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ARTICLE CCXIII.

L Es enfans mineurs d’ans, aprés la mort de leurs Pere, mere ou autres leurs Predécesseurs, tombent en la garde du Seigneur duquel est tenu par foy & par hommage le Fief noble à eux échu, soit Fief de Haubert, ou membre de Haubert jusqu’à un huitiéme.

Le droit de garde est un droit Seigneurial & féodal ; ce droit est une suite du droit des Fiefs, qui tire son origine du tems que les Fiefs n’étoient qu’à vie & qu’il ne falloir ni Gardien, ni Tuteur, ni Curateur pour régir ni administrer les Tiefs des possesseurs, sous prêtexte de leur minorité, d’autant qu’ils n’étoient donnez qu’à des gens capables de porter les armes : mais lorsqu’ils furent rendus héreditaires, les Seigneurs qui penserent qu’ils pourroient écheoir à des mineurs dont ils ne pourroient tirer aucun service à cause de leur bas âge, se réserverent la joüissance des Fiefs pendant la minorité de leurs Vassaux, même le profit des revenus pour les indemniser des Gentilhommes qu’ils envoyeroient à la guerre au lieu & place de leurs Vassaux mineurs, il est parlé de cette garde pour la Province de Normandie dans une Ordonnance de Charles VIII. de 1498.

Ce droit s’appelle en Ecosse, droit de RBachapr ; & l’Histoire d’Ecosse nous apprend que les Roys de ce Royaume percevoient ce droit avec beaucoup de riqueur, d’au tant qu’ils prenoient tous les fruits des Terres hommagées qui rederoient d’eux, jusqu’à ce que le Vassal eût atreint l’age de vingt ans.

La Roque dans son Traité de la Noblesse, dit à ce sujet beaucoup de choses curieuses & sçavantes, c’est au chapitre XXXIII. On peut voir ausii Fortescue en son Traité, de laydibus Legum Ang ie ; c’est un excellent Auteur, on ys trouve de belles & bonnes choses par rapport à la Coutume de Normandie, aussi-bien que le Lithleton sur les Loix d’Angleterre.

Le Roy tiroit autrefois un profit considerable des gardes nobles Royales, comme il paroit par un mémorial de la Chambre des Comptes de Roüen, dont il est fait mention dans le nouveau Glossaire deRagueau .

Cette garde est donc un droit qu’a le seigneur de joüir du Fief que son Vassal immédiat tient noblement de lui, pendant la minorité de son Vassal & en fait les fruits siens, à la charge par le Seigneur de le nourrir & entretenir suivent sa condition & ses facultés, & de payer les arrerages des rentes Seigneuriales, soncières, réelies-& hypothécaires, méis non les rentes hypotheques ou conssituées duës par le Vassel, & d’en user en bon père de famille.

En vertu & en conséquence de ce droit, le Roy à l’arriere garde des mineurs qui tombent en garde pour raison des arrierefiefs qui sont dans la mouvance immédiate du Vassal tombé en garde, & le Roy joüit des fruits & rerenus non seulement du Fief immédiat, mais encore des arrierefiefs & des Fiefs des mineurs, & même lorsque les Vassaux & arrierevasfaux sont mineurs, ce qui est spécial au Roy.

Il y e beaucoup de disference entre la garde & la tutelle ; le Seigneur à qui appartient la garde de ses Vassaux mineurs, n’est point Tuteur ni de la personne ni des biens de son Vassalmineur, il fait les fruits siens du Fief qui releve de lui sans en être comptable ; on donne un Tuteur aux mineurs, nonobssant la garde ; un Tuteur est pour les biens & la personne de son mineur, il ne fait point fiens les revenus de son mineur tels qu’ils foient, & il est comptable : de plus, les immeubles du Vassal mineur ne pourroient pas être saisis réellement, vendus & adjugez par decret sur le gardien, ce qui se peut faire sur le Tuteur, discution Préalablement faite des meubles & effets mobiliers du mineur.

La minorité seule donne ouverture à la garde.

La garde appartient au Seigneur duquel est tenu par foy & hommage le Fief échû aux mineurs par la mort de leurs pere, mere où autres leurs prédecesseurs, tant en ligne directe qu’en ligne collaterale, mais non de ceux qui échéent & arrivent aux mineurs pendant la garde noble par succession directe & collaterale, donation, legs, ou autrement.

Dés qu’il arrive un Fief à un mineur, le Seigneur direct & immediat peut demander la garde de son Vassal mineur, pourvû que ce soit par la mort du pere, mere ou autres prédecesseurs, tant en ligne directe, que ligne collaterale ; & autant de FieFs qui appartiennent aux mineurs par la mort du pere, ou de la me-re où autres préde cesseurs, tombent en garde, de manière cependant, que des que la garde est ouverte pour une cause, comme par la mort du pere, les Fiefs qui arriveroient aux mineurs depuis l’ouverture de la garde, par exemple, par la succession de la inere, ou autre predecesseur, ou autrement, ne tomberoient point dans la garde ; & c’est seulement dans ce cas, que le Seigneur dominant & immediat a droit de demander la garde des Vaffaux mineurs, pour raison de ces Fiefs ; si donc un Fief arrive à un enfant mineur par la mort de son pere, il y a lieu à la garde quoique sa mére survive ; de même si le Fief échet à l’enfant mineur par la mort de sa mère, son pere surrivant, le Seigneur en aura la garde, amsi des autres predecesseurs & auteurs des mineurs ; en un mot, tous les Fiefs qui échéent à un mineur, font ouverture au droit de garde, pourvû qu’ils n’échéent pas depuis l’ouverture de la garde.

La garde n’a lieu que pour les Fiefs nobles, tenus par fuy & par hommage, ou pour les Vayassories nobles & Sergenteries féodales, & non pour les biens roturiers.

Tout Seigneur de Fief a droit de garde, tant Laique qu’Ecclesiastique, ou gens de main morte.

Les puinez Paragers ne tombent point en garde ; d’autant qu’ils ne doivent point de prestation de foy & hommage à l’ainé, duquel ils tiennent en parage.

Le Roy & les Seigneurs particuliers sont obligez de demander la garde ; & jusqu’à ce que la garde soit demandée, les mineurs profitent des fruits & revenus des Fiefs qui sont tombez en garde ; car la joüissance de la garde ne commence que du jour que celui qui l’a pretend, en a fait la demande en Justice, ou que le donataire de la garde ait presenté les Lettres de don qu’il a ob-tenuës, pour être enregistrées, lesquelles Lettres seront même sans effet si l’impetrant n’obtient sur icelles un Arrest d’enregistrement ; art. 32. du Reglement de 1666. Cet article parle de celui qui auroit obtenu la garde du Roy ; car à l’égard des donataires des Seigneurs, ce qui est tres-rare, le don de la garde ne doit point être revétu de Lettres Patentes ni d’Arrest d’enregistrement ce seroit assez qu’un Acte passé devant Notaire, suivi d’une demande & d’une Sentence de délivrance de la garde : mais il est toûjours certain que la garde ne faisit point, & qu’il en faut demander la délivrance, & jusques là les Vaisaux mineurs ont les fruits & revenus de leur Fief : Souvent le Roy & les Seigneurs particuliers remettent la garde aux mineurs ; & par cette remise, renonciation ou gratification, les mineurs profitent & joüissent en plein de leur Fief.

Le mary joüit de l’usufruit des biens de sa femme à droit de viduité, au préjudice de la garde de ses enfans mineurs qui ont des Fiefs de la succession de leur mère.

Les meubles & effets mobiliers des mineurs ne tombent point dans la garde ; art. 33. du Reglement de 1666 ; ni pareillement les rentes hypotéques ou constituées, ni les rentes foncieres qui ne sont point féodales & Seigneuriales, parce que ces rentes ne font point partie du Fief qui tombent en garde.

Les mineurs possedans colombiers, moulins ou autres droitures féodales separées du Fief, ne tombent point en garde pour raison de ces sortes de tenures, art. 31. du même Reglement.

Tout Fief noble, soit de dignité ou de haubert, ou membre de Fief de Haubert, jusqu’à la huitième portion inclusivement, soit tout autre Fief noble, fait tomber les Vassaux mineurs en garde ; donc par un argument contraire, un mineur possedant une neuviême portion d’un Fief de Haubert, ne tombe point en garde pour raison de cette tenure ; parce que cette portion de Fief, ou autres portions suivantes ne sont plus censées un Fief noble, ou une portion de Fief noble, mais seulement une roture, pour raison de laquelle les mineurs ne tombent jamais en garde.

Comme ce n’est point la qualité des mineurs, qui donne lieu à la garde, mais la qualité du bien qui est un Fief noble, un mineur roturier comme un noble, tombe en garde, pourvû que l’un ou l’autre ait des Fiess & Terres nobles.

Le droit de la garde noble Royale ou Seigneuriale, est cessible ; ainsi jugé par Arrest du Grand-Conseil, du 8. Août 168r, raporté au Journal du Palais, tome 2. page 238 ; c’est-à-dire, que le Roy peut abandonner, donner & céder ce droit à un autre Seigneur, en lui donnant, cedant & transportant le Fief finserain, qui donneroit lieu à la garde des mineurs, le cas arrivant ; cet Arrest a été rendu au sujet de la Terre noble ou Royaume d’Vvetot, dont le Roy disposa en faveur du Seigneur du Fief, Terre & Seigneurie d’lvetot.

L’acceptation de la garde se fait en Jugement ; ce qui n’a lieu qu’à l’égard des Seigneurs particuliers ; car le Roy ne prend gueres la garde, il la remet aux mineurs, où il en fait don ; & alors c’est le donataire qui accepte la garde en Jugement ; dans cette acceptation, le Seigneur ne fait point de soumission, parce qu’il n’est point comptable & qu’il profire des fruits & revenus des Fiefs nobles ; & à l’égard du donataire du Roy, dans le cas qu’il est comprable, il doit faire sa soumission, qui est une espèce de caution juratoire.