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TITRE X DES GARDES.

ARTICLE CCXIII.

L Es enfans mineurs d’ans, aprés la mort de leurs Pere, mere ou autres leurs Predécesseurs, tombent en la garde du Seigneur duquel est tenu par foy & par hommage le Fief noble à eux échu, soit Fief de Haubert, ou membre de Haubert jusqu’à un huitiéme.

Le droit de garde est un droit Seigneurial & féodal ; ce droit est une suite du droit des Fiefs, qui tire son origine du tems que les Fiefs n’étoient qu’à vie & qu’il ne falloir ni Gardien, ni Tuteur, ni Curateur pour régir ni administrer les Tiefs des possesseurs, sous prêtexte de leur minorité, d’autant qu’ils n’étoient donnez qu’à des gens capables de porter les armes : mais lorsqu’ils furent rendus héreditaires, les Seigneurs qui penserent qu’ils pourroient écheoir à des mineurs dont ils ne pourroient tirer aucun service à cause de leur bas âge, se réserverent la joüissance des Fiefs pendant la minorité de leurs Vassaux, même le profit des revenus pour les indemniser des Gentilhommes qu’ils envoyeroient à la guerre au lieu & place de leurs Vassaux mineurs, il est parlé de cette garde pour la Province de Normandie dans une Ordonnance de Charles VIII. de 1498.

Ce droit s’appelle en Ecosse, droit de RBachapr ; & l’Histoire d’Ecosse nous apprend que les Roys de ce Royaume percevoient ce droit avec beaucoup de riqueur, d’au tant qu’ils prenoient tous les fruits des Terres hommagées qui rederoient d’eux, jusqu’à ce que le Vassal eût atreint l’age de vingt ans.

La Roque dans son Traité de la Noblesse, dit à ce sujet beaucoup de choses curieuses & sçavantes, c’est au chapitre XXXIII. On peut voir ausii Fortescue en son Traité, de laydibus Legum Ang ie ; c’est un excellent Auteur, on ys trouve de belles & bonnes choses par rapport à la Coutume de Normandie, aussi-bien que le Lithleton sur les Loix d’Angleterre.

Le Roy tiroit autrefois un profit considerable des gardes nobles Royales, comme il paroit par un mémorial de la Chambre des Comptes de Roüen, dont il est fait mention dans le nouveau Glossaire deRagueau .

Cette garde est donc un droit qu’a le seigneur de joüir du Fief que son Vassal immédiat tient noblement de lui, pendant la minorité de son Vassal & en fait les fruits siens, à la charge par le Seigneur de le nourrir & entretenir suivent sa condition & ses facultés, & de payer les arrerages des rentes Seigneuriales, soncières, réelies-& hypothécaires, méis non les rentes hypotheques ou conssituées duës par le Vassel, & d’en user en bon père de famille.

En vertu & en conséquence de ce droit, le Roy à l’arriere garde des mineurs qui tombent en garde pour raison des arrierefiefs qui sont dans la mouvance immédiate du Vassal tombé en garde, & le Roy joüit des fruits & rerenus non seulement du Fief immédiat, mais encore des arrierefiefs & des Fiefs des mineurs, & même lorsque les Vassaux & arrierevasfaux sont mineurs, ce qui est spécial au Roy.

Il y e beaucoup de disference entre la garde & la tutelle ; le Seigneur à qui appartient la garde de ses Vassaux mineurs, n’est point Tuteur ni de la personne ni des biens de son Vassalmineur, il fait les fruits siens du Fief qui releve de lui sans en être comptable ; on donne un Tuteur aux mineurs, nonobssant la garde ; un Tuteur est pour les biens & la personne de son mineur, il ne fait point fiens les revenus de son mineur tels qu’ils foient, & il est comptable : de plus, les immeubles du Vassal mineur ne pourroient pas être saisis réellement, vendus & adjugez par decret sur le gardien, ce qui se peut faire sur le Tuteur, discution Préalablement faite des meubles & effets mobiliers du mineur.

La minorité seule donne ouverture à la garde.

La garde appartient au Seigneur duquel est tenu par foy & hommage le Fief échû aux mineurs par la mort de leurs pere, mere où autres leurs prédecesseurs, tant en ligne directe qu’en ligne collaterale, mais non de ceux qui échéent & arrivent aux mineurs pendant la garde noble par succession directe & collaterale, donation, legs, ou autrement.

Dés qu’il arrive un Fief à un mineur, le Seigneur direct & immediat peut demander la garde de son Vassal mineur, pourvû que ce soit par la mort du pere, mere ou autres prédecesseurs, tant en ligne directe, que ligne collaterale ; & autant de FieFs qui appartiennent aux mineurs par la mort du pere, ou de la me-re où autres préde cesseurs, tombent en garde, de manière cependant, que des que la garde est ouverte pour une cause, comme par la mort du pere, les Fiefs qui arriveroient aux mineurs depuis l’ouverture de la garde, par exemple, par la succession de la inere, ou autre predecesseur, ou autrement, ne tomberoient point dans la garde ; & c’est seulement dans ce cas, que le Seigneur dominant & immediat a droit de demander la garde des Vaffaux mineurs, pour raison de ces Fiefs ; si donc un Fief arrive à un enfant mineur par la mort de son pere, il y a lieu à la garde quoique sa mére survive ; de même si le Fief échet à l’enfant mineur par la mort de sa mère, son pere surrivant, le Seigneur en aura la garde, amsi des autres predecesseurs & auteurs des mineurs ; en un mot, tous les Fiefs qui échéent à un mineur, font ouverture au droit de garde, pourvû qu’ils n’échéent pas depuis l’ouverture de la garde.

La garde n’a lieu que pour les Fiefs nobles, tenus par fuy & par hommage, ou pour les Vayassories nobles & Sergenteries féodales, & non pour les biens roturiers.

Tout Seigneur de Fief a droit de garde, tant Laique qu’Ecclesiastique, ou gens de main morte.

Les puinez Paragers ne tombent point en garde ; d’autant qu’ils ne doivent point de prestation de foy & hommage à l’ainé, duquel ils tiennent en parage.

Le Roy & les Seigneurs particuliers sont obligez de demander la garde ; & jusqu’à ce que la garde soit demandée, les mineurs profitent des fruits & revenus des Fiefs qui sont tombez en garde ; car la joüissance de la garde ne commence que du jour que celui qui l’a pretend, en a fait la demande en Justice, ou que le donataire de la garde ait presenté les Lettres de don qu’il a ob-tenuës, pour être enregistrées, lesquelles Lettres seront même sans effet si l’impetrant n’obtient sur icelles un Arrest d’enregistrement ; art. 32. du Reglement de 1666. Cet article parle de celui qui auroit obtenu la garde du Roy ; car à l’égard des donataires des Seigneurs, ce qui est tres-rare, le don de la garde ne doit point être revétu de Lettres Patentes ni d’Arrest d’enregistrement ce seroit assez qu’un Acte passé devant Notaire, suivi d’une demande & d’une Sentence de délivrance de la garde : mais il est toûjours certain que la garde ne faisit point, & qu’il en faut demander la délivrance, & jusques là les Vaisaux mineurs ont les fruits & revenus de leur Fief : Souvent le Roy & les Seigneurs particuliers remettent la garde aux mineurs ; & par cette remise, renonciation ou gratification, les mineurs profitent & joüissent en plein de leur Fief.

Le mary joüit de l’usufruit des biens de sa femme à droit de viduité, au préjudice de la garde de ses enfans mineurs qui ont des Fiefs de la succession de leur mère.

Les meubles & effets mobiliers des mineurs ne tombent point dans la garde ; art. 33. du Reglement de 1666 ; ni pareillement les rentes hypotéques ou constituées, ni les rentes foncieres qui ne sont point féodales & Seigneuriales, parce que ces rentes ne font point partie du Fief qui tombent en garde.

Les mineurs possedans colombiers, moulins ou autres droitures féodales separées du Fief, ne tombent point en garde pour raison de ces sortes de tenures, art. 31. du même Reglement.

Tout Fief noble, soit de dignité ou de haubert, ou membre de Fief de Haubert, jusqu’à la huitième portion inclusivement, soit tout autre Fief noble, fait tomber les Vassaux mineurs en garde ; donc par un argument contraire, un mineur possedant une neuviême portion d’un Fief de Haubert, ne tombe point en garde pour raison de cette tenure ; parce que cette portion de Fief, ou autres portions suivantes ne sont plus censées un Fief noble, ou une portion de Fief noble, mais seulement une roture, pour raison de laquelle les mineurs ne tombent jamais en garde.

Comme ce n’est point la qualité des mineurs, qui donne lieu à la garde, mais la qualité du bien qui est un Fief noble, un mineur roturier comme un noble, tombe en garde, pourvû que l’un ou l’autre ait des Fiess & Terres nobles.

Le droit de la garde noble Royale ou Seigneuriale, est cessible ; ainsi jugé par Arrest du Grand-Conseil, du 8. Août 168r, raporté au Journal du Palais, tome 2. page 238 ; c’est-à-dire, que le Roy peut abandonner, donner & céder ce droit à un autre Seigneur, en lui donnant, cedant & transportant le Fief finserain, qui donneroit lieu à la garde des mineurs, le cas arrivant ; cet Arrest a été rendu au sujet de la Terre noble ou Royaume d’Vvetot, dont le Roy disposa en faveur du Seigneur du Fief, Terre & Seigneurie d’lvetot.

L’acceptation de la garde se fait en Jugement ; ce qui n’a lieu qu’à l’égard des Seigneurs particuliers ; car le Roy ne prend gueres la garde, il la remet aux mineurs, où il en fait don ; & alors c’est le donataire qui accepte la garde en Jugement ; dans cette acceptation, le Seigneur ne fait point de soumission, parce qu’il n’est point comptable & qu’il profire des fruits & revenus des Fiefs nobles ; & à l’égard du donataire du Roy, dans le cas qu’il est comprable, il doit faire sa soumission, qui est une espèce de caution juratoire.


ARTICLE CCXIV.

IL a garde-noble Royale & garde-noble Seigneuriale.

La garde noble Royele appartient au Roy, à cause des Fiefs qui relevent immédiatement du Roy, & la garde noble Seigneuriale est celle qui appartient aux Seigneurs particuliers du Fief, à cause des Fiefs qui relevent immédiatement d’eux.

En Normandie il n’y a point de garde Bourgeoise ou roturiere ; on n’y connoit que la garde-noble, qui est la garde-Royale & la Seigneuriale, mais l’une & l’autre par rapport aux Fiefs nobles, & non par rapport à la condition des Vassaux.


ARTICLE CCXV.

L A garde Royale est quand elle échet pour raison du Fief noble tenu nuëment & immédiatement de lui ; & a le Roy par privilege spécial, que non seulement il fait les fruits siens des Fiefs nobles immédiatement tenus de lui, & pour raison desquels on combe en garde, mais aussi il a la garde & fait les fruits siens de tous les autres Fiefs, rotures, rentes & revenus tenus d’autres Seigneurs que lui médiatement ou immédiatement, à la charge toutefois de tenir les édifices, manoirs, bois, prez, jardins, étangs & pêcheries, payer les arrerages des rentes Seigneuriales, foncieres & hypotéques, qui échéent pendant la garde, & de nourrir & entretenir bien & duëment les enfans selon leur qualité, âge, facultés & famille ; & sont ceux ausquels le Roy fait don desdites gardes, sujets auxdites charges & d’en rendre compte au profit des mineurs.

La garde Royale, est quand elle échet pour raison du Fief noble tenu nuëment & immédiatement de lui.

Voilà ce qu’on appelie garde Royale, c’est celle qui arrive & qui appartient au Roy, à cause du Fief noble tenu nuëment & immédiatement de lui, soit par rapport à la Couronne, soit par rapport à son Domaine, il sussit que le Roy soit Seigneur dominant immédiat du Fief noble de son Vassat mineur.

Et à le Roy par privilege spécial, que non serlement il fait les fruits siens des Tiefs nobles immédiatement tenus de lui, & pour raison desqueis on tombe en sa garde ; mais aussi il a la garde & fait les fruits siens de tous les autres Fiefs nobles, rotures, rentes & rebenus tenus d’autres Se igneurs que lui médiatement oi immediarement.

La garde noble Royale a ce privilege sur la garde noble Seigneuriale, que la garde noble Royale donne au Roy non seulement la pleine jouissance des Fiefs nobles tenus nuëment & immédiatement de lui, mais encore la pleine joüissance de tous les autres Fiefs nobles, rotures, rentes Seigneuriales & héritages tenus d’autres Seigneurs, appartenants à son Vassal mineur, & non du Roy. médiatement ou immédiatement, & le Roy fait les fruits siens de tous ces biens tant que la garde noble dure ; au lieu que la garde noble Seigneuriale /w> ne s’étend que sur les Fiefs nobles qui relevent immédiatement des Seigneurs parti-culiers ; & ces Seigneurs ne jouissent & ne profitent que des fruits & revenus des Fiefs qui relevent immédiatement d’eux, & non des revenus & fruits des autres Fiefs nobles ou autres héritages relevans &, mouvans d’autres Seigneurs que d’eux ; la raison de cette difference, est que la dignité Royale se feroit injure en fouffrant un partage avec d’autres Seigneurs, qui sont les Sujets dû Roy, si même les anciens Vassaux viennent à tomber en garde noble pour raison des Fiefs nobles qui relevent immédiatement des mineurs tombez en la garde noble Royale, le Roy fait pareillement siens les fruits & revenus de ces arrieres-fiefs, tant que la garde noble Royale des Vassaux immédiats durera, & que les Vassaux médiats seront mineurs ; car si lenr minorité duroit encote aprés la garde noble Royale finie, ils tomberoient en la garde noble Seigneuriale de leur Seigneur immédiar pour le restant de leur minorité, & ils ne resteroient plus dans la garde noble Royale ; tout cela n’apparrient point à la garde noble Sieigneuriale, son effet ne tombe que sur les Fiefs nobles qui relevent immédiatement des Seigneurs particuliers.

Les Engagistes du domaine du Roy ni les Appanagistes n’ont point la garde noble Royale dans leur engagement ou appanage ; c’est un droit de la Couronne, qui est innaliénable, etiam sub spe reversionis.

La garde noble Royale, à plus forte raison la garde noble Seigneuriale, qui appartient à cause des Fiefs situez en Normandie & dans l’etenduë de la Coutume de Normandie, ne s’étendent point sur des Fiefs situez dans une autre Coutume qui n’auroit point une pareille disposition à celle de la Coûtume de Normandie, chaque Coûtume regle les Fiefs situez dans son étenduë ; Arrest du Par-lement de Roüen, du 20 Fevrier 1597.

Il est à remarquer que le Roy ne tire aucun bénefice de la garde noble Royale, il en gratifie ordinairement les mineurs, ou leurs Pere ou Mere, ou leurs parens ou amis. Quoiqu’il paroisse par un Arrest du Parlement de Paris du 2. Septembre 4177. rapporté dans un Plaidoyerde M. Antoine Arnauld en 1611. plaidant pour M. le Duc de Guise, qu’il ait étéjugé que le droit de garde devoit être préféré au droit de viduité, il faut cependant tenir le contraire, & dire que le droit de garde, soit Royale, soit Seigneuriale, ne doit point être préféré au droit de viduité ; & telle est laJurisprudence du Parlement de Roüen & de tous les Tribunaux qui resortissent au Parlement de Roüen, même dans l’etenduë du Comté d’Eu, qui n’a point d’autre Coûtume que la Coûtume generale de Normandie.

Quoique la jouissance de la garde noble Royale ou Seigneuriale, ne commence que du jour qu’elie a été demandée en Justice, & que le mineur fasse pendant ce tems-là les fruits siens à l’exclusion du Roy ou du Seigneur, néanmoins le Roy ou le Seigneur a idroit de présenter eux benefices, dont la présentation ou nomination est annexée aux Fiefs des mineurs, encore bien que la demande de la garde noble n’eût pas encore été formée : mais si le Tuteur des mineurs avoit prévenu le Roy ou le Seigneur, la présentation du Tuteur prévaudroit, & le nommé par le Tuteur seroit préféré au présenté par le Roy ou le Seigneur : il faut dire la même chose de la présentation aux Offices des Justices des Fiefs.

Il suit de-là que le droit de Patronage, ou la présentation aux benefices des mineurs tombez en garde noble ; fait partie de la garde noble Royale ou Seignéuriale : cependant il y a une observation importante à faire en cet endroit par rapport à la garde noble Royale, qui est que dans le don ou dans la remife que le Roy fait de la garde noble Royale, le droit de présentation aux bénefices n’y est point compris, i & nonobstant ce don ou remise, ce seroit au Roy seul à présenter aux bénefices dépendans des Fiefs & Terres nobles des mineurs tombez dans la garde noble Royale.

Il y a encore une autre remarque à faire à ce sujet, qui est que s’il n’y a qu’un seul bénefice dépendant du Fief à cause duquel le Vassal mineur est tombé en garde, & qu’il y ait une doüairière sur ce Fief, c’est au Roy à y présenter à l’exclusion de la doüairière ; mais s’il y plusieurs bénefices dépendans des biens sujets à la garde noble Royale, la veuve doüairiere présentera au benefice, dont le patronage est annexé au Fief tombé en son lot ; Arrests du même Parlement, des 3. Avril 1516, & 4. Mars 1556. ce qui cesse à l’égard de la garde noble Seigneuriale, la doüairiere e auroit toujours le droit de présentation aux bénefices, dont le Patronage est attaché au Fief sujet à son douaire.

Les confiscatioms, commises, bâtardises, aubaines, déshérances, reliefs ; greiziêmes, rentes & redevances Seigneuriales, & autres droits & profits de Fief, tant ordinaires qu’extraordinaires, qui arrivent pendant la garde noble Royale ou Seigneuriale, sont partie de la garde noble, & tomuent dans la jouissance de celui qui a la garde, mais non les autres rentes, soit foncieres, réelles & hypotécaires, & toutes autres rentes qui ne sont point en tenure & directe des Seigneurs ; la garde noble Royale ou Seigneuriale ne tombe point pareillemenr sur les Offices qui appartiennent aux mineurs, les Seigneurs gardiens n’en auroient pas la jouissance, ni encore moins des deniers stipulez propres aux mineurs, ni des remplois de leurs propres.

Les Fiefs qui échéent aux mineurs depuis l’ouverture de la garde & pendant qu’elle dure, soit par succession directe ou collaterale, ou par donation, legs ou autrement, n’entrent point dans la joüissance du gardien noble, soit le Roy ou un Seigneur particulier ; parce qu’il n’y a que les Fiefs qui sont échus par la mort du pere ou de la mere, ou autre prédécesseur des mineurs, qui tombenr dans la garde noble, & que le droit de la garde noble étant défavorable par rapport aux mineurs, il doit être restraint autant qu’il est possible, La garde noble à cause des Fiefs provenans d’une suc cession, ne s’érend point à d’autres Fiefs provenans d’une autre succession, à moins qu’ils ne soient tous mouvans immédiatement du Roys Arrest du, même Parlement, du dix-huit Juillet 2617.

Il faut resumer de tout ce que dessus, que l’effer de la garde noble Royale est qu’elle emporte au profit du Roy, la pleine proprieté des fruits & revenus des Fiefs nobles tenus immediatement du Roy, & qu’en outre il a la pleine proprieté des fruits & revenus des Fiefs ou autres héritages, rentes & redevances Seigneuriales, même des héritages en roture, appartenans aux mineurs, mouvans & relevans d’autres Seigneurs que d’un Roy, soit par la mouvance noble, où par tenure roturière ; la garde noble Royale s’étend sur les arricresfiefs du Fief qui a donné lieu à la garde noble ; tous ces avantages manquent à la garde noble Seigneuriale, elle ne donne au Seigneur que la pleine propriéré des fruits & revenus des Fiefs qui relevent immedixtement de leurs Fiefs.

a la charge toutefois de tenir en état les édifices, manoirs, bois, prex, jardins, étangs & pécheries ; payer les arrérages des rentes Seigneuriales, foncieres & hypotheques qui écbéent pendant la garde, & de nourrir & entretenir bien & duëment les enfans selon leur qualité, âge, facultez & famille.

Les charges de la garde noble Royale, sont r. D’entretenir les édifices, bâtimens, manoirs, maisons, colombiers, moutins, pressoirs, fours, étangs, pecheries, fossez & autres choses de cette qualité, de toutes réparations qu’on appelle menites, viageres & d’entretien ; mais quant aux grosses réparations, elles regardent les mineurs ; 25. De bien entretenir les parcs, jardins, prez, herbages & bois, sans toutefois pouvoir couper les bois de haute-sutaye ; celui qui a la garde noble, n’a que la coupe des bois taillis, qui arrive pendant la garde noble ; car il ne seroit pas permis d’avancer une coupe de bois ; 30. Rendre le tout en bon état de menuës réparations à la fin de la garde ; 4. Payer les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales, rentes foncieres, rentes de fieffe ou de bail d’héritage, & des rentes hypothieques ou constituées, lefquels arterages échéent pendant la garde noble, mais non les de ttes mobiliaires des mineurs, contractées par leurs auteurs & dont ils sont heritiers, comme billets, promesses ou obligations ; 55. De nourit, entretenir & élever au College ou à autres exercices les enfans mineurs, selon leur qualité, condition, familie, âge & facultez ; quand même les mineurs auroient d’autres biens suffisans.

Et sont ceux ausquels le Roy fait don desdites gardes, sujets ausdites charges, & d’en rendre compte ait profit des mineurs.

Le Roy a toûjours la bonté de donner la garde noble aux mineurs ; & si quelque fois il en fait don à quelqu’un de la famille, comme au pere, mere, onCle, ou autre parent des mineurs ; ce donataire est, ourre les obligations cu dessus, tenu de rendre compte aux mineurs des fruits & revenus des Fiefs & biens tombez dans la garde, aprés la garde finie, sans que ce donataire fasse les fruits & revenus siens, & en payer le reliquat, déduction faite des charges de la garde noble.

Mais si le donataire étoit un étranger de la famille des mineurs, & que le Roy lui eût fait ce don pour le gratifier, ou pour recompense de services ou autres causes, un tel donataire feroit les fruits siens, & ne seroit point tenu de rendre compte, ni encore moins payer de reliquat ; il joüiroit & profiteroit de tous les fruits & revenus des Fiefs & autres biens tombez dans la garde, aux charges de droit.

a l’égard de la garde noble Seigneuriale, il est rare de voir les autres Seigneurs de Fief remettre la garde noble Seigneuriale à leurs Vassaux mineurs, ils usent en cela de leur droit, & envisagent la garde Seigneuriale comme un moyen de gagner & profiter.

Un donataire du Roy de la garde noble Royale, qui est comptable, est à la vérité exempr des interêts pupillaires, mais aussi il ne peut demander aucune chose pour ses vacations, il n’a que ses voyages & séjours hors de sa maison ; art. 34. & 35. du Reglement de 1666.

Le don ou remise de la garde Royale faite à la mere, quoi qu’elle ne soit pas tutrice, ou au tuteur depuis son élection, est reputée faite au mineur, au profit duquel ils sont obligez de tenir compte des inrerêéts pupillaires ; ce qui a pareillement lieu, si lors de l’élection le tuteur ne s’est point réservé à jouir de la garde qui lui étoit acquise avant sa tutelle ; art. 36. du même Reglement.

Il seroit juste d’étendre cette décision, dans le cas que le Roy eût fait le don ou remise de la garde noble Royale au pere des mineurs, qui auroit survecu sa femme mère des mineurs, quoiqu’il ne fût pas le tuteur des mineurs ; & méme si le don ou remise avoit été faire de la garde noble Royale à un beau-pere, ou une belle-mere des mineurs, tuteur ou non, l’un & l’autre en seroient comptables au profit des mineurs, & ils seroient tenus de leur en payer le reliquat à la fin de la garde, les charges déduites & prélevées, à moins que le Roy. n’eûr mis & énoncé dans les Lêttres Patentes du don, que la garde noble Royale. avoit été donnée au beau-pere, ou à la belle-mere des mineurs, pour & au profit du seul donataire, & sans qu’il en fût comptable ; car enfin, l’affinité qui est entre un beau-pere ou une belle-mere, & des enfans du pere ou de la mere, prédecedé, ne met point dans ce cas un beau-pere ou une belle-meré au noinbte d’un donataire étranger de la famille des mineurs.

En concurrence de donataires de la garde noble Royale, on préfere les plus proches parens des mineurs ; ensorte que si le Roy avoit en même tems fait don de la garde noble Royale à plusieurs parens des mineurs, le donataire plus proche en dégré de parenté, seroit preféré ; & si le don avoit été fait en même tems & par erreur à un parent du mineur & à un étranger de la famille, il faudroit saire prevaloir le don fait au parent, & cela in favorem minorum, qui ne souffriroient point par ce don de perte des fruits & revenus ; mais comme les graces du Prince se font verbo, il est rare de voir de pareilles difficultez ; il ne peut y avoir qu’un seul don & S’il y en avoit un seconde on lui feroir rapporter le don, comme fait par erreur où par surprise, à moins que la volonté du Roy ne fût au contraire, le’est-à-dire, que le second don subsistât & le premier fût revoqué.


ARTICLE CCXVI.

L E Seigneur féodal a seulement la garde des Fiefs nobles, qui sont de lui tenus immediatement, & non des autres Fiefs & biens appartenans ausdits mineurs, tenus d’autres Seigneurs, soit en Fief ou en roture.

La garde noble Seigneuriale est bornée & limitée à la joüissance des Fiefs mouvans & relevans nûément & immediatement des Seigneurs des Fiefs, à cause desquels les enfans mineurs tombent en la garde noble Seigneuriale, sans s’étendre sur les autres Fiefs des mineurs, telles qu’ils foient, ou relevans d’autres Seigneurs en Fiefou en roture, ou comme Arrieres-Fiefs mouvans du Seigneur tombé en garde.

Mais d’un autre côté, le Seigneur qui a la garde noble Seigneuriale, fait les fruits siens, & n’est point obligé d’en rendre compte, ni en payer le reliquat, part. 37. du Reglement de 1686, La garde noble Seigneuriale engage les Seigneurs à donner protection aux mineurs qui font en leur garde, à conserver leurs interêts, à ne rien faire contre eux, que dans l’ordre & la raison, à ne pas leur saire des Procës mal à propos & témerairement, à ne pas dégrader & déteriorer leurs terres & héritages, & à remplir tous leurs devoirs ; car si les Seigneurs gardiens en usoient mal, ils seroient indignes du benefice de la garde, & on pourroit les faire déclarer en Justice reglée déchûs de la garde noble ; Arrest du Parlement de Roüen du 16 Décembre 166y, il faudroit dire la même chose des donataires du Roy qui en agiroient mal ; car enfin tout gardien noble doit user des biens des mineurs tombez en garde, en bon père de famille, & non pas dilapidare res pupilli, qui a le malheur de perdre la joüissance & le profit du revenu de son Fief, à cause de son bas âge.

L’acceptation de la garde noble n’engage pas tellement celui à qui elle appartient à la garder, qu’il n’y puisse renoncer quand il lui plait, principale ment s’il reconnoit qu’elle lui est plus onéreuse que profitable ; Arrest du méme Parlement, du 5. Aoust 1650. sans distinguer si c’est un don fait par le Roy de la garde noble Royale, ou si c’est un Seigneur de Fief, qui avoit accepté la garde noble ; car un gardien noble n’est pas un héritier, il lui est permis de renoncer à la garde noble toutes les fois & quand il le veut, quisque potest re-nunciare juri fibi acquisite.


ARTICLE CCXVII.

L Es biens appartenans à sous-âgez, soit en Fief ou en roture, lesquels ne tombent en garde, sont regis & gouvernez par leurs Tuteurs, à la charge de leur en rendre compte quand ils seront en âge.

La garde noble n’empêche pas que les mineurs n’ayent un Tuteur comptable pour leur personne & pour la régie & administration de tous leurs biens, autres que ceux tombez en garde, soit Fiefs ou rotures, ou tenus par auinone ou en franc-aleu ; car la garde noble & la tutelle n’ont rien de commun ; il faut un Tuteur au mineur qui est en garde, & ordinairement le gardien noble ne peut être Tuteur des mineurs dont il a la garde noble.

Cependant si le pere, ou la mere, ou autre ascendant ou parent du mineur, étoit donataire de la garde noble Royale, il pourroit être en même tems Tuteur des mineurs, ces deux qualités n’étant point incompatibles ; parce que pour lors le gardien noble & le Tuteur sont comptables envers les mineurs, & ne profitent point des fruits & revenus des mineurs tombez en la garde noble Royale ; mais quant à un autre donataire du Roy, étranger à la famille des mineurs, il ne pourroit en aucun cas être gardien & Tuteur tout ensemble des mineurs tombez dans la garde noble Royale.

ARTICLE


ARTICLE CCXVIII.

L E Seigneur fait les fruits de la garde siens, & n’est tenu à la nourriture & entretenement des personnes desous-âgez s’ils ont échettes ou autres biens roturiers : mais où les Tuteurs & parens mettroient tous les héritages & biens desdits sous-âgez entre les mains du Seigneur gardien, en ce cas il est tenu les nourrir & entretenir selon leur qualité & la valeur de leurs biens, contribuer au mariage des filles, conserver le Fief en son intégrité, & outre de payer les arrerages des rentes foncieres, hypothécaires & autres charges réelles.

Le Seigneur fait les fruits de la garde, siens.

Le Seigneur qui a accepté la garde noble Seigneuriale/w> , fait tellement les fruits & revenus des biens tombez en garde siens, qu’il n’est point obligé d’en rendre compté aux mineurs à la fin de la garde noble, ni de leur en payer de reliquats ; art 37. du Reglement de 1666. sans cependant pouvoir dégrader ni detériorer les terres, changer l’état des lieux, ni rien couper contre l’usage & hors les saisons ordinaires ; en un mot, il doit regler sa joüissance sur celle d’un bon pere de famille.

Et n’est tenu à la nourriture & entretenement des personnes des sous-âgez, s’ils ont des Echettes ou autres biens roturiers.

Il y a cette difference entre la garde noble Royale & la garde noble Seigneuriale, que la garde noble Royale engage le donataire du Roy lorsqu’il fait siens les fruits & revenus des Fiefs & biens nobles tombez en garde, de nourrir & entretenir les mineurs sur les frui-s & revenus qui reviennent par la garde noble Royale selon leur qualité & âge, quand même les mineurs auroient d’autres biens non sujets à la garde noble Royale, suffisans pour les nourrir & entrerenir ; au lieu que le Seigneur qui prend la garde noble Seigneuriale, n’est obligé de nourrir & entre tenir les mineurs sur les fruits & revenus de leurs biens tombez en garde qu’au cas que les mineurs n’ayent pas d’autres biens que ceux tombez en garde, soit nobles ou roturiers, qui produisent revenus & fruits, car des biens steriies, comme des meubles & effets mobiliers, ne pourroient pas entrer en considération ; n’importe à quel titre les mineurs auroient ces biens, par échette ou succession, donation, legs ou autrement, pourvû qu’ils fussent suffisants pour la nourriture & entretien des mineurs suivant leur condition & âge ; & en ce cas, le Seigneur gardien seroit déchargé de la nourriture & entretien des mineurs, & il joüiroit franchement & quirtement de cette charge, des fruits & revenus des biens tombez en garde, & il les feroit siens sans en être comptable aux mineurs à la fin de la garde. Mais où les Tuteurs & parens mettroient tous les heritages & biens desdits sousâgez entre les mains du Seigneur gardien, en ce cas il est tenu les nourrir & en-tretenir selon leur qualité & la valeur de leurs biens, contributer au mariage des filles, conserver le Fief en son intégrité, & outre payer les arrerages des rentes foncieres, hypotécaires & charges réelles, C’est ici une sage & judicieuse faculté que donne notre Coutume dans cette disposition, aux Tuteurs & parens des mineurs pour mettre la nourriture & l’entretien des mineurs à la charge du Seigneur gardien, encore qu’il n’y soit point obligé par sa qualité de gardien.

Cette faculté est, par le Tuteur & avis de parens, de céder, délaisser, abondonner & remettre tous les biens immeubles, nobles où roturiers des mineurs, au Seigneur gardien, pour par lui en joüir & en faire les fruits & revenus siens, tant que la garde durera, & sans en rendre compte non plus que des Fiefs & biens nobles tombez en garde ; ce que le Seigneur gardien ne pourra refuser, à moins qu’il n’abandonne la garde noble Seigneuriale, par ce moyen le Seigneur gardien sera tenu de nourrir & ent retenir les mineurs selon la qualité & la valeur de tous leurs biens, foit ceux tombez en garde, soit ceux abandonnez par le Tuteur de l’avis des parens au Seigneur gardien, même contribuer au mariage des filles, s’il y en a, conserver le Fief en son intégrité, & payer les arrérages de toutes les rentes foncieres, hypotécaires & autres charges réeles, mêmes des rentes & redevances seigneuriales, S’il en étoit du à autres Seigneurs, qui échéroient pendant la garde, de manière qu’aprés cet abandonnement on dira au Seigneur gardien : cede la garde noble Seigneuriale que vous avez, qui solve ; mais il n’est point tenu en aucun cas de payer les dettes mobiliaires des mineurs.

Nonobstant la garde noble Seigneuriale, les mineurs ne laissent pas d’être en la puissance de leur Tuteur à qui l’education appartient privativement au, au Seigneur gardien ; Arrest du Parlement de Roüen, du 19. Mars 1666.

Si les mineurs pendant la garde avoient vécû de leur industrie ou aux dépens de leurs parens ou amis, ils seroient en droit de répeter leur nourriture & dépense contre le Seigneur gardien, qui auroit joui de tous leurs biens immeubles, generalement quelconques, nobles ou roturiers, par l’abandonnement qui avoit été fait par le Tuteur de l’avis des parens, au Seigneur gardien, des biens immeubles qui ne faisoient point partie de la garde noble.

En finissant cet Article, il ne faut pas oublier une decision commune à la garde noble Royale & à la garde noble Seigneuriale ; qui est, que si la coupe des bois taillis ou la péche des étangs échet au tems de l’ouverture de la garde noble, elle appartient au gardien en entière, quand même la garde seroit sur le point de finit ; parce qu’il suffit que la coupe des bois ou la pèche des étangs, fût lors en saison.

Ce que notre Coûtume appelle contribuer au mariage des filles, ce n’est pas contribuer à leur mariage avenant ou legitime ; car comme le Seigneur gardien n’auroit que les fruits & revenus de tous les biens immeubles, on ne pour-roit pas le forcer à donner son argent pour la contribution du mariage avenant des filles ; d’ailleurs le mariage avenant se prend sur le fonds de tous les biens des pere & mère, tant meubles qu’immeubles ; ainsi contribuer au mariage des filles, c’est leur donner quelque chose lors de leur mariage, en consideration de ce que le Seigneur gardien ne sera plus tenu de les nourrir & entretenir, mais leurs maris, qui suivant les premieres regles, sont tenus de nourrir & entretenir leurs femmes.

Il est difficile de concevoir ce que la Coutume a voulu dire dans le present Article, en disant que le Seigneur gardien dans le cas qu’il est obligé de nourrir & entretenir les mineurs, entretenir les lieux de toutes reparations, & payer les arrérages de toutes les rentes, il conservera le Fief en son integrité : car outre que dans la regle generale les Fiefs sont indivisibles & im-partageables dans notre Coûtume ; c’est qu’un gardien noble n’ayant que la joüissance des fruits & revenus des biens des mineurs, & rien dans le fonds & la proprieté des biens, il ne s’agit point de division & partage du Fief ; donc conseruer le Fief en son integrite dans ce cas, c’est ne le point dégrader & déteriorer.

Les gardiens nobles ne sont tenus aux charges de la garde, que pro modo emolumenti, & jusques à concurence des fruits & revenus, & non au-de-là, ni personnellement sur leurs biens.


ARTICLE CCXIX.

E T s’il y a plusieurs Seigneurs, ayans la garde noble, à cause de divers Fiefs appartenans ausdits mineurs, ils seront tenus contribuer à la nourriture, entretenement & instruction d’iceux, chacun pour sa cotte part de leurs Fiefs & au marc la livre.

Cette contribution se fera entre tous les Seigneurs gardiens, à proportion de ce que chaque Seigneur profite des fruits & revenus de tous les biens nobles tombez en garde, si les mineurs n’ont pas d’ailleurs d’autres biens suffians pour les nourrir, entretenir & élever, & si les autres biens immeubles abandonnez aux Seigneurs gardiens par le tuteur des mineurs, de l’avis de leurs parens, ne susfisoient pas, le tout jusqu’à concurrence de la valeur des fruits & revenus, & au sol la livre, entre les Seigneurs gardiens ; car quant aux mineurs, ils ont une action solidaire contre chaque Seigneur pour leur nourriture, entretien & éducation ; ainsi que les créanciers de rentes foncieres, réelles & hypothecaires, dûës par les mineurs ; car quant aux rentes constituées à prix d’argent, ou rentes hypotheques, le Seigneur gardien n’est point tenu d’en payer les arrerages, non plus que les dettes mobiliaires ; autrement il arriveroit souvent que le Seigneur payeroit plus qu’il ne recevroit de sa garde,


ARTICLE CCXX.

E T où lesdits Seigneurs ne feroient leur devoir, tant de la nourriture, entretenement que d’instruction desdits sous-âgez, les tuteurs ou parens se pourvoiront en Justice, pour les y contraindre.

Les Procureurs du Roy, au deffaut des tuteurs où parens, pourroient d’office poursuivre les Seigneurs gardiens, à ce qu’ils eussent à remplir leurs dévoirs à l’égard de la nourriture, entretien & éducation des mineurs ; le Juge pourra même arbitrer dans cette occasion les pensions des mineurs, tant pour leur nourriture & entretien, que pour leur éducation, le tout suivant leur condition, âge & facultez, ce qui sera executé sur les Terres & biens sujets à la garde noble, & non sur les biens personnels des Seigneurs ; & méme suivant les circonstances dans lesquelles se trouveroit le mauvais procedé des Seigneurs, on pourroit par un Jugement les priver de la garde noble ; il faudroit à la vérité qu’elles fussent graves, & relles qui donnerent lieu à un Arrest du Parlement de Normandie, du Is Décembre 1éré, par lequel le sieur de Vyeuxpont fut déclaré déchu de la garde noble.


ARTICLE CCXXI.

L E Seigneur ayant la garde, est sujet de tenir en droit état ancien les édifices, manoirs, bois, prez, les jardins, les étangs, les moulins & pêcheries, & les autres choses, sans qu’il puisse vendre ou arracher les bois ni remuer les maisons ; & s’il fait le contraire, il en doit perdre la garde & amender le dommage.

Tout cela veut dire que le Seigneur gardien, même le donataire du Roy de la garde noble Royale, ne peut faire aucuns changemens dans les bâtimeens, bois, prez, jardins, étangs, moulins, pécheries, collombiers, garennes ; pressoirs & autres choses, dont il a la joüissance par son droit de garde, ni encore moins vendre, couper ou attacher les bois, ni rémuer les maisons, c’est-à-dire, abattre les anciennes pour les barir en un autre endroit ; & que s’il le fait, il doit être condamné sur la poursuite du Tuteur des mineurs ou de leurs parens, à perdre sa garde avec amende, dommages, interests & dépens ; cependant quant aux bois, il peut couper les bois taillis dans leur coupe ordinaire & sans pouvoir enticiper, même émonder les grands ormes & autres arbres de haute futaye qui seroient dans les allées des jardins, ou dans les avenuës des manoirs & châteaux : pourvû toutefois, & non autrement, que cela soit nécessaire pour faciliter le croit de ces arbres, & non pour la seule décoration des lieux, où le seul avantage du Seigneur ne doit point faire de considération pendant la garde noble des mineurs, qui perdent assez en perdant les fruits & revenus de leurs Fiefs & biens nobles tombez en garde ; en un mot, quiconque a la garde noble, ne peut changer la forme des batimens & lieux, ni rien detériorer.

Quant aux fruits des arbres fruitiers, tels qu’ils soient, & la glandée des bois de haute futaye, tout cela appartient à celui qui a la garde noble ; il joüit méme de l’usage dans une forest & bois de haute futaye ; mais il ne pourroit avoir les arbres qui tomberoient par ancienneté ou par vent & tempête, qu’à la charge d’en planter & substituer, d’autres en la même place.


ARTICLE CCXII.

P Endant que le mineur d’ans est en garde, si ceux qui tiennent Fief noble de lui tombent en garde, la garde en appartient audit mineur ; & où ledit mineur seroit en la garde du Roy, il a pareil droit à l’arriere-garde que les autres Seigneurs, & non plus ; & toutesfois & quantes que le mineur sortira de garde, il aura délivrance non seulement de son Fief, mais aussi du Fief qui est en sa garde.

L’Arrière-Vassal qui par sa minorité tombe en garde noble Seigneuriale pour raison de son Fief, pendant la garde de son seigneur immédiat, mineur, la garde de cet arriere-fief appartient au Seigneur mineur, & non au Seigneur qui a la garde noble Seigneuriale du mineur ; il n’y a qu’à l’égard de la garde noble Royale où les arriere : fiefs tombent dans la garde noble Royale ; mais quant aux autres biens immeubles de ces Arrière-Vassaux, tant en Fief qu’en roture, qui releveroient d’autres Seigneurs que du mineur tombé en garde noble Royale, ils ne tomberoient pas dans la garde noble Royale, La garde des arriere-fiefs ne dure par rapport à celui qui a la garde noble Royale, qu’autant de tems que dure la garde du Vassal mineur, Seigneur immédiat des artiere-fiefs ; mais si l’Arriere-Vassal étoit encore mineur lorsque la garde de son Seigneur immédiat finit, il rentre en la garde noble Seigneuriale de son seigneur, qui ne finira que par la majorité féodale de l’Arrière : Vassal ; Vassal direct & immédiat ; car il ne faur pas penser que la garde des Arrieres-Vassaux finisse avec la majorité féodale de leur Seigneur immédiat, qui étoit en garde, mais par leur seule majorité féodale ; il n’y a en ce cas qu’un changement de gardiens, de sorte que dés que le mineur Vassal immédiat du Roy, sort de la garde noble Royale par sa majorité, féodale, non seulement il rentre en pleine Joüissance de son Fief & biens tombez en gardé, mais encore il aura son Vassal mineur en sa garde, & fera siens les fruits & revenus de son Fief.


ARTICLE CCXXIII.

L A garde noble finit après que le mineur à vingt ans accomplis ; & s’il est en la garde du Roy, après vingt & un ans accomplis.

La garde noble Royale des Vassaux mâles, finit à vingt & un ans accomplis, & la garde noble Seigneuriale des Vassaux mâles, finit à vingt ans accomplis, en quelque lieu que les Vassaux en garde demeurent & soient domiciliez, même dans l’etenduë d’une Coûtume contraire à la nôtre ; parce qu’il faut seulement considerer la Coûtume où font situez les Fiefs nobles qui donnent lieu à la garde noble, telle qu’est notre Couûtume & non celle du domicile des mineurs.

Ce n’est pas assez pour rendre cette majorité féodale complete & parfaite, que les vingt & un ans où les vingt ans soient commencez, il faut qu’ils soient accomplis ; de sorte que ce n’est point ici le cas de la disposition de Droit, annus inezprus pro completo haberur.

Dans cette majorité la Coûtume donne encore cette prérogative à la garde noble Royale sur la garde noble Seigneuriale, que la garde noble Royale dure plus long-tems que la garde noble Seigneuriale, puisque la garde noble Royale. ne finit au Vassaux mâles qu’aprés vingt & un an, au lieu que la garde noble Seigneuriale finit à vingt ans, & même il faut plus d’années pour donner à un Vassal sa majorité féodale dans le cas de la garde noble Royale, que pour le ren dre majeur de la majorité coutumière ; car toute personne née en Normandie, soit mâle ou femelle, est censée majeure à vingt ans accomplis ; Art. 38. du Reglement de ré66.

Ce même Article de ce Reglement nous apprend qu’aprés cet âge de vingt ans accomplis, toute personne peut vendre & hypothequer ses biens meubles & immeubles sans espèrance de restitution, sinon pour les causes pour lesquelles les majeurs peuvent être restituez ; & de-là il faut conclure que les mineurs de vingt ans accomplis, qui ont contracté avant les vingt ans accomplis, peuvent se faire restituer contre les Contrats, Obligations, Billets, Promesses & autres Actes dans lesquels ils se trouvent lezez ; car la simple minorité ne suffiroit pas sans lezion par la disposition de Droit, qui nous apprend que, Mminor non tanqueâm minor, sed tamquâm lesus restituitur ; & encore faut : il qu’il se pourvoye par Lettres de restitution ou rescision dans les quinze ans du jour de sa majorite coûtumiere, qui est de vingt ans ; Art 30. du même Reglement.

Une ratification faite en majorité avec connoissance de cause & sans force ni violence, d’un Contrat, Obligation ou autre Acte fait en minorité, rendoit les Lettres de rescision contre le Contrat, Obligation & Acte, inutiles, & ce mineur aprés une telle ratification, ne pourroit être restitué.

Cependant il faut observer que la Jurisprudence du Parlement de Roüen, est qu’une ratification faite en majorité, d’un Contrat ou Obligation fait en minorité, ne peut préjudicier à un tiers Créancier qui a contracté dans l’intervalle du tems, pour la préférence de l’hypotheque, & que dans ce cas la ratification n’a point d’effet rétroactifs Arrest du Parlement de Normandie, du 23. Juil-cet 1é66.

Les mâles mineurs de vingt ans peuvent à la vérité être émancipez par Lettres du Prince pour avoir la régie & administration de leurs biens, aprés que les Lettres d’émancipation auront, par l’avis par écrit des parens paternels & maternels & en connoissance de cause, été enterrinées par le Juge ; mais cette émancipation ne préjudicie point à la garde noble, soit Royale soit Seigneuriale, elle a toujours son cours jusqu’à ce que les mineurs émancipez ayent atteint l’âge capable de faire finir la garde noble.

Quoiqu’un mineur duëment émancipé, ait la régie & administration de ses biens, il ne peut néanmoins vendre, alliéner, hypothequer, ni obliger ses biens Il peut seulement faire des Actes de régie & d’administration, comme faire des baux, recevoir des fermages ou loyers, donner quitances à ses Fermiers ou Locataires, disposer de ses meubles & effets mobiliers par vente, cession & trans-port, & faire tous autres Actes qui ne tendent point à aliénation ou hypothéque des fonds, & tout cela sans avoir besoin de l’assistance de son Curateur à l’émancipation ; autre chose est pour ester à droit, c’est-à-dire, plaider tant en dé-mandant qu’en défendant ; un mineur êmancipé ne le peut faire, que son Curateur ne soit conjointement avec lui en cause.

a l’égard des filles mineures, elles ne peuvent être émancipées par Lettres du Prince ni obtenir Lettres de benefice d’âge ; Art. 40. du Reglement de 1686. mais il y a un Arrest du Conseil, qui a décide & ordonné le contraire, comme nous le remarquerons dans nos observations sur led. artic le du Reglement de 1666.

Des que la pleine majorité coutumiere est de vingt ans dans nôtre Coûtume, un majeur de vingt ans, quoique mineur de vingt-cinq ans, peut ester à droit sans avoir besoin de l’assistance d’un Curateur aux causes, puisqu’il est autant majeur que s’il avoit vingt-cinq ans accomplis ; cependant on le pratique autrement dans les Tribunaux crrangers à ceux de Normandie, par exemple, à Paris, mais c’est une erreur & une mauvaise procédure, ou du moins tres inutile.


ARTICLE CCXXIV.

E T néanmoins il demeure toujours en garde, jusqu’à ce qu’il ait obtenu du Roy Lettres patentes de main-levée, & icelles fait expedier ; & pour les gardes des autres Seigneurs, il suffit de leur faire signifier le passage.

La garde noble ne finit pas par la seule majorité des Vassaux mineurs qui sont en garde, il y a des formalités à observer avant que les Vassaux tombez en garde & devenus majeurs de la majorité féodale, puissent à la fin de la garde entrer en pleine joüissance de leurs Fiefs & biens sujets à la garde, à la difference de la tutelle qui finit par la seule majorité coutumière du mineur.

La garde noble Royale ne finit qu’aprés que le mineur devenu majeur de vingt & un ans accomplis, aura obtenu du Roy en sa grande Chancellerie des Lettres patentes de main-levée de la garde noble Royale, & aprés les avoir fait enregistrer en la Chambre des Comptes & par tout où besoin est, & jusqu’à ce la garde noble Royale dure ; & s’il y a un donataire du Roy de la garde noble Royale, étranger à la famille des mineurs tombez en garde, il continuera à faire siens les fruits & revenus des Fiefs & biens sujets à la garde, Mais à l’égard de la garde noble Seigneuriale, il ne saut point obtenir de Lettres patentes de main-levée, pas même de jugement de main-levée ; il suffir par le Vassal, devenu majeur, de faire signifier au Seigneur gardien, à personne ou domicile, ou au Receveur ou Fermier du Fief, si le Seigneur ne demeure point sur le Fief, un Acte contenant que le Vassal mineur qui étoit en garde, est masjeur de vingt ans accomplis, à laquelle signification il sera joint l’extrait baptistaire du Vassal, en bonne & duë forme, même légalisé, afin que le Seigneur n’ait point lieu d’incidenter ; c’est ce que notre Coûtume appelle dans cet Article le passage ; & jusqu’à cette signification faite en bonne forme, la garde noble Seigneuriale dure, & le Seigneur continuë de faire les fruits & revenus siens.

Il n’est pas hors de propos de remarquer qu’une interdiction prononcée en Justice pour démence ou pour prodigalité ne fait point tomber en garde ; mais d’un autre côté elle ne peut être levée que par la Justice & en connoissance de cause, & non par un simple Acte fait dans la famille ; Arrest du Parlement de Roüen, du 24. Janvier 1é63.


ARTICLE CCXXV.

C Elui qui sort de garde, ne doit aucun relief de son Fief à son Seigneur gardien, d’autant que les fruits issus de la garde lui doivent être comptez au lieu de relief ; & si la garde étoit au Roy, il n’est pareillement dû relief des Fiefs qui sont tenus des autres Seigneurs, encore qu’ils n’ayent eû la garde desdits Fiefs.

On peut ajouter une autre raison de cette disposition, qui est qu’il n’y a point de mutation du Vassal par la sortie du mineur devenu majeur, de la garde ; cet ancien Vassal n’avoit point perdu la proprieté de son Fief, il étoit seulement privé de la joüissance, & il en perdait les fruits & revenus pendant la garde ; c’est pourquoi notre article dit que les fruits provenus de la garde, doivent être comptez à celui qui fort de garde au lieu de relief ; quoiqu’il en soit, celui qui sort de garde noble, soit Royale ou Seigneuriale, ne doit aucun relief à son Seigneur, pas même aux Seigneurs qui par la prérogative de la garde noble Royale, ont été privez de la garde noble Seigneuriale pour raison de Fief dont le Roy n’étoit point Seigneur immédiat, & par-là ont été exclus. de la joüissance des fruits & revenus de ces Fiefs, nonobstaint leur qualité de Seigneurs dominants & immédiats de ces Fiefs.

Cette disposition auroit lieu, quand même le Roy ou le Seigneur particulier auroit fait don ou remise de la garde noble Royale ou Seigneuriale, & que parlà le Roy ou le Seigneur n’auroit point profité des fruits & revenus des Fiefs tombez dans la garde noble, parce que le don ou la remise de la garde emporte la remise du relief.

Celui qui sort de garde noble Royale ou Seigneuriale, ne doit point à son seigneur les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales, foncieres & hypothecaires duës au Seigneur échuës pendant la garde, parce que les arrerages de ces rentes & redevances devoient être acquitez par celui qui avoit la garde noble, mais non les arrérages des rentes foncieres qui seroient à prendre sur des héritages non sujets & ne faisant point partie de la garde ; le Sei-gneur gardien seroit encore moins tenu de payer les arrérages des rentes constituées à prix d’argent ou rentes hypothéques, ni les dettes mobilieres.


ARTICLE CCXXVI.

C Eux qui sortent de garde ont reliefs de leurs hommes, & tous autres droits Seigneuriaux qui leur sont dûs, tout ainsi que s’ils n’eussent point été en garde.

La sortie de garde met les proprietaires de Fief, qui sortent de la garde, au même état qu’ils étoient avant de tomber en garde, & ces propriétaires de Fief rentrent dans tous leurs droits de Seigneurs ; ils peuvent se faire rendre la foy, hommage & aveux par leurs Vassaux, se faire payer les droits de relief & de Treizième, & les rentes & redevances Seigneuriales, & se faite rendre les corvées & services de Fief, bien entendu si tous ces droits & devoirs Seigneuriaux leur sont dûës ; en un mot la garde noble, Royale ou Seigneuriale, ne nuit & ne préjudicie en rien aux droits de Seigneur, qui appartenoient & qui étoient dus au proprietaire de Fief avant de tomber en garde.


ARTICLE CCXXVII.

L A garde dune fille finit après l’âge de vingt ans accomplis, ou plutôt si elle est mariée par le conseil & licence de son Seigneur.

La garde noble Royale ou Seigneuriale des filles, finit par un même âge, qui est de vingt ans accomplis ; mais de plus la garde noble, Royale ou Seigneuriale des filles, finit par leur mariage, quoique contracté avant leur majorité féodale, pourvû qu’elles se marient par le conseil & la permission de leur Seigneur, lequel conseil & laquelle permission la fille qui se marie doit demander & requerir, sans quoi la garde noble demeureroit, même aprés le mariage que la fille auroit contracté sans en parler à son seigneur ni lui en demander permission, jusqu’à ce qu’elle eût atteint vingt ans accomplis, qui est la majorité féodale des filles, capable de les faire sortir de la garde noble.

Quoique cette article ne dise point que les filles qui sortent de la garde noble Royale, doivent obtenir des Lettres Patentes du Roy, portant mainlevée de la garde noble, & les faire expedier, autrement que la garde noble Royale dure toûjours, & que l’article 224, ne fait mention que des mâles pour cette formalité, néanmoins j’estime que du moment que les filles tombent en garde comme les mâles, & que les prérogatives de la garde noble Royale sur la garde noble Seigneuriale sont égales, rant pour les filles que pour les mâles, à la reserve que les filles sortent de garde à vingt ans, soit garde noble Royale, soit garde noble Seigneuriale, au lieu que la garde noble Royale des mâles ne finit qu’à vingt-un ans, il faut que les filles pour sortir dûëment de la garde noble Royale, obtiennent des Lettres Patentes de mainlevée du Roy, & qu’elles les fassent enregistrer en la Chambre des Comptes, & par tout failleurs ou besoin sera, soit qu’elles sortent de garde par leur majorité, où par leur mariage avant leur majorité, quoique contracté par le Conseil & par la permission du Roy leur Seigneur dominant & immediat, sans quoi la Garde noble Royale durera jusques aprés l’obtention & enregistrement des Lettres Patentes de mainlevée, d’autant plus, que la remise que le Roy a la bonté de faire presque toûjours à ses Vassaux mineurs, de la garde noble Royale, merite bien cette formalité, tant pour les filles que pour les mâles, & que ce ne seroit pas assez pour faire finir la garde noble Royale des filles, de faire signifier le passage au Roy, comme il se fait pour sortir de la garde noble Seigneuriale ; le Roy ne pourroit pas dispenser de cette formalité le Vassal mâle qui se marieroit pendant sa garde & minorité féodale, même par le conseil & la permission de son seigneur gardien, & de l’avis & consentement de son tuteur ou curareur, & de ses parens & amis ; ce mariage ne feroit pas cesser la garde noble, parce que la Coûtume ne parle que du mariage de la fille.


ARTICLE CCXXVIII.

L A fille doit aussi être mariée par le consentement de ses parens & amis, selon que la Noblesse de son lignage & valeur de son Fief le requert ; & au mariage lui doit être rendu le Fief qui a été en garde.

La fille doit aussi être mariée par le consentement de ses parens & amys, selon ce que la Noblesse de son lignage, & valeur de son Fief le requiers.

Le conseil & la permission du Seigneur qui a la garde noble d’une fille, soit garde Royale ou Seigneuriale, ne suffisent pas pour la validité du mariage de cette fille ; il faut de plus, le consentement de son tuteur ou curateur, ou à défaut défaut de tuteur ou curateur, le consentement de ses parens & amis, le tout en bonne forme, & suivi des formalitez prescrites par les Canons & les Ordonnances, sans quoi le mariage seroit nulle-Une fille doit en outre être mariée selon sa condition & la valeur de son Fief & autres facultez, & sur tout, tacher de ne pas mésallier une fille, ni la marier à un roturier, si faire se peut, si elle est noble, comme il n’arrive que trop-souvent en Normandie, à cause du peu de bien qu’ont les filles par la Coûtume de cette Province.

Et au mariage lui être rendu le Fief qui a été en garde.

La fille qui se marie par le conseil & licence de son Seigneur, & du consentement de son tuteur ou curateur, de ses parens & amis, & selon sa condition & la valeur de son bien, rentre en pleine joüissance de son Fief qui étoit en garde, & elle en fait les fruits siens, quoiqu’elle n’ait pas encore atteint l’àge de vingt ans, ce mariage ayant fait ceser la garde noble.


ARTICLE CCXXIX.

F Ille étant âgée de vingt-ans, encore qu’elle ne soit mariée, sort hors de garde.

La majorité féodale de la fille, qui est de vingt ans, fait finir la garde noble, soit Royale, soit Seigneuriale, quoique la fille ne soit point mariée, parce que la garde noble est bornée & limitée à son égard jusqu’à la majorité féodale, en quelque état que soit la fille qui étoit tombée en garde, mariée, ou non mariée & aprés cette seule majorité, elle rentre en pleine joüissance de ses Fiefs, & autres biens sujets à la garde noble.


ARTICLE CCXXX.

S I la fille étant hors de garde se marie à un qui ne soit âgé de vingt ans, son Fief tombe en la garde tant que l’homme soit âgé.

Par le principe que la femme fuit la condition du mari qu’elle épouse, qu’elle entre en sa puissance, & que la joüissance de ses biens passent en la personne de son mary ; une fille sortie de garde, Royale ou Seigneuriale, par la majorité féodale, venant à se marier à un jeune homme mineur de vingt ans, elle retombe en garde pour les Fiefs & biens qui font ouverture à la garde noble, & le Seigneur gardien en fera les fruits & revenus siens, jusqu’à ce que le mari de cette Vassale ait atteint vingt ans accomplis, à moins que la femme par son Contrat de mariage ne fut separée de biens d’avec son mary, & qu’il ne fût porté par le même Contrat de mariage que la femme joüiroit de ses biens, & en recevroit tous les revenus sur ses quittances, sans même être tenuë des charges du mariage, parce que dans ce cas la femme n’auroit point cessé d’avoir la libre & entière disposition de son Fief & autres biens sujets à la garde noble.

Comme c’est pour raison du Fief de la femme, que la femme sortie de garde, en se mariant à un homme mineur, retombe en garde ; c’est la majorité féodale prescrite pour les filles, qu’il faut suivre, & non pas la majorité féodale prescrite pour les mâles ; c’est pourquoi nonobstant que la majorité féodale des mâles soit de vingt & un ans accomplis, néanmoins dans le cas de cet article, la majorité féodale du mari de la Vassale, n’est que de vingt ans, & non pas de vingt & un ans, car ce mari n’est pas vassal de son chef, c’est sa femme.


ARTICLE CCXXXI.

S I le Seigneur étant requis, contredit le mariage, on refuse de donner son conseil & licence, il peut être appellé en Justice pour en dire les causes ; & après la permission de Justice, la fille aura délivrance de son Fief ; & si le Seigneur n’est present, il suffira de demander congé à son Sénéchal ou Bailly.

Il ne seroit pas juste que le Seigneur dans la vuë d’avoir la garde noble jusqu’à la majorité féodale de la fille sa Vassale, refusât sans causes legitimes de donner son conseil & sa permission pour le mariage de cette fille, ou qu’il sy opposût injustement ; c’est pourquoi la fille, ou son tuteur ou curateur, ou ses parens & amis, pourront le faire assigner devant le Bailly Royal ou son Lieutenant, pour venir dire les causes de son refus où opposirion ; car s’il se trouve aprés avoir entendu les parties que le Seigneur n’a pas raison, ou qu’il ne comparoisse point, le Juge ordonnera que sans avoir égard à son refus où opposition, il sera passé outre au mariage, en observant les formalitez de l’Eali-se & de l’Ordonnance, & que la fille sera envoyée en joüissance de son Fief & autres biens sujets à la garde ; & même si le Seigneur étoit absent, il suffiroit à la fille de demander au Juge de la Iustice du Seigneur la permission de se marier ; moyennant quoi elle se marieroit valablement, & sortiroit de garde, quoi-que mineur de vingt ans.

Tout ce que dessus ne pourroit être pratiqué qu’à l’égard des Seigneurs particuliers gardiens ; car si c’étoit le Roy qui eût la garde, il faudroit prendre d’autres mesures, qui ne seroient autres que de lui representer tres-humblement ses raisons dans un Placet ; mais si la garde avoit été par lui donnée à un des parens de la fille, ou à un étranger, on pourroit agir contre lui lainsi & de la manière qu’on en useroit contre un particulier.


ARTICLE CCXXXII.

F Emme mariée retombe ne garde, encore que son mari meure avant qu’elle ait atteint l’âge de vingt ans, parce toutefois qu’elle ne peut contracter de son immeuble sans decret de Justice & consentement de ses parens.

Femme mariée ne retombe en garde, encore que son mari meure avant qu’elle ait arteint l’âge de vingt ans.

Le mariage affranchit une femme mariée non seulement de la tutelle, mais encore de la garde noble, Royale ou Seigneuriale ; de manière que si le mari vient à mourir avant la majorité féodale de sa femme, elle ne retombe point en garde, bien entendu tant qu’elle demeure en viduité ; car si étant encore mineure de vingt ans, elle convoloit en secondes nôces avec un mari mineur de vingt ans, elle retomberoit en garde jusqu’à ce que son mari fût majeur de vingt ans.

Parte toutefois qu’elle ne peut contracter de son immeuble sans decret de Justice & consentement de ses parens.

Une Veuve mineure de vingt ans, ne peut valablement aliéner, vendre, engager ni hypothéquer son immeuble sans avis de parens, homologué en lustice, encore faudroit-il que cela fût fait pour le bien & avantage de la mineu-re, comme pour payer ses Créanciers.

Si on vendoit quelques-uns de ses immeubles, il saudroit ajouter à l’avis de parens & à la Sentence d’homologation trois publications par offiches & encheres, le tout à peine de nullité des aliénations ; mais au milieu de toutes ces formalités si la Veuve mineure, devenuë, majeure, faisoit voir de la lezion dans cette vente, ou autre alienation, obligation, & qu’elle n’a point profité du prix de la chose aliénée, elle pourroit revenir contre par la voye de relevement ou restitution, en obtenant des Lettres du Prince contre ces Contrats & Actes, qui, comme on l’entend, ne sont gueres surs pour ceux qni les ont faits avec des mineurs ; c’est toujours faire un mauvais marché que de contracter avee des mineurs Il n’est pas permis à une Veuve mineure de se marier sans le consentement de ses pere & mere, ou parens, à peine de nullité du mariage ; Arrest du Parlement de Roüen, du 13. Decembre 1613. qui est fondé sur les Ordonnances, En fait de mariage, une personne, quoique née en Normandie, n’est pas majeure à vingt ans pour pouvoir se marier sans le consentement de ses pere mere, Tuteur ou Curateur ; il faut avoir la majorité de i’Ordonnance, qui est de vingt-cinq ou trente ans, suivant les differens cas.


ARTICLE CCXXXIII.

L A fille n’étant en garde, peut être mariée par ses Tuteurs & parens, sans qu’ils soient tenus de demander congé ou licence au Sei-gneur duquel ses héritages sont tenus.

Une Fille sortie de garde par sa majorité féodale, peut se marier sans le conseil, l’avis, le consentement & permission de son Seigneur, il lui suffit d’avoir le consentement de son Tuteur & de ses parens, en observant toutefois les formalitez prescrites par les Canons, l’Eglise & les Ordonnances de nos Rois, à peine de nullité du mariage : Nous avons là-dessus le Concile de Trente ; l’Edit de Heny Il. du mois de Fevrier 15 ; 6, & les Ordonnances de Charles IX. du mois de Janvier 1560 ; de Blois, du mois de May 1579. art. 40. 41. 42. 43. 44. & 281 ; de Melun, du mois de Fevrier 1580 ; de Henry IV. du mois de Decembre 1698 ; de Louis XIII. du mois de Janvier 16z9, & 26. Novembre 1639 ; & de Loüis XIV. du mois de Mars 1697.


ARTICLE CCXXXIV.

L A fille aînée mariée, n’avant accompli l’âge de vingt ans, ne tire point ses soeurs puînées hors de garde, jusqu’à ce qu’elles soient mariées ou parvenuës à l’âge de vingt ans, sauf toutefois à la fille aînée à demander son partage aux Tuteurs de ses soeurs, qui lui sera baillé par l’avis des parens ; & en ce cas elle aura délivrance du Fief & héritages. étans en son lot.

La fille ainée mariée ou ayant accompli l’âge de vingt ans, ne tire pas ses soeurs puinées hors de garde jusqu’à ce qu’elles soient mariées, où parvenues à l’age de vingt ans.

La fille ainée n’a pas la même prérogative que le fils ainé majeur de la majorité féodale, ; car par la majorité du frere ainé, la garde de tous les puinez mineurs finit, & le frere ainé par sa majorité tire ses Cadets mineurs de la garde, soit Royale soit Seigneuriale, ensorte que la joüissance des Fiefs & biens tombez en garde, retourne en plein au fils ainé & à ses freres ; au lieu que la majorité ou le mariage de la fille ainée, ne fait point finir la garde de ses soeurs puinée mineures de vingt ans, & ne les tire point de garde, soit Royale soit

Seigneuriale ; il n’y a que la majorité de vingt ans ou le mariage des filles cadetes, qui fasse finir la garde à leur égard, & qui les mette hors de garde, & jusques-là la garde dure & le gardien continuë a joüir des parts & portions des filles puinées dans le Fief & autres biens tombez en garde, la portion de la fille ainée, majeure ou mariée, prélevée ; de manière que la garde des filles ne finit qu’à sur & à mesure que chacune d’elles devient majeure de vingt ans ou qu’elle se marie, Sauf toutefois à la fille ainée à demander son partage au Tuteur de ses soeurs, qui lui sera baillé par lauis des parens ; & en ce cas elle aura délivrance du Fief &. héritages étans en son lot.

Suivant cette disposition, & celle de droit, qui dit que nemo invitus in societate manes, il est permis à un cohéritier majeur de provoquer un partage d’une succession, quoiqu’il y ait quelques-uns des coheritiers qui soient encore mineurs ; & dans ce cas le parrage se fait avec le Tuteur des mineurs ; on y joint quelquefois la présence des parens, afin que les choses se passent avec plus de régularité, maisau milieu de cela, un partage de cette qualite n’est pas trop sûr, parce que les mineurs devenus majeurs, seront en droit de demander un nouveau partage à la faveur de la moindre lézion ; c’est pourquoi un pareil partage n’est à proprement parler qu’un partage provisionnes ; cependant la derniere partie de notre article autorise la soeur ainée majeure de vingt ans, ou mariée, ou sortie de garde, à de-mander un partage à ses soeurs puinées, quoique mineures de vingt ans, ou non mariées & étant encore en garde, pour leurs parts & portions dans les Fiefs & biens sujets à la garde noble ; ce partage sera fait de tous les biens de la succession avec le Tuteur des soeurs puinées & par l’avis des parens communs, & la soeur ainée aura délivrance de sa part & portion des biens tombez en son lot, tant de ceux qui étoient tombez en garde, que des autres biens non sujets à la garde, pour en joüir par elle séparément & en faire les fruits siens ; & à l’égard des soeurs puinées, les parts & portions des biens tombez en leur lot, celui qui a la garde noble continuera à en joüir pour ce qui étoit sujet à la garde, & les autres biens non sujets à la garde, leur appartiendront en pleine proprieté & joüissance.