé suecederoit encore avec plus de peine aux parens qui auroient donné leur consentement à l’enterinement des Lettres de lé gitimation ; mais est-il toûjours vray que des bâtards ainsi légitimés ne sont point sujets au droit de bâtardise, par rapport au Roy & aux Seigneurs particuliers de Fiefs, leurs biens retourneroient à ceux qui les auroient fait légitimer.

Les enfans adulterins ou de Prêtres ne peuvent obtenir de Lettres de legitimation.

Il n’y a que le Roy qui puisse légitimer un bâtard par Lettres patentes : le Pape ne le peut faire in temporalibus, mais seulement in spiritéalibus, par rapport aux benefices.

Le bâtard non légitimé ne peut prendre le nom & les Armes de son pere naturel, ni encore moins prendre la qualité d’Ecuyer sous prétexte que son pere étoit Gentilhomme.

La quatrième & derniere, est au sujet de ces termes : qu’ils n’ayent enfans procréez en loyal mariage ; eût comme il est permis aux bâtards de se marier, les en fans qui naîtront de leur mariage leur succederont en tous leurs biens & droits, comme si leur pere n’eût point été bâtard, sans que le Roy & les Seigneurs particuliers de Fiefs puissent dans ce cas prétendre aucun droit de bâtardise.


ARTICLE CXLVIII.

L Es héritages & biens, tant meubles qu’immeubles, des Aubains & Etrangers, appartiennent au Roy après leur mort, aux charges de droit, comme dit est, encore qu’ils soient tenus d’autres Seigneurs, s’ils n’ont été naturalisés & qu’ils ayent des heritiers legitimes regnicoles.

Les héritages & biens, tant meubles qu’immeubles, des Aubains & Etrangers appartiennent ai Roy aprés leur mort, aux charges de droit, comme dit est, encore qu’ils soient tenus d’autres Seigneurs.

Ces deux mots Aubains & Etrangers sont mots synonimes, qui signifient la même chose ; on entend par ces termes des personnes qui ne sont point nées dans le Royaume comme sujets du Roy, mais comme sujets d’un Prince étranger.

Le droit d’Aubaine est parmi nous un droit de succeder aux biens, tant meubles qu’immeubles, nobles où roturiers, & tous autres tels qu’ils soient, qui se trouvent en France appartenir à un Aubain ou Etranger au jour de son déces ; ce droit est Royal & appartient au Roy seul privativement & à l’exclusion des Seigneurs particuliers de Fief, même quant aux héritages nobles ou roturiers étans dans la mouvance & à la censive du Fief des Seigneurs, ils n’ont rien dans tous les biens des Etrangers directement ni indirectement, ils appartiennent tous au Roy comme Roy ; aussi ce droit est un droit de la Couronne, dont le fonds ne pourroit être donné, concedé & aliéné par le Roy, mais seulement les biens à lui échus par droit d’Aubaine.

L’Aubain ou Etranger peut bien vendre, aliéner, échanger, ceder & transporter, même donner entre vifs, mais il ne peut disposer de ses biens par donation à cause de mort, où par testament ; parce que la faculté de faire testament est du droit particulier du Royaume dont on est sujet, & que l’Aubain ou Etranger n’a point ; au lieu que les autres actes, & en particulier la donation entre vifs faite aux termes de la Coûtume, sont du droit des Gens, qui est communicable à tous les habitans d’un Royaume, tels qu’ils soient ; les Aubains ou Etrangers ne peuvent pareillement recevoir des donations à cause de mort, ou des legs en leur faveur, mais seulement des liberalitez par donations entre vifs.

L’Aubain ou Etranger ne succede point, mais les enfans d’un Etranger, legitimes succédent a leur pere quoique non naturalisé ; Arrêts du Parlement de Normandie des 21 Août 1677, & 29 Janvier 1677.

Le droit d’Aubaine n’a lieu qu’aprés la mort de l’Aubain ou Etranger, & à la charge par le Roy de payer toutes les dettes du défunt, de telle nature qu’elles soient, le tout néanmoins jusques à concurrence des forces de la succession, & pro modo emolumenti, S’ils n’ont été naturalisez, & qu’ils ayent des heritiers regnicoles.

Il n’y a que le Roy qui puisse naturaliser ou donner des Lettres de naturalité, ces Lettres s’obtiennent en la grande Chancellerie au grand Sceau, & elles doivent être verifiees & enrégistrées en la Chambre des Comptes, & au Bailliage.

Royal du domicile de l’Aubain.

Les enfans d’un pere ou d’une mere François de nation, nés hors le Royaume & en pays étranger, ne sont point reputés étrangers, pourvû qu’ils viennent demeurer en France, parce qu’ils sont censés avoir conserve un esprit de retour Arrét du même Parlement du 39 Iuin 1652.

Un Etranger naturalise, venant à décéder sans enfans ou heritiers regnicoles, de Roy lui succederoit à l’exclusion des Seigneurs particuliers de Fief, qui voudroient prétendre la succession à droit de deshérance, parce que le Roy n’est point reputé avoir donné des Lettres de naturalité contre lui-même ; Arrêt du même Parlement du 13 Fevrier 1644 ; mais à l’égard des biens des enfans d’un Etranger naturalisé, qui décedent sans enfans & sans heritiers, appartiennent au Roy & aux Seigneurs feodaux, chacun en droit soi, à droit de deshérance ; d’autant que dans ce cas il n’y a plus d’Aubaine, & que les enfans d’un Etranger naturalisé ont succedé à leur pere comme personnes capables des droits du Royaume, & ont possedé les biens qu’ils laissent aprés leur mort, comme véritables François, & par consequent leur succession tombe dans le droit commun, qui est le droit de deshérance faute d’enfans & d’heritiers, du moins regnicoles.


ARTICLE CXLIX.

L Es meubles de ceux qui se sont occis ou faits mourir d’eux mêmes, appartiennent au Roy, privativement aux Seigneurs, s’ils n’ont titre ou possession valable au contraire : neanmoins si par force de maladie, frenesie ou autre accident ils étoient cause de leur mort, leurs meubles demeurent aux heritiers aussi bien que les immeubles.

Ceux qui se sont défaits, tués & fait mourir eux-mêmes de propos déliberé & avec determination, sont, ou pour mieux dire leurs cadavres, punissables ; on fait le procés criminellement à leur cadavre, & la condamnation emporte la confiscation de biens au profit du Roy, si ce ne sont que des meubles & effets mobiliers ; mais quant aux terres, héritages & autres immeubles, nobles ou rotutiers, ils appartiennent aux Seigneurs de Fief, soit le Roy, soit les Seigneurs particuliers, chacun en droit soi ; Arrêt du Parlement de Normandie du 15 Mars 1656 ; & même les meubles & effets mobiliers appartiendroient dans ce cas aux Seigneurs particuliers de Fief, posé qu’ils en eussent un titre ou une possession valable, c’est à dire de quarante ans, contraire au droit du Roy, bien & dûement établie & justifiée ; ce qui fait voir que ce droit de préference & d’exclusion en faveut du Roy peut lui manquer en vertu d’un titre contraire, & qu’il est prescri ptible par les Seigneurs de Fief par quarante ans, & qu’ils peuvent acquerir & droit par cette prescription.

La forme de proceder & de faire le procés à un cadavre est préscrite par Ordonnance de 1670 au titre 22, & notamment le Juge nommera d’office un Curateur au cadavre du défunt, s’il est existant ; & avec ce Curateur il sera fait la procedure prescrite par l’Ordonnance en pareil cas, soit pour la levée & visite du cadavre, ou pour l’instruction ou pour le Iugement du Procës.

La punition de celui qui s’est tué & défait lui-même & volontairement, est que son corps sera trainé sur une claye la tête en bas, par les principales ruës & places de la Ville, Bourg & lieu où il s’est defait, & ensuite enterré en terre profane, avec confiscation de ses biens.

Mais s’il étoit justifié que le défunt se fût tué & homicidé par maladie, folie, démence, frenesie, fièvre violente ou autre accident imprévû, il n’y auroit ni peine afflictive sur le cadavre ni pecuniaire, & consequemment point de confiscation de biens ; ses biens meubles & immeubles, tels qu’ils soient, & de quel-que nature qu’ils soient, appartiendroient à ses heritiers comme si le malheur n’étoit point arrivé ; toute la présomption est qu’une personne qui se tuë & qui se défait, étoit dans ce moment-là folle & en démence.


ARTICLE CL.

L Es parens doivent être soigneux de faire mettre en sure garde ceux qui sont troublez d’entendement, pour éviter qu’ils ne fassent dommage à ancun.

Il y à des fous qui sont trés-dangereux, ils sont quelquefois furieux, il ne’aut pas se trouver en leur compagnie & à leur rencontre, ils pourroient blesser, même tuer les personnes qu’ils trouveroient en leur chemin ; raison pour laquelle leur parens sont obligez de les garder & de les mettre en bonne & sure garde, où dans les maisons de force & lieux destinez pour ces pauvres malheureux, afin de prévenir & d’empécher qu’ils ne fassent de mal ni de dommage à qui que ce soit ; autrement les parens en seroient responsables civilement envers les blessez & offensez, ce qu’il faut éviter. Mais avant de serrer ces sortes de malades, il conviendroit de les faire visiter par des Medecins & Chirurgiens, & de dresser un Proces verbal de l’état du malade, en forme de droit, crainte que les parens & heritiers présomptifs d’un prétendu fou ou insensé n’en abussassent pour se rendre maîtres de son bien.


ARTICLE CLI.

E T où il n’y auroit parens, les voisins seront tenus de le dénoncer en Justice, & cependant le garder ; & à faute de ce faire, les uns & les autres seront tenus civilement aux dommages & interêts qui en pourroient avenir.

a deffaut de parens, les voisins sont tenus de dénoncer à la Justice les fous, insensez, furieux & troublez d’esprit & d’entendement, afin qu’il y soit pourvû, & qu’ils soient mis en sureté, en bonne & sure garde, hors d’état de pouvoir faire mal à personne ; & même pendant cette instruction les parens ou les voisins sont tenus de les garder ou faire garder jusqu’à ce qu’il y ait été pourvû par la Justice sur la dénonciation qui en aura été faite par les voisins au Procureur du Roy, ou au Procureur Fiscal ; & si les parens ou les voisins ne le fai-soient pas, ou qu’ils fussent négligens de le faire, ils seroient & demeureroient gatans & responsables solidairement & en leur nom des dommages & interets envers celui qui seroit maltraité, offense & outragé par un fou, insensé, imbeci-le & troublé d’esprit.


ARTICLE CLII.

LE Duché doit pour Relief trois cens trente-trois écus un tiers.

Il n’y a que le Roy qui puisse ériger une Terre en Duché, Marquisat, Comté, Baronnie ou autre dignité ; il faut pour cela des Lettres Patentes bien & dûëment enrégistrées pour cette érection, où besoin est.

Nulle Terre ne peut être érigée en Duché-Pairie, si elle ne vaut huit mille écus de revenu annuel ; Declaration du Roy du mois de Mars 1682.

On ne peut démembrer un Duché Pairie, ni les proprietaires du DuchéPairie ne peuvent en disposer, même de la moindre partie, sans le consentement exprés du Roy.

Relief dans nôtre Coûtume est un droit qui est dû au Seigneur par la mort ou mutation du vassal noble, pour être mis & établi en la place du défunt, par rapport aux Fiefs & Terres nobles, Toutes Terres non franches, quoique Terres de dignité doivent Relief, soit au Roy, soit aux Seigneurs du fief qu’il s’agit de relever, Le Relief dans cette Coûtume est estimé par rapport à la dignité & à la valeur de la Terre.

Un Duché doit trois cens trente-trois écus un tiers, évaluez mille livres.

Il n’y a point double Relief dans la même année pour raison d’un même fief, quoique le Relief se paye, comme dans nôtre Coûtume, en une somme de deniers comptans, & non en une année du revenu de la Terre, parce que cette somme d’argent tient lieu du revenu de là Terre, & qu’une Terre ne peut produire double revenu dans une seule & même année ; partant vrai de dire que double Relief ne se rencontre point dans une seule & même année.


ARTICLE CLIII.

L Es Marquisats doivent pour Relief cent soixante six écus deux tiers.

Le Marquisat est la premiere Terre en dignité aprés le Duché.

Cette Terre doit pour Relief cent soixante & six écus deux tiers, évaluez cinq cens livres, qui est la moitié moins que le Relief dû par une Terre érigée en Duché.


ARTICLE CLIV.

LEs Comtez, quatre-vingt-trois écus un tiers.

Une Terre érigée en Comté, est celle qui suit immediatement le Marquisat, en dignité.

Un Comté paye quatre. vingts-trois écus un tiers, valant deux cens cinquante livres, qui est la moitié du Relief du Marquisat.

Nos Vicomtes font les Lieutenans des Comtes, qui étoient les Gouverneurs des Provinces ou des principales Villes ; mais comme à present ces dignitez ont été réunies à la Couronne, nos Vicomtes sont aujourd’hui des Officiers du Roy, & gens de Robe longue, qui rendent Iustice au nom du Roy à ses Sujets.


ARTICLE CLV.

LEs Baronnies doivent de Relief trente-trois écus un tiers.

La Terre érigée en Baronnie, est une Terre de dignité au dessous du Comté.

Cet e Terre paye trente-trois écus un tiers d’écus, évaluez cent livres pour droits de Relief ; c’est au dessous de la moitié du Relief du Comté.


ARTICLE CLVI.

L E plein fief de Haubert, cinq écus, & les membres d’icelui jusqu’au huitième à l’équipolent, s’il n’y a titre, possession ou convenant par lequel il soit dû plus grand ou moindre Relief.

Le Fief de Haubert est le Fief le plus noble aprés les Fiefs de dignité, sans cependant être un Fief de dignité.

Le mot de Haubets vient d’un vieux mot Saxon Hautbert, qui signifie grand Seigneur, qui étoit obligé de servir le Roy avec armes pleines.

Le Fief de Haubert est moins que Baronnie ; aussi par l’Article 155. le droit de Relief est taxé à cent livres, & celui du Fief de Haubert n’est que de quinze livres suivant cet Article.

Un Fief de Haubert peut être divisé jusqu’en huit parties ou membres ; & chaque partie ou membre conserve sa qualité de Fief de Haubert, & paye le droit de Relief à l’équipolent, c’est-à-dire trente-sept sols six deniers, à raison de cinq écus valans quinze livres, que le Fief entier de Haubert paye de Relief.

Quoique le droit ordinaire de Relief, dû par Fief de Haubert soit de cinq écus, neanmoins il peut être plus fort ou moindre par titre, convention ou p. ssession de quarante ans ; & dans ce cas le payement de Relief se feroit sur le pied du titre, convention ou possession, & non sur le pied de la Coutume ; ce qui fait voit que quoique le droit de Relief soit imprescriptible, néanmoins la quotité s’en peut prescrire par quarante ans.


ARTICLE CLVII.

D Ignitez ou Offices tenus en fief sans fonds ou glebe, doivent hommage & non Relief.

Dignitez ou Offices tenus en Fief sans fonds ou glebe, sont à proprement parler, les Sergenteries feodales & héreditaires, tenuës en Fief sans fonds ni glebe ; c’est à dire encore bien que le proprietaire de ces Sergenteries n’ayent point de Fief en fond auquel elles soient attachées, on appelle les Sergens de ces sortes de Sergenteries, Sergens hereditaires ; les propriétaires de ces Sergenteries ont la faculté de les exercer par eux-mêmes, ou d’y commettre à l’exercice, des personnes capables & dont ils seront responsables ; Article 16. du Reglement de 1666.

Ces Sergenteries ou autres dignitez ou Offices, tenus en Fief fins fonds ni glebe, doivent hommage ou prestation de foy & hommage au Seigneur suzerain qui les auroit concedés en Fief & à droit de mouvance, sans néanmoins ni fonds ni glebe ; mais ils ne doivent point de Relief, parce que le Relief n’est dû que ratione d’un Fief qui a fonds & glebe, & que les dignitez ou Offices tenus en Fief sans fonds ni glebe, n’ont ni fonds ni glebe.

ARTICLE


ARTICLE CLVIII.

L Es terres roturieres & autres tenemens au dessous du huitiéme de fief de Haubert, doivent de Relief douze deniers pour âcre, s’il n’y a titre, possession suffisante ou convenant par lequel soit dû plus grand ou moindre Relief.

On paye de Relief pour les rotures tout comme pour les terres & héritages nobles.

Le Fief de Haubert divisé en plus de huit portions, les tenemens qui sont au de-là de la huitième partie, ne sont plus nobles ni tenus en Fief, ils sont roturiers & tenus en roture ou censive.

Le droit de Relief des héritages roturiers, & des tenans du Fief de Haubert au dessous de la huitième partie, est de douze deniers ou un sol par âcre, s’il n’y a titre, convention ou possession de quarante ans au contraire, qui augmente ou diminue le droit de Relief.

Les héritages roturiers, outre le droit de Relief, doivent au Seigneur censier la déclaration des rentes, redevances, corvées & services dont ils sont chargez ; mais pour ce qui est des héritages en franc-aleu, encore bien qu’ils soient roturiers, ils ne doivent point de Relief, parce qu’ils ne doivent & ne payent aucuns droits Seigneuriaux.

Acre est la mesure ordinaire & commune des terres de la Province de Normandie, qui est de huit vingts perches ; on y mésure, arpente, vend & afferme les terres à l’âcre, La perche contient ordinairement vingt pieds, & en quelques endroits dixhuit pieds. On ne parle point d’arpent dans cette Province, qui est de cent perches.

Les anciens Auteurs nous apprennent qu’il y avoit differentes mesures des terres ; Varon dit qu’on les mesuroit à la perche, Marius Victorinus aux journaux, Munstreler à la verge ou vergée, en Basse Normandie on dit vergée & non acres c’est principalement en Haute Normandie qu’on dit âcre ; Scaliger dit qu’on mesuroit les terres à l’arpent ; en Angleterre la mesure dont on se sert pour arpenter les terres est l’âcre.

La verge de terre ne contient que quarante perches ; de sorte que la verge n’est que le quart de l’acre.


ARTICLE CLIX.

L E manoir, maison, cuisine, avec la cour & jardin, doit de Relief trois sols, pourvû qu’il ne contienne plus d’un âcre ; & s’il contient moins, il doit pareillement trois sols, & en ce cas il acquite la première âcre, s’il n’y a titre, possession suffisante ou convenant, par lequel soit du plus grand ou moindre Relief.

Manoir, maison, masure sont la même chose ; c’est l’héritage roturier sur lequel est le batiment qui fait la demeure ordinaire du pere de famille, Lbi sunt lares C sedes faisunarum suarum ; & c’est le lieu de cette demeure qui regle le domicile de celui qui y fait son habitation réelle & actuelle, Le droit de Relief d’un manoir, maison ou masure avec la cour & jardin, s’il y en a, est de trois sols ; soit que cet héritage contienne un acre ou moins d’une acre, le droit de Relief est toujours égal, & on ne paye jamais que trois sols pour tout l’héritage, tant que son étenduë n’excederâ pas une âcre ; mais d’un autre côté s’il a moins d’étenduë, il ne payera moins que trois sols pour le Relief.

Il y a plus, c’est que ce droit de Relief pent être plus fort ou moindre que trois sols par fère, par un titre particulier ou une convention, parce que la disposition de l’homme fait cesser la disposition de la loy ; une possession de quarante ans peut faire en cela le même effet.


ARTICLE CLX.

A Vec les corps des Fiefs nobles, sont relevées par même moyen toutes les dépendances, comme sont Garennes, Moulins, Colombiers & autres appartenances de Fief.

Le Droit de Garenne, Moulin & Colombier sont à la vérité des droits feodaux, & ce droit ne peut appartenir qu’à ceux qui ont Fief noble, mais ce droit n’est pas pour cela tellement des appartenances des Fiefs, qu’il ne puisse en être separé ; car quiconque à Fief n’a pas pour cela droit de Garenne, Moulin ou Colombier, on peut avoir un Fief sans Garenne, Moulin ou Colombier ; ce qu’il y à de certain, c’est ce que ces droits sont droits de Fief & qu’ils ne peuvent subsister sans fonds ou glebe noble ; cela n’empécheroit pourtant pas que le Seigneur de Fief ne pût aliéner ces sortes de droits séparement de son Fief, & cette alienation ne changeroit point la qualité de la Garenne, du Moulin ou Colombier, ce seroit toujours des droits feodaux & nobles en la personne de celui qui auroit la Garenne, Moulin ou Colombier.

Il y a cette différence entre un droit de Garenne & de Moulin bannal, & un droit de colombier, que pour l’établissement d’une Garenne ou d’un Moulin bannal, il faut un titre particulier & constitutif, ou du moins nombre de titres déclaratifs, comme aveux blâmes & recus où besoin a été, avec une possession au moins de quarante ans, parce que les Garennes portent préjudice aux habitans qui ont des terres voisines ; aussi par les Ordonnances point de Garenne sans concession & permission du Roy par Lettres Patentes bien & dûement enregistrées ; & à l’égard des Moulins bannaux, ils sont contre la liberté publique ; mais quant au droit de Colombier, il est permis à tout Seigneur de Fief de bâtir un Colombier sur son Fief & Glebe noble, & la seule situation en fait le titre, il suffit que le fonds sur lequel le Colombier est bati soit noble, sans considerer la conistance des terres & la quantité des terres qui composent le Fief.

Le payement du droit de Relier pour le Fief noble, acquite le Relief pour les appartenances & dépendances du Fief, tels que sont la Garenne, le Moulin ou le Colombier, qui se trouveroient sur le Fief, parce que le Fief & toutes les dépendances & appartenances nobles du Fief ne doivent qu’un seul droit de Relief au Seigneur suzerain & immediat ; c’est pour cette raison que lorsque deux Fiefs contigus & voisins ne dépendent point l’un de l’autre, chaque Fief doit droit de Relief, & l’un n’est point relevé pour l’autre, quoiqu’ils appartinsent à une seule & même personne.


ARTICLE CLXI.

N Eanmoins s’il y a Moulin tenu à part & sans Fief, il est relevé par un écrit.

Comme cet Article par une exception au précedent Article ne parle que des Moulins, soit à eau ou à vent, les Garennes & les Colombiers ne sont point compris dans la disposition de cet Article, par la maxime que inclusio untus est exclusio alterius, principalement dans une exception à la disposition generale ; ainsi il faut tenir deux choses, l’une que lorsqu’un Moulin bannal est possedé separement & divisement du Fief par autre que le proprietaire & possesseur du Fief, comme ayant été aliéné separement & divisement du corps du Fief à une tierce personne, il doit un écu de Relief le cas arrivant ; l’autre que quoiqu’une Garenne ou un Colombier fût tenu à part & sans Fief, c’est-à dire separément & du-visement du Fief, neanmoins ni l’une ni l’autre ne doivent point de Relief, ils sont relevez par le Relief du corps du Fief, sans faire différence s’ils sont tenus & possedez comme uis & faisant partie du Fief, ou separement, divisement & à part du Fief, mais toujours comme Tenures nobles & feodales, & non roturières ; cependant les mineurs possedans Colombier, Moulin bannal, Garenne & autres.

Tenures & droitures feodales, separées de Fief noble, ne tombent point pour raison d’icelles en garde noble, Royale ou Seigneuriale ; Art. 31. du Reglement de roës ; & même on peut dire sur le fondement de cet Article 31 du Reglement de 1666, qu’un Colombier cesse d’être noble, quand il est desuni du Fief, puisqu’un mineur ne tombe point en garde pour un Colombier de cette qualité.


ARTICLE CLXII.

L Es Terres non cultivées, anciennement nommées gaingnables, sauvages ou sauvées de la mer, doivent de Relief six deniers pour âcre au Seigneur duquel elles sont tenues.

Ces sortes de Terres sont ordinairement de mauvaises terres qui ne peuvent pas être mises en labour, culture & semence, ou qui ne vallent pas cette dépense, on les laisse en friche & incultes ; telles sont les landes, brieres, les dunes & autres Terres sauvées de la mer, ou pres & attenant la mer ; aussi le droit de Relief de ces Terres est tres-mediocre, il n’est que de six deniers par âcre, il se paye au Seigneur dans la directe duquel elles sont ; on appelloit dans l’ancienne Coûtume ces Terres des Terres gaingnables, c est-à-dire non cultivées.


ARTICLE CLXIII.

P Ar mort ou mutation de Vassal le Relief est dû & hommage nouveau.

Relief vient d’un vieux mot latin relevare, parce que ce droit se donne au Seigneur pour relever par le vassal ou censitaire le Fief ou l’héritage en roture, dont le proprietaire avoit changé, dans d’autres Coûtumes on appelle ce droit Droit de Rachapt, comme qui diroit que dans ce cas le vassal rachete son heritage du Seigneur.

Le droit de Relief a lieu tant en Fiefs & Tetres nobles qu’en héritages rotutiers.

Le droit de Relief a lieu en mutation par succession tant directe que colsaterale, donation, legs ou autre titre gratuit : cependant par vente de Fief, Terres nobles & droits feodaux, il est de Relief & Treizième tout ensemble ; mais quant aux héritages roturiers, il n’est dû que le droit de Treizième en cas de vente & non Relief.

La mort civile du Vassal ne donne pas moins lieu au droit de Relief que la mort naturelle.

Pour donner lieu au droit de Relief, il faut que la mutation du vassal & du censitaire soir effective, & qu’il se fasse une véritable translation de proprieté ; car si par exemple une alienation étoit resolué ex antiquè extsâ, comme faute d’execution des clauses lu contrat, ou par la voye de la rescision, ou parce que l’aliénation avoit été faite sous condition qui n’auroit point eu d’accomplissement, il n’y auroit point d’ouverture au droit de Relief.

Comme dans nôtre Coûtume le droit de Relief ne consiste point dans l’année du revenu de la terre & héritages, comme dans plusieurs autres Coûtumes du

Royaume, mais en une somme de deniers comptans, il est dû autant de Reliefs qu’il y a de mutations, à la réserve de celles qui arriveroient en une seule & méme année ; mais comme le droit de Relief est peu de chose, cela ne mériteroit pas d’en faire une contestation.

Par la mort du mari la femme ne doit point de Relief pour le Fief & autres heritages qui lui appartiennent de son chef, parce que c’est la femme qui est vassale & proprietaire du Fief & autres heritages, & la mort de son mari ne fait aucune mutation à cet égard.

Quand le Fief a été partagé entre soeurs, seules heritieres du défunt, l’ainée est tenue de payer le Relief au Seigneur, sans quoi le Seigneur n’est point obligé de donner mainlevée de la prise de Fief ou Saisie feodale du Fief, faite faute de payement du roit de Relief, sauf le recours de la seur ainée contre ses soeurs cadetes ou puisnées.

Par la mutation de Vassal en matière de Fief & Terres nobles, arrivée par mort ou autres cas où il échet droit de Relief, il est dû, outre le droit de Relief, la prestation de foy & hommage au Seigneur dominant du Fief, aveu & denombrement, déclaration, & autres droits qui pourroient être dus.


ARTICLE CLXIV.

T Ous Fiefs qui doivent Relief, doivent aide de Relief avenant la mort du Seigneur immediat, & cet aide est dû aux hoirs des Seigneurs par les vassaux pour leur aider à relever leurs Fiefs vers les Chefs-Seigneurs.

Cet Article parle d’un droit d’Aide, qui est dû par le vassal pour mutation arrivée par la mort du Seigneur immediat & dominant de son Fief, lequel droit est payé aux hoirs ou heritiers du Seigneur pour leur aider à payer le droit ce Relief par eux dû pour le Fief qui releve du Seigneur suzerain, & duquel le Fief du vassal qui doit ce droit d’Aide, releve mediatement & en arriere-Fief ; ce droit s’appele Aide de Relief.

De là il fuit 15, que le droit d’Aide de Relief n’a lieu que pour raison des Fiefs & Terres nobles, & non pour les héritages roturiers ; 25. Que ce droit d’Aide n’a lieu que pour la mutation du Chef du Seigneur suzerain, & non du Chef du vassal ; 36. Que ce droit d’Aide n’est dû qu’en cas de mort du Seigneur suzerain, naturelle où civile, & non pour toute autre mutation telle qu’elle soit ; 48. Que dans cette ouverture de Fief il n’est point dû de droit de Relief, mais seulement un droit d’Aide ; 56. Que ce droit d’Aide est dû & doit être payé par le vassal aux heritiers du Seigneur immediat & suzerain ; 6s. Que ce droit d’Aide est destiné pour aider les heritiers du Seigneur suzerain & immediat, à payer le droit de Relief qu’ils doivent à leur propre Seigneur pour relever leur propre Fief : cependant cette designation n’est pas tellement assignée & determinée à aider à payer le droit de Relief, que si par convention ou autrement les heritiers du Seigneur ne doivent point de Relief pour la mutation qui auroit donné lieu au droit d’Aide, le droit d’Aide de Relief ne seroit pas moins GûOn appelle dans notre Coûtume Chef-Seigneur celui qui a des vassaux en arriere-Fiefs ou Vavassories, & dont il n’est Seigneur qu’en arriere-Fiefs ou Vavassories.

Il y a cette différence entre le droit de Relief & le droit d’Aide de Relief, que le droit de Relief est dû pour mutation arrivée du côté & chef du vassal, au lieu que le droit d’Aide de Relie f est dû pour mutation arrivée du côté & du chef du Seigneur suzerain, dominant & immediat.

L’Aide de Relief n’est point dû au Roy, parce qu’outre qu’il ne releve de personne pour ses terres nobles & Seigneuries, c’est qu’il n’avoir pas besoin de l’ai-de de ses vassaux pour relever ses Fiefs, Terres & Seigneuries.

Le droit d’Aide de Relief n’est point pareillement du aux Gens de Main-morte, d’autant qu’ils ne meurent jamais.

Dans l’etenduë du Comté d’Eu ce droit est du à toutes mutations du Seigneur suzerain & immediat du Fief, soit par mort, donation, vente ou autre acquisition, La Coûtume ne fixe & ne marque point en quoi consiste le droit d’Aide de Relief, mais suivant l’usage de la Province c’est la moitié du droit de Relief ; c’est ainsi que ce droit d’Aide de Relief fut évalué en 1508 en faveur de Louis & François de Cleves, fils d’Engilbert de Cleves, Comte d’Eu, sur les vassaux du Com-té d’Eu, qui devoient ce droit à ces Seigneurs par la mort de leur pere.


ARTICLE CLXV.

L Es heritiers de celui qui a fait profession de Religion, doivent soy & hommage au Seigneur duquel le Fief est tenu, & leur est dû Aide de Relief par leurs vassaux, laquelle Aide est acquitée par demi-Relief.

Comme la profession en Religion est nne mort civile qui donne lieu à l’ouverture de Fief, il n’est pas douteux que les heritiers du vassal qui s’est fait Religieux dans les formes canoniques & civiles, ne doivent Relief & la foy & hommage au Seigneur suzerain & immediat du Fief qu’ils recuëillent de la succession de Celui ont a fait profession ; mais d’un autre côté leurs vassaux leur doivent par cette mutation un droit d’Aide de Relief, qui est la moitié du droit de Relief ; car la profession en Religion dans ce cas le même effet que la mort naturelle,


ARTICLE CLXVI.

L Es Aides-chevels ne sont dûs qu’au Chef-Seigneur : & s’appelle.

Chef-Seigneur celui seulement qui possede par foy & hommage, & qui à cause dudit Fief tombe en garde.

Cet Article établit un autre droit, qui est le droit d’Aidës-chevels.

Ce droit est ainsi appellé, de ce qu’il est du au Chef-seigneur & immediat du Fief, quia capitali Domino debetur : & que le Chef-Seigneur est celui qui possede un Fief par foy & hommage, & qui à cause du Fief tombe en garde.

Il n’y ; que les Fiefs nobles qui soient sujets aux droits d’Aides-chevels, & non les héritages roturiers & venus en roture ; les garennes, moulins & colombiers, tenus divisément & separément des Fiefs ausquels ils étoient autrefois annexés, encore bien qu’ils soient censés droits feodaux, principalement le droit de Colombier, n’y sont pas même sujets ; Arrêts du Parlement de Roüen des 7 Fevrier 1648, & 16 Août 1653.

les filles puisnées, parageres, où leurs representans & ayans cause, qui tiennent leurs portions de Fief, pair à pair & à droit de parage, ne doivent aucuns droits d’Aides-chevels à leur soeur ainée ou à ses representans & ayans cause, mais seulement au Seigneur suzerain immediat du Fief divisé & parragé entre filles, & chacune y contribuera pro modo emolimenti ; mais ce sera la soeur ainée, ou ses representans ou ayans cause, qui payera par ses mains les droits d’Aides au Seigneur suzerain, lequel auroit une action solidaire & hypotecaire sur le Fief entier peur s’en faire payer, & seroit en droit de faire saisir feodalement tout le Fief, sauf le recours de l’ainée contre les puisnées ou cadetes.

Les droits d’Aides-chevels sont seulement dus au propriétaire du Fief suzerain, & non à la douairiere ou autre usufruitier du Fief.

Les droits d’Aides. chevels ne sont pas moins dues aux femmes ou filles propriétaires du Fief suzerain, immediat & dominant, qu’aux hommes : le sexe ne fait rien en cela,

Le droit d’Aides-chevels est la moitié du droit de Relief, comme le droit d’Aide de Relief est la moitié du droit de Relief.

Il est donc constant qu’il y a deux sortes d’Aides qui se payent au Seigneur immédiat dans les cas où ces droits ont lieu, l’Aide de Relief & les Aides-chevels.


ARTICLE CLXVII.

L Es Vassaux ne sont tenus payer Aide de Relief quand le Fief est vendu, échangé ou donné, encore que ce soit par avancement de succession fait au presomptif heritier du donateur.

Le droit d’Aide de Relief est tellement borné pour l’ouverture d’icelui à la mort naturelle ou civile du Seigneur immediat, qu’il n’est point dû en aucun autre cas, soit pour mutation à cause de vente, echange, cession, transport, abandonnement, délaissement, donation entre vifs, où à cause de mort, testament ou autrement, quand même la donation ou liberalité seroit faite à l’heritier presomprit du donateur en avancement de la succession ; il n’y a donc qu’un genre de mutation du côté du Seigneur dominant & immediat, qui donne lieu à l’ouverture du droit d’Aide de Relief, qui est celle qui arrive par la mort du Seigneur suzerain du Fief, & toute autre mutation de ce côté-là est inutile & ne donne aucun droit aux heritiers du Seigneur suzerain, à pouvoir demander le droit d’Aide de Relief à leurs vassaux.


ARTICLE CLXVIII.

I l y a trois sortes d’Aides-chevels, l’un quand l’aîné-fils du Seigneur est fait Chevalier, & s’appelle de Chevalerie.


ARTICLE CLXIX.

L’Autre, quand son aînée fille est mariée, & s’appelle Aide de Mariage.


ARTICLE CLXX.

L E troisiéme, pour racheter le corps de son Seigneur de prison, quand il est pris en guerré, faisant le service qu’il doit au Roy. à cause de son Fief, & est appellé Aide de Rançon.

Nous mettons ces trois Articles dans une seule & même explication, parce que les décisions qu’il faut faire à cet égard roulent sur les mêmes principes ; M. du Cange en son Glossaire appelle en latin le mot de Chevel, Capitaneum.

Ces trois Articles marquent combien il y a de sortes d’Aides-Chevels, & disent qu’il y en a de trois sortes.

Le premier s’appelle aide de Chevalerie, qui est celui qui est dû lorsque le Seigneur de Fief fait son fils ainé Chevalier, c’est-à. dire Chevalier des Ordres du Roy, comme Chevalier de l’Ordre du Saint Esprit, mais non de tout autre Ordre, tels que sont les Ordres de Saint Lazare, Montheilier ou Saint Louis, pas même si le fils ainé se faisoit Chevalier de l’Ordre de Saint Iean de Jerusalem ou de Malthe.

Quoique cet Article porte que ce droit d’Aide est dû quand le sils ainé du Seigneur de Fief est fait Chevalier, neanmoins il seroit dû au fils puisné si le fils ainé étoit incapable d’être Chevalier, ou s’il avoit fait Profession en

Religion, s’il s’étoit mis dans les Ordres sacrez, ou s’ii étoit mort, de sorte que ce droit est du à l’ainé des mâles qui se trouve capable d’être Chevalier des Ordres du Roy.

Il n’y a que le Roy qui ait droit de faire & d’établir des Ordres de Chevalerie, & de faire des Chevaliers dans son Royaume.

Chamberlain en son Histoire des Affaires d’Angleterre, dit que le droit d’Aide de Chevalerie à pareillement lieu en Angleterre.

En France, il y a nombre d’exemples que nos Rois l’ont demandé & levé ; on voit dans un Arrêt de la Cour de Paris de la Pentecôte 1270. que Saint Loüis leva ce droit de Chevalerie sur les Bourgeois de Paris pour faire sont fils ainé Chevalier, que Philippe le Bel fit la même chose pour faire son fils ainé Chevalier, suivant. l’Arrêt de la même Cour de la Chandeleur 1283. & que Philippe de Vallois fit payer ce droit dans toute la Province de Normandie pour la Chevalerie de Iean, son fils ainé, Duc de Normandie, par Arrét du 22. Decembre 1334.

Nonobstant que ce droit n’eût pas été payé ni demandé dans le temps que le fils ainé du Seigneur a été fait Chevalier, il peut neanmoins être demandé depuis sa reception.

Le second Aide Chevel est l’aide de Mariage, qui est lorsque la fille ainée du Seigneur se marie, bien entendu la fille ainée legitime & née en légitime mariage.

Ce droit n’est dû qu’en cas de mariage, & non en cas de Profession de la fille ainée en Religion, & encore faut-il que ce soit le premier mariage, il ne seroit point du pour le second ou autres subsequens mariages, quand même cette fille ainée n’auroi point eu d’enfans des premiers mariages, mais si la fille ainée étoit inhabile par des deffauts essentiels à contracter mariage, ou qu’elle se fit Religieuse, ou qu’elle mourût, la cadette ou puisnée qui se marieroit pour la premiere fois, auroit l’Aide Chevel de mariage.

Ce droit peut être demandé depuis le Mariage.

Il paroit par un Arret de 1270. que le Roy Saint Loüis fit payer le droit d’Aide de Mariage pour le mariage d’Isabelle de France sa fille, avec Thibaud Roy de Navarre, Comte de Champagne.

Le troisième & dernier droit d’Ayde Cheval est le droit d’Ayde de Rancon, qui a lieu quand le Seigneur est fait prisonnier de Guerre en rendant service au Roy, soit comme commandé à l’arriere Ban à cause de s ’on Fief, soit comme servant dans les Armées du Roy en qualité d’Officier ; tel que soit son poste & son emploi, il suffir que le Seigneur soit fait prisonnier dens les Armées de son Prince, pour donner ouverture au droit d’Aide de Rançon.

Encore bien que suivant le texte de l’article 170, la Coûtume ne donne le droit d’Aide de Rançon qu’au Seigneur fait prisonnier de Guèrre en servant le Roy, néanmoins si le Seigneur étoit fait captif & mené en esclavage par les Tures & autres ennemis du nom Chrétien, il seroit juste & raisonnable d’accorder ce secours au Seigneur, s’il n’avoit pas moyen de trouver ailleurs le prix de sa rançon, & si le vassal étoit en état d’y contribuer sans s’incommoder, plutôt que de le laisser périr ; du moins en ce cas la Noblesse de son voisinage par un motif de gloire, même de compassion & de charité, feroit une espèce de Quête pour mettre ce Gentilhomme en liberté ; mais quoiqu’il en soit, comme la Coutume ne parle point de ce dernier cas, on ne pourroit pas contraindre le vassal à payer la rançon de son seigneur pris & mené en esclavage par les Barbares.

Ce droit de rançon est tellement personnel au Seigneur de Fief & pour délivrer sa seule personne, qu’il ne s’étend point à son fils ainé, ni à aucun autre de ses enfans, qui auroient été faits prisonniers au service du Roy, Les droits d’Aides de Chevalerie, de Mariage & de Rançon ne sont pas moins dûs au Roy comme Seigneur immediat d’un Fief, qu’ils sont dûs aux Seigneurs particuliers.

Ces droits ne sont dus qu’une fois par le vassal le cas arrivant, & un vassal ne seroit tenu que de payer le droit qui seroit ouvert de son temps, encore faudroit il que son predecesseur ne l’eût pas payé au même Seigneur qui lui demanderoit, ni pour la même cause.

La faveur de ces droits fait qu’ils sont imprescriptibles par rapport au fonds du droit, parce que le temps auquel il pourra y avoir ouverture est trop incertain, éloigné & non continu ; mais si ces droits, ou l’un d’iceux étoient échus dans un des trois cas, ils seroient sujets à la prescription de quarante ans du tout de l’ouverture ; car enfin il y auroit une négligence blamable de la part du Seigneur ou de ceus qui auroient pû demander ces droits, d’avoir laissé passer qu’rante années sans les demander & en former la demande.

Comme ces droits sont établis par la Coûtume en faveur du Seigneur de Fief, ils peuvent être demandez en Justice reglée, ils ne sont point de pure volonté, ils peuvent être reglez en cas de refus de la part du vassal ou ses representans ; le Seigneur auroit même une action directe, & un privilege sur le Fief servant pour le payement de ces droits.

Comme la Coûtume ne fixe point la somme à laquelle les droits d’Aide Chevel doivent être payez, il faudroit le cas arrivant les évaluer arbitrio boni viri ; car on ne peut pas dire qu’il faudroit les paver sur le pied du droit de Relief d’un Fief, ou du droit d’Aide de Relief ; ce seroit trop peu de chose dans les cas qui peuvent donner lieu aux droits d’Aides Che vel.

Il y avoit encore anciennement l’Aide pour un voyage en la Terre Sainte ou Croisade, on pour une nouvelle Milice ; mais ces deux derniers droits n’appartenoient qu’au Roy, & non aux simples Seigneurs de Fief.


ARTICLE CLXXI.

S i le Fief est vendu à prix d’argent, le Treiziéme du prix est dû au Seigneur de qui il est tenu ; & est du Relief outre le Treiziéme.

Si le Fief est vendu à prix d’argent, le Treizième du prix est du au Seigneur de qui il est tenu.

Treizième est une somme de deniers comptans, qui se paye au Seigneur, à raison du prix d’une terre ou héritage vendu ; c’est le Treizieme du prix total de la vente.

Quoique cet Article ne parle que des Terres & Fiefs Nobles, neanmoins on paye également le Treizième de nier du prix des Contrats de vente d’héritages roturiers, comme des Contrats de vente de biens nobles, c’est le même droit pour la vente des uns & des autres héritages, terres & rentes foncieres non rachétables.

Nul héritage, soit noble, soit roturier, n’est exempt du droit de Treizième dans les cas où il a lieu, à la réserve des maisons & héritages qui sont en francaleu ; ces derniers biens ne payent point de Treizième en cas de vente.

C’est au Seigneur immediat du Fief & Terres nobles, & au Seigneur direct, foncier & censier d’héritage roturier, à qui le Treizième est du & se paye.

C’est le vendeur qui paye le Treiziéme, & non l’acquereur, s’il n’y a clause contraire par le Contrat de vente.

Le droit de Treizième est en soy imprescriptible par quelque temps que ce soit, seroit-il centenaire & immemorial ; mais quant au Treizième du & échû, peut être prescrit par l’acquereur, ses heritiers & ayans cause par quarante ans, Il faut que la vente soit faite & parfaite pour donner lieu au droit de Treizième.

Si le Contrat de vente étoit résolu propter antiquam causam, ou par l’inexécution des conditions apposées au Contrat de vente, ou par l’exercice de la faculté de remerer dans le temps marqué, il ne seroit point dû de Treizième ; & Lpr même s’il avoit été payé il y auroit lieu à le repeter condictione indebiti : mais si la résolution de la vente se faisoit volontairement entre les contractans, le Treizième ne seroit pas moins dû, parce que le droit étoit acquis par le Contrat de vente ; autre chose seroit si la vente étoit cassée & declarée nulle par des Lettres de Rescision, en ce cas le Seigneur ne pourroit pas prétendre de Treizième ; & s’il l’avoit reçû, il ne pourroit pas s’exempter de le rendre & restituer, Quoiqu’un acquereur de terres & héritages à titre de vente, soit évincé de sa proprieté & possession par des creanciers de son vendeur par saisie réelle ou autrement, le droit de Treizième ne laisse pas d’être dû pour la vente qui avoit été faite à cet acquereur ; c’est pourquoi si le Treizième avoit été payé, il n’y auroit pas lieu à la repetition ; Arrêt du Parlement de Normandie du 10 Decembre 1642.

Il y a plus, c’est que ce même héritage venant à être vendu par decret & par saisie réelle faite sur l’acquereur & tiers détempteur, comme il se pratique en Normandie, les demandes en déclaration d’hypoteque & déguerpissement n’y ayant point lieu, il seroit dû un droit de Treizième pour cette vente faite par la Justice, quand même ce seroit le même acquereur qui seroit adjudicataire des héritages à deniers comptans, parce que cette vente est une nouvelle & seconde vente.

Lorsqu’un Fief ou héritages roturiers, qui composent tous les propres d’un pere, sont vendus par decret, les enfans qui prennent le tiers du prix pour eur tiers coutumier, ne doivent porter aucun droit de Treizième sur ce tiers du prix de la vente ; supposé qu’il soit encore dû quelque ancien droit de Treiziéme, le Treizième se prendra seulement sur les deux autres tiers ; Arrêt du même Parlement du 9. Aoust 167s, on dit héritages vendus par decret, car s’ils avoient été vendus per un Contrat de vente volontaire, les enfans per modum béndicationis prendroient leur tiers coutumier en essence sur les heritages.

La folle enchere ne produit point de droit de Treizième ; Arrét du même Parlement du 27. Juillet 1638.

L’usage est certain en Normandie, qu’une déclaration qui porteroit qu’un héritage acquis par Contrat de vente est pour un autre, que l’acquereur n’y a rien & n’y prétend rien, ne faisant en cela que prêter son nom à celui au profit duquel est la déclaration, doit être faite pardevant Notaire, ou autre personne publique à l’instant du Contrat de vente, si la vente est volontaire, & avant l’état ou ordre du prix de la vente, si le vente a été faite par adjudication sur une saisie réelle & decret des héritages, autrement il seroit dû deux droits de Treizième.

Il n’est point dû de Treizième d’un Contrat de vente faite à faculté de remerer, si la faculté de remerer est exercée dans le temps préfini, marqué & prescit & n’y par le Contrat de vente ; mais si l’on exerçoit cette faculte hors le tems, le droit de Treizième seroit dû ; Arrét du même Parlement du Mars 1651 : le Treizième leroit pareillement du de la cession faite par le vendeur de la faculté de remerer, mais il n’en seroit point dû pour raison du reméré que le cessionnaire exerceroit, d’autant que la cession de la faculté de remerer & l’exercice du reméré sont reputez une même vente.

Quoique le droit de Treizième soit dû non seulement pour vente d’héritages faite en argent & deniers comptans, mais encore pour Contrats équipolens à vente, comme quand on donne des héritages in folutum d’une dette, néanmoins il n’en est point dû pour raison d’heritages baillez en payement de la dot promise en deniers & argent à la fille par son Contrat de mariage, fait qu’elle ait été mariée par ses pere & mere, ou par ses freres qui en ce cas lui devoient mariage avenant, parce que c’est la même chose que si on lui avoit promis un heritage pour sa dot ou pour son mariage avenant ou légitime : mais si c’étoit un étranger qui, ayant promis une somme de deniers en faveur de mariage, donneroit des heritages en payement de cette somme, le Treizième en seroit dû, par-ce que ce seroit bailler un heritage à un étranger ir solutum d’une dette.

Il n’est point non plus dû de Treizième de l’héritage baillé au mari en payement de sOn don mobile, qui lui avoit été promis par son Contrat de mariage.

Le don fait par pere & mère d’héritages à leur enfant, en avancement d’hoirie & de succession, ne produit point de Treizieme, quand même le contrat de don porteroit que le don a été fait à la charge par le donataire de payer toutes les dettes des donateurs ; Arrêts du même Parlement des 17 Decembre 16z6, & i8 Janvier 167z ; il faut dire la même chose de don fait à un presomptif heritier du donateur, quand même ce seroit un heritier en ligne collaterale, Les partages, licitations, & le payement de soulte ou retour de partage, ne produisent aucun Treizième, Art. 26. du Reglement de 168s ; il en seroit de méme des subdivisions, Il n’est dû aucun Treizième du rachat d’une vente foncière, quand il est fait aprés l’an & le jour de la fiesse ou bail à rente, sinon en cas de fraude où convention dans l’an & jour d’en faire le rachapt, Art. 27 du même Reglement ; mais il est du Treizième pour vente d’une rente foncière non rachetable & non amortissable.

Vente d’héritages, faite pour rentes foncieres rachétables & amortissables, ou pour rentes hypoteques ou constituées à pris d’argent, produit Treizième.

Il n’est point du de Treizième de l’héritage que le mari ou ses heritiers baillent à la femme en payement de ses deniers dotaux, reprises & conventions matrimoniales, quoique ce lussent des propres du mari ; & tel est l’usage en Normandie, Le Seigneur qui achete des heritages mouvans de son Fief, ne peut prétendre de Treizième contre le vendeur, il est à presumer que cela a fait partie du prix de la vente.

a l’état, ordre & distribution du prix provenant d’une adjudication par Decret, le Seigneur ou ses ayans cause, ont privilege pour le droit de Treizième dû pour raison de cette dernière adjudication seulement ; mais s’il lui en étoit dû d’autres pour de précedentes ventes, il ne seroit colloqué & mis en ordre que par hypoteque & du jour de chaque vente.

Le vin du marché & les épingles n’entrent point dans la liquidation du Treizieme, à moins qu’ils ne sussent exorbitans & promis en fraude du droit de Treizième, ou qu’il ne fût dit par le contrat qu’ils font partie du prix de la vente.

Les frais & loyaux cout, du contrat de vente n’entrent point pareillement dans la liquidatiOn du Treizième.

Si l’héritage étoit vendu avec les fruits tenans par les racines, le Treizi7Me seroit dû, tant pour l’heritage que pour les fruits, pourvû que la vente eût été faite avant la Saint Iean-BapTiste si c’étoit des grains, & avant le premier Septembre si c’étoit des pommes, raisins & autres fruits d’arbres ; mais si la vente étoit posterieure à ce temps-là, ou que les grains fussent coupés, & les pommes & poires abbatues à terre, le Treizième ne seroit dû qu’à proportion de la valeur de l’héritage, sans y comprendre les fruits, parce que ces fruits ne sont plus censés faire partie du fonds de l’héritage.

La seule promesse de vendre ne produiroit point de Treiziéme, il faut que la vente soit faite & parfaire, sans quoi point de Treizième.

Le suplement du prix d’un contrat de vente, augmenteroit le Treizième à proportion du suplément du prix de la vente.

Vente de bois de haute futaye, comme chesnes, hestres, pins, sapins & ormes au-dessus de quarante ans, mais non des pommiers & poiriers quelque âge qu’ils ayent, Arrêt du même Parlement du 12 May àé667, doit Treizième ; Arrêts du même Parlement des ; Decembre 1éo8, & 22 Avril 1611.

Il n’est point dû de Treizième pour raison d’une adjudication par Decret, cafdée & déclarée nulle par Sentence, Arrét ou Jugement ; & si le Treizième avoit été payé, il y auror lieu de le repeter.

La contestation qui seroit pendante & indecise entre le vendeur & l’acquereur sur la re solution du contrat de vente, ne pourroit arrêter le payement du’Treiziéme par provision, au moins il seroit juste d’ordonner que dans un temps le vendeur & l’acquereur seroient tenus de faire juger leur contestation, sinon & à faute de ce l’acquereur est tenu de paver le Treizieme au Seigneur, sauf à lui à le repeter si la vente par l’événement du procés a été resoiué ex antiquà ransâ, autrement il seroit aisé par une collusion entre le vendeur & l’acquereur d’arrêter le payement du Seigneur, de son droit de Treizième.

Le Treizième est dû du jour du contrat de venre.

Héritage donné à fieffe ou à rente de bail d’héritage amortissable, doit Treigième : il en seroit autrement si la rente étoit non-amortissable.

Si par le contrat de vente on stipuloit qu’il seroit permis à l’acquereur de faire un Decret volontaire pour purger les hypoteques du vendeur, l’adjudication qui se feroit sur ce Decret à l’acquereur, ne devroit point de Treizième, parce que dans ce cas le contrat de vente & l’adjudication sont une feule & même vente ; ainsi il ne seroit du qu’un droit de Treizième pour raison de la vente, & non pour raison d’adjudication, parce que c’est toûjours le même acquereur.

Le contrat de cession d’héritages à la charge par le cessionnaire de payer les dettes du cedant, doit Treizième ; car c’est une vérirable vente.

Dans un contrat de vente faite sous condition, le Treizième est dû dn jour du contrat, & non du jour que la condition est arrivée ; Arrét du même Parlement du 2a Juiller 1éz9.

Le Treizième est dû au Fermier ou Receveur, qui est Fermier ou Receveur au temps du contrat de vente volontaire, quand bien même l’acquereur seroit sur lui un Decret volontaire pour purger les hypoteques du vendeur ; mais à l’égard des ventes & adiudications par Decret, le Treizième en appartient à ce-lui qui est Fermier ou Receveur lors de l’adjudication : celui qui auroit la Ferme ou qui seroit Receveur au jour de l’état, ordre ou distribution du prix, n’y auroit rien ; Arrét du même Parlement du 27 Iuillet 1638.

Il Iuit de cette décision que les droits de Treizième sont cessibles comme les autres profits de Fief, tant pour raison des ventes d’héritages nobles que pour raison des ventes d’heritages roturiers.

Dans les contrars de ventes faites à façulté de remerer, le Treizième en appartiendroit au Fermier ou Receveur qui l’étoit au jour du contrat de vente, & non au Fermier ou Receveur qui l’étoit au jour que la faculté de remerer étoit expirée.

Le Treizième est dû à celui qui iouit du Gageplege, & non à celui qui jouit du Fief ; Arrét du même Parlement du 13 May 1610.

Le Seigneur qui a fait bail de tous les droits Seigneuriaux de sa Terre, ne peut demander à son Fermier le Treizième pour raison des héritages que le Fermier acquiert dans sa mouvance & directe ; & même si le Seigneur retiroit ces héritages sur son Fermier par retrait ou clameur feodale, il scroit tenu de faire raison du Treizième à son Fermier ; Arrét du même Parlement du 21 Fevrier1653.

Le Treizième appartient à la douairiere ou autre usufruitier du Fief, & non au propriétaire du Fief.

Il ne seroit pas permis au sieigneur de faire remise à un acquereur du Treiziéme au préjudice, le la douairiere ou autre usafruitier du Fief, ni du Fermier auquel il auroit cedé tous les droits Seigneuriaux & profits de Fief, tant ordinaires qu’extraordinaires.

Il n’est point dû de Treizième pour vente de rentes foncieres amortissables, ni pour vente de rentes hypoteques ou constituées à prix d’argent, ni pour venre de navires.

Il y a plusieurs Officiers dans le Royaume, qui sont exempts de payer le droit de Treizième pour les rerres qu’ils acquierent dans la mouvance & directe du Roy ; tels sont les Chevaliers & Commandeurs de l’Ordre du S. Esprit, les Maitres des Requêtes, les Officiers des Chambres des Comptes, les éécrétaires du Roy, & autres à qui le Roy a accordé par Titres particuliers l’exemption du droit de Treizième ; cette exemption a même lieu contre les Engagistes du domaine du Roy.

Et est du Relief outre le Treizième, pour raison de vente de Fief & heritages nobles, mais non pour vente d’héritages roturiers ; car la vente d’héritages roturiers ne produit que le droit de Treizième, & non le droit de Relief.


ARTICLE CLXXII.

D’Echange faite d’héritage contre heritage n’est dû Treiziéme, s’il n’y a eu argent baillé de part ou d’autre, auquel cas est dû Treizième de l’argent ou de l’estimation du Fief baillé avec argent, encore que l’héritage soit de plus grande valeur que l’argent, & sera dit le Treiziéme au Seigneur dont est tenu le Fief baillé sans solde.

Quoique cet Article semble ne parler que des Contrats d’échange de Fiefs & Terres nobles, néanmoins sa disposition ne regarde pas moins les échanges d’heritages roturiers.

Il est donc cerrain, generalement parlant, qu’il n’est point dû de Treizième pour échange d’héritages contre héritages, soit héritages nobles, soit héritages roturiers, ou que l’échange soit faite d’héritages nobles contre héritages nobles, ou d’heritages nobles contre héritages roturiers, ou roturiers contré ro’uriers.

Il n’est point pareillement dû de Treizième pour échange d’héritages contre des redevances & rentes foncieres non amortissaules, comme rentes de Fieffe ou de Bail d’héritage non amortissables, parce que ces redevances & rentes tiennent lieu de fonds & d’héritage ; voila quelle est la disposition de cet Article à cet égard. Il y a pourtant une Déclaration du Roy du é Mars 5674, par laquelle le Rey aordonné que les droits ne seroient pas moins dus pour les contrats d’échange d’héritages que pour les contrats de vente d’héritages, pour sdit cette Déclaration ) prevenir les fraudes qui se pratiquent à la faveur des échanges pour frustrer les Seigneurs de leur droit de Treizième ; mais il ne paroit pas que cette Déclaration ait eu beaucoup d’execution, & principalement dans l’etenduë de cette Coûtume qui porte une difposirion précise & expresse au contraire.

Il y a cependant une exception de cette disposition, qui est que s’il y a eu arçent baillé de part ou d’autre dans le contrat d’échange, il sera dû Treizième de l’argeur baillé, ou de l’essimation de l’héritage baillé avec l’argent, encore bien que l’héritage loit de plus grande valeur que l’argent ; de manière que dans ce cas il seroit à l’option du Seigneur de prendre son droit de Treizième sur le pied de la somme de deniers payés pour soulte d’échange, ou sur le pied de l’estimation de l’heritage donné en échange, quand même l’héritage seroit de plus grande valeur que l’argent baillé pour soulte d’échange : ce seroit à lui à voir lequel parti lui Rroir le plus avantageux ; mais il ne peut pas pretendre le Treizième de la soulte de deniers & de la valeur de l’héritage, il ne peut avoir que l’un ou l’autre ; Arrêts du Parlement de Roüen des premier Iuiller 1é6z, & 25 Iuillet 1673 : & dans ce cas le Treizième appartiendroir au Seigneur dans la mouvance & directe duquel seroit situé l’heritage baillé sans soulte de deniers, & non au Seigneur duns la mouvance & directe duquel seroit l’heritage, pour raison duquel il auroit cté baillé soulte de deniers.

Il seroit da Treizième pour échanges d’héritages contre des rentes foncieres & de fieffe ou de bail d’héritage amortissebles, où de rentes hypoteques ou constituées à prix d’argent, ou pour chores mobiliaires ; Arrét du même Parlement du 21 Août 1523 ; parce qu’un contrat de cette qualité est plûtot un contrat de vente qu’un contrat d’échange ; mais dans ce cas le Treizième ne seroit dû que pour les rentes ou choses mobiliaires données en contrechange, si mieux n’aimoit le Seigneur être payé de son Treizième sur le pied de l’estimation de l’héritage.

Il est permis de vendre ou d’aliéner par contrat d’échange son Fief pour le noble, & ensuite vendre le domaine utile non fiené à celui qui avoit acquis le fief duquel relevoit le domaine utiie non fieffe, sans qu’il soit dû de Treizième au Seigneur dominant du fief aliéné ; Arrêts du même Parlement des 14 Mars 162é, 13Mars 1631, & 8Août 1636 : par un autre Arrét du même Parlement du 7 Jangier, & beaucoup d’autres qui ont suivi, tel est l’usage constant du Parlement de Roüen & de toute la Province ; & il n’a point encore été changé nonobstant que les Seigneurs de Fief ayent toujours crié & crient encore journellement contre cette manière de contracter, qu’ils disent être un dol évident pratiqué afin de frauder par un acquereur le droit de Treizième au Seigneur, & que les contractans appellent de leur côté bonus dolus, & un usage de tout temps pratiqué dans la Province.

Cette conrestation s’étant trouvée au Parlement de Paris en 1728. l’usage de Normandie bien loin d’y être adopté & suivi, il a été condamné par un Arrrêt du 15. Mars 1728. en la Grande Chambre ; sur productions respectives des Parties, au Rapport de Monsieur de Vienne, les Sieurs Robillard & du Chauvin, Parties ; par cet Arrêt il fut jugé qu’un pareil Contrat devoit le droit de Treizième au Seigneur, comme fait en fraude du droit de Treiziéme ; & que l’Acquereur ne devoit pas moins le droit de Treizième pour raison de cette acquisition, que si les choses faisant partie de son Contrat, avoient été expressément venduës par un seul & même Contrat, directement & sans détour ; j’avois écrit en l’Instance pour soutenir l’usage. de Normandie & la Jurisprudence du Parlement de Roüen, mais nos raisons ne purent frapper le Parlement de Paris.

a l’occasion du contrat d’échange on peur remarquer que la voye de rescision pour déception d’outre moitié de juste prix, n’y a point lieu, quoiqu’elle ait lieu dans les contrats de vente en faveur du vendeur, & non de l’acquereur, suivanr la Loi 2. au Cod. de rescinaendà venditione ; parce que l’échange n’est point une vente, mais une subrogation d’une chose en la place d’une autre, & dans lequel contrat les deux parties contractantes n’ont point d’autre intention que ba-bere pensationem aeei suaee in re similis qualitatis ; ce qui ne se peut dire de la vente, dans laquelle on donne & abandonne une chose, un héritage, un fonds pour de l’argent & des deniers comptans.


ARTICLE CLXXIII

ARTICLE CLXXIII L E Treiziéme du prix de la Terre roturiere, venduë ; est dû au Seigneur ; & n’est du Relief sinon en cas de succession.

Le Treizième du prix de la Terre roturiere, venduë, est du au Seigneur.

Ces paroles nous marquent évidemment que dans une vente d’héritages roturiers il n’est dû que le Treizième du prix de la vente, comme dans la vente des héritages nobles, le droit est égal pour l’un & l’autre héritage ; & les cas de vente dans lesquels il est dû Treizième pour raison des Fiefs & Terres nobles, pro-duisent le droit du Treizième pour les héritages roturiers, étans dans la directe du Seigneur foncier & censier.

Et n’en est du Relief sinon en cas de succession.

C’est ici une différence entre la vente d’héritages nobles & la vente d’héritages roturiers, que la vente des héritages nobles produit le droit de Treizième & le droit de Relief tout ensemble, au lieu que la vente d’héritages roturiers ne produit que le droit de Treizième au Seigneur, & non le droit de Relief ; car en fait d’héritages roturiers, il n’est dû Relief que dans le cas de succession, & non dans aucun autre cas, tel qu’il soit, pas même en cas de donation ou autre titre gratuit & de liberalité ; c’est à la mutation par succession, que la Coûtu-me a borné le droit de Relief dans les héritages roturiers.


ARTICLE CLXXIV.

T Reiziéme se paye au prix de vingt deniers pour livre, s’il n’y a titre, possession suffisante, on convenant au contraire.

Vingr deniers pour livre sont cinq sols par écu ; voilâ quelle est la regle generale p’pour liquider le Treizième du prix d’une vente ; ainsi une vente de douze cent livres, c’est cent livres pour le droit de Treizième : celle de douze mille livres, c’est mille livres : & celle de douze mille écus, c’est mille écus ou trois mille livres, ainsi des autres à proportion.

Cependant le droit de Treizième peut être plus fort ou moindre que la treigième partie du prix de la vente, par un titre ou convention particuliere, ou par une possession de quarante années, que la Coûtume appelle dans cet Article posiession suffisante ; & alors il faudra s’en tenir au titre, à la convention, ou à la possession, qui même suffiroit sans titre ni convention particulière, sans être teni de payer le droit de Treizième sur le pied de la Coûtume.


ARTICLE. CLXXV.

E N toutes ainesses les puisnez sont tenus bailler à l’aîné écroé ou déclaration signée d’eux, de ce qu’ils tiennent sous lui, afin que l’aîné puisse bailler écroé entiere de l’ainesse au Seigneur, laquelle tous les puisnez doivent avoüer & signer chacun pour son regard.

Le mot d’ainesse en cet endroit veut dire un tenement d’un héritage en entier & non divisé, qu’un Seigneur direct, foncier & censier avoit fieffé ou donné à rente de bail d’héritage à une seule personne par un seul & même contrat, & lequel tient d’héritage a depuis été divisé & partagé en plusieurs portions par succession & partage, & tombé à plusieurs personnes ; mais comme cette division n’a pû se faire au préjudice du Seigneur foncier & direct, le Seigneur devant toûjours avoir un vassal, tenancier & censitaire principal qui represente les autres, & à qui il puisse s’adresser, & qui reponde des rentes, redevan-ces, charges & devoirs dont tout le tenement de l’héritage est chargé envers le Seigneur ; s’il n’y a point d’ainé, le Seigneur peur obliger les co-tenanciers d’en établir un d’entre eux pour en faire la charge, payer les rentes & redevances, & faire les devoirs censitaires au Seigneur pour tous les co-tenanciers ; car le Seigneur, nonobstant la division & le parrage du tenement, a toûiours une action directe & solidaire contre eux & contre un chacun d’eux, sauf le recours des uns contre les autres.

Ces tenemens sont seulement d’héritages roturiers, & non d’héritages nobles : & l’alienation de ces heritages roturiers n’a été faite qu’à la charge de la directe & des rentes, redevances & devoirs portez par le contrat d’alienation ; ces aliénations se font ordinairement à titre de fieffe.

Les co-tenanciers puisnez de ce tenement sont tenus de payer leur part des rentes & redevances dont il est chargé enrre les mains de l’ainé des co-tenanciers, & lui fournir & bailler un écroé, c’est-à-dire une déclaration signée d’eux, de l’héritage qu’ils tiennent sous lui ; & l’ainé fournira & baillera declaration du tenement en entier au Seigneur, laquelle sera avouée, ratifiée & signée par tous les puisnez, en égard de ce que chacun tient & possede dans le tenement.

Le mot d’écroé qui se trouve dans cet Article y signifie déclaration, comme qui diroit arrété, qui est un terme dont se sert encore dans la Maison du Roy au sujet de la depen se ordinaire, dont l’écroé ou arrété se fait en parchemin ; ce sont les Controleurs & les Cleres d’offices, qui sont les écroez ou arrêtez, aussi la déclaration que doivent donner les puisnez d’un tenement, est à proprement parler un arreté entre eux, & signé d’eux de ce qu’ils tiennent, & des charges de leur renement.

Il est permis à l’ainé, même au Seigneur, de blûmer cette déclaration, tant sur la forme qu’au fonds, comme n’étant point faite en la manière qu’elle doit être.


ARTICLE CLXXVI.

S I l’un des puisnez renonce à sa part, elle revient à l’aîné, & non au Seigneur.

Il est permis à un détempteur d’un héritage, à titre de fieffe ou à rente de bail d’héritage, ou autres redevances Seigneuriales ou roturières, de se désister & départir de la possession de cet héritage, & y renoncer, pour se décharger & n’êrre plus tenu des rentes & redevances dont l’héritage est chargé, en payant les arrérages de son temps, principalement s’il n’a point obligé & hypotequé ses biens personnels à la garantie & plus grande sureté des rentes & redevances ; car cette derniere obligation empécheroit le desistement & abandonnement de l’héritage, à moins que le bailleur n’y consentit & n’y donnât les mains, & cequi qui voudroit faire ce déquerpissement demeureroit toûjours garant des rentes & redevances, nonobssant son déguerpissement.

Mais dans le cas qu’un des puisnez, pour n’être pius tenu des rentes & redevances dont le tenement dans lequel il avoit une portion, renonce à sa part, cette part ne revient pas au Seigneur ni aux autres puisnez, mais à l’aind des tenanciers seul, à la charge de payer le contingent des rentes & redevances dont cette portion étoit chargée envers le seigneur. par la même raison, si l’a né renonçoit à sa portion, elle reviendroit à l’ainé des puisnez, & non au Seigneur ; car le Seigneur ne peut rien prétendre dans tout le tenement tant qu’il sera payé de ses rentes & redevances.


ARTICLE CLXXVII.

L E Seigneur feodal peut retirer le Fief tenu & mouvant de lui, s’il est vendu par le vassal, en payant le prix & loyaux coûts ; & par ce moyen le Fief retiré est uni au Fief duquel il étoit tenu.


ARTICLE CLXXVIII.

P Areillement il peut retirer la roture venduë en son Fief, en payant le prix & loyaux coûts ; & par ce moyen ladite terre est tenuë en Fief, & les rentes & charges dûës à cause d’icelles éteintes.

Ces deux Articles, & quelques autres qui suivent, auroient été mieux placés sous le titre ae la Clameur & sietrait, dont le retrait feodal fait partie ; c’est une faute dans laquelle les redacteurs & reformateurs de toutes les Coûtumes du Royaume sont presque tous tambez : mais puisque nous les trouvons ici, pour ne point intervertir l’ordre des Articles, nous allons faire nos observations sur ces deux Articles, Suivant la disposition de ces deux Articles, le rerrait feodal a lieu tant en Fief & Terres nobles qu’en héritages roturiers, au profit du Seigneur immediat & direct des héritages nobles & roturiers, cependant les Gens de Main-morte & les Engagistes du Domaine du Roy ne peuvent retirer à droit feodal les heritages relevans de leurs Fiefs, Art. 96. du Reglement de r66s ; Il faut dire la mé-le chose du Roy & des Beneficiers ; mais un usufruitier rel que seroit une douaifaire du Fiefdominant & immediat peut user de retrait feodal, & le mari pour sa femme.

Le Retrait feodal est incessible par la jurisprudence du Parlement de Normandie ; parce que ce droit est tellement réel & annezé au Fief, qu’il ne peut se trans-mettre & se transporter sans le FiesLa réunion du Fief ou héritage, rétiré par Retrait feodal, se fait de plein droit par la seule adjudication du retrait au Fief dominant ; Art. 30 du même Regleonenz ; le sieigneur n’a pas besoin de faire pour cela une déclaration Si plusieurs Fiefs relevans d’un même Seigneur & d’un même Fief ont été vendus par un même contrat & un seul & même prix, la maxime est certainé en Normandie que le Seigneur est obligé de les retirer tous s’il veut user de Retrait feodal, sans quoi il seroit non-recevable en sa demande en Retrait feodal s’il vouloit retirer l’un sans l’autre ; autre chose seroit si les Fiefs vendus par un seul & méine contrat, & unico pretto, relevoient de differens & divers Fiefs, quoiqu’appartenans à un même Seigneur ; en ce cas il seroit en la liberté du Sei-gneur retrayant, de retirer lequel des Fiefs il voudroit, parce que c’est la mouvance qui regle l’etenduë du Retrait feodal & les obligations du Seigneur dans l’exercice de son pouvoir à retirer feodalement.

L’un de plusieurs Seigneurs suzerains d’un même Fief ne peut retirer à droit feodal à proportion de la part qu’il a au Fief, à moins que les autres n’usent pareillement de Retrait feodal, d’autant que l’acquereur n’est en ce cas point obligé de diviser son sacquisition, parce que tous les heritages acquis sont mouvans & relevans d’un même Fief ; car encore un coup, dans le cas que les heri-tages relevent de differens Fiefs, l’acquereur seroit obligé de diviser son acquisition par rapport à chaque seigneur qui voudroit user de Retrait feodal.

Le Fiefou l’heritage roturier retiré à droit feodal, & réuni au Fiefqui tenoit nature de propre, est censé propre ; Art. 108. du Reglement de 1666.

Le Retrait feodal a lieu tant dans les ventes volontaires, que dans les ventes forcées, comme adiudications par decret.

Il est permis au Seigneur d’amortir les rentes foncieres, quoiqué non amortissables par le contrat, dûes sur le Fief ou sur l’héritage roturier qu’il a retiré par retrait feodal, mais toûjours au denier vingt, quand même par le contrat le denier seroit moindre ; Arrét du Parlement de Roüen du 13 Juillet 1628.

Par le Retrait feodal d’héritages roturiers, non seulement ces héritages sont réunis de plein droit au Fief, mais encore toutes les rentes, redevances, corvées, servitudes & charges qui étoient dûes par ces héritages à ce Fief, sont éteintes & n’existent non plus que si elles n’avoient jamais été ; il se fait de plein droit une consolidation du tout au Fief.

Une Rente fonciere, non amortissable, venduë à celui qui en est redevable, ne peut être clamée ou retirée à droit feodal, pas même à droit de Retrait lignager ; Art. t8 du même Reglement, parce que cette acquisition est un amor-tissement & une extinction de la rente.

Le Seigneur en retrayant feodalement un héritage, noble ou roturier, est tenu de reinbourser le prix de la vente, frais & loyaux coûts à l’acqueteur dans le temps de la Coûtume.

On a remarqué sur l’Article 17z, que c’est un usage dans toute la Province de Normandie, que pour s’exempter du Treizième du Domaine utile non fieffé, de commencer par vendre le Fiefnoble, & ensuite on vend le Domaine non fieffé, mouvant directement de ce Fief, à un autre qui souvent n’est qu’un prêre-nom sur le quel l’acquereur du Fief noble use de Retrait feodal, pour raison du Domaine non fieffé ; & de cette manière le Seigneur immediat du Fief n’a le Treizième que du Fief noble, qui est peu de chose, parce qu’on prend soin de le vendre à bon marché ; c’est unc espèce de fraude pratiquée contre un Seigneur de Fief, mais elle est tolèrée dans toute la Province ; on y appelle cet expedient bonus dolts, & qui est adopté & pour ainsi confirmé par les Arrêts du Parlement de Rouen, nonobstant les clameurs des Seigneurs de Fief.

ARTICLE


ARTICLE CLXXIX.

E T quant aux autres Charges communes entre les tenans, les autres en demeurent déchargez, à la raison de ce qui en étoit dû pour la Terre reunie, excepté le service de Prévosté,

Par le précedent Article il est porté, que lorsqu’un héritage en roture est retiré par le Seigneur direct à droit de retrait féodal, les rentes & redevances qui étoient dûës par cet héritage à ce Seigneur, sont éteintes ; & cet Article veut, que s’il y avoit d’autres héritages affectez à ces rentes & redevances que l’héritage qui a été rétiré par le Seigneur par retrait féodal & réuni au Fief, les dé-tempteurs des héritages non retirez, soient déchargez de ces rentes & redevances à proportion de ce qui en étoit dû par l’héritage roturier, retiré & réuni au Fief ; & dans ce cas le Seigneur qui a fait le retrait, confond en sa personne la portion des rentes & redevances, dont l’héritage par lui retiré & réuni à son Fief, étoit tenu ; fauf à lui à se faire payer des autres parts des rentes & redevances par les détempteurs des héritages non retirez & non réunis au Fief, les-quels héritages étoient chargez des rentes & redevances solidairement, comme étoient les héritages rêtirez & réunis au Fief ; de manière que les rentes & redevances suosistent toujours pour les parts & portions des autres détempteurs, & de Seigneur est en droit de s’en faire payer.

Mais quant aux services de Prévôté, les choses demeurent comme auparavant, le Seigneur n’y sera point sujet, ce sera aux rentiers & censitaires qui restent, à le faire, sans que le Seigneur soit tenu de cette charge, sous prêtexte que l’héritage par lui rétiré séodalement & réuni à son Fief, portoit une portion des rentes & redevances, & engageoit le détempteur à faire le service de Prévôté à son tour, qui est de faire le recouvrement des rentes & redevances Seigneuriales ; c’est pourquoi dans le cas de cet Article, le service de Prévôté se doit faire par les autres tenanciers, & le Seigneur en est exempt.


ARTICLE CLXXX.

M Ais si le Seigneur achete terres de roture, tenuës de lui, il est tenu faire service de Prévosté, dû par ladite Terre, jusqu’à ce qu’elle soit réunie au Fief.

Il y a cette difference entre les terres réunies au Fief par puissance de Fief, comme à droit de commise, confiscation, déshérance ou bâtardise, & les terres acquises par le Seigneur des Fiefs, comme par contrat de vente volontaire, ou adjudication par decret ; qu’à l’égard des premières la réunion s’en fait de plein droit, & ces terres sont déchargées du service de Prévôté, au lieu que les terres acherées par le Seigneur, ne sont point réunies au Fief de plein droit, le Seigneur les possede séparément & distinctement de son Fief, elles ne sont point déchargées du service de Prévôté, & le Seigneur est lui-même sujet à ce service, & doit en faire la fonction à son tour, comme les autres tenanciers, jusqu’à ce que la réunion de ces terres ait été par lui faite, & par une dé-Claration expresse en vertu d’un acte, à son Fief ; auquel cas la réunion fera tomber cette obligation, & il n’y aura que ses autres tenanciers & censitaires qui seront tenus du service de Prévôté.

Cette décision ne peut avoir lieu qu’au cas que les héritages roturiers acquis par le Seigneur à titre de vente ou d’échange, soient chârgez de rentes & redevances conjointement & solidairement avec d’autres héritages étant en sa directe & censive ; car si ces héritages acquis n’étoient point chargez de rentes & de redevances seigneuriales, le Seigneur sous prétexte de son acquisition, ne seroit point sujet au service de Prévôté, parce que ce sont les rentes & redevances seigneuriales qui assujettissent au service de Prévôté ; ce seroit aux au-tres redevables & détempteurs à faire la fonction de Prévôt.

Si cependant le Seigneur revendoit ces mêmes terres ou héritages, : l’acquereur ne seroit point tenu du service de Prévôté, à moins que par une ciause expresse du contrat, il n’en eût été chargé par le Seigneur son vendeur ; car le service de Prévôté n’est pas une dépendance nécessaire du Fief, il n’y auroit que la convention qui pourroit assujettir l’acquereur à cette charge. Arrét du Parlement de Normandie du 32. May 1626.

Dés que les rentes & redevances seigneuriales ont été éteinter par la réunion des héritages qui les devoient, faite au Fief par puissance de Fief, elles ne peuvent revivre ni reprendre leur existence par l’aliénation que le Seigneur se-roit dans la suite de ces héritages ; ces rentes & redevances sont éteintes & mortes pour toujours, & l’acquereur de ces héritages, héritiers & ayant cause, n’en sont point tenus ; Arrêt du même Parlement du 28. Juin 1631. à moins que par une clause e xpresse du contrat de vente le Seigneur en vendant ces héritages n’eût chargé l’acquereur de faire & continuer ces mêmes rentes & redevan-ces à son Fief, ainsi & de la manière qu’elles étoient & subsistoient avant la rénnion qui avoit été faite des héritages sujets aux rentes & redevances, au Fief dominant ; la même chose seroit, quand même le Seigneur n’auroit point possedé les héritages à titre de réunion à son Fief, mais comme les ayant acquis par vente ou échange, parce que par le principe que, némo sibi porest debere, dés qu’on a acquis un héritage sur lequel l’acquereur avoit des rentes & redevances à prendre, ces rentes & redevances s’éteignent & se confondent, tout est consolidé à la proprieté de l’héritage, l’héritâge devient libre des rentes & redévances ; de manière que ces rentes & redevances ne pourroient reprendre existence en revendant par le Seigneur les héritages, qui auparavant son ac-quisition étoient chargez de rentes & redevances envers son Fief, à moins qu’il n’y ait une clause au contraire dans le contrat de vente.


ARTICLE CLXXXI.

I L peut aussi retirer la rente foncière duë à cause du fonds tenu de son Fief, venduë par le Vassal, laquelle en ce faisant sera unie à son Fief, & néanmoins sera toujours fonciere.

La faculté donnée par cet Article au Seigneur de pouvoir retirer par Retrait féodal une rente foncière dué sur un héritage, noble ou roturier, mouvant & relevant de son Fief, venduë par son Vassal ou Censitaire, n’a lieu qu’en cas que cette rente ait été venduë à tout autre qu’au débiteur de la rente ; car si elle a été venduë à celui qui en est redevable, elle ne peut être retirée par Retrait féodal, ni par Retrait lignager, Arl. 18. du Reglement de 1666, parce que dans ce cas, ce n’est pas une véritable vente, mais une extinction de la rente & une pleine liberation au profit de celui qui devoit la rente ; cependent il seroit permis au Seigneur d’user de Retrait féodal sur cette rente fonciere, au cas qu’un parent lignager du vendeur n’eût point exercé de Retrait lignager ; car si cette rente avoit éte venduë à un étranger autre que le débiteurde la rente, le Retrait féodal n’iroit qu’aprés le Retrait lignager.

La rente fonciere retirée par Retrait féodal, conserve & retient toûjours sa nature & qualité de rente fonciere, encore bien que par le Retrait féodal, elle soit réunie au Fief ; aussi le Seigneur en peut demander vingt-neuf années d’arrerages, quand même son Fief n’auroit qu’une Basse Justice.

Il n’y a que les rentes foncieres perpétuelles, ou non perpétuelles, qui puissent être retirées par Retrait féodal, & réunies par le Seigneur à son Fief ; mais une rente hypotheque ou constituée à prix d’argent, quoique specialement affectée par le Contrat sur un héritage, n’est point sujette au Retrait féo-dal, ni encore moins au Retrait lignager : mais si c’étoit une servitude réelle imposée sur un héritage mouvant & relevant d’un Fief, comme seroit de passer sur cet héritage, ou de mener boire des bestiaux à l’étang & autres eauës étant dans cet héritage, ou autres servitudes de cette naturé, il seroit permis an Seigneur aprés avoir rétiré par Retrait féodal cet héritage, d’éteindre ces servitudes en indemnisant, arbatrio boni tiri, celui qui auroit le droit de ces servitudes, bien entendu si c’étoit le possesseur de l’héritage, qui les auroit créées & établies ; tout cela dépendroit beaucoup des circonstances du fait, car si ces servitudes étoient absolument nécessaires à celui qui en a le droit, il seroit difficile, pour ne pas. dire injuste, de les lui ôter & l’en priver.


ARTICLE CLXXXII.

L E Seigneur ayant reçû le Treizième d’héritage vendu par son Vasfal, peut néanmoins le retirer en rendant le Treizième ; mais s’il a reçu le Relief ou la soy & hommage, il ne le peut plus retirer, d’autant qu’il l’a reconnu à homme, & eu pour agréable : toutefois si l’ache-teur s’est chargé du Treiziéme, & le Seigneur l’a reçû de lui par sa main, ou signé l’endos du Contract de vendition, il n’est plus reçû à la clameur.

Le Seigneur ayant reci le Treizième d’héritage vendu par son Vassal, peut néanmoins le retirer en rendant le Treizième.

Le Seigneur à l’option ; ou d’user du Retrait féodal, ou de recevoir le Treizième du prix de la vente.

Quoique le Seigneur ait recû le Treizième du vendeur, il peut néanmoins exercer le Retrait féodal, en rendant le Treizième au vendeur, que cet Article regarde en ce cas toûjours comme le Vassal du Seigneur, tant que l’acque-reur n’a point fait la foy & hommage.

Mais sil a reçù le Relief ou la foy & hommage, il ne le peut plus retirer, d’autant qu’il l’a reconnu à bomme, & eù pour agréable ; toutefois, si l’acheteur s’’est charge de Treiziême, & le Seigneur l’a recû de lui par sa main, et signé l’endos du Contrat de vendition, il n’est plus recù à la clameur.

Il n’y a que le fait de l’acquereur, qui puisse nuire & préjudicier au Retrait féodal que le Seigneur voudroit exercer, ce qui peut arriver en deux manieres.

La première : si le Seigneur a reçû de l’acquereur le droit de Relief, ou s’il à reçû l’acquereur à la foi & hommage ; s’il a reçû de lui le droit de Relief, parce qu’il a reconnu par là l’acquereur pour son homme & son Vassal, & l’a eu pour agréable ; & si c’étoit un héritage roturier, lorsque le Seigneur direct & censier a regû aveu ou déclaration de l’acquereur.

La seconde, si le Seigneur a reçû le Treizième de l’acquereur, chargé par son Contrat de payer le Treiziéme, ou signé l’’endos du Contrat, c’est-à-dire, quittancé le Contrat, ou donné une quittance séparément, il n’est plus recevable à vouloir exercer le Retrait féodal.

Mais pour qu’un tel payement puisse former un obstacle au Seigneur, il faut qu’il ait été fait réellement & au Seigneur même, & que le Seigneur ait reCû lui même & par ses mains le Treizième ; c’est pourquoi, ro, une simple demande faire par le Seigneur à l’acqueteur pour être payé du Treiziéme, ou les ossres faites par l’acquereur au Seigneur de lui payer le Treizième, ne seroient pas suffisantes pour exclure le Seigneur du Retrait féodal, il faut que le tout soit consoinmé & le Treizième reçû par le Seigneur. 2. Si le Treizième avoit été reçû seulement par une tierce personne, fondée de la Procuration generale du Seigneur, ou par son Receveur ou Fermier, qui même par son Bail au-roit cession des droits du Tréziéme, par l’usustuitier du Fief, comme une doüairière sur le Fief, ou autre personne se faisant & portant sort du Seigneur ; un payement de cette qualité ne préjudicieroit en rien au droit de Rétrait féodal du Seigneur, & nonobstarit ce payement le Seigneur seroit recevable à exercer le Retrait en rendant le Treizième à celui qui lui auroit payé, autre chose seroit, si le mandataire avoit reçû en vertu d’une Procuration speciale du Seigneur. 36. Le seigneur peut exercer le Retrait féodal sur les héritages vendus & adjugez par décret, encore qu’il eût reçû le Treizième, d’autant que dans les ventes & adjudications par décret, le Treizième se paye suivant nôtre Coûtume sur le prix de la vente & adjudication & sur la chose même, & consequemment aux dépens de la partie saisie, & non aut dépens & des deniers de Tacquereur ; un tel payement ne pourroit donc faire aucun obstacle à la demande en Retrait féodal du Seigneur ; mais il faudroit qu’il rendit le Treizième aux Créanciers, ou au debiteur sur lequel la vente & adjudication avoient été faites.

Mais si un mari avoit reçû le Treizième d’un héritage mouvant & relevant du Fief de sa femme, de l’acquereur, la femme ne pourroit plus user de Retrait féodal sur cet héritage, soit que le payement ait été fait de la connoissance & consentement de la femme, ou hors sa connoissance & sans son consentement ; le mineur dont le tuteur auroit resû le Treizième de l’acquereur, ne pourroit pareillement exercer le Retrait féodal, il ne seroit pas même restituable contre l’option que son tuteur auroit faite du droit de Treizième, ni contre la reception faite par son tuteur du Treiziéme, parce que ce n’est point là une aliénation faite par un mary du bien de sa femme, ni par un tuteur du fonds d’un mineur ; cependant s’il paroissoit que le mineur sit une perte considerable en cela, le mineur auroit un recours en dommages & interêts contre son tuteur ; mais quant à la femme, ce seroit pour elle peu de chose que d’avoir pour cela un recours contre son mary.


ARTICLE CLXXXIII.

S I le Seigneur achete l’héritage de son Vassal, qui soit retiré par un lignager, il doit être payé de son Relief & Treiziéme, outre le prix & loyaux coûts.

Cet Article nous fait connoître qu’un parent lignager peut retirer par clameur & Retrait lignager un héritage sur le Seigneur qui auroit achété l’héri-tage de son Vassal ou Censitaire, étant dans sa mouvance ou Censive ; il est vrai que cet Article ne parle que de Fief & héritage noble, mais il faut y comprendre l’héritage roturier, & dire que le parent lignager pourroit dans ce cas user de Retrait lignager, tant pour l’héritage noble que pour l’héritage roturier sur le Seigneur, quand même les héritages achetez par le Seigneur seroient dans sa mouvance ou Censive, & qu’il les eût achetez de son Vassil ou Censitaire ; toute la difference qu’il y auroit dans ce Retrait lignager, seroit que s’il s’anissoit de Fief & héritage noble, le lignager retrayant seroit tenu de rendre au Seigneur le prix de la vente, frais & loyaux coûts, & lui payer le droit de Treizieme, & le droit de Reliefs au lieu que s’il n’étoit question que d’héritages roturiers, il ne lui rendroit que le prix de la vente, les frais & loyaux coûts, & le Treizième, mais non le droit de Relief, parce que dans la vente d’héritages roturiers, il n’est dû que le droit de Treiziéme, & non le droit de Relief ; ce n’est que dans la vente d’héritages nobles qu’il est du Treizième & Relief tous ensemble.

Une vente faite par un Vassal ou Censitaire de son héritage à son seigneur, avec la faculté de remerer, ne devroit point de Treizième à ce Seigneur si le Vassal ou Censitaire exerçoit la faculté de remerer, parce que dans ce cas les choses seroient réduites comme s’il n’y avoit point eu de vente ; Arrest du Parlement de Roüen du 3 Juillet 1539.

On peut encore tirer une autre consequence de cet Article, qui est que soit que le Seigneur achete de son Vassal ou Censitaire, un héritage mouvant & relevant de lui en Fief ou en roture, soit qu’il veüille le retirer sur un autre acquereur, il ne peut exclure le retrayant lignager, parce que le Retrait dignager est dans tous les cas preferable au Retrait feodal, Dans nôtre Coûtume, c’est le vendeur qui de droit est tenu de payer le Treizième, si par le Contrat de vente l’acquereur n’est expressément chargé de le payer.


ARTICLE CLXXXIV.

P Areillement, si l’ayant retiré par puissance de Fief, il en est évincé par le lignager, le retrayant est tenu lui payer les droits de Relief & Treiziéme.

Par la raison que le Retrait lignager est préferable au Retrait féodal, si le parent lignager exerce le Retrait lignager sur le Seigneur qui avoit exercé le Retrait féodal & rétiré l’héritage par puissance de Fief, & que par le Retrait dignager le Seigneur soit évincé de l’héritage, le parent lignager retrayant est tenu de rendre au Seigneur le prix de la vente, frais & loyaux coûts, si le Scigneur les avoit payez à l’acquereur sur lequel le Retrait féodal avoit été fait, & en outre il lui payera le Treizième, même le Relief s’il s’agit de biens nobles.


ARTICLE CLXXXV.

L E Seigneur féodal outre ses Plaids, peut tenir en son Fief un Gageplege par chacun an, auquel tous les hommes & tenans du Fief sont tenus de comparoir en personne ou par Procureur specialement fondé, pour faire élection du Prevôt, & pour reconnoître les rentes & redevances par eux dûës, & déclarer en particulier les héritages pour raison desquels elles sont dûës : ensemble si depuis les derniers aveux baillez, ils ont acheté & vendu aucuns héritages tenus de ladite Seigneurie, par quel prix, de qui ils les ont achetez, & à qui ils les ont vendus, & pardevant quels Tabellions le Contrat aura été passé.

La disposition de cet Article regarde l’étenduë de la Jurisdiction d’un Juge de Seigneur Bas-Justicier, & marque le pouvoir de ce Juge, qui est, outre ses Plaids ou Séances ordinaires, de pouvoir tenir au nom de son Seigneur un Gage plege par chacun an, dans l’etenduë du Fief ; on appelle cette Séance Gage-plege, parce qu’on y assure les rentes & redevances Seigneuriales dûës aux Se igneurs.

On tient cette Séance ou Gageplege une fois par an, & pas davantage.

Tous les hommes du Fief, tenans roturierement, qui doivent des rentes & redevances Seigneuriales, au Seigneur pour raison d’héritages roturiers étant dans sa directe & Censive fonciere, & qui sont obligez par aveux ou declarations au Gageplege, sont tenus de comparoir au Gageplege, même en person-ne, ou du moins par un Procureur fondé de Procuration speciale ad hoc.

Les fins de la Séance du Gageplege sont par les Vassaux & Censitaires, d’y élire un Prevôt, & y reconnoître par aveux & declarations les rentes & redevances Seigneuriales dûës au Fief ; ce qui fait entendre que si l’homme du Fief, tenant roturierement, ne doit point de rentes & redevances Seigneuriales au Fief du Seigneur, & qu’il ne soit point obligé au service de Prevôté par des aveux, Il n’est point obligé de comparoir au Gageplege : parce qu’il n’y a que les rentes & redevances & les aveux, qui engagent à comparoit au Gageplege pour y élire un Prevot & y réconnoître les rentes & redevances Seigneuriales, L’aveu ou declaration que chaque homme de Fief, Rentier ou Censitaire, est obligé de bailler & fournir au Gageplege, doit contenir, 1. Les rentes & redevances Seigneuriales par lui duës au Fief, avec leur qualité, nature, quorité, quantité & manière de la prestation ; 25. Les héritages en particulier, à cause desquels les rentes & redevances Seigneuriales sont dûës, & si ces héritages sont nobles où roturiers ; 30. Si depuis les derniers aveux baillez & fournis, le Censitaire a acheté & vendu quelques héritages tenus de la Seigneurie ; 4. a quel prix, de qui il les a acherez, s’il en a vendi & à qui, & pardevant quel Tabellion ou Notaire le Contrat a été passé.

Le Prevôt est à proprement parler le Sergent du Seigneur, pour faire payer les rentes & redevances dûës à la Seigneurie, c’est son préposé & mandataire, choisi par les redevables & rentiers envers la Seigneurie pour faire cette fonction.

Nul Vassal ou Censitaire n’est assujetti au service de Prévôt, s’il n’y est expresément obligé par ses aveux ou déclarations ; Arrét du Parlement de Norman-die du 12. Mars 1636 ; car le service de Prévôté n’est pas un droit essentiel aux Fiefs, mais seulement accidentel, de sorte que ce n’est pas assez d’être redevable de rentes & charges seigneuriales pour être sujet au service de Prévo-té, il faut en outre y être assujetti par les aveux & déclarations.

Le service de Prévôté n’est dû que par ceux qui ont des héritages bâtis, ce qu’on appelle masures ; les terres labourables sans ménage, n’y sont point sujetes ; Arrêts du même Parlement, des 26. Fevrier 1545, 27. Aoust 1568, & 19.

Juin 1672.

Le prix de l’adjudication du service de Prévôté-Receveuse, ne doit point exceder le dixième denier du revenu annuel des rentes & redevances desquelles le Prévôt-Receveur doit faire recepte ; art 29. du Reglement de 1666. ce qui a lieu, quand même il y auroit eu adjudication du service de Prévôté à plus haut prix.

On appelle Prevôté Receveuse, celle dont le Prévôt est chargé de payer & recevoir les rentes & redevances seigneuriales duës à la Seigneurie.

Les Vassaux tenant noblement ne sont pointsujets au service de Prévôté, & ne sont point obligez de comparoir aux Gagepleges du Seigneur, ni à l’élection du Prévôt, s’il n’y a titre, convention, ou possession de quarante ans au contraire, mais c’est la qualité de la tenure qui détermine si le tenancier est sujet au Gageplege & non la qualité des tenanciers ; c’est pourquoiune personne noble ou les gens de main-morte tenant roturierement, sont sujets au Gageplege. Un homme de Fief peut mettre un autre homme dans sa place pour faire le service de Prévôté ; Arrest du même Parlement, du 8. Fevrier té24 ; & par un autre Arrest du même Par-lement, du 7. Janvier 170z. il a été dit que pour s’exempter de cette charge, on payeroit le dixième denier des rentes de la Seigneurie.

Il faut que les aveux, reconnoissances & déclarations fournies par les nommes de Fief, censitaires & rentiers soient passées devant un Notaire ou Tabellion, signées des censitaires, où qu’ils déclarent qu’ils ne peuvent ou ne sçavent signer, dans quoi ces aveux, reconnoissances, & déclarations ne pourroient les obliger ni faire preuve contre eux, Les papiers cueillerets, les Gagespleges, & les registres de recepte ne seroient pas sussisans peur assujettir les hommes de Fief & les censitaires à des rentes & redevances seigneuriales, ni au Gageplege, ni au service de Prévôté, il faudroit des aveux & déclarations.

L’homme de Fief renant en roture, doit spécifier en particulier les tenures, rentes, chartes & redevances dans les aveux & déclarations qu’il rend à la Seigneurie.

Dans le cas de dénegation faite par le Vassal ou censitaire de posseder un héritage sujet à des rentes ou redevances Seigneuriales prétenduës par un Seigneur, c’est au Seigneur à prouver le contraire ; Arrest du même Parlement, du 1. Aoust 1670.

Le Seigneur peut demander ses rentes & redevances seigneuriales en essence, quoiqu’elles lui ayent été payées pendant un tres-long-tems en deniers, sans qu’on puisse opposer à cet égard aucune préscription, telle qu’elle soit, fût-elle centenaire & immémoriale, La maxime, que nulle n’est tenu de rapporter & communiquer des pieces contre soi-même, némo tenetur edere contra se, n’a point lien en matière feodale ; car le Seigneur & le Vassal ou censitaire se doivent communiquer réciproquement leurs titres l’un l’autre.

Le service de Prévôt n’est point dû sans titre constitutifou déclaratif, tels que sont les aveux ou déclarations ; mais il n’est point sujet à la préscription, telle qu’elle soit, contre le Seigneur.

Le Prévôt s’élit à la pluralité des voix ; & celui qui est élû est obligé de faire le service, à peine de tous dépens, dommages & interets, & de demeurer responsable de l’insolvabilité des rentiers & censitaires envers le seigneur.

Il ne faut point perdre de vûë ce que nous avons déja dit dans d’autres endroits, que dans notreiCoutume le mot de Passal & le mot d’aves, se disent également en mûtière féodale & roturière.


ARTICLE CLXXXVI.

L E Gageplege doit être tenu par le Sénéchal du Fief en la présence du Greffier, Tabellion, Notaire, ou autre personne publique avant le quinziéme jour de Juillet pour le plus tard ; & doivent tous les aveux & actes, tant des Plaids que Gageplege, être signez du Sénéchal & du Greffier ou autre personne publique, ayant été commis à faire le greffe.

Senesbal du Fief ; c’est le Juge Bas-Justicier de la Justice féodale & fonciere, & c’est ce Juge qui doit tenir le Gageplege.

La Séance du Gageplege doit être tenuë dans l’etenduë du Fief, & en la présence d’un Greffier, Tabellion, Notaire ou autre personne publique, & au plus tard avant le quinze Juillet de chaque année, afin que ceux qui sont sujets au Gageplege, soient libres pour la moisson ou récolte prochaine.

Tous les aveux, déclarations, & autres actes faits tant en la Séance des Plaids, qu’en la Séance du Gageplege, doivent être signez du Sénéchal, Greffier, Notaire, Tabellion, ou autre personne publique, commise à cet effet par le Sei-gneur.

Les minutes de tous les Jugemens & Actes judiciaires concernans le Gageplege, restent au Greffe, & non pardevers le seigneur ; & à l’égard des minutes des aveux & déclarations, elles demeurent ës mains du Notaire ou Tabellion qui les a reçûes. s’il survient des contestations au Gageplege, elles seront jugées par le Senéchal sur le champ, si faire se peut, sinon il les renvoyera à ses prochains Plaids.


ARTICLE CLXXXVII.

O U les hommes & tenans seront deffaillans de comparoir au Gageplege, ils seront mis en amende, qui ne pourra exceder la somme de cinq sols pour le défaut de chaque teste, laquelle amende sera taxée par le Sénéchal selon la qualité & quantité desdits héritages tenus par le Vassal ; & outre ladite amende, pourra le Sénéchal saisir les fruits de l’héritage, & iceux bannir pour le payement des rentes & redevances duës, sans préjudicé de l’amende des Plaids, qui est de dix-huit sols un denier.

La peine de celui qui ne comparoit pas au Gageplege est double, l’amende &

Insaisie des fruits pendans par les racines sur les héritages chargez des rentes & redevances seigneuriales.

L’amende qui est prononcée au Gageplege, est de cinq sols, & ne peut être Srononcée pius grande & plus forte contre chaque homme de Fief, Vassal & censitaire qui fait défaut au Gageplege ; au lieu que l’amende des Plaids est de dix-huit fols un denier.

Quoique l’amende du Gageplege ne puisse pas exceder la somme de cinq sols pour le défaut d’un tenancier non comparant au Gageplege, elle peut néanmoins être moindre, si le Sénéchal le juge à propos & raisonnable, selon la qualité & quautité des héritages que possede se tenancier non comparant.

Norre article parle à la verité, que le Sénéchal saisira, mais cela veut dire que la saisie sera faite en conséquence de son Ordonnance ; car un Juge ne saisit point, il fait saisir par un Sergent ou le Prévôt.

Cette saisie de fruits sera une saisie gagerie par Brandon, des fruits pendans par les racines sur les héritages sujets aux rentes & redevances seigneuriales feulement, & non une saisie des meubles, ou fruits pendans par les racines sur d’autres héritages, ; il sera même établi un Commissaire à la saisie, & ensuite il sera fait une adjudication des fruits en la manière accoûtumée, pour les deniers provenans de la vente, être donnez au payement de l’amende, des srais & des arrera-ges des rentes & redevances seigneuriales, & le surplus, si surplus y a, au tenancier & censitaire.

L’amende des plaids, quoique fixée par la Coutume à dix-huit sols un denier, peut neanmoins être diminuée par le Sénéchal, mais non augmentée.

L’amende des Plaids ordinaires, est faute de payement des rentes & redevances seigneuriales ; un tenancier peut être condamné à cette amende & à celle du Gageplege, pour sa non-comparution au Gageplege.

Le payement de ces amendes doit être poursuivi dans les trois ans au plus tard du jour de la Sentence de condamnation, aprés lequel tems le Seigneur, Fermier ou Receveur n’y seroient plus recevables.

Par la maxime, que toute amende va par corps, le tenancier seroit condamnable par corps, pour raison de l’amende des Plaids & pour celle du Gageplege.

Ces amendes appartiennent à celui qui est Fermier ou Receveur de la Terre & Seigneurie au jour de la condamnation, & non au jour du payement.


ARTICLE CLXXXVIII.

O U les hommes & tenans ne seront Vassaux du Fief, ils seront tenus de bailler plege resséant dudit Fief, de payer lesdites rentes & redevances pour ladite année.

Comme il n’est point permis au Seigneur de Fief, même en vertu des Ordonnances & Sentences du Juge Bas-Justicier de faire exécuter sur des héritages de son Vassal ou censitaire, situez hors l’’etenduë du Fief, faute de payement des rentes & redevances duës à la Seigneurie, quoique ces héritages appartiennent à son Vassal ou censitaire ; cet article porte, que si les Vassaux ou censitaires ne demeurent pas, & ne sont pas domiciliez dans l’etenduë du Fief duquel ils tiennent & dont ils sont les hommes, ils sont obligez lors de la séance du Gageplege, de donner caution solvable, ayant sa demeure actuele & ordinaire dans l’etenduë du Fief, de faire payer, ou payer les arrerages des rentes & redevances seigneuriales de l’année courante ; par cette précaution, le Seigneur, ou son Receveur, ou son Fermier sont assurez du payement de l’’année des rentes & redevances seigneuriales ; & le Vassal ou censitaire qui se trouve dans le cas, ne peut pas re-fuser de donner ce plege ou caution, sans quoi le Seigneur pourroit l’y faire condamner & contraindre.

Cette caurion sera reçûë à la séance du Gageplege par le Sénéchal, en présence du Prévôt & Receveur, ou du Seigneur ou son Fermier, ou duëment appellez ; il y aura un acte au Greffe de la reception de caution, signé du Senéchal, chal, du Greffier & de celui qui se rendra, & sera reçû caution, s’il seait ou peut signer, sinon sera fait mention pourquoi il n’a point signé, aprés en avoir été interpellé.

Par la raison que cette caution est une caution judiciaire, elle rend celui qui a’est rendu & qui a été reçû caution, contraignable par corps, aprés avoir fait sa soumission au greffe ou devant le Juge.

Ce cautionnement ne dure qu’un an, & finit au jour du Gageplege de l’’année suivante ; & il n’oblige celui qui s’est rendu caution, qu’au payement d’une année d’arrerages des rentes & redevancesSeigneuriales, qui est l’année courante du Gageplege.


ARTICLE CLXXXIX.

L A proclamation du Gageplege doit être faite publiquement à un jour de Dimanche, issue de la Messe Paroissiale par le Prévôt de la Seigneurie, quinze jours avant le terme d’icelui ; & doit ladite publication contenir le jour, le lieu & heure de la séance.

Ces formalités ont été introduites, afin que les hommes de Fief, Vassaux & censitaires ne puissent prétendre cause d’ignorance de la tenuë ou séance du Gageplege.

Comme c’est le Brévôt qui doit faire cette publication, elle ne doit pas être faite au prone de la Paroisse, ni par le Curé, elle sera faite à l’issuë de la Messe Paroissiale ou de Vépres ; il sera bon de mettre cet avertissement à la porte de l’Eglise par affiche.

Si le Fief s’étend en plusieurs & differentes Paroisses, la publication du Gageplege doit en être faite en chacune Paroisse.

La tenuë du Gageplege doit être publiée quinze jours au moins avant l’ouverture de la seance du Gageplege, afin que les tenanciers ayent le tems de s’arranger pour se trouver au Gageplege.

Le Gageplege, comme les plaids, ne peut être tenu que dans l’etenduë du Fief, & non hors les confins du Fief, parce que les Seigneurs Bas : Justi-ciers, n’ont qu’une Justice foncière.

Ce ne seroit pas assez que la publication du Gageplege contint qu’il se tiendra un tel jour, il faut qu’elle porte en outre le lieu & l’heure du Gageplege, ou la séance du Gageplege.

Les hommes de Fiefs, Vassaux & censitaires sont tenus de souffrir que la séance du Gageplege soit tenué en leur maison, chacun à son tout ; Arrest du Par-lement de Normandie, du 10. Decembre 161o.


ARTICLE CXC.

L E Sénéchal & Greffier doivent être personnes approuvées en Justice, & domiciliées sur le Fief, ou bien à trois lieux près d’icelui.

Il n’est pas nécessaire que le Sénéchal ou autre Juge d’une Justice de Seigneur, soit Graduë & licentié es Loix, ni qu’il ait preté serment d’Avocat. Un simple.

Procureur ou Praticien peut l’être ; Arrest du Parlement de Roüen, du 11. Mars ISIz, en forme de regiement ; mais il faut que ce Iuge prête serment, & soit reçû en Justice, sur la nomination qui lui a été donnée par le Seigneur.

Un Juge Royal, tel qu’il soit, ne peut être Juge des Justices de Seigneurs, il faut opter de tenir l’un ou l’autre Office ; art. 44. de l’Ordonnance d’Orléans, art. 112. de l’Ordonnance de Blois, & Arrest du Parlement de Roüen, donné en conséquence, du 22. Mars 1599.

Les Gresfiers des Justices des Seigneurs, sont ordinairement des Praticiens, Notaires ou Tabellions, ou autres personnes publiques ayant serment à Justice, finon il faudra que celui qui aurn la nomination de Greffier de la part du Seigneur, prête serment devant le Sénéchal ou Juge de la Justice du Seigneur.

Le Sénéchal & Greffier d’une Justice de Seigneur, pour la plus grande commodité des hommes de Fief & justiciables, doivent demeurer & être domiciliez dans l’etenduë du Fief & Seigneurie, ou du moins à trois licuës du Fief & Seigneurie, & du lieu où se tiennent les Assises, plaids ou Gageplege ; mais cette disposition n’est pas trop bien observée. Ces Officiers ont des demeures là où ils veulent, sans que les Seigneurs se mettent en peine de la commodité de leurs hommes & justiciables ; mais toujours faut-il que ces Officiers se trouvent sur le lieu aux jours des Assises & plaids ordinaires & extraordinaires, & au jour marqué & indiqué pour la tenue & séance du Gageplege.


ARTICLE CXCI.

L Es plaids & gage-pleges doivent être proclamez & tenus, les écroës baillez sous le nom du Seigneur proprietaire & de l’usufruitier conjointement, pourra aussi le proprietaire avoir homme en son nom ausdits Plaids & Gagepleges pour la conservation de ses droits.

De la même maniere & pour les mêmes raisons que la justice doit être tenuë au nom du Seigneur, & les Sentences & Actes de justice, intitulez en son nom de même les plaids & Gagepleges doivent être proclamez & tenus, & les écroës ou déclarations données, fournies & baillées en son nom, & non point au nom de son Receveur, Fermier ou Procureur fiseal.

Cependant s’il y a un usufrnitier du Fief, le tout sera fait au nom du propriétaire du Fief & de l’usufruitier conjointement.

Il est même permis au Seigneur, nonobstant que ce soient ses Officiers qui tiennent ses Plaids & Gagepleges à son requisitoire, & en son nom & sous son nom, de mettre & commettre telle personne qu’il lui plaira, pour assister en son nomt aux plaids & Gagepleges pour y conserver ses droits ; une telle personne, est un Procureur ad negotia, & non ad lites.

Ce qui aura été fait par Procureur à la tenuë des Plaids & Gagepleges, sera examiné & recordé à l’ouverture de la séance, & pour connoître si on y a observé toutes, les formalités prescrites par la Coûtume.


ARTICLE CXCII.

L Es aveux & dénombremens, écroës & déclarations doivent être présentez aux Seigneurs par les proprietaires & en leur nom, encore que l’usufruit appartienne à autres personnes.

Quoiqu’il y ait un usufruitier, comme une douarière du Fief, pour raison duquel on rient le Gageplege, néanmoins les aveux, dénombremens, écroës ou déclarations doivent être fournies au propriétaire du Fief, seul, & non au propriétaire & à l’usufruitier conjointement, sans que le nom de l’usufruitier soit mis dans les aveux, dénombremens & déclarations, mais seulement celui du propriétaire du Fief, à la difference de la proclamation ou publication du Gogeplege, qui doit être faite au nom du propriétaire du Fief & de l’usufruitier du Fief conjointement, s’il y a un usufruitier ; l’usufruitier ne peut rien en ce qui regarde les aveux, dénombremens & déclarations ; il pourroit encore moins donner congé de Cour sur les aveux, dénombremens & déclarations, ni recevoir l’hommage sans le consentement du propriétaire du Fief.

Par le même principe, il n’y a que les hommes de Fief, Vassaux & censitaires, propriétaires des héritages sujets à des rentes & redevances Seigneuriales & au Gageplege, qui puisse donner, fournir & bailler aveux, dénombremens & déelaratione au Seigneur, & non l’usufruitier, s’il y en avoit un, de ces héritages, pas même conjointement au nom du propriétaire & de l’usufruitier, c’est au nom seul du proprietaire que tout doit être fourni & baillé, autrement le Seigneur ne seroit pas tonu de recevoir les aveux, dénombremens & déclarations.


ARTICLE CXCIII.

L Es acheteurs sont tenus faire foi & hommage, bailler aveux, & faire payer tous droits Seigneuriaux, encore que par le contrat il y ait condition de rachapt.

Les acheteurs sont tenus de faire foy & hommage, baillier aveux & faire payet. tous les droits Seigneuriaux.

En matiere féodale, tout acquereur d’un Fief & héritage noble à prix d’argent ou par Contrat équipolent, doit la pr estation de la foi & hommage, sour-nir aveu & payer le relief au Seigneur dominant & immédiat du Fiefs & en outre comme il ne doit point le droit de Treizième, mais son vendeur, c’est à lui à le faire payer par le vendeur au Seigneur, qui constamment a une action sur la chose, mais non contre l’acquereur ni sur ses biens personnels, pour raison du droit de Treizième ; parce que suivant la coûtume, le Treizième est de droit seulement dû par le vendeur, & non par l’acquereur, s’il n’y a clause au contrai-re dans le Contrat, Encore que par le Contrat il y ait condition de rachapt.

La Vente à faculté de remerer, donne ouverture aux droits Seigneuriaux au profit du Seigneur dominant & immédiat, comme feroit la vente pure & simple, tant pour les réritages nobles : que pour les héritages roturiers ; mais si c’est un Fief ou héritage noble qui soit vendu, il y a lieu à la foi & hommage, à l’aveu & dénomurement, auxclief & au droit de Treizième ; & si ce sont des héritages roturiers, il y aura lieu au Treizième & à l’aveu ou déclaration ; avec cette restriction. néanmoins, que si la faculté de rémerer est exercée dans le tems porté par le Contrat, les droits Seigneuriaux qui auront été payez au Seigneur ou à ses ayans causes, seront par lui rendus à celui qui les aura payez,


ARTICLE CXCIV.

T Out Seigneur féodal a droit de Varech à cause de son Fief, tant qu’il s’étend sur la rive de la mer, comme semblablement des choles gayves.

Le mot de ParerE vient du mot Parda, qui suivant Du Cange en son glossaire, est quidquid quod verritur in damnum Patronorum & aliarum mercationum propter dacia, nebula & varius que accidunt in mari, & per quas naufragantur naves dans notre Coutume, Varech & choses gayves sont la même chose ; & sous ces deux mots sont comprises toutes les choses que l’eau jette à terre par la tempêre & tourmente de la mer, & qui arrivent si prés de la terre, qu’un homme à cheval y puisse toucher avec sa lence, son épée, sa cane ou son bâtonCe droit est un droit féodal, qui s’étend dans toute l’etenduë autant que le Fief s’étend sur le bord & le long de la mer.

Comme il y a un titre particûlier de ce droit de Varech & choses gayves dans notre Coûtume, qui est le titre 23. nous n’en dirons pas davantage ici, nous remettons nos réfiezions qui conviennent sur cette matière à ce titre.


ARTICLE CXCV.

L Es Terres d’alluvion accroissent aux proprietaires des héritages contigus, à la charge de les bailler par aveu au Seigneur du Fief, & en payer les droits Seigneuriaux, comme des autres héritages adjacens, s’il n’y a titre, possession ou convenant au contraire.

a sur & à mefure qu’il accroit des terres d’alluvion aux proprietaires des héritages, immediarement contigus, & adjacens, elles augmentent la mouvan-ce, directe & Censive du Seigneur direct ou Censier des héritages ausquels l’aljuvion a été faite.

Les héritages d’alluvion sont tenus, mouvans & relevans du Seigneur, duquel les héritages ausquels un héritage a été unis & consolidé par alluvion & payent les mêmes droits Seigneuriaux nue ceux ausquels les héritages d’alluvion ont éte unis & consolidez sont sujets envers le Seigneur ; il en est mê-mie dû aveu ou déclaration au Seigneur, comme des héritages adjacens, s’il n’y a titre, convention ou possession de quarante ans au contraire, de manière que les terres d’alluvion ne faisant plus qu’un même corps & un même conrinent nvec les héritages adjacens, contigus & ausquels l’union & la consolidation ont été faires par l’alluvion, elles se reglent par rapport au Seigneur de Fief comme si elles avoient toûjours fait un même corps & un même continent.

On appelle terres d’alluvion, des terres qui se sont peu à peu & par longues années, amassées & consolidées par le coulant des rivieres, fleuves & ruisseaux proches & attenans d’autres terres ; ils se fait aussi des alluvions par le flus & reflus de la mer ; & c’est ce qui a donné lieu à la plûpart de nos Isles & Isots.

Les terres d’alluvion tombent dans l’usufruit des terres contigues & adjacentes ; ensorte que l’usufruitier des héritages contigués & adjacentes, joüit pareillement par usufruit des terres d’alluvion, Les Isles naissantes dans les sleuves & rivieres sont par la même raison dans la mouvance, directe & Censive du Seigneur de la Rive, à laquelle les Isles sont les plus proches : & si les Isles sont au milieu de la riviere ou fleuve, elles sont dans la mouvance, directe & Censive des Seigneurs des deux Rives.

Il ne faut pas s’imaginer que sous prétexte que notre article dit que les terres dallituion dorvent payer les droits Seigneuriaux ; il soit dû un droit de Treizième au Seigneur, ex causi aliuvionis, on se tromperoit, il n’en seroit point dû pour cette espèce d’aventure & de bonne fortune, il seroit seulement dû des droits Seigneuriaux dans les cas qu’il en seroit dû pour les anciens héritages ; les héritages d’alluvion ne seroient pas mêmes sujets aux rentes & redevances Seigneuriales, dont les anciens héritages ausquels l’alluvion a été faire, sont chargez envers la Seigneurie du Seigneur de Fief, parce que de droit, sans la disposition de l’homme, une rente & redevance à prendre specifiquement & specialement sur un héritage, ne peut se prendre sur un autre héritage qui n’avoit rien de commun avant l’union & la consolidation ; mais il sera permis au Vassal, Rentier & Censitaire, en rendant aven & déclaration de tous les héritages tant anciens que d’alluvion, d’assujettir les nouvelles terres d’alluvion conjointement & solidairement avec les anciennes terres aux mêmes rentes & redevan-ces, comme si les nouvelles terres en avoient été autrefois chargées avec les anciennes terres.


ARTICLE CXCVI.

Q Uand le frère aîné est âgé, la garde de tous les Fiefs de la Sucession finit, combien que les puînés soient encore en bas-âge, & fait ledit ainé la foi & hommage de tous les Fiefs, & en paye les Reliefs pour tous : & néanmoins après les partages faits, les puînés sont tenus faire la foy & hommage chacun pour son regard, sans qu’ils soient tenus payer autre Relief.

Quanâ le frere ainé est âgé, la garde de tous les Fiefs de la Succession finit, cem bien que les puinés soient encore en bas-âge ; & fait ledit ainé la foy & hommage. de tous les Fiefs, & en paye les Reliefs pour tous.

Le frère ainé devenu majeur, met tous les Fiefs d’une Succession commune avec lui & ses freres, soit directe ou collaterale, hors de garde, quoique les freres puinés soient encore mineurs, & c’est lui seul qui fait la foy & hommage, & paye les Reliefs pour les Fiefs de la Succession, au seigneur, à la décharge de ses cadets, sans que le Seigneur puisse refuser ce devoir de Vassal & ces profits de Fiefs ensorte que les Fiefs sont en tout couverts, & les Vassaux, même les puinés ne sont plus en garde, & le Seigneur ne fait plus les fruits des Fiefs, siens à titre de garde.

La garde finit de plein droit par la majorité de l’ainé, sans qu’il soit besoin d’aucun acte de Justice, il suffir que l’ainé fasse signifier sa majorité au Seigneur par un extrait baptistaire en bonne forme & duëment legalisé par le Juge Royal des lieux : or cette majorité est à vingt-un an, si les Fiefs relevent immediatement du Roy, & vingt ans, si les Fiefs sont mouvans d’autres Seigneurs particuliers.

De plus, si le fils ainé prenoit par préciput aprés sa majorité, un Fief de la Succession commune, la garde de ses puinés mineurs finiroit à son égard, comme à l’égard des autres Seigneurs.

La garde ne finit pas moins par la majorité du frère ainé, tant pour lui que pour tous ses freres puinés, pour les Fiefs d’une Succession commune qui relevent immédiatement du Roy, que pour les Fiefs qui relevent des autres Seigneurs.

La fille qui aprés être sortie de garde, épouse un mineur, ne retombe pas en garde, mais son mary qui derient possesseur & joüissant du Fief, tombe de lui-même en garde, à cause de sa minorité ; parce que la femme dés qu’elle est mariée, ne peut plus servir le Seigneur, & que son mari n’est point en état à Cause de sa minorité, de rendre le service qu’il doit au Seigneur, comme joüissant du Fief de sa femme ; & même en ce cas, le Seigneur ne peut être forcé à leur donner souffrance, jusqu’à la majorité du mary.

Les mâles ne tombent pas seulement en garde, les femelles y tombent pareillement, dans le cas qu’elles sont proprietaires de Fiefs, comme seules & uniques héritieres, & qu’elles n’ont point de freres, ou que leurs freres seroient incapables de succeder, ou qu’ils auroient renoncé à la succession purement & simplement.

Et néanmoins apres les partages faits, les puinés sont tenus faire la foi & hommage, chacun pour son regard, sans qu’ils foient tenus payer autre Relief.

Ces paroles nous sont entendre que la majorité du frère ainé, en faisant finir la garde de ses puinés mineurs, sans que le Seigneur puisse plus faire les fruits des Fiefs siens pour lesquels les puinés étoient en garde par leur minorité, & que le frere ainé faisant la foy & hommage au Seigneur pour tous les Fiefs de la Succession, cela n’exempte point les puinés devenus majeurs, & aprés le partage de la Succession, de rendre de nouveau la foy & hommage au Seigneur, chacun pour le Fief qui est tombé en son lot ; car la prestation de la foy & hommage, que le frere ainé avoit faire pour ses puinés, n’est pour ainsi dire que par provision, & pour couvrir le Fief & faire finir la garde, il faut donc qu’ill réitérent la foy & hommage, chacun à son égard, & en tant que chaque puiné a un Fief dans son lot ; mais quant au droit de Relief, les puinés n’en payent point un second, celui que leur frere ainé a payé en commun, pendant leur minorité, les en a acquittez pour la iutation duë à cause de la que cession commune, sans être tenus d’en payer un autre à cause du partage. fait entre eux des Fiefs de la succession.


ARTICLE CXCVII.

S I tous les enfans ausquels appartient le Fief, sont mineurs & en tutelle, le Seigneur feodal est tenu donner souffrance à leurs tuteurs, jusqu’à ce qu’ils, ou l’un d’eux, soient en âge pour saire la foy & hommage en baillant declaration par le tuteur des Fiefs & charges d’iceux, ensemble les noms & âges desdits mineurs, & payant par chacun an les rentes qui sont dûës au Seigneur à cause desdites terres, sinon au cas que le Seigneur tienne les héritages en sa main, & fasse les fruits siens ; pour faire laquelle foy & hommage, le fils est reputé âgé à vingt-un an accomplis, s’il est à la garde du Roy, & vingt ans accomplis, s’il est à la garde d’autres Seigneurs.

Si tous les enfans ausquels appartient le Fief, sons mineurs & en tutelle, le Seigneur féodal est tenu donner souffrance à leurs tuteurs jusqu’à ce qu’ils, ox l’un d’eux, soient en âge, pour faire la foy & hommage.

Cet Article contient une disposition contraire au droit commun, puisqu’elle suspend le devoir du Vassal envers le Seigneur, à cause & sur la faveur de la minorité du Vassal, qui fournit une excuse suffisante au Vassal pour l’exempter de la foy & hommage tant que la minorité dure, de sorte que si tous les enfans à qui il appartient des Fiefs sont mineurs & en tutelle, le Seigneur Suserain & immediat des Fiefs, même le Roy, est tenu de donner souffrance à leur tuteur, jusqu’à ce qu’ils, ou l’un d’eux, soient en âge & majeurs, de majorité féodale, pour faire la foy & hommage.

Or, souffrance est une surcéance ou delai que le Seigneur accorde à son Vaslal, pour lui faire la soy & hommage en consideration de quelques causes, comme celle de la minorité du Vassal ; & cette souffrance vaut foy au mineur tant qu’elle dure, Comme la souffrance à l’égard des Vassaux mineurs, est legale & coûtumière, elle est rellement necessaire, qu’elle ne peut être refusée par le Seigneur au tuteur des mineurs, qui la demande, en justifiant de la minorité, par les extraits baptistaires des mineurs en bonne forme, sans même que le Seigneur puisse n’en Prétendre ni exiger pour accorder cette souffrance, sinon les profits de Fief, Sil lui en étoit dû pour la mutation qui a rendu les mineurs propriétaires des Fiefs ; car la souffrance ne differe pas le payement des droits Seigneuriaux, s’il en étoit dû par la mutation arrivée en la personne des mineurs, mais seulement la prestation de foy & hommage, dans un tems que les Vassaux ou l’un d’eux seront en état par leur majorité de la faire, de manière que les profits de Fief n’ont rien de commun avec la foy & hommage, & que la souffrance est bornée à la prestation de foy & hommage ; car nonobstant la minorité des Vassaux, ils sont tenus de payer les profits de Fief, s’ils en doivent ; autrement, le Seigneur est en droit d’user de saisie féodale sur leurs Fiefs, & d’en faire les fruits siens, jusqu’à ce qu’il soit payé de ses droits Seigneuriaux ; c’est à quoi le tuteur des mineurs doit bien prendre garde, sans quoy il seroit responsable des dommages & interêts des mineurs en son propre & privé nom, & de la perte des fruits des Fiefs des mineurs, pour en ne payant point les droits Seigneu-riaux au Seigneur, avoir donné lieu à une saisie féodale.

La souffrance n’a lieu qu’à l’égard des Seigneurs qui ont renoncé à leur droit de garde noble, ou à l’égard du Roy, qui seroit Seigneur immedixt des Fiefs des mineurs ; & c’est de cette maniere qu’il faut concilier cet Article avec l’Article 107. de nôtre Coûtume, qui porte que tous les fiefs des mineurs tombent en garde des Seigneurs, car si le Seigneur acceptoit la garde des mineurs, & qu’il profirât des fruits de leur Fiefs, il seroit inntile que le tuteur des mineurs demandât souffrance pour la soy & hommage, d’autant qu’il ne seroit pas juste que le Seigneur, qui par l’effet de la garde noble ou noyalle, joüiroit des Fiefs des mineurs, pût encore demander que le tuteur des mineurs ui fit la foy & hommage, ou du moins qu’il lui demandût souffrance pour eux ainsi il faut tenir pour certain que la fouffrance n’a lieu que lorsque les Seigneurs. ont renoncé ou remis aux mineurs le droit de garde, où lorsque le Roy est Seigneur immediat des Fiefs des mineurs.

La souffrance doit être accordée non seulement aux mineurs qui ont des Fiess par Succession directe ; mais encore aux mineurs qui ont des Fiefs par succession collateralle, donation, legs ou autre titre, qui fait une mutation susceptible de la foy & hommage.

La souffrance doit être accordée aux mineurs qui sont en tutelle, & aux mineurs émancipez d’âge par Lettres du Prince ou par mariage, jusqu’à ce qu’ils ayent atteint la majorité féodale ; la souffrance donnée aux mineurs vaut pour tout le Fief & ses dépendances.

Le Seigneur au lieu de donner souffrance, peut recevoir le tuteur à la foy & hommage pour ses mineurs ; & ce tuteur couvrira le Fief par là, sans avoir besoin de souffrance, s’il n’y a point d’autre ouverture au Fief que la foy & hommage, d’autant que cette prestation de soy & hommage, ne se fait que de la pure volonté & du consentement du Seigneur ; mais le Seigneur ne pourroit pas obliger le tuteur à faire la foy & hommage, il seroit tenu de lui donner souffrance, parce que suivant la Coûtume il suffit que la souffrance soir demandée par le tuteur pour ses mineurs, pour qu’elle ne puisse lui être resusée par le Seigneur.

La souffrance dait être demandée par le tuteur, autrement le Seigneur peut prétendre juste cause d’ignorance de la minorité de ses Vassaux, & la saisie féodale, qu’il auroit fait faire avant que la souffrance lui eût été demandée, seroit valable, & subsisteroit jusqu’à ce que le tuteur eût demandé souffrance, sauf le recours des mineurs contre leur tuteur, solvable ou non solvable : mais si les mineurs n’avoient ni tuteur, ni curateur, & par consequent hors d’état de pouvoir faire demander souffrance ; le Seigneur ne profiteroit pas en ce cas des fruits des Fiefs des mineurs, en consequence de la saisie féodale qu’il en auroit fait faire, si elle n’avoit été faite que faute de foy & hom-muge ; car en ce cas, les Procureurs du Roy, ou les Procureurs fiscaux des Juftices des Seigneurs, demanderoient d’office Souffrance au Seigneur, & le Seigneur ne pourroit pas la leur refuser, non plus qu’au mineur, qui n’ayant ni tuteur ni curateur, se presenteroit lui emême pour lui demander souffrance.

La souffrance doit être demandée par le tuteur ou Curateur en personne, & non par un Procureur fondé de sa Procuration, quand même cette Procuration seroit speciale, ad hoc, parce que la souffrance équipole à la foy & hommage, dont la prestation ne peut être faite que par le Vassal en personne, & non par Procureur, à moins que du consenrement du Seigneur.

Quand la saisie féodale est faite avant la demande de la souffrance, elle cesse des que la souffrance est accordée, si la saisie féodale n’avoit été faite pour autre cause que faute de prestation de foy & hommage, à condition néanmoins par le tuteur de rembour ser les frais de la saisie féodale ; & même l’acte de la souffrance, se fait aux frais des mineurs.

La souffrance est personnelle & non réelle, tant de la part du Seigneur, que de la parr des mineurs ; de sorte qu’il faut demander nouvelle souffrance à l’hetitier ou successeur du Seigneur qui avoit accordé la première, laquelle a cessé par sa mort, où des qu’il n’a plus été proprietaire du Fief dominant, comme aussi si le Vassal mineur mouroit, & que celui qui seroit son héritier, fût mineur, le tuteur de ce dernier mineur seroit obligé de demander nouvelle souf-france, sans quoy dans l’un & l’autre cas, le Seigneur seroit en droit d’user de prise de Fief ou saisie féodale, & seroit les fruits siens jusqu’à ce qu’on lui eût demandé souffrance.

La souffrance produit le même effet que la prestation de foy & hommage, & couvre le Fief par rapport à la foy & hommage ; de sorte que le Seigneur ne peut à cet égard saisir féodalement qu’aprés la souffrance finie, si le Vassal derenu majeur, ne fait pas lui-même la foy & hommage.

Outre la souffrance dont on vient de parler, il y en a une autre qu’on anpelle conventionnelle, qui est celle qui procede de la seule liberalité & gratisi-cation du Seigneur eu faveur du Vassal majeur, qui pour quelque emyëchement & cause legitimé, ne pourroit pas s’acquitter du devoir de la foy & hommage ; en ce cas, le Seigneur veut bien accorder à ce Vassal souffrance pour un tems, mais cette souffrance est volontaire, & le Seigneur ne pourroit être forcé à l’accorder à son Vassal.

Il faut remarquer ici, que quand la Coûtume à cet article a mis ces mots : Si tous les enfans sont mineurs, le Seigneur féodal est ienie de donner souffrance, cela veut dire, que la soufrance se donne jusques à ce que le frere ainé ait atteint l’âge de la majorité féodale ; car dés qu’il est majeur de cette majorité, il acquite ses Cadets de la prestation de la foi & hommage jusqu’à leur majorité, & la souffrance cesse à leur égard, comme à l’égard du frere ainé devenu majeur ; de manière que la prestation de foi & hommage, faite par le frère ainé devenu majeur, releve les mineurs ; c’est pourquoi le Seigneur ne seroit plus en droit de saisir féodalement les parts & portions des mineurs, car la souffrance ne se-coupe point, elle cesse par la majorité de l’un des enfans, sans que chaque enfant qui devient majeur, & chaque majeur soit obligé de faire la foi & hommage, qu’aprés le partage de la succession par rapport à son lot.

La souffrance peut être demandée par le Tuteur ou Curateur des mineurs au Seigneur, tant au principal manoir du Fief qu’au domicile du Seigneur, s’il demeuroit aillieurs ; & même comme la souffrance est plus personnelle que icelle ; il semble qu’il est naturel de la demander au domicile du Seigneur.

Il faut faire deux expeditions de l’acte de souffrance, une pour le Seigneur, l’autre pour le Tuteur ou Curateur.

Si le Seigneur refufoit de donner souffrance, il y seroit condamné en justice ; & depuis la demande qui suroit formée en justice, il ne pourroit pas saisir féodalement le Fief du Vassal mineur.

Lorsque le Fief est immédiatement relevant & mouvant du Roy, il suffit de demander la souffrance aux Baillifs Royaux ou leurs Lieutenans generaux, sans qu’il soit nécessaire de se pourvoir pour celaen la Chambre des Comptes, nonobstant que les Baillifs ou leurs Lieutenans generaux ne puissent pas recevoir des Vassaux du Roy à la soi & hommage, il n’y a que la Chambre des Comptes ou Monsieur le Chancellier.

En baillant déclaration par le Tuteur des Fiefs & charges d’iceux, ensemble les noms & âges desdits mineurs, & payant par chacun an les rentes qui sont duës ai Seigneur à cause desdites terres, sinon au cas que le Seigneur tienne les hérirages. en sa main, & fafe les fruits siens.

Cette disposition regarde les conditions & les charges de la souffrance. 15. Le Tuteur doit donner déclaration des Fiefs & charges, rentes & redevances duës sur iceux, 25. Déclarera les noms & âges des mineurs, afin de ne pas confondre les majeurs avec les mineurs, & que le Seigneur puisse laisit féodalement par faute d’hommes les parts & portions des majeurs qui ne lui auroient pas porté la soi & hommage. 35. De payer par chacun an & tant que la fouffrance durera, les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales duës sur le Fief & ses dépendances, à moins que le Seigneur ne tint le Fief saisi féodalement pour profits de Fiefs non payez, & qu’il sit siens les fruits du Fief ; car il ne seroit pas juste que le Seigneur jouissant du Fief de son Vassal par puissance de Fief, se fit encore payer des rentes & redevances Seigneuriales, tant que la saisie féodale dure, & il est censé s’en payer par ses mains.

La déclaration que le Tuteur ou Curateur est obligé de donner au Seigneur des Fiefs & rentes Seigneuriales duës par ses mineurs, doit être faite par écrit, une déclaration verbale ne suffiroir pas.

Pour faire laquelle foy & hommage le fils est reputé âgé à vingt & un an accomplis, sil est à la garde du Roy, & vingt ans accomplis, s’il est à la garde des autres Seigneurs.

La

La majorité séndale est de vingt & un ans, si le Fief releve & est mouvant immédiatement du Roy, encore bien que la majorité coutumière dans nôtre Coutume soit à vingt ans ; & si le Fief est mouvant & releve immédiatement d’au-tres Seigneurs, la majorité féodale est à vingt ans : mais il faut que cette majorité féodale soit de vingt & un an, ou de vingt ans accomplis, & ce n’est pas ici le cas que : annus inceptus pro completo haberur.

La souffrance pour les Fiefs, ne finit pas seulement par cette majorité féodale, mais encore le Vassal sort de garde par cette majorité féodale.

La majorité féoûale sert au Vassal devenu majeur, tant active que passive, c’estEdire, que le Vassal devenu majeur de majorité féodale, n’est pas seulement majeur pour ce qui le regarde par rapport à son Seigneur, mais encore pour ce qui regarde ses propres Vassaux ; car il peut recevoir ses Vassaux à la foi & hommage, & faire tous les actes de Seigneurs dés qu’il a atteint la majorité féodale : d’autant plus qu’en Normandie la majorité coutumiere, qui rend une personne capable de contracter, vendre, aliener, s’obliger & faire tous actes de majeur, n’est point au-dessous de la majorité féodale ; par cette même raison, la majorité féodale est égale aux filles & aux mâles, parce que la majorité coûtumière est égale aux mâles & aux semelles.


ARTICLE CXCVIII.

L E Seigneur féodal doit aussi donner souffrance au Tuteur pour les Terres roturieres appartenantes aux mineurs, jusqu’à ce qu’il, ou l’un d’eux, soit en âge pour présenter aveu, en baillant par le Tuteur déclaration desdits héritages & charges d’iceux, avec les noms & âges des mineurs, & payant les rentes : pour lequel aveu, le fils aîné est réputé âgé à vingt ans accomplis.

Cet Article n’a été mis que pour faire entendre que la souffrance a lieu pour raison des héritages roturiers, comme pour les héritages nobles ; de sorte qu’il n’est point douteux que le Seigneur direct, foncier & censier est obligé de donner souffrance au Tuteur & Curateur d’enfans mineurs, qui sont tous mineurs, lorsqu’ils sont devenus propriétaires d’héritages roturiers, jusqu’à ce qu’ils, ou l’un deux, soit en age pour présenter aveu ou décluration des héritages étant dans la directe & censive du Seigneur, à la charge par le Tuteur ou Curateur, de donner déclaration au Seigneur des héritages, & des renTes, redevan-ces & charges seigneuriales d’iceux, avec les noms & âge des mineurs, & en payant au Seigneur les rentes & redevances seigneuriales pendant le tems de la souffrance.

Cette souffrance se regle sur les mêmes principes que la souffrance en matiere de Fiefs & héritages nobles, & à lieu dans les mêmes cas.

La souffrance pour les héritages roturiers est la même que la souffrance pour les biens nobles, en quelque directe & censive qu’ils soient, soit dans la directe & censive du Roy, ou dans celle d’autresSeigneurs ; elle finit à vingt ans accomplis, de sorte que non seulement la soufrance cese des que les mineurs ont vingt ans accomplis, mais encore dés que le fils ainé est devenu majeur de vingt ans accomplis & que ses freres ou seurssont encore mineurs ; il peut bailler & fournir aveu ou déclaration au Seigneur, au moyen de quoi il s’acquittera, & ses cadets, du devoir envers le Seigneur direct & censier, & mêttra le Seigneur hors d’état de se plaindre pour la tota-liré des héritagees, & le Seigneur ne sera point en droit de faire réunir les héritages a sa table saute d’aveu ou déclaration ; à la charge par les mineurs aprés le partage des héritages, de rétterer l’aveu ou déclaration pour les parts & portions qui seront tombées dans leur lot ; car en fait d’héritages roturiers, le tenancier ne doit au Seigneur qu’aveu ou déclarationt, la foi & hommage n’est que pour les Fiefs & Terres nobles ; & même l’ayeu ou déclaration que donneroit le frere ainé, n’empécheroit pas que ses puinés devenus majeurs de réparer les fausses tions qui se seroient glissées dans l’aveu ou déclaration fournie par le frere ainé pendant leur minorité, sans même être tenus de prendre des Lettres de restitution.


ARTICLE CXCIX.

H Omme épousant femme à qui appartient Fief noble, est tenu faire foi & hommage au Seigneur, & ne doit payer aucun relief, pourvû que la femme l’ait une fois payé.

Par la raison que le droit de relief n’est dû au Seigneur de Fief, que par la mutation du Vassal propriétaire du Fief servant, le mari ne doit point payer de relief du Fief qui appartient à la femme qu’il épouse, soit que cette femme épouse ce mari en premieres, secondes ou autres noces, dés que la femme qu’il épouse a une fois payé le droit de relief ; parce que le Fief n’est point reputé avoir changé de proprietaire, & que le mari ne jouit du Fief de sa femme que pour elle & en son nom, & qu’il en perçoit seulement le fruits pendente maJrimonio, la proprieté du Fief demeurant toujours sur la tête de la lemme, non-obstant le mariage, ainsi dans nôtre Coûtume il ne faut point distinguer si c’est un premier ou un second mariage de la femme, c’est assez que la femme ait une fois payé le droit de relief pour n’en plus payer pour cause des mariages qu’elle pourroit contracter ; le Fiefest affranchi du droit de relier par le payement que la femme en a fait avant son premier mariage ou autres ; mais sielle n’en avoit pas encore payé, elle seroit obligée d’en payer un pour tous ses mariages, premier ou autres, non pas à cause de ses mariages, mais à cause de la mutation qui l’a renduë propriétaire du Fief ; & en ce cas le nouveau mari est tenu de payer un droit de relief.

a l’égard de la soi & hommage du Fief de la femme, c’est au mari à la saire, & non à sa femme, quand même elle seroit séparée de biens d’avec lui, sans même que le mari eût besoin pour cela de la procuration de sa femme, il est en ce point le Procureur légitime & autorisé par la loiMais si le mari négligeoit ou refusoit, ou que pour quelqu’autre empéchement légitime, il ne pût faire la foi & hommage pour le Fief de sa femme, en ce cas la femme pourroit se faire authoriser en justice à l’effet de prêter la foi & hommage, sans que le Seigneur pût se dispenser de recevoir la femme à la foi & hommage, & de donner main-levée de la saisie féodale, parce que la préstation de la foi & hommage de la femme couvre le Fief dans ce cas ; car le mari ne peut rien faire au prejudice de sa femme, ni des droits du Fief de la femme, pas même empécher sa femme d’user de ses droits seigneuriaux, & de les remettre sans sa participation, ou l’injure qui lui auroit été faite par les Vassaux ; la femme étant toujours propriétaire de son Fief, comme si elle n’avoit pas été mariée, d’autant plus que son mari ne peut vendre, engager, aliéner & liyputequer le bien de sa femme, il est seulement maître de ses actions mobiliaires & administrateur de ses biens & la joüissance de ses héritages & immeubles dont il fait les fruit siens, nd sustinendi onera matrimoniè ; encore bien que par notre Coûtume il n’y ait point de communauté de biens, entre les futurs conjoints, pas même par stipulation & convention portée par le Contrat de mariage, il n’y auroit que la séparation de biens, qui pourroit être la joüissance des biens de la femme au mari.


ARTICLE CC.

L es acquisitions que fait le Seigneur en son Fief noble de Terres tenuës de fondit Fief, sont toujours réputées acquêts de son vivant, s’il ne les a retirées à droit de sa Seigneurie : mais si son Successeur les a possedées, comme domaine non fieffé par quarante ans, elles sont censées réunies au corps du Fief, encore qu’il n’y ait point de réunion expresse.

Les acquisitions que fait le seigneur en son Fief noble de terres tenuës de son Fief, sont toujours reputées acquêts de son vivant, s’il ne les a retirées à droit de Seigneurie.

Les acquisitions faites par le Seigneur à titre de Seigneurie & par puissance de Fief, comme par rétrait féodal, commise, confiscation, bâtardise, aubaine ou deshérance, soit nobles ou rotitrieres, sont réunies au Fief suserain & immediat de plein droit, & sans déclaration expresse du Seigneur, que telle est sa volonte que la réunion soit faite des héritages par lui acquis par puissance de Fief à fon Fief dominant, & duquel relevent les héritages nobles ou roturiers ; cette réunion se fait dés l’instant de l’acquisition, & les héritages prennent la qualité des héritages ausquels ils sont réunis ; de sorte que si le Fief dominant est un propre, les héritages réunis deviennent propres en la persenne du Seigneur, & sont propres dans sa succession, & appartiennent à ses héritiers aux propres, au lieu que si le Fief auquel les héritages acquis par puissance de Fief est un acquêt en sa personne, les héritages réunis sont acquéts, & comme tels appartiennent dans sa succession à ses héritiers des acquêts : mais si ces acquisitions sont faites à autre titre ; par exemple, par vente, échange, donation, ou autrement qu’à titre de puissance de Fief, comme il ne se fait point de réunion de ces héritages au Fief dominant, quoiqu’ils relevent du Fief, c’est un acquet en la personne du Seigneur pendant sa vie, & il en pourra disposer comme d’un acquét ; cependant par la maxime, que ce qui est acquet en la personne de l’acquereur, est un propre naissant dans sa succession, les héritages ainsi acquis ne seront pas réunis au corps du Fief, & ne feroit point partie du corps. du Fief, mais ils seront propres dans la succession, & comme tels appartiendront à l’héritier des propres & non à l’héritier des acquêts, mais toujours séparément du corps du Fief & tels que seroient des héritages acquis, autres que ceux iouvans & relevans du Fief du Seigneur.

De ce principe il suit que dés qu’il n’y aura point de déclaration de non réunion, si le proprietaire du Fief & de l’arriere-Fief, ou vavassorie, qui est la même chose dans nôtre Coûtume qu’arriere-Fief, vend son Fief & l’arriere-Fief, le droit de Treizième est duë au Seigneur suxerain de tout le prix de la vente du Fief & arriere-Fief ou vavassoric : Il faut dire la même chose des rorures qui étoient dans la mouvance ou censive, & que le proprietaire du Fief auroit ac quises, sans avoir fait déclaration qu’il n’entendoit point réunir ces rotures à son Fief, mais les tenir divisément & séparément ; parce que dans ce cas le Fief & les choses acquises ne sont plus censées qu’un seul & même Fief, & releve in totum du Seigneur suzerain du Fief ; c’est comme si le Seigneur suzerain avoit inféodé les choses réunies en la personne de son Vassal immediat.

Mais si son héritier ou successeur les a possedées comme domaine non fieffé par quarante ans, elles sont censées réunies au cerps da Fief, encore qu’il n’y ait point de reunion expresie.

Si done l’héritier ou successeur du Seigneur & de son Fief, avoit possedé ses héritages mouvans & relevans du Fief, acquis par le Seigneur à au-tre titre que par puissance de Fief, comme domaine non fiessé pour quarante ans, ils seroient réunis par cette seule possession de quarante ans au corpe du Fief, de plein droit, encore que le Seigneur qui avoit fait l’acquisition ne les eût point réunis par acte singulier, formel & expresse ; cette efpèce de presCription a formé cette réunion & vaur une réunion expresse, ce qui a été consirmé par le Parlement dans l’art. 30 du Reglement de 1666. qui porte, que l’héritage voble ou rnturier aoquis par le Seigneur, n’est point réuni au Fief duquel il releve, s’il n’est retiré oit échù à droit féodal, ou aprés le tems de quarunte ans de possesion, par l’hentier ou successeur du Seigneur.

On appelle Domaine non fieffé, le domaine utile du Fiefnon aliené & qui se trouve en la main du Seigneur comme faisant partie du corps du Fief & ses dependances.

Si un Seigneur aprés avoir acheté des héritages nobles ou roturiers, mouvans de son Fief, arec faculté réservée au vendeur de pouvoir les retirer dans un certain tems, & le vendeur ayant depuis vendu cette faculté de rêémerer, & laquelle a été exercée dans le tems par celui à qui elle avoit été cédée ; ce même Seigneur les rêtire par retrait féodal, sans avoir déclaré qu’il les réunissoit au corps de son Fief, il n’y a point de réunion, c’est un simple ae-quet en la personne du Seigneur, distinct & séparé du corps du Fief sans aucune réunion ; il n’y auroit que la possession de la part de l’héritier ou successeur du Seigneur pendant quarante ans, de cet héritage comme domaine non fiessé & non aliené, qui pourroit former cette réunion.

La femme ne pourroit prétendre aucun droit dans les héritages que son mari auroit acquis pendant leur mariage & réunis à titre de puissance de Fief ou autrement à fon Fief, comme en relevans & en étant mouvans, ni quant à l’usu-fruit ni quant à la proprieté, soit qu’ils soient situez en bourgage ou ailleurs ; mais si c’étoit des héritages acquis par le Seigneur par vente, échange, donation ou autres Contrats par lui faits, comme personne étrange & non à droit de Fief, la femme en auroit la moitié en pleine proprieté s’ils étoient situez en bourgage, & l’usufruit du tiers de ceux situez ailleurs.

Il ne se peut faire de réunion à un Fief dominant d’héritages procedans de diverses souches, quelque longue que soit la possession ; de manière que la pos-session, même de quarante ans, que les enfans ont eû des biens maternels relevans d’un Fief qui leur appartenoit du côté paternel, ne produit aucune réu-nion ; Arrest du Parlement de Roüen, du 21 Juin 1605.

Il ne se fait point de réunion de plein droit des terres mouvantes du Fief du Seigneur au corps du Fief, lesquelles échéent au Seigneur par succession, à moins que le Seigneur qui succede à ces terres ne les ait possedées par quarante ans, parce que la Coûtume n’établit cette possession de quarante ans, pour faire des réunions d’héritage au Fiefmouvant, que par rapport aux acquisitions. faites à autre : titre que par puissance de Fief, laquelle est de droit ; & comme ce qui nous vient par succession n’est point un acquêt, une possession de quarante ans à titre de succession ne peur point former une réunion legale des héritages ainsi échus au Fief du Seigneur, quoiqu’ils soient mouvans & redevans de son Fief.

Il y a une autre réunion, laquelle se fait en vertu de Lettres patentes du Roy au grand Sceau, lorsqu’un Seigneur ayant plufieurs Terres nobles mouvantes du Roy, ou d’autres Seigneurs, reut les faire réunir en un même corps de Fief, pour ne composer à l’avenir qu’une seule & même Terre ; par ces Lettres, le Roy consent & fait la réunion, à la charge de les faire enregistrer au Parlement & en la Chambre des Comptes, aprés une information de commodo vel incommnodo par rapport aux Fiefs servans & aux Vassaux ; ensuite de quoy il intervient l’Arrest de réunion : c’est de cette manière qu’une Terre est erigée en Marquisat, Comté, ou Baronie ; les enfans mâles cadets, ne pourroient pas s’opposer à une pareille réunion ou érection de Terres, ni encore moins les contester, comme leur faisant prejudice, & tournant à l’avantage du fils ainé.


ARTICLE CCI.

L E Fief retourne au Seigneur, à la charge tant des rentes foncieres & hypothéques, que dettes mobiles duës par le Vassal, discution préalablement faite de ses meubles ; lesquelles rentes foncieres il pourra racquitter au prix du denier vingt, excepté celles dûës à l’Eglise, dont elle aura joüi paisiblement par quarante ans, si elles ne sont racquittables, suivant l’Edit du Roy, ou qu’autre prix fût mis audit Contrat.

Le Fief retourne au Seigneur, à la charge tant des Rentes foncieres & Eypotheques, que dettes mobiles dûës par le Vasial, discution préalablemens faite de ses meubles.

Lorsqu’un Fief, ou des héritages roturiers mouvans d’un Fief, retournent au Fief dominant & immediatement suserain, par confiscation, bâtardise ou déshérance, le Seigneur, même le Roy, est tenu non seulement des rentes foncieres & hypothécaires, mais encore des dettes mobiliaires du Vassal ou Censitaire, aprés que ses meubles & essers mobiliers auront été vendus & discutez pour connoître s’ils ne peuvent pas acquitter & payer les dettes mobiliaires : Il faut dire la même chose quand ces biens retournent au Roy par droit d’aubeine ; mais si le retour des héritages nobles se faisoit au Fief dominent, par commise, desaveu ou selonie, le Seigneur ne seroit point tenu des dettes personnelles du Vassai, pas même des rentes foncieres & charges réelles, crées par le Vassal ou ses predecesseurs sur le Fiefs parce que le retour se fait en ce cas, ex primaria causa, au lieu que les autres retours se font pour causes accidentelles.

Lesquelles rentes foncieres, il pourra racquitier au prix du denier vingt.

Ce remboursement est permis en ce cas nonobstant que par le Contrat les rentes foncieres foient stipulées perpetuelles & non amortissables, & cela en faveur du Seigneur, sans que le proprietaire ou créancier puisse de la rente, sous prerexte de là clause de son Contrat, refuser le remboursement qui lui en seroit offert par le Seigneur pour liberer & décharger son Fief.

La même faculté appartient au Seigneur dans le cas de Retrait féodal, & de la réunion qui se fait des héritages retirez par Retrait féodal au Fief dominant, car si l’héritage réuni est chargé de rentes foncieres non amortissables, le Seigneur peut en ce cas forcer le propriétaire à recevoir son remboursement ; Arrest du Parlement de Normandie, du 13 Juiliet 16z8.

Ces remboursemens se font au denier vingt, qui est le cenier auquel la Coutume a fixé ces remboursemens forcez par rapport au proprietaire de ces sortes de rentes, qui est le denier fort ; parce qu’en Normandie le denier ordinaire de constituer rentes, est aujourd’hui au denier dix-huit.

Excepré celles dûës à l’Eglise, dont elle aura joûi paisiblement par quarante ans, si elles ne sont racquirtables suivant l’Edit du Roy, ou qu’autre prix fût mis audit Contrat.

Le Seigneur ne peut en aucun cas de réunion de terres & héritages à son Fief dominant, chargez de rentes foncieres, perpétuelles & inamortissables appartenantes à l’Eglise, forcer l’Eglise & gens de main-morte, à en recevoir l’amortissement, soit au denier vingt, soit à autre denier plus fort, si l’Eglise & les gens de main morte ont possecé ces rentes paisiblement pendant quarante ans consecutifs ; il en sera tenu perpetuellement avec privilege sur les héritages réunis, foit noble ou roturier, & cela en faveur de l’Eglise.

Si cependant ces rentes dûes à l’Eglise & aux gens de main morte, étoient créées sur des maisons bûties dans une Ville, lesquelles le Seigneur auroit réunies à son Fief à titre réodal, ce Seigneur pourroit les racheter & amortir, nonobstant que l’Eglise & les gens de main-morte eussent possedé ces rentes foncieres paisiblement pendant quarante ans, faculté fondée sur les Edits de François Premier, de 1539. & de Henry Il. de 1551. fuivant lesqnelies il est per. mis à ceux qui doivent des rentes foncieres sur des maisons bâties dans les Villes, d’en faire le rachapt au denier vingt, ou autre prix, ou le denier porté par le Contrat de création de la rente, & ce sur le denier que les rentes foncieres perpétuelles & irrachetables dûës à l’Eglise & aux gens de main morte sur des maisons situées dans les Villes, pourroient être amorties par le Seigneur.


ARTICLE CCII.

L Es héritages tant nobles que roturiers, retirez par l’usufruitier, sont réunis au corps du Fief, & peut le proprietaire après l’usufruit fini, en demander la joüissance en remboursant les héritiers de, l’usufruitier de ce qu’il en a remboursé.

De la même maniere qu’il est permis à l’usufruitier d’un Fief, comme seroit une Doüairiere, au lot de laquelle seroit échû un Fief pour en joüir pour son Doüaire, de retirer par Retrait féodal, & de réunir par ce moyen au corps du Fief les héritages tant nobles que roturiers mouvans & relevans du Fief dont il joüit par usufruit ; de même le Seigneur propriétaire du Fief peut après l’usufruit fini, lui demander la pleine joüissance de ces héritages retirez & réunis par l’usufruitier, en remboursant toutes fois & préalablement aux héritiers ou ayans cause de l’usufruitier le prix du Retrait féodal, frais & loyaux coûts du Contrat, même le Treizième, que l’usufruitier auroit remboursé au vendeur de celui sur lequel le Retrait féodal avoit été fait : en un mot, en rendant l’usufruitier indemne & quitte de tout ce qu’il auroit payé & débouté de bonne foy pour raison du Retrait féodal.

L’action du Seigneur en remboursement n’est ouverte qu’aprés l’usufruit fini, parce que l’usufruitier joüit des héritages retirez & réunis au Fief, comme du corps du Fief tant que l’usufruit dure, L’usufruitier ne peut disposer des héritages par lui retirez & réunis au Fief par Retrait féodal, sans le consentement exprés & par écrit du Seigneur propriétaire du Fief, d’autant que ces héritages sont réunis & font partie du corps. du Fief, & ne font plus qu’un seul & même Fief, & que l’usufruitier n’a que la simple joüissance des héritages réunis au Fief, comme du corps du Fief : la proprieté des héritages retirez & réunis, en est acquise au Seigneur propriétaire du Fief, S’il veut les avoir & garder, en remboursant par lui aux heritiers ou ayans cause de l’usufruitier, tout ce que l’usufruitier avoit payé & déboursé pour le Retrait féodal : mais si le Seigneur ne vouloit pas avoir ni garder ces héritages, l’usufruitier du Fief ni ses héritiers ou ayans cause, ne pourroient pas l’obliger à les prendre, sauf à eux à garder les héritages pour eux & pour leur compte en pleine proprieté, possession & joüissances, à la charge de la mouvance & autres droits, rentes & redevances envers le Fief dominant, ainsi & de la manière que les choses étoient avant le Retrait féodal.

Le Seigneur proprietaire du Fief, peut à la vérité obliger les héritiers ou ayans cause de l’usufruitier du Fief, à lui laisser & abandonner la libre possession & joüissance des héritages retirez & réunis au corps du Fief par le Retrait féodal que l’usufruitier du Fief avoir exercé ; mais il n’a pas la même faculté pour les héritages acquis par l’usufruitier à titre de vente, échange, donation ou autre titre de cette qualité, quoique ces héritages soient mouvans & relevans du Fief, comme biens nobles, où comme biens roturiers ; ils appartiennent en pleine proprieté à l’usufruitier & à ses héritiers & ayans cause, la faculté donnée au Seigneur, n’a lieu que dans le cas du Retrait féodal, & hors ce cas lacquisition faire par l’usufruitier, est comme si un autre l’avoit faite, mais toûjours aux charges, même de la mouvance & directe, de là, les héritages ainsi acquis, étoient tenus envers le Fief.

La disposition de notre Article s’étend sur les Engagistes ou Appanagistes du Domaine du Roy, lorsque le Roy rentre dans les terres qui faisoient partie de l’engagement ou de l’appanage, il est permis au Roy de s’approprier, avoir & garder les terres & héritages que les Engagistes ou Appanagistes avoient retirez par Retrait féodal, pendant l’engagement ou appanage, comme mouvans & relevans des Terres qui faisoient partie de leur engagement ou appanage, en leur remboursant tout ce qui a été par eux payé & déboursé pour le Retrait féodal, parce que les Engagistes ou Appanagistes ne sont considerez que comme d’especes d’usufruitiers, & sujets aux loix qui peuvent faire consequence aux usufruitiers ; sortis d’héritage, ne sont point de véritables proprietaires, sont toûjours sub spe perpes & a reversionis, au Domaine du Roy ou à la Couronne.


ARTICLE CCIII.

E T quant aux choses venuës par confiscation & droit de ligne éteinte, ou autres droits de reversion, l’usufruitier en joüira sa vie du-rant ; & seront ses hoirs tenus en laisser la joüissance au propriétaire, en remboursant ce qui aura été payé pour l’acquit & décharge du fonds.

Et quant aux choses venuës par confiscation & droit de ligne éteinte, ou autres droits de reversion, l’usufruitier en joüira sa vie dirant.

Cette disposition regarde les reversions qui fe font au Fief dominant, par bâtardise, aubaine, confiscation, ou à droit de ligne éteinte, c’est-à-dire à titre de dchérance, tant de biens nobles que de biens roturiers, par rapport à l’usufruitier du Fief dominant, lequel usufruitier joüit pendant sa vie, & tant que l’usufruit dure, des choses venuës de cette maniere au Fief, comme du fief, & il prend tous les fruits naturels & civils, & tous les profits qui peuvent arriver, tant au Fief dont il a l’usufruit, que des terres & héritages nobles & roturiers, dont la reversion a été faite au Fief ; il aura les Reliefs & Treizième, s’il en échet, il presentera aux Benefices & aux Offices des Justices, les amendes lui appartiendront ; en un mot, il aura tout ce qui sera in fructus, pendant son usufruit, tant du Fief que des choses réunies & consolidées au Fief par la reversion, à condition toutefois de payer les arrerages des rentes foncieres & autres charges réelles, s’il en étoit dû sur les héritages réunis au Fief par la reversion, & d’entre tenir les lieux & bâtimens de toutes reparations d’entretien, mais non des grosses reparations.

Mais si le Seigneur achetoit pendant l’usufruit des héritages nobles ou rotutiers mouvans & relevans du Fief sur lequel il y a un usufruit, l’usufruitier ne jouiroit pas par usufruit des héritages achetez par le Seigneur, quand même le Seigneur les auroit exoressement & par acte formel fait réunir à son Fief ; parce que le droit de l’usufruitier n’a lieu que dans les réunions qui se sont à titre de reversion legale, & dans les acquisitions ou réunions par vente.

Et seront les hoirs tenus en laisser la jouissance au proprietaire en remboursant ce qui aura été payé pour l’acquit & décharge du fonds.

Aprés l’usufruit fini, les héritiers où ayans cause de l’usufruitier feront tenus de laisser la libre possession & jouissance des héritages qui auroient été réunis au Fief par réversion au Seigneur du Fief, dont leur prédecesseur jouissoit par usufruit, comme n’y ayant aucun droit de proprieté ni de jouissance, à condition néanmoins par le Seigneur de leur payer & rembourser ce que l’usufruitier auroit déboursé pour l’amortissement des rentes foncieres & charges réelles, dont le fonds ou les héritages réunis étoient chargez ; & si le Seigneur proprietaire du Fief ne vouloit pas faire ce remboursement, les héritiers & ayans cause de l’usufruitier, seroient en droit de retenir les héritages réunis, & ils en feroient & demeureroient propriétaires incommutables en payant par eux les rentes & redevances Seigneuriales, dont les choses réunies pourroient être chargées envers le seigneur immediat, direct & dominant.

La faculté accordée au Seigneur proprietaire du Fief de faire le remboursement de ce qui a été payé & déboursé par l’usufruitier, en l’acquit & décharge des rentes foncieres, charges réelles, & de tout ce qui peut regarder le fonds des héritages réunis, & dont le Seigneur demande la pleine possession & jouissance aux héritiers ou ayans cause de l’usufruitier, pourroit être préscrite par trente ans, comme étant une action personnelle, résultante d’en pouvoir faire quelque chose, sans qu’il soit nécessaire de prolonger cette prescription à quarante ans, en disant que cette faculté est une espèce de droit réel qui procede du Fief qui donne ce droit ; car cette faculté n’est point un droit réel, & trente ans suffisent pour faire finir l’incertitude de la possession des heritiers ou ayans cause de l’usufruitier, & pour décider que le Seigneur ayant laissé passer trente an-nées entieres, sans avoir fait le remboursement qui lui étoit permis de faire par la Coûtume, il ne seroit plus recevable à le vouloir faire aprés ces trente années de silence,


ARTICLE CCIV.

L E Vassal se peut éjoüir des terres, rentes & autres appartenances de son Fief, sans payer Treiziéme à son Seigneur féodal, jusqu’à démission de foi & hommage exclusivement, pourvû qu’il demeure assez pour satisfaire aux rentes & redevances dûës au Seigneur.

Quoique generalement parlant, il ne soit pas permis au Vassal de demembrer son Fief, c’est : à dire, d’un Fief en faire plusieurs, tenus également en foi & hommage séparé & en arriere-Fiefs, sans le consentement exprés du Seigneur dominant & immédiat, à peine de nullité du démembrement, aliienation & subinféodation par rapport au Seigneur dominant ; néanmoins le Vassal peut, sans le consentement de son Seigneur, séjouir, disposer & alliéner des terres, rentes & autres appartenances de son Fief, en retenant & réservant la foi & hommage pour la porter lui seul au Seigneur dominant de son Fief comme au paravant l’allienation, & en retenant assez de terres & dépendances pour payer les rentes & redevances Seigneuriales au Seigneur immédiat du Fief ; mais de quelque manière que le demembrement s’en soit fait, il saut qu’il ne préjudicie ni à la foy & hommage du Seigneur dominant, ni aux rentes & redevances Seigneuriales qui peuvent lui être duës ; car séjouir des terres, rentes & dependances de son Fief, c’est alliéner par le Vassal des terres, rentes & dépendances de son Fief, en se réservant & retenant par devers lui la foi & hommage, tant pour les parts & portions qu’il aliene de Son Fief, que pour celles qu’il retient, pour la porter lui-même & lui seul au Seigneur dominant de son Fief, & en garantissant sous son hommage, les parts & portions qu’il aliene, de sorte que nonobstant cette aliénation ou démembrement, & par rapport au Seigneur féodal ; le Vassal demeure toujours Vassal pour tout le Fief quant à la foi & hommage, aveux, profits de Fief lorsqu’il y a ouverture de Fief & qu’il en est dûSi donc le demembrement du Fief s’est fait avec démission de foi, & sans reserve de la foi & hommage, & s’il excede la quantité des terres, rentes & dépendances du Fief, capables de répondre & satisfaire aux rentes & redérances Seigneuriales duës au Fief dominant, il est nulle par rapport au Seigneur dominant, à moins que le Seigneur dominant du Fief n’y eût donné les mains.

a l’égard des Fiefs de dignité, Duchez, Marquisats, Comtez & Baronnies titrées, le Vassal ne peut les demembrer ni les alliener qu’en leur entier & inregrité, & avec tous leurs droits & dépendances, même du consentement du Seigneur, parce qu’i l faut que ces grandes Terres demeurent dans leur splendeur & dignité, ce qui ne se peut faire qu’en les confervant dans leur integrité & en empéchant le demenbrement, quand même le demembrement se feroit sans démission de foi & en retenant des domaines plus que fussisans pour répondre des rentes & tedevances Seigneuriales, Il

Il n’est pas permis au Seigneur féodal d’alliéner les Vassaux qui tiennent de lui noblement, de les faire passer en une autre main, sans en même tems alliéner conjointement le Fief, quand même uné pareille aliénation de Vassaux au-roit été faite par le Roy ; mais quant aux Censitaires & Tenanciers en roture un Seigneur peut alliéner une directe ou tenance rotutière entière, sans le consentement du Seigneur suzerain & immédiat du Fief d’où releve la censive ; Ar-rest du Parlement de Roüen, du 21. Aoust 167 ;.

Le Seigneur qui aprés avoir vendu le domaine utile non fiessé de fon Fief, avec retention de foi & hommage, & ayant gardé des héritages & autres dépendunces capables de faire aux rentes & redevances Seigneuriales, vend ensuite son Tief à la même personne, ne doit point de Treizième pour la première alienation, mais il en sera seulement dû pour les ventes subséquentes ; Arrest du mé-me Parlement, du18. Mars 1624.

Il n’est point pareillement dû de Treizième pour raison du démembrement de Fief, qui se fait par le Vassal dans les termes de notre article, parce qu’il ne se fait alors aucune mutation par rapport au Seigneur dominant du Fief.

Le Seigneur féodal ne peut empécher que son creancier qui possede quelque héritage dans sa mouvance, ne fouille son héritage pour en tirer de la pierre, ardoise, marne, mine & autres choses qui se peuvent trouver dans la terre.

De tout ce que dessus, il faut conclure que l’alliénation faite par un Vassal de son Fief avec rétention & reserve seulement de la foi & hommage, est nulle par rapport au Seigneur dominant ; que le Vassal est toujours son Vassal, comme s’il n’y avoit point eu d’allienation, & que le Seigneur aura à toutes les ouvertures les devoirs & droits du Fief du chef du Vassal, comme si cette alliénation. n’avoit point été faite, parce qu’on ne peut naturellement être Vassal sans glebe, rentes & rederances Seigneuriales ou jurisdiction ; le Vassal ne peut pas même vendre & alliéner une partie de son Fief, comme la moitié, le tiers ou le quart, sans le consentement du Seigneur, quand même par le Contrat de vente ou d’alliénation il y auroit retention & reserve de la foi & hommage de la part du Vassal qui fait la vente & alliénation, pour porter & faire lui-même & lui seul la foi & hommage au Seigneur dominant, d’autant que c’est un demembrement de Fief, qui ne se peut faire que du consentement du Seigneur ; car suitant cet article, il est seulement permis au Vassal d’alliéner & séjouir de terres, rentes & dépendances de son Fief & du domaine non fieffé de son Fief, le tout même avec retention de foi & hommage, & réserve d’une quantité de ces terres, rentes, dépendances & domaine non fieffé, capables de répondre & de faire aux rentes & redevances Seigneuriales envers le Seigneur dominant, Arrest du même Parlement, du 19. Aoust 1612.

Lorsqu’on dit que le demembrement fait par le Vassal de son Fief sans le consentement du Seigneur dominant & hors les bornes & les conditions portées par cet article ; est nul, cela s’entend par rapport au Seigneur dominant, lequel demeure & reste dans tous ses droits, comme si le demembrement n’avoit jamais été fait ; mais quant au Vassal & celui au profit duquel le demembrement aura été fait, le Contrat d’alliénation sera bon & valable & subsistere entr’eux, n’y ayant rien à leur égard dans ce Contrat de contraire aux Loix, à la Coûtume & aux Ordonnances, sauf au Seigneur à ne point reconnoître ce demembrement & cette alliénation, ni les ouvertures de la portion du Fief allienée, du chef de celui au prosit duquel elle a été faite ; & même cette partie de Fief alienée, le partagera noblement dans la succession de l’acquereur.

Le principal manoir du Fief ne peut jamais sortir du Fief qu’avec l’alliénation de tout le Fief, ni tomber dans les terres & dépendances dont il est permis au Vassal de s’éjouir.

Si un Vassal donnoit & bailloit tout son Fief à titre de fieffe noble, ou rente noble, le Seigneur dominant du Fief ne seroit point tenu de reconnoître cette alliénation ni le preneur pour Vassal ; les choses demeureront à l’égard du Seigneur, comme auparavant cette alliénation ; & les ouvertures, devoirs & droits de Fief seront toujours sur la tête du Vassal qui a sait cette alliénations autre chose seroit si le Seigneur avoit inféode cette fieffe ou rente noble, c’est-

Bdire, avoit reconnu cette alliénation & cette rente, en ce cas là le preneur deviendroit en tout le Vassal du Seigneur, & l’ancien Vassal ne seroit plus rien à son égard, tout comme s’il avoit vendu le Fief en entier à fort fait.


ARTICLE CCV.

L E Vassal doit pléger son seigneur pour délivrer ses Namps, jusqu’à la concurence d’une année de la rente qu’il lui doit.

Le cautionnement dont il est parlé dans cet Article, n’est pas de simple volonté, mais d’obligation ; car l’Article porte le mot doit ; d’un autre côté, ce cautionnement est fort borné & peu de chose ; il ne va qu’à pleger & cautionner par le Vassal son Seigneur pour avoir main-levée de ses Namps, c’est-à-dire, de ses meubles tant morts que vifs exéeutez, ou de sa personne, s’il est prisonnier, sans cependant que l’obligation de se rendre caution de son Seigneur, puisse alnm ler plus loin que d’une année d’arrerage des rentes & redevances Seigneuriales que le Vassal doit à son seigneur.

Quoique l’année de la rente & redevance, ou des rentes & redevances, ne fût pas encote échuë, le Vassal ne seroit pas moins tenu de cautionner son seigneur dans le cas de cet Article.

Il est d’un usage constant en Normandie, que le Seigneur ou son Fermier & Receveur n’est point obligé de bailler caution pour raison des rentes & redevances Seigneuriales qu’il a été ordonné que le Seigneur toucheroit par provision.

Les Seigneurs ne peuvent faire obliger pour eux ou avec eux leurs Vassaux ou Censitaires, ni encore moins les autres Paysans, à peine de nullité des obligations, cautionnemens & autres actes de cette qualité, à moins que ces Vassaux, Censitaires & Paysans ne soient Fermiers des Seigneurs ; il faut étendre cette pro-hibition aux Gentilshommes à l’égard des Paylans, quand même ces Paysans ne seroient point leurs Vassaux ou Censitaires.

Des que le Vassal doit des rentes & redevances Seigneuriales, soit qu’il soit noble, ou qu’il soit roturier, soit qu’il possede des héritages nobles ou rotutiers fujets aux rentes & redevances Seigneuriales, il est obligé de faire ce Cautionnement ; car c’est à cause des rentes & redevances Seigneuriales, que de Vassal ou Censitaire est tenu de se rendre caution de son Seigneur, pour avoir main-levée de ses meubles.


ARTICLE CCVI.

L E Seigneur peut détourner l’eau courante en sa terre, pourvû que les deux rives foient assises en son Fief, & qu’au sortir d’icelui, il les remette en leur cours ordinaire, & que le tout se fasse sans dommage d’autrui.

Il faut donc trois choses, pour que le Seigneur puisse détourner l’eau qui tourne dans l’etenduë de son Fief, 1. Que les deux rives du lieu où est l’eau, soient dans son Fief, 25. Qu’au sortir du Fief, le Seigneur les remette en leur cours ordinaire, 35. Que tout cela se fasse sans qu’autruy souffre quelque dommage. du détournement des eaux.

Si une des rives est située hors l’etenduë du Fief du Seigneur, il n’est pas permis au Seigneur de détourner le cours des eaux, sans le consentement du Sei-gneur auquel appartient l’autre bord ou rive de l’eauQuoique les deux rives de l’eau appartiennent au Seigneur de Fief, & qu’elles soient assises dans l’etenduë de son Fief, néanmoins il n’est pas permis de détourner le cours de l’eau, si les Vassaux, Censitaires ou le publie en reçoit du dommage & de l’incommodité, comme si le Vassal, Censitaire & autres habitans n’avoient point d’autre cau pour leur usage, ou celui de leur bestiaux dans ces cas, le Seigneur ne pourroit pas détourner le cours de l’eauII n’est pas pareillement permis au Seigneur de Fief de détourner le cours des rivieres ou fleuves navigables, quoique les deux rives du fleuve ou de la riviere soient assises en son Fief ; car les fleuves & rivieres navigabies appartiennent au Roy, & les Seigneurs de Fief ne peuvent rien entreprendre sur leur eours.

La faeuité donnée aux Seigneurs de Fief de pouvoir détourner le cours des éaux qui sont dans l’etenduë de leurs Tiefs aux modifications portées par cet Article, n’appartient point aux simples particuliers, encore qu’ils soient maîtres ou possesseurs du fonds dans lequel passent les eaux, & que les deux rives des eaux soient assises sur leur fonds, & même que les voisins n’en reçoivent aucun dommage, ni incommodité ; car c’est une grace particulière dont la Coutume a voulu favoriser les Seigneurs de Fief par une distinction sur les habitans des Villages, Vassaux, Censitaires ou autres, laquelle ne peut & ne doit être tirée à consequence, ni passer aux particuliers.

Mais les Seigneurs & tous autres peuvent encore moins boucher ou arrêter le cours des fontaines, puits & mares, qui prennent leur source & ori-gine dans leurs héritages, & dont le publie est en possession immemoriale d’user & le servir, soit pour boire, où leurs bestiaux, ou pour blanchir, laver, ou à autre usage, paisiblement, publiquement & sans trouble ; cette longue, paisible & publique possession ou souffrance, vaut en ce cas titre en faveur du public, pour faire juger que les proprietaires de ces eaux n’en peuvent empecher l’usage au publie. Mais ade particulier à particulier, il est certain qu’un particulier n’a point l’usage du puits ou de la fontaine ou de la mare appartenante à son voisin, sans un titre constitutif de la faculté ou decla-ratif, ni contre son consentement ; & la simple possession, quelque longue qu’elle soit, ne peut autoriser cette tollerance indépendemment de la vo-sonté du proprietaire du puits, de la fontaine ou de la mare, ni empécher le proprietaire de boucher ou arrêter le cours du puits, fontaine ou mare qui lui appartient en particulier, quand il lui plait, ou d’empécher que d’autres particuliers, voisins ou autres, ne viennent y puiser de l’eau, ou s’en servir à au-tre usage, parce que dans ce cas, ce seroit une servitude de particulier à particulier, qui ne peut s’établir que sur un titre constitutif, ou du moins de-claratif, & non par la simple possession, fût-elle centenaire & immemoriale ; car point de servitude sans titre, mais on peut se liberer d’une servitude par la prescription ou possession contraire à la servitude.

Il y a trois cas, dans lesquels on est obligé de recevoir les eaux de son voisin, même sans titre constitutif ou declaratif : 15 Par la nature du lieu : 25. Par la Loy ou la Coûtume de la Province : 30. Par la longue possession, qui seroit de quarante ans ; car dans ces cas, la necessité qu’un voisin reçoive les eaux de son voisin, a introduit cette servitude, soit à cause de la nature du lieu qui est inferieur & au-dessous d’un autre, ou de la disposition particuliere & formelle de la Loy ou Coûtume, ou de la possession.


ARTICLE CCVII.

C Eux qui ont nouveaux étangs, fossez ou écluses, ne peuvent détenir les eaux des fleuves & rivieres, qu’ils ne courrent continuel-lement pour la commodité de ceux qui sont au-dessous, à peine de répondre de tous dommages & intérêts.

On appelle étangs, écluses ou fossez nouveaux, ceux qui sont faits depuis quarante ans, lors de la reformation de la Coûtume, & aujourd’hui, ceux faits depuis quarante ans : Or les propriétaires ou possesseurs des étangs, écluses ou fossez de cette qualité, ne peuvent detenir les caux des fleuves & rivieres, ni empécher leur cours continuel, au préjudice des personnes qui sont audessous, & qui par consequent ont intéret que les fleuves & rivieres ayent leur Cours ordinaire & continuel, pour leur commodité, à peine de tous dommages & intérêts contre ceux qui détourneroient les eaux, quand même ce seroit le Seigneur de la Terre sur laquelle les fleuves & rivieres passent, ni encore moins retenir les eaux, pour empécher que les moulins à eau, batis au-dessous des nouveaux étangs, écluses & fossez, n’aillent & ne tournent.

Cela n’empéche pourtant pas que toutes personnes ne puissent accommoder ses héritages à sa volonté, commodité & utilité, même y faire étangs, écluses ou fossez, sans le consentement du Seigneur de Fief, pourvû que ce In ne cause aucun prejudice ni dommage au Seigneur ou autre.

Si un étang ne se remplissoit que de l’eau des fontaines, dont la source seroit sur le fond du propriétaire de l’étang, le propriétaire ou possesseur de l’e-rang pourroit retenir les fontaines autant qu’il lui plairoit, s’il n’y avoit titre au contraire.


ARTICLE CCVIII.

E T ceux qui ont d’ancienneté fossez ou écluses, ne peuvent retenir l’eau, sinon depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant.

Cet Article ne parle que des fossez & écluses, & non des étangs ; parce que, par rapport aux étangs, il est difficile de lacher beaucoup d’eau, crainte de faire mourir le poisson.

Les fossez & écluses sont censées être d’ancienneté, dont la possession paisible, publique & contraire, est de quarante ans accomplis ; encore bien qu’on ne puisse pas rapporter de titre du droit de proprieté des fossez & écluses de cette qualité.

Ceux qui ont de pareils fossez ou écluses, ne peuvent pas pour cela retenir l’eau dedans, sinon depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant, pendant toutes les saisons de l’année, à peine de répondre en leur propre & privé nom des dommages & intérêts envers ceux qui seroient au-dessous des fossez ou écluses ; car aprés ce tems-là, ils sont obligez de lacher les fossez ou écluses, & laisser aller l’eau pour en donner à ceux qui seroient au-dessous des fossez ou écluses.


ARTICLE CCIX.

R Oteurs, ne peuvent être faits en eau courante ; & si aucun veut détourner l’eau pour en faire, il doit vuider l’eau dudit Roteur, ensorte que l’eau d’icelui Roteur ne puisse retourner au cours de la rivière.

Roteurs ; Du Cange en son glossaire nous explique ce que c’est que Roteur ; Rothorium, dit-il, est locus in fiuvis ubi aqua diluitur, maceratur & subigitur cannabis, en françois, Roüissoir ; on dit faire rouir du chanvre ou du lin aprés en avoir abbatu la graine ; & roüissement, est ipsa maéeratto.

Les Roteurs sont fort anciens dans la Province de Normandie ; il y a un ancien Arrest des l’année 1267. qui maintient des habitans à avoir un Roteur dans le Village ; l’ancienne Coûtume de Normandie en manuserit, en parle ; & dans la nouvelle la même chose y a lieu ; & c’est un endroit où il y a de l’eau dans laquelle on met pourrir les chanvres & lins, afin de les brier ou briser dans la suite.

Mais comme la pourriture des chanvres & des lins corrompt l’eau & la rend puante, il est défendu de faire des Roteurs dans les eaux courantes & qui servent ù l’usage & commodité du Publie, il faut que ce soit de l’eau dormante, jusques-là que si on détourne l’eau pour en faire un Roreur, l’eau du Roteur doit être vuidée, de mianière qu’elle ne puisse retourner dans la riviere, crainte qu’elle n’em-puantisse & ne corrompe l’eau de la riviere.


ARTICLE CCX.

N Ul ne peut faire construire de nouveau pêcherie, ou moulin, si les deux rives de la riviere ne sont assises en son Fief.

Il ne faut pas prendre les mots de pécberie & de moulin pour une même chose, sous prétexte de la particule ou dont se sert notre article, pécherie ou moulin, ce sont deux choses bien differentes ; pécberie, est un lieu plein d’eau dormante pour faire toutner un moulin à cau, & modlin est l’instrument fait sur la ri-viere, ou autre eau, dormante ou non dormante, pour moudre le bled : car pécherie ne veut pas dire ici droit de pécher du poisson, ni un étang & lieu à poisson.

Le droit de moulin, soit à eau, soit à vent, est un droit féodal, qui par le droit general des Fiefs, appartient au Seigneur de Fief, & est une dépendance du Fief ; de sorte que des qu’on a un Fief, on peut bâtir un moulin dans l’etenquë du Fief, sans avoir besoin d’aucune autre concession ni d’aucun autre titre, la qualité de Seigneur de Fief est suffisante, Il y aordinairement deux sortes de moulins, moulin à eau & moulin à vent, l’un & l’autre sont un droit féodal.

Nui Seigneur ne peut de nouveau saire pécherie ou eau dormante, ni construire un moulin à cau sur une riviere, à moins que les deux rives ou bords de la riviere où feroit faite la pécherie, ou sur laquelle le moulin seroit bûti & construit, ne soient assises dans l’etenduë du Fief du Seigneur qui veut faire de nou-reau pecherie ou construire un moulin.

Lon dit construire de nouveau, car si la pécherie ou le moulin se trouvoit construit par un Seigneur du Fief il y a plus de quarante ans sur une riviere dont les deux rives ne seroient point assises dans son Fief, on ne pourroit pas faire détruire la pécherie ni abattre le moulin, la posseision paisible, publique & conrinuë pendant ce long tems, feroit maintenir le Seigneur dans son droit, la Coûtume dans cet article ne parle que pour le tems à venir.

Quoique le droit de moulin soit un droit féodal, néanmoins il peut être tenu & possedé séparement du Fief par une concession particulière faite par le seigneur de Fief à un particulier ; & ce particulier aura par ce moyen droit de moulin, encore qu’il n’ait point de Fief : mais est-il toujours certain en Normandie, que celui qui ne possede que des rotures, ne peut construire de moulin à eau sur une riviere qui iui appartient, & quoique les deux rives de cette riviere foient assises sur son fonds.

On ne peut pareillement faire construire un moulin à vent sur des rotures sans la concession & permission expresse du Seigneur du Fief.

Nul Seigneur, nonobstant que par sa qualité de Seigneur il ait droit de batir moulin, ne se peut faire qu’à trois conditions ; l’une, de le faire batir dans son Fief & sur une glebe noble ; l’autre, si c’est un moulin à eau, que les deux rives de la rivière sur laquelle il veut faire construire un moulin, soient dans son Fief ; la troisième, que la riviere lui appartienne.

Encore bien que le droit de moulin soit un droit féodal, cependant nul Seigneur ne peut obliger ni contraindre ses Vassaux & Censitaires à aller moudre à son moulin, s’il n’a droit de bannalité par un titre constitutif ou du moins déclaratif, comme aveux & dénombremens.

Or moulin bannal, tant à eau qu’à vent, est un moulin public, où les Vassaux & Censitaires sont obligez de faire moudre non seulement les bleds croissans dans l’étenduë du Fief, mais encore les bleds reposans sur la Seigneurie du Seigneur, ou de lui payer la verte moute des bleds qui croissent sur la Seigneurie, mais que n’y reposent pas, le tout à peine de confiscation de leur farine & d’amende arbitraire ; & c’est cette bannalité qui donne droit aux Meüniers des Seigneurs d’al-ler chasser sur les terres voisines des autres moulins, & d’arrêter les bleds que les Vassaux banniers du moulin de leur Seigneur y font porter ; cela dépend beaucoup des titres.

On appelle bleds reposans, tous les bleds que le Vassal ou Censitaire consomme en sa maison, ou dont il fait du pain pour vendre, quoiqu’ils croissent ailleurs ou qu’il les ait achettez au marché publie ; on n’est pas moins obligé à la bannalité du moulin & de faire moudre ces sortes de bleds au moulin bannal, & non ailleurs que ceux qui auroient crûs dans l’etenduë du Fiefs ; Arrests du Parlement de Roüen, des 17. Janvier 1541, 26. Janvier 1é63, & 17. Juillet 3685.

Par le mot de verte moute, on entend le droit de gerbe des bleds que le Vassal ou Censitaire qui n’a point de maison sur le Fief, & qui n’engrange point ses bieds quoiqu’ils y croissent, paye au Seigneur qui a un moulin bannal ; & ce droit est la seizième gerbe des bleds qui se recueillent sur les terres du Vassal & Censitaire, mouvantes du Fief du Seigneur qui a droit de bannalité, s’ii n’y a titre ou possession au conttaire.

Quiconque possede un Fief, a la faculté de faire bâtir un moulin, encore bien que ce Fief soit dans l’etenduë de la bannalité du moulin du Seigneur duquel le Fief releve ; Arrest du même Parlement, du 26. Juin 1534, à moins que par un titre particulier cette faculté ne lui fût ôtée.

Le Seigneur qui a cedé ou vendu son moulin bannal où son droit de bannalité, n’en peut batir un autre dans l’etenduë du même Fief & de la même Sei-gneurie ; Arrest du même Parlement, du 10. Mai 1632.

Un Seigneur de Fief qui fait construire un moulin, est obligé de le faire construire de maniere qu’il ne cause aucun dommage à ses voisins qui ont droit de moulin & qui ont un moulin.

Ce n’est pas assez au Seigneur de Fief pour pouvoir bâtir un moulin à eau d’avoir les deux rives de la rivière sur son Fief, il faut en outre que la riviere lui appartienne ; car si la riviere appartient à un autre Seigneur de Fief, il ne lui sera pas permis de faire construire un moulin sur cette rivière.

Nul ne peut prétendre avoir droit de bannalité, ou de verte moute sans titre, soit constitutif ou du moins déclaratif, suivi de possession ; car la seule possession, fût-elle centenaire & immémoriale, ne suffiroit pas pour donner & attri-buer ce droit.

Le droit de bannalité n’a rien de commun avec le droit de moute-verte, de sorte que la moute-verte n’est pas une suite & une dépendance nécessaire de la bannalité d’un moulin, ces deux droits sont distincts & séparez, on peut avoir l’un sans avoir l’autre, mais il faut toujours avoir titre exprés & formel pour l’établissement de l’un & l’autre droit.

Le moulin à vent ne peut être bannal, même à l’égard du Seigneur du Fief, fondé en titre & en reconnoissance par écrit du droit de bannalite d’un moulin à eau, à moins qu’un titre particulier ne fasse mention expresse de la qualité du moulin, & ne porte formellement & expressément que le moulin à vent en question est bannal ; car l’expression generale & indéfinie de moulin bannal, ne sentend que du moulin à eau, & le Seigneur n’ayant point de moulin à eau en sa Seigneurie, mais seulement un moulin à vent, ne pourroit pas prétendre que ce moulin à vent fût bannal, à moins qu’en vertu d’un titre spécifique ; & ne pourroit contraindre ses Vassaux & Censitaires à y aller moudre.

Le droit de bannalité n’est pas tellement une servitude roturiere, que les Nobles & Gentilhommes, & même les Ecclesiastiques n’y puissent êrre assujertis par titres ; mais de droit commun, la bannalité n’a point lieu contre les Nobles, Gentilhommes & Ecclesiastiques.

Le Seigneur qui n’a point droit de bannalité, ne peut empécher que les Meûniers voisins ou autres ne viennent chasser dans l’etenduë de son Fief.

Si la plus grande partie des Vassaux & Censitaires s’est obligée volontairement & sans contrainte par des aveux, déclarations & reconnoissances autentiques au droit de bannalité, une pareille obligation engage le reste des Vassaux & Censitaires au même droit de bannalité, quoique ces derniers ne s’y soient point engagez par des aveux, déclarations & reconnoissances particulières ; Arrest du même Parlement, du 22. Fevrier 1660.

Le droit de bannalité ne peut être demandé que sur les hommes tenans héritage dans la mouvance & direct du Fief du Seigneur, à cause duquel Fief-on retend le droit de bannalité, à moins que par un titre particulier & special, d’autres personnes ne se fussent assujetties à ce droit.

Le Seigneur qui a droit de moulin, peut d’un moulin à bled en faire un moulin à papier, à tan, à draps, à huile, à peaux, à poudre ou à autre usage, sans que ses voisins qui ont droit de moulin, & qui ont des moulins de cette nature, puissent se plaindre de ce changement ; Arrests du même Parlement, du 39 Mars 1548, & 7 Mars 1678 ; mais il ne pourroit changer la qualité d’un moulin bannal à bled, parce que ce changement feroit préjudice aux habitans banniers.

Il est pareillement permis au Seigneur de transferer son moulin d’un lieu en un autre sans le consentement de ses Vassaux & Censitaires, ni des Seigneurs voisins qui ont droit de moulin, & qui ont moulin, pourvû que cette nouvelle construction se fasse dans l’etenduë du Fief, & si le moulin est bannal, que le publie n’en souffre point d’incommodité, Quoique le droit de bannalité de moulin ou de four, ne puisse point s’acquerir par prescription, quand le Seigneur en auroit une qui seroit centenaire & immemoriale, il faut titre & possession pour établir un droit de bannalité, néanmoins le droit de bannalité peut se perdre & s’éteindre par la non-joüissance, & par une possession contraire de quarante ans ; & par cette prescription les Vassaux & Censitaires, qui originairement étoient sujets au droit de bannalité, reprennent leur liberté naturelle, & sont affranchis de cette servitude par la maxime qu’on peur s’affranchir d’un droit de servitude, par la voye de la prescription, qui est de quarante ans, par le non-usage de la servitude de la part de celui qui avoit droit de la pretendre avant la prescription.

Le titre réquis pour établir un droit de bannalité, doit être par écrit & constitutif, fait & passé devant Notaire, Tabellion, Greffier ou autre personne Sublique, par les Vassaux & Censitaires, de leur libre volonté, & non forcément ; cependant au défaut de titre constitutif, premier & originaire, il suffiroit de rapporter d’anciens aveux & dénombremens, que le Seigneur & ses predécesseurs ou ayans causes y ont fournis au Seigneur dominant, & qui onr été par lui blamez & reçûs, dans lesquels le droit de bannalité seroit employé, où des aveux, reconnoissances & déclarations de ce droit de la part des Vassaux & Censitaires aux Gagepleges du Seigneur, entre les mains de son Sénéchal, ou au Prevot du Gageplege ; tout cela joint à une possession publique, paisibole & non interrompue depuis un long-tems, mais de quarante ans au moins, pourroit servir de titres vallables d’un droit de bannalité ; cela dépend des circonstances du fait.

Quand un moulin bannal est tombé de caducité ou démoli, ou qu’il chomme ou cesse de tourner faute d’eau, comme si l’eau s’étoit détournée de son cours, les sujets à la bannalité peuvent aller moudre où bon leur semble, sans être tenus de payer aucun droit de moute-verte ni autre droit au Seigneur, & même dans ces cas, ou lorsque le Seigneur n’a point droit de bannalité, le Seigneur ne peut pas empécher les particuliers d’aller moudre ailleurs, ou d’a-voir chez eux des moulins à bras, pour s’en servir pour eux & pour autres ; de plus, si le moulin bannal cessoit de moudre pendant quarante ans, le droit de bannalité seroit éteint au profit des Vassaux & Censitaires ; mais cela n’empecheroit pas que le Seigneur ne pût remettre son moulin sur pied, & ne le fit travailier, mais ce moulin ne seroit plus bannal ; cûr le droit de moulin à la vérité ne se perd pas par la prescription, mais le droit de bannalité s’éteint par une possession contraire de quarante ans : On appelle les moulins à bras, mole manitariae. Quoique le Seigneur n’ait pas droit de bannalité, & qu’il ne puisse par consequent empécher ses Vassaux & Censitaires d’aller moudre leur bled au moulin d’un autre Seigneur, ou d’avoir des moulins à bras dans leurs maisons, néanmoins il n’est pas permis à ces Vassaux & Censitaires de constituer sur euxun droit de bannalité de moulin envers un autre Seigneur, pas même un droit de bannalité de four.

Le Seigneur faute par ceux qui sont sujets au droit de bannalité, de venir moudre au moulin bannal, peut saisir la farine & le pain dans l’etenduë de son Fief, & les confisquer, même les faire condamner en l’amende, mais non s’ils sont pris hors le Fief ; dans ce dernier cas, il pourroit seulement poursuivre ses Sujets pour être condamnez au payement des droits de bannalité, & en une amende.

Les moulins à eau & à vent sont reputez immeubles, à la reserve de ceux bâtis & posez sur bâteaux, qui néanmoins se décretent comme immeubles ; à l’égard des moulins à bras, ils sont toûjours meubles.

Il y a encore les pressoirs, lesquels peuvent être bannaux en vertu de titres constitutifs ou déclaratifs, suivis de possession.

Le Committimus n’a point lieu dans les actions pour droit de bannalité, parce que cette action est purement réelle, pas même mixte ; Arrest du même Par-lement du 10. Iuin 166s, & telle est la Jurisprudence du Parlement de Roüen.


ARTICLE CCXI.

T Resor trouvé aux Terres du Domaine du Roy, appartient au Roy, & s’il est trouvé ailleurs, il appartient au Seigneur du Fief, soit Laïc ou Ecclesiastique.

On appelle tresor, argent ou autre chose prétieuse, dont la cache est si ancienne qu’il n’y en a point de mémoire.

Par nôtre Coûtume, un tresor trouvé est un droit féodal ; il appartiecture Seigneur du Fief dans l’etenduë duquel il est trouvé, soit que le Fief appartienne au Roy ou à un Seigneur particulier ; ainsi si le tresor est trouvé dans le Fief du domaine du Roy, il appartient au Roy ; & s’il est trouvé duns le Fief d’un Seigneur particulier, soit laie ou Ecclesiastique & gens de main morte, il leur appartient : cependant le tresor n’appartiendroit point à l’Engagiste du domaine du Roy ni à l’Appanagiste, mais au Roy, s’il n’y avoit clause ou contraire par le Contract d’engagement ou d’appanage, ni encore moins à l’usufruitier du Fief, telle que seroit, par exemple, la douariere, ni au Receveur du domaine, ni au Termier du Fief, il appartiendroit au propriétaire du Fief, parce qu’un tresor est avant l’engagement, l’appanage, l’usufruit & le bail à ferme.

Quant au tresor trouvé en héritages tenus en franc-alleu, il appartient urer Roy senl.

Tresor trouvé dans les terres & héritages de la femme, appartient au mari comme chose purement mobiliaire, échué pendant & constant le mariage, si néanmoins la chole étoit considérable, il seroit juste d’en faire un emploi pour appar-tenir à la femme ou à ses héritiers, & le mari en auroit l’usufruit pendant le mariage : mais si la femme étoit séparée de biens d’avec son mari lorsque le tresor est trouvé, le mari n’y auroit rien.

La disposition de notre Coûtume est un peu rude de ne donner rien à celui qui auroit trouvé le trefor, il seroit juste de lui en donner quelque chose, c’est une considération que les Juges doivent faire par manière de remperament à la Loy.

Comme le tresor est un argent ou autre chose précieuse cachée de si longtems, que la mémoire en est perduë, & que ces choses n’ont plus de maître, il s’ensuit que l’argent ou autre chose précieuse cachée par crainte de la guerre qui menace, ou par crainte des ennemis en guerre, ou pour être en sureté en quelque lieu, n’est point réputé trefor qu’aprés un si long tems qu’il n’y ait plus de mémoire de la cache.

ARTICLE.


ARTICLE CCXII.

N Eanmoins s’il est trouvé dans la Nef ou Cimetiere de l’Eglise, il appartient à la Fabrique, & s’il est trouvé dans le Choeur de l’Eglise, il appartient à celui qui doit entretenir le Choeur & Chancel.

Cet article est une exception au précedent article ; car si un tresor étoit trouvé dans la Nef ou Cimetiere de l’Eglise, ou dans le Choeur, il appartiendroit à la Fabrique ou Oeuvre de l’Eglise, dans le cas qu’il fût trouvé dans la Nef ou Cimetière ; & à celui qui doit entre tenir le Choeur & Chancel, s’il étoit trouvé dans le Choeur, quand même l’Eglise seroit bâtie sur le Fief d’un Seigneur, soit le Roy ou autre, le Seigneur de Fief n’y auroit rien.

Ce sont les gros Décimateurs qui sont tenus de l’entretien & des réparations du Choeur & Chancel des Eglises Paroisiales, ainsi c’est à eux à qui appartiendroit le tresor trouvé dans le Choeur d’une Eglise Paroissiale ; mais s’il étoit trouve dans une autre Eglise, en quelque endroit de l’Eglise qu’il fût trouvé, soit Eglise séculière ou reguliere, il appartiendroit au Corps ou Communauté de l’Eglise, sur quelque Fief de Seigneur, même du Roy, que l’Eglise fût bûtie a l’égard de l’entretien & des réparations de la Nef des Eglises Paroissiales, c’est aux habitans de la Paroisse à les entretenir & à en faire les réparations, tant les Propriétaires des héritages & maisons que les habitans, locataires & Fermiers ; & quant aux maisons Presbyterales des Curés, c’est aussi aux Propriétaires ou aux locataires des maisons & héritages situez dans la Paroisse à y contribuer chacun pour un quart ; c’est de cette manière que le Parlement de Roüen à reglé cette contribution, ainsi qu’il paroit par ses Arrests des 12. Fevrier 1626, & 7. Iuin 1652. Pour ce qui est des réparations locatives menuës & d’entretien, cela régarde le Curé ; les Paroissiens doivent aussi une grange dixmeresse à leur Cure.