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ARTICLE CCXVIII.

L E Seigneur fait les fruits de la garde siens, & n’est tenu à la nourriture & entretenement des personnes desous-âgez s’ils ont échettes ou autres biens roturiers : mais où les Tuteurs & parens mettroient tous les héritages & biens desdits sous-âgez entre les mains du Seigneur gardien, en ce cas il est tenu les nourrir & entretenir selon leur qualité & la valeur de leurs biens, contribuer au mariage des filles, conserver le Fief en son intégrité, & outre de payer les arrerages des rentes foncieres, hypothécaires & autres charges réelles.

Le Seigneur fait les fruits de la garde, siens.

Le Seigneur qui a accepté la garde noble Seigneuriale/w> , fait tellement les fruits & revenus des biens tombez en garde siens, qu’il n’est point obligé d’en rendre compté aux mineurs à la fin de la garde noble, ni de leur en payer de reliquats ; art 37. du Reglement de 1666. sans cependant pouvoir dégrader ni detériorer les terres, changer l’état des lieux, ni rien couper contre l’usage & hors les saisons ordinaires ; en un mot, il doit regler sa joüissance sur celle d’un bon pere de famille.

Et n’est tenu à la nourriture & entretenement des personnes des sous-âgez, s’ils ont des Echettes ou autres biens roturiers.

Il y a cette difference entre la garde noble Royale & la garde noble Seigneuriale, que la garde noble Royale engage le donataire du Roy lorsqu’il fait siens les fruits & revenus des Fiefs & biens nobles tombez en garde, de nourrir & entretenir les mineurs sur les frui-s & revenus qui reviennent par la garde noble Royale selon leur qualité & âge, quand même les mineurs auroient d’autres biens non sujets à la garde noble Royale, suffisans pour les nourrir & entrerenir ; au lieu que le Seigneur qui prend la garde noble Seigneuriale, n’est obligé de nourrir & entre tenir les mineurs sur les fruits & revenus de leurs biens tombez en garde qu’au cas que les mineurs n’ayent pas d’autres biens que ceux tombez en garde, soit nobles ou roturiers, qui produisent revenus & fruits, car des biens steriies, comme des meubles & effets mobiliers, ne pourroient pas entrer en considération ; n’importe à quel titre les mineurs auroient ces biens, par échette ou succession, donation, legs ou autrement, pourvû qu’ils fussent suffisants pour la nourriture & entretien des mineurs suivant leur condition & âge ; & en ce cas, le Seigneur gardien seroit déchargé de la nourriture & entretien des mineurs, & il joüiroit franchement & quirtement de cette charge, des fruits & revenus des biens tombez en garde, & il les feroit siens sans en être comptable aux mineurs à la fin de la garde. Mais où les Tuteurs & parens mettroient tous les heritages & biens desdits sousâgez entre les mains du Seigneur gardien, en ce cas il est tenu les nourrir & en-tretenir selon leur qualité & la valeur de leurs biens, contributer au mariage des filles, conserver le Fief en son intégrité, & outre payer les arrerages des rentes foncieres, hypotécaires & charges réelles, C’est ici une sage & judicieuse faculté que donne notre Coutume dans cette disposition, aux Tuteurs & parens des mineurs pour mettre la nourriture & l’entretien des mineurs à la charge du Seigneur gardien, encore qu’il n’y soit point obligé par sa qualité de gardien.

Cette faculté est, par le Tuteur & avis de parens, de céder, délaisser, abondonner & remettre tous les biens immeubles, nobles où roturiers des mineurs, au Seigneur gardien, pour par lui en joüir & en faire les fruits & revenus siens, tant que la garde durera, & sans en rendre compte non plus que des Fiefs & biens nobles tombez en garde ; ce que le Seigneur gardien ne pourra refuser, à moins qu’il n’abandonne la garde noble Seigneuriale, par ce moyen le Seigneur gardien sera tenu de nourrir & ent retenir les mineurs selon la qualité & la valeur de tous leurs biens, foit ceux tombez en garde, soit ceux abandonnez par le Tuteur de l’avis des parens au Seigneur gardien, même contribuer au mariage des filles, s’il y en a, conserver le Fief en son intégrité, & payer les arrérages de toutes les rentes foncieres, hypotécaires & autres charges réeles, mêmes des rentes & redevances seigneuriales, S’il en étoit du à autres Seigneurs, qui échéroient pendant la garde, de manière qu’aprés cet abandonnement on dira au Seigneur gardien : cede la garde noble Seigneuriale que vous avez, qui solve ; mais il n’est point tenu en aucun cas de payer les dettes mobiliaires des mineurs.

Nonobstant la garde noble Seigneuriale, les mineurs ne laissent pas d’être en la puissance de leur Tuteur à qui l’education appartient privativement au, au Seigneur gardien ; Arrest du Parlement de Roüen, du 19. Mars 1666.

Si les mineurs pendant la garde avoient vécû de leur industrie ou aux dépens de leurs parens ou amis, ils seroient en droit de répeter leur nourriture & dépense contre le Seigneur gardien, qui auroit joui de tous leurs biens immeubles, generalement quelconques, nobles ou roturiers, par l’abandonnement qui avoit été fait par le Tuteur de l’avis des parens, au Seigneur gardien, des biens immeubles qui ne faisoient point partie de la garde noble.

En finissant cet Article, il ne faut pas oublier une decision commune à la garde noble Royale & à la garde noble Seigneuriale ; qui est, que si la coupe des bois taillis ou la péche des étangs échet au tems de l’ouverture de la garde noble, elle appartient au gardien en entière, quand même la garde seroit sur le point de finit ; parce qu’il suffit que la coupe des bois ou la pèche des étangs, fût lors en saison.

Ce que notre Coûtume appelle contribuer au mariage des filles, ce n’est pas contribuer à leur mariage avenant ou legitime ; car comme le Seigneur gardien n’auroit que les fruits & revenus de tous les biens immeubles, on ne pour-roit pas le forcer à donner son argent pour la contribution du mariage avenant des filles ; d’ailleurs le mariage avenant se prend sur le fonds de tous les biens des pere & mère, tant meubles qu’immeubles ; ainsi contribuer au mariage des filles, c’est leur donner quelque chose lors de leur mariage, en consideration de ce que le Seigneur gardien ne sera plus tenu de les nourrir & entretenir, mais leurs maris, qui suivant les premieres regles, sont tenus de nourrir & entretenir leurs femmes.

Il est difficile de concevoir ce que la Coutume a voulu dire dans le present Article, en disant que le Seigneur gardien dans le cas qu’il est obligé de nourrir & entretenir les mineurs, entretenir les lieux de toutes reparations, & payer les arrérages de toutes les rentes, il conservera le Fief en son integrité : car outre que dans la regle generale les Fiefs sont indivisibles & im-partageables dans notre Coûtume ; c’est qu’un gardien noble n’ayant que la joüissance des fruits & revenus des biens des mineurs, & rien dans le fonds & la proprieté des biens, il ne s’agit point de division & partage du Fief ; donc conseruer le Fief en son integrite dans ce cas, c’est ne le point dégrader & déteriorer.

Les gardiens nobles ne sont tenus aux charges de la garde, que pro modo emolumenti, & jusques à concurence des fruits & revenus, & non au-de-là, ni personnellement sur leurs biens.