Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


ARTICLE CCXV.

L A garde Royale est quand elle échet pour raison du Fief noble tenu nuëment & immédiatement de lui ; & a le Roy par privilege spécial, que non seulement il fait les fruits siens des Fiefs nobles immédiatement tenus de lui, & pour raison desquels on combe en garde, mais aussi il a la garde & fait les fruits siens de tous les autres Fiefs, rotures, rentes & revenus tenus d’autres Seigneurs que lui médiatement ou immédiatement, à la charge toutefois de tenir les édifices, manoirs, bois, prez, jardins, étangs & pêcheries, payer les arrerages des rentes Seigneuriales, foncieres & hypotéques, qui échéent pendant la garde, & de nourrir & entretenir bien & duëment les enfans selon leur qualité, âge, facultés & famille ; & sont ceux ausquels le Roy fait don desdites gardes, sujets auxdites charges & d’en rendre compte au profit des mineurs.

La garde Royale, est quand elle échet pour raison du Fief noble tenu nuëment & immédiatement de lui.

Voilà ce qu’on appelie garde Royale, c’est celle qui arrive & qui appartient au Roy, à cause du Fief noble tenu nuëment & immédiatement de lui, soit par rapport à la Couronne, soit par rapport à son Domaine, il sussit que le Roy soit Seigneur dominant immédiat du Fief noble de son Vassat mineur.

Et à le Roy par privilege spécial, que non serlement il fait les fruits siens des Tiefs nobles immédiatement tenus de lui, & pour raison desqueis on tombe en sa garde ; mais aussi il a la garde & fait les fruits siens de tous les autres Fiefs nobles, rotures, rentes & rebenus tenus d’autres Se igneurs que lui médiatement oi immediarement.

La garde noble Royale a ce privilege sur la garde noble Seigneuriale, que la garde noble Royale donne au Roy non seulement la pleine jouissance des Fiefs nobles tenus nuëment & immédiatement de lui, mais encore la pleine joüissance de tous les autres Fiefs nobles, rotures, rentes Seigneuriales & héritages tenus d’autres Seigneurs, appartenants à son Vassal mineur, & non du Roy. médiatement ou immédiatement, & le Roy fait les fruits siens de tous ces biens tant que la garde noble dure ; au lieu que la garde noble Seigneuriale /w> ne s’étend que sur les Fiefs nobles qui relevent immédiatement des Seigneurs parti-culiers ; & ces Seigneurs ne jouissent & ne profitent que des fruits & revenus des Fiefs qui relevent immédiatement d’eux, & non des revenus & fruits des autres Fiefs nobles ou autres héritages relevans &, mouvans d’autres Seigneurs que d’eux ; la raison de cette difference, est que la dignité Royale se feroit injure en fouffrant un partage avec d’autres Seigneurs, qui sont les Sujets dû Roy, si même les anciens Vassaux viennent à tomber en garde noble pour raison des Fiefs nobles qui relevent immédiatement des mineurs tombez en la garde noble Royale, le Roy fait pareillement siens les fruits & revenus de ces arrieres-fiefs, tant que la garde noble Royale des Vassaux immédiats durera, & que les Vassaux médiats seront mineurs ; car si lenr minorité duroit encote aprés la garde noble Royale finie, ils tomberoient en la garde noble Seigneuriale de leur Seigneur immédiar pour le restant de leur minorité, & ils ne resteroient plus dans la garde noble Royale ; tout cela n’apparrient point à la garde noble Sieigneuriale, son effet ne tombe que sur les Fiefs nobles qui relevent immédiatement des Seigneurs particuliers.

Les Engagistes du domaine du Roy ni les Appanagistes n’ont point la garde noble Royale dans leur engagement ou appanage ; c’est un droit de la Couronne, qui est innaliénable, etiam sub spe reversionis.

La garde noble Royale, à plus forte raison la garde noble Seigneuriale, qui appartient à cause des Fiefs situez en Normandie & dans l’etenduë de la Coutume de Normandie, ne s’étendent point sur des Fiefs situez dans une autre Coutume qui n’auroit point une pareille disposition à celle de la Coûtume de Normandie, chaque Coûtume regle les Fiefs situez dans son étenduë ; Arrest du Par-lement de Roüen, du 20 Fevrier 1597.

Il est à remarquer que le Roy ne tire aucun bénefice de la garde noble Royale, il en gratifie ordinairement les mineurs, ou leurs Pere ou Mere, ou leurs parens ou amis. Quoiqu’il paroisse par un Arrest du Parlement de Paris du 2. Septembre 4177. rapporté dans un Plaidoyerde M. Antoine Arnauld en 1611. plaidant pour M. le Duc de Guise, qu’il ait étéjugé que le droit de garde devoit être préféré au droit de viduité, il faut cependant tenir le contraire, & dire que le droit de garde, soit Royale, soit Seigneuriale, ne doit point être préféré au droit de viduité ; & telle est laJurisprudence du Parlement de Roüen & de tous les Tribunaux qui resortissent au Parlement de Roüen, même dans l’etenduë du Comté d’Eu, qui n’a point d’autre Coûtume que la Coûtume generale de Normandie.

Quoique la jouissance de la garde noble Royale ou Seigneuriale, ne commence que du jour qu’elie a été demandée en Justice, & que le mineur fasse pendant ce tems-là les fruits siens à l’exclusion du Roy ou du Seigneur, néanmoins le Roy ou le Seigneur a idroit de présenter eux benefices, dont la présentation ou nomination est annexée aux Fiefs des mineurs, encore bien que la demande de la garde noble n’eût pas encore été formée : mais si le Tuteur des mineurs avoit prévenu le Roy ou le Seigneur, la présentation du Tuteur prévaudroit, & le nommé par le Tuteur seroit préféré au présenté par le Roy ou le Seigneur : il faut dire la même chose de la présentation aux Offices des Justices des Fiefs.

Il suit de-là que le droit de Patronage, ou la présentation aux benefices des mineurs tombez en garde noble ; fait partie de la garde noble Royale ou Seignéuriale : cependant il y a une observation importante à faire en cet endroit par rapport à la garde noble Royale, qui est que dans le don ou dans la remife que le Roy fait de la garde noble Royale, le droit de présentation aux bénefices n’y est point compris, i & nonobstant ce don ou remise, ce seroit au Roy seul à présenter aux bénefices dépendans des Fiefs & Terres nobles des mineurs tombez dans la garde noble Royale.

Il y a encore une autre remarque à faire à ce sujet, qui est que s’il n’y a qu’un seul bénefice dépendant du Fief à cause duquel le Vassal mineur est tombé en garde, & qu’il y ait une doüairière sur ce Fief, c’est au Roy à y présenter à l’exclusion de la doüairière ; mais s’il y plusieurs bénefices dépendans des biens sujets à la garde noble Royale, la veuve doüairiere présentera au benefice, dont le patronage est annexé au Fief tombé en son lot ; Arrests du même Parlement, des 3. Avril 1516, & 4. Mars 1556. ce qui cesse à l’égard de la garde noble Seigneuriale, la doüairiere e auroit toujours le droit de présentation aux bénefices, dont le Patronage est attaché au Fief sujet à son douaire.

Les confiscatioms, commises, bâtardises, aubaines, déshérances, reliefs ; greiziêmes, rentes & redevances Seigneuriales, & autres droits & profits de Fief, tant ordinaires qu’extraordinaires, qui arrivent pendant la garde noble Royale ou Seigneuriale, sont partie de la garde noble, & tomuent dans la jouissance de celui qui a la garde, mais non les autres rentes, soit foncieres, réelles & hypotécaires, & toutes autres rentes qui ne sont point en tenure & directe des Seigneurs ; la garde noble Royale ou Seigneuriale ne tombe point pareillemenr sur les Offices qui appartiennent aux mineurs, les Seigneurs gardiens n’en auroient pas la jouissance, ni encore moins des deniers stipulez propres aux mineurs, ni des remplois de leurs propres.

Les Fiefs qui échéent aux mineurs depuis l’ouverture de la garde & pendant qu’elle dure, soit par succession directe ou collaterale, ou par donation, legs ou autrement, n’entrent point dans la joüissance du gardien noble, soit le Roy ou un Seigneur particulier ; parce qu’il n’y a que les Fiefs qui sont échus par la mort du pere ou de la mere, ou autre prédécesseur des mineurs, qui tombenr dans la garde noble, & que le droit de la garde noble étant défavorable par rapport aux mineurs, il doit être restraint autant qu’il est possible, La garde noble à cause des Fiefs provenans d’une suc cession, ne s’érend point à d’autres Fiefs provenans d’une autre succession, à moins qu’ils ne soient tous mouvans immédiatement du Roys Arrest du, même Parlement, du dix-huit Juillet 2617.

Il faut resumer de tout ce que dessus, que l’effer de la garde noble Royale est qu’elle emporte au profit du Roy, la pleine proprieté des fruits & revenus des Fiefs nobles tenus immediatement du Roy, & qu’en outre il a la pleine proprieté des fruits & revenus des Fiefs ou autres héritages, rentes & redevances Seigneuriales, même des héritages en roture, appartenans aux mineurs, mouvans & relevans d’autres Seigneurs que d’un Roy, soit par la mouvance noble, où par tenure roturière ; la garde noble Royale s’étend sur les arricresfiefs du Fief qui a donné lieu à la garde noble ; tous ces avantages manquent à la garde noble Seigneuriale, elle ne donne au Seigneur que la pleine propriéré des fruits & revenus des Fiefs qui relevent immedixtement de leurs Fiefs.

a la charge toutefois de tenir en état les édifices, manoirs, bois, prex, jardins, étangs & pécheries ; payer les arrérages des rentes Seigneuriales, foncieres & hypotheques qui écbéent pendant la garde, & de nourrir & entretenir bien & duëment les enfans selon leur qualité, âge, facultez & famille.

Les charges de la garde noble Royale, sont r. D’entretenir les édifices, bâtimens, manoirs, maisons, colombiers, moutins, pressoirs, fours, étangs, pecheries, fossez & autres choses de cette qualité, de toutes réparations qu’on appelle menites, viageres & d’entretien ; mais quant aux grosses réparations, elles regardent les mineurs ; 25. De bien entretenir les parcs, jardins, prez, herbages & bois, sans toutefois pouvoir couper les bois de haute-sutaye ; celui qui a la garde noble, n’a que la coupe des bois taillis, qui arrive pendant la garde noble ; car il ne seroit pas permis d’avancer une coupe de bois ; 30. Rendre le tout en bon état de menuës réparations à la fin de la garde ; 4. Payer les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales, rentes foncieres, rentes de fieffe ou de bail d’héritage, & des rentes hypothieques ou constituées, lefquels arterages échéent pendant la garde noble, mais non les de ttes mobiliaires des mineurs, contractées par leurs auteurs & dont ils sont heritiers, comme billets, promesses ou obligations ; 55. De nourit, entretenir & élever au College ou à autres exercices les enfans mineurs, selon leur qualité, condition, familie, âge & facultez ; quand même les mineurs auroient d’autres biens suffisans.

Et sont ceux ausquels le Roy fait don desdites gardes, sujets ausdites charges, & d’en rendre compte ait profit des mineurs.

Le Roy a toûjours la bonté de donner la garde noble aux mineurs ; & si quelque fois il en fait don à quelqu’un de la famille, comme au pere, mere, onCle, ou autre parent des mineurs ; ce donataire est, ourre les obligations cu dessus, tenu de rendre compte aux mineurs des fruits & revenus des Fiefs & biens tombez dans la garde, aprés la garde finie, sans que ce donataire fasse les fruits & revenus siens, & en payer le reliquat, déduction faite des charges de la garde noble.

Mais si le donataire étoit un étranger de la famille des mineurs, & que le Roy lui eût fait ce don pour le gratifier, ou pour recompense de services ou autres causes, un tel donataire feroit les fruits siens, & ne seroit point tenu de rendre compte, ni encore moins payer de reliquat ; il joüiroit & profiteroit de tous les fruits & revenus des Fiefs & autres biens tombez dans la garde, aux charges de droit.

a l’égard de la garde noble Seigneuriale, il est rare de voir les autres Seigneurs de Fief remettre la garde noble Seigneuriale à leurs Vassaux mineurs, ils usent en cela de leur droit, & envisagent la garde Seigneuriale comme un moyen de gagner & profiter.

Un donataire du Roy de la garde noble Royale, qui est comptable, est à la vérité exempr des interêts pupillaires, mais aussi il ne peut demander aucune chose pour ses vacations, il n’a que ses voyages & séjours hors de sa maison ; art. 34. & 35. du Reglement de 1666.

Le don ou remise de la garde Royale faite à la mere, quoi qu’elle ne soit pas tutrice, ou au tuteur depuis son élection, est reputée faite au mineur, au profit duquel ils sont obligez de tenir compte des inrerêéts pupillaires ; ce qui a pareillement lieu, si lors de l’élection le tuteur ne s’est point réservé à jouir de la garde qui lui étoit acquise avant sa tutelle ; art. 36. du même Reglement.

Il seroit juste d’étendre cette décision, dans le cas que le Roy eût fait le don ou remise de la garde noble Royale au pere des mineurs, qui auroit survecu sa femme mère des mineurs, quoiqu’il ne fût pas le tuteur des mineurs ; & méme si le don ou remise avoit été faire de la garde noble Royale à un beau-pere, ou une belle-mere des mineurs, tuteur ou non, l’un & l’autre en seroient comptables au profit des mineurs, & ils seroient tenus de leur en payer le reliquat à la fin de la garde, les charges déduites & prélevées, à moins que le Roy. n’eûr mis & énoncé dans les Lêttres Patentes du don, que la garde noble Royale. avoit été donnée au beau-pere, ou à la belle-mere des mineurs, pour & au profit du seul donataire, & sans qu’il en fût comptable ; car enfin, l’affinité qui est entre un beau-pere ou une belle-mere, & des enfans du pere ou de la mere, prédecedé, ne met point dans ce cas un beau-pere ou une belle-meré au noinbte d’un donataire étranger de la famille des mineurs.

En concurrence de donataires de la garde noble Royale, on préfere les plus proches parens des mineurs ; ensorte que si le Roy avoit en même tems fait don de la garde noble Royale à plusieurs parens des mineurs, le donataire plus proche en dégré de parenté, seroit preféré ; & si le don avoit été fait en même tems & par erreur à un parent du mineur & à un étranger de la famille, il faudroit saire prevaloir le don fait au parent, & cela in favorem minorum, qui ne souffriroient point par ce don de perte des fruits & revenus ; mais comme les graces du Prince se font verbo, il est rare de voir de pareilles difficultez ; il ne peut y avoir qu’un seul don & S’il y en avoit un seconde on lui feroir rapporter le don, comme fait par erreur où par surprise, à moins que la volonté du Roy ne fût au contraire, le’est-à-dire, que le second don subsistât & le premier fût revoqué.