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ARTICLE CCXXXVII.

L E fils aîné, soit noble ou roturier, est saisi de la succession du pere & de la mere après leur déces, pour en faire part à ses puinez, & fait les fruits siens jusqu’à ce que parrage soit demandé par ses freres, s’ils sont majeurs lors de la succession échuë, & s’ils sont mineurs, l’aîné est tenu leur rendre compte des fruits depuis le jour de la succession échuë, encore que partage ne lui ait été demandé, parce que par la Coutume il est Tuteur naturel & légitime de ses freres & soeurs.

Le fils ainé, soit noble ou roturier, est saisi de la succession du pere & de la mere aprés leur déces, pour en faire part à ses puinez.

Quoique le fils ainé, noble ou roturier, majeur ou mineur, soit saisi de toute la succession des pere & mere par leur décës, & des le jour de leur déces, ce n’est que quant à la possession & à la jouissance ; car à l’égard de la proprieté, ses freres puinez y ont leur part héreditaire & afférante habituellement & par indivis, encore faudroit-il que le frere ainé fût capable & habile à succeder ; car s’il avoit quelque incapacité personnelle qui le rendit inhabile à succeder, il ne seroit saisi de rien, ni de sa portion héreditaire, ni de celle de ses freres puinez il est vrai qu’en ce cas le frere qui lui succederoit immédiatement, & qui n’auroit point d’incapacité personnelle pour succeder, prendroit sa place & entreroit en ses droits pour être saisi de toute la succession des pere, mere & autres ascendans, & à la charge d’en faire part à ses freres puinez : de plus, l’ainé n’est saisi des biens que jusqu’au partage des successions, lors duquel il est tenu d’en faire part à ses freres puinez, & leur en donner leurs portions suivant la Coûtume ; & voilâ une premiere prérogative que le frere ainé à sur ses cadets.

Et fait les fruits siens jusqu’à ce que partage soit demandé par ses freres, s’ils sont majeurs lors de la succession échuè.

C’est ici une seconde prérogative du frère ainé sur ses puinez ; cette prérogative est, que si ses freres puinez sont majeurs de majorité coutumière, c’est-gdire de vingt ans accomplis, il jouit pleinement & fait les fruits & revenus siens, des parts & portions héréditaires & afférantes de ses freres puinez dans tous les biens de leurs pere & mere & autres ascendans, jusqu’à ce qu’ils lui en nient demandé partage, sans qu’il foit tenu de leur en rendre compte, ni méme les nourrir & entretenir ; il seroit seulement tenu de payer les arrerages cour ans des rentes foncieres & hypotheques ou constituées de la succession, même les dettes mobiliaires ; car pourquoi les cadets majeurs ne provoquentils pas un partage ; ce seroit une négligence de leur part, dont leur frere ainé profiteroit ; sauf aux Créanciers des freres puinez à demander partage, comme exerçans les droits de leurs débiteurs.

Le fils ainé, outre la pleine jouissance des parts & portions afferantes de ses puinez majeurs dans les successions des pere & mere communs, tant que partage ne lui en est point demande par ses freres puinez, a le droit d’exercer & intenter toutes les actions qui appartiennent aux successions communes ; il a droit d’agir contre les débiteurs, recevoir, donner quitances, faire des baux & tous autres actes de pleine jouissance & d’un possesseur qui fait les fruits siens, sans que les puinez aprés le partage puissent trouver à rédire, à ce qu’il a fait, ni inquièter ni rechercher les débiteurs qui auroient payé & luidé leurs mains en celles du frère ainé, bien entendu qu’il ne touchera point aux fonds, & qu’il ne les degradera & ne les déteriorera point.

L’ainé fait pareillement les fruits siens de la part & portion de son puiné, majeur de vingt ans, lequel est absent, à moins que l’absence ne soit pour le service du Roy, comme de servir dans ses troupes ; Arrest du Parlement de Roüen, du 5. Mars 1678 ; le frère ainé profiteroit même de la portion héréditaire & afferante de son cadet majeur, mais insensé & sans Curateur, en lui fournissant des alimens ; Arrest du même Parlement, du 21. Mars 1673. ce qui cependant ne durerait que jusqu’à ce qu’il eût été donné un Curateur à l’insensé ou imbécile ; car en ce cas cet insensé jouiroit du privilege des mineurs, & son frère ainé ne jouiroit de sa porrion héréditaire qu’à la charge d’en rendre compte à qui il appartiendroit.

La demande en partage, formée par les puinez par exploit, fait cesser la jouissance du frère ainé, & dés ce moment-là le frère ainé cesse de faire les fruits siens, sans qu’il suit nécessaire de présenter des lots pour le priver de la jouissance de tous les biens des successions communes, même des fruits non recueillis, ou qu’au jour de la demande en partage, ils fussent réputez meubles par rapport à la saison, comme celle de saint Jean Baptiste pour les bleds & grains, & du premier Septembre pour les pommes, raisins & autres fruits.

Les prérogatives données par cet article à l’ainé, n’ont lieu que dans les successions directes, & non dans les successions collaterales ; ces mêmes prérogatives n’auroient pas lieu s’il n’y avoit que des filles héritières, la soeur ainée n’est ni saisie des parts & portions EN ses soeurs puinées, majeures ou mineures, ni ne fait point siens les fruits de leurs portions héréditaires & afferantes dans les successions de leurs pere & mère communs, chaque portion, quoiqu’individuë & non partagée, appartient à chacune des soeurs par indivis, nonobstant qu’aucune d’elles n’ait provoqué le partage ; la raison de cette décision est, que notre article ne parle que du fils ainé & non de la fille ainée, si cependant le fils ainé n’avoit laissé qu’une fille pour tous enfans & heritiers, elle auroit comme réprésentant le fils ainé, les mémes prérogatives que son pere avoit par cet article.

Pour en quelque façon indemniser la négligence des freres puinez majeurs, à ne point demander un partage à leur frere ainé, & de souffrir par-là que leur frere ainé jouisse pleinement de leurs revenus sans être obligé de leur en rendre compte, nôtre Coûtume veut que l’action en partage soit imprescriptible, sauf la perte des fruits & revenns de ceux qui quoique majeurs, ne demandent point partage.

La demande en partage doit être marquée par quelque acte, comme exploit ou assignation ; car une simple demande verbale ne feromipas cesser la jouissance au frere ainé ; mais si le frère ainé contestoit mal à propos la demande en partage, il seroit tenu de rendre & restituer les fruits du jour de la demande en partage, & non du jour de la condamnation seulement.

Outre & pardessus les prérogatives établies par cet article en faveur du fils ainé, la Coûtume lui en donne éncore cinq autres.

La première, de pouvoir oprer un Fief en chaque succession du pere & de la mere, avant que les deux successions soient partagées.

La deuxiême, de pouvoir se réserver le cher ménage ou principal manoir, court & jardin de la succession roturière.

La troisième, il doit être saisi des Titres, Lettres & Papiers de la succession, même des meubles ; il pourroit même demander le Tableaux de la famille.

La quatriène, les puinez doivent porter honneur au fils ainé, & relever de lui en partage.

La cinquième & dernière, est que l’ainé a le choix dans les successions dont les biens se partagent entre freres.

Et s’ils sont mineurs, l’ainé est rena leur rendre compte des fruits depuis le jour de la succession échuë, encore que le partage ne lui ait été demandé, parce qu’il est Tuteur naturel & légitime de ses freres & soeurs.

Lorsque les freres, puinez ou quelqu’uns d’eux sont mineurs de vingt ans, leur Frère ainé est à la vérité saisi de leurs parts & portions héréditaires & afférantes dans les successions pour en jouir jusqu’à ce que le partage lui ait été demandé, mais il n’en fera pas les fruits siens, il en sera comparable envers eux du jour de la succession échûé, jusqu’à leur majorité, encore même qu’on ne lui eût pas demandé partage ; la raison qu’en donne cet article, est que le frere ainé est le Tuteur naturel & légitime de ses freres & soeurs ; cependant il seroit bon que ce Tuteur, quoique nommé & donné par la Coûtume, pretât le serment devant le Juge, de bien & fidelement s’acquiter de la tutelle, on ne pourroit lui ôter cette tutelle, que pour grandes & importantes causes & raisons.

Le privilege de ces mineurs cesse à chaque majorité de l’un des mineurs ; de manière que du jour de la majorité d’un puiné, le frère ainé joüit & faire les fruits siens, de sa part & portion hereditaire & afferante dans les successions, jusqu’à ce que ce cadet, devenu majeur, ou autre frère majeur, ait demandé partage au frere ainé, mais il suffit que l’un des puinez ait demandé partage, pour interrompre la joüissance du frère ainé, & pour le rendre comptable des revenus & des biens envers tous les freres puinez, pourvû que celui qui provoque le partage soit majeur, car un mineur ne peut provoquer un partage, même de l’autorité ce son Tuteur ; quoiqu’on puisse le provoquer contre lui, ou pour mieux dire, contre son Tuteur, lequel sera tenu d’y entendre, avec l’avis des parens des mineurs bien & duëment homologué en Justice.

Pour qu’une demande en partage puisse interrompre la joüissance du frere ainé, il faut qu’elle soit formée par un exploit ou assignation en forme, à moins que le frere ainé ne consentit au partage, par un Acte signé de lui devant Notaire, ou sous signature privée.