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ARTICLE CCXLIV.

S I le pere ou mere, ayeul ou ayeule, ou autre ascendant, reconnoît l’un de ses enfans pour son héritier en saveur de mariage, & fait promesse de garder son héritage, il ne pourra aliéner ni hypothequer le-dit héritage en tout ou partie, ni les bois de haute futaye étans dessus, au préjudice de celui au prosit duquel il aura fait ladite disposition, & de ses enfans, pourvu que ladite promesse foit portée par écrit & insinuée dans le tems de l’Ordonnance, sinon en cas de nécessité, de maladie ou de prison.

Quoique cet article ne parle que des pere, mere & autres ascendans, ausquels il est permis de promettre leur succession à un de leurs enfans ou petits enfans ou à leur présomptif héritier, néanmoins la même chose est permise aux parens coilateraux ou autres personnes dont le donataire est seul & unique liéritier presomprit, comme par un frere, une soeur & autres en faveur de leurs héritiers présomptifs, Arrests du Parlement de Rouen, des 15. Decem. 1631. & 22. Fev. 1676. Un etranger pourroit même faire la même promesse à quiconque il voudroit, quand même le donataire ne seroit ni son parent ni son héritier présomptif : mais promefse qui ne pourroit exceder les bornes de ce qui est permis de donner entre vifs par la Coûtume ; ainsi il faut étendre la disposition de cet article à toutes personnes non prohibées & capables de donner, & en faveur de toutes sorres de donataires capables de recevoir une donation, sans considèrer si le cdonateur & le donataire sont parens, si la parenté est en ligne directe ou en ligne collareraie, si le donataire est héritier présomptif du donateur ou non, ou si c’est un étranger : en usi mot on peut promettre à qui on veut de lui garder sa suecession, en ce qui peut néanmoins tomber dans la donation par la Coûtume, il n’y a rien en cela qui soit contre la loi & les bonnes moeurs.

De plus, quoique nôtre article, dise qu’une pareille promesse peut être faite en faveur de mariage, cependant elle peut être faite pour toute autre cause, comme pour amitié, services & autres causes, & parce que telle est la volonté de celui qui fait la promesse, & hors mariage & Contrat de mariage, pourvû qu’elle soit faire par un acte authentique, c’est-à-dire paisé pardevant Notaire ou autre personne publique ; un acte sous signature privée suffiroir même, mais il seroit plus sûr qu’il fût reconnu devant Notaire ou en Justice par celui qui auroit sait la promesse, avant sa mort ; car on ne peut trop apporter de précautions dans un acte de cette importance, quoique d’ailleurs tres-favorable, n’étant que le pur effet de l’amitié, & ne saisant souvent, & pour ainsi dire que confirmer un droit qui étoit déja acquis, principalement si cerre promesse est faite à l’héritier présomptif par la Loi & par la Coutume ; aussi ces sortes de promesses se font ordinairement en saveur & par Contrat de mariage d’un héritier présomptif d’un parent ou autre ; & si on en fait pour d’autres causes & par autre dete, il saut roujours & nécessairement que ce soit par un acte eutre-vifs, & non par donation à cause de mort ni par testament, une telle promesse seroit nulle & de nul effet.

Or ces sortes de promesses peuvent être faites en trois sortes de manieres.

La première, en reconnoissant le donataire pour son héritier.

La seconde, en promettanr de lui garder sa succession.

La troisième & derniere, en lui faisant des-àpresent cette promesse en avancement d’hoirie, & de suc cession.

La simple reconnoissance pour son héritier, n’ajoûteroit rien au droit de l’héritier presomptif, si le donaraire étoit hérit ier presomptif du donateur par l’a Loi & la Coûtume ; c’est pourquoi une simple reconnoissance pour son heritier, est en ce cas peu necessaire ; il n’y auroit que dans le cas où la reconnoissance ce qui seroit faite par un étranger, en faveur d’une personne qui lui seroit étrangere, pour son heritier ; une pareille promesse ne laisseroit pas de faire un ti-tre de propriété habituelle dans les biens du donateur, pour les avoir au jour du décés du donateur, à l’exclusion de ses héritiers ab antestat, tels & er telle quantité qu’ils se trouveroient.

La promesse de garder sa succession, ne donne pas seulement l’espèrance, elle conserve encore & assure la succession au donataire, sans néanmoins que la proprieté en soit transferée au moment de l’acte au donataire, cette promesse n’a son effet que dans le cas du prédéees, & par le prédécés de celui qui l’a faite, ESPERLUETTEelle devient eaduque, si cet héritier contractuel vient à déceder avant le donateur, sans que la propriété habituelle qu’il avoit en vertu de la promesse dans les biens du donateur, passe à ses héritiers ou ayans cause, les clioses sont réduites comme s’il n’y avoit point eu de promesse de garder sa succession au donataire.

Mais il en est autrement de l’avancement de succession ; car l’avancement de succession en transfere à l’instant la propriété à l’héritier donataire, & l’héritier donataire devient Seigneur & maître de la chose donnée en avancement d’hoirie dés le moment de sa passation de l’acte, & il en fait les fruits siens, si par l’acte, Phéritier donataire doit entrer en joüissance des biens dés le jour de l’acte, & à l’instant de l’acte ; & il peut même l’alliener & l’hypothéquer Arrest du même Parlement, du a Août 1649, à moins qu’il n’y eut par l’acte uine prohibition d’alliener & d’hypothéquer les biens pendant la vie du donateur ; sans pouvoir toutefois confisquer les biens donnez en avancement d’i oi-rie, principalement au préjudice de celui qui a fait l’’avancement ou prome le, quand même la reversion en sa faveur, ou la prohibition d’ailiener & hypothéquer les biens donnez en avancement de succession, n’auroit pas été stipulée par l’acte ; Arrest du même Parlement, du 2y Juillet 1647.

Il est clair que les donations en avancement d’hoirie & de succession ne se font qu’en faveur d’un héritier presomptif, & non d’un étranger qui n’a ni droit ni espèrance dans la succession du donnteur.

En cns de prédéces de l’héritier présomptif avant le parent qui avoit promis de lui garder sa succession, ses héritiers ou créanciers ne peuvent rien prétendre dans les biens de la succession qu’on avoir promis de garder, parce que cet héritier présomptif est censé n’avoir jamais rien eu aux biens dont on l’avoir assûré, & que le premier engagement à cessé entièrement ; de munière que celui qui l’a fait, recouvre la liberté de disposer de son bien comme il auroit pû faire auparavant ; Arrêts du mêine Parlement, des 3 Juin 1654. & 18 Ianvier 1685.

Si cependant la dette avoit été contractée pour alimens nécessaires, elle pourroit être prise ix subsidium sur les biens de la succession future, nonobssant que l’héritier presomprif, auquel avoit été fait l’avancement de succession, fut mort avant le donateur ; Arrest du même Parlement, du 1o Fevrier 1656.

Quoiqu’il en soit, il faut décider dans la These generale, que l’héritier pré. somptif, auquel la donation en avancement d’hoirie a été faite, survive le donateur, pour que la donation ait lieu ; car si le donataire prédécede, la donation tombe & s’evanouit.

Un héritier présomptif, auquel on a promis de garder sa succession, peut rendre cette promesse inutile, en y renonçanr & en acceptant la succession en la seule qualité d’héritier, & comme s’il n’y avoit point eu de promesse de garder sa succession ; il tiendroit alors la succession de la Coûtume, & non de ce-lui qui lui avoit fait la promesse ; ce qui lui seroit permis, sans même que ses propres créanciers puissent s’en plaindre ni empécher que les dettes que celui qui avoit promis de garder sa succession, a contractées depuis sa promesse, ne fussent payées avant les dettes contractées par l’heritier présomptif, à moins qu’il n’apparût une fraude manifeste ; mais cet héritier présomptif ne pourroit renoncer à la promesse faite en sa faveur de lui garder sa succession, & à la succession tout ensemble, au préjudice d’une tierce personne, tels que seroient ses créanciers, une pareille renonciation seroit frauduleuse & nulle ; de sorte que ses créanciers pourroient prendre la successionpour la part & portion qui en reviendroit à leur débiteur, sans néanmoins pouvoir faire valoir la promesse de la succession ; ils prendroient la succession, comme s’il n’y avoit point reu de promesse de garder la succession, La promesse de garder sa succession à son héritier présomptif, est irrévocable, & même on ne seroit pas restituable à revenir contre une telle promesse, soit par Lettres de rescision ou autrement ; Arrests du même Parlement, du premier Fevrier r667, à moins qu’elle n’eût été indûëment extorquée par dol ou violence, ou autres mauvaises voyes ; ou si le donateur, qui étant garçon & n’ayant point d’enfans legitimes, venoit à se matier depuis la promesse de garder sa succession à son néritier préfomptif, qui étoit son frere, ou autre parent collateral, & qu’il ait des enfans de son mariage, par la maxime de droit, que surpeve-xientia liberorum euanescit donatio, la promesse de garder la succession seroit revoquée, mais les biens du donateur seroient néanmoins prenables in subsidium de la dot & doüaire de la femme du donataire, laquelle s’étoit mariée sur le fondement & l’assurance de cette promesse du donateur, de garder sa succession à son mari ; c’est pourquoi si les biens de son mari n’étoient pas suffisans pour la remplir de sa dot & de son doüaire, elle seroit bien fondée à s’adresser sur les biens du donateur, nonobstant son mariage & la naissance de ses enfans.

Le parent qui a promis de garder sa succession à son héritier présomptif, ne peut plus posterieurement à cette promesse, aliener, engager ni hypothequer les biens de la succession qu’il a promis de garder, ni en disposer, encore moins au préjudice de l’héritier présomptif auquel cette promesse a été faite.

La promesse faite par les pere & mere, ou autre ascendant, de garder sa succession à l’un de ses ensans & autre ascendant, a aussi effet pour les parts & portions qui doivent revenir aux autres enfans ; ensorte que cette prommesse engage les pere & mere ou autre ascendant, qui l’ont faite, envers tous les en-fans ou petits enfans, & leur lie tellement les mains, qu’ils ne peuvent plus obliger, hypothéquer ni alliener leurs biens au préjudice d’aucun de ses enfans ou petits enfans, étant de droit compris dans la promesse faite par l’aseendant de garder sa succession à l’un d’eux ; art. 45. du Reglement de 1666. Cela fondé sur ce qu’il n’est pas permis dans notre Coûtume, d’avancer un de ses héri-tiers plus que l’autre.

Le pere ou la mere, qui a promis de garder sa succession à son héritier présomptif, comme il ne peut plus alliener, hypothéquer ni engager ses biens en tout ou partie, il ne peut faire aucun acte qui rende sa promesse vaine & inutile ; cependant on pourroit prescrire contre le donateur ; & l’héritier préfomp-cription contre celui qui auroit preserit, parce que le cours de la prescription introduite par la Loy, ne peut être arrété par cette promesse de garder sa succession à son héritier présomptif.

La prohibition d’alliener, hypothéquer & engager ses biens par celui qui a promis de garder la succession à son héritier presomptif, au préjudice & nonobstant la promesse, n’a lieu que pour les immeubles, terres, maisons, hérita-ges, rentes foncieres & hypothéques, ou constituées à prix d’argent, & ne s’étend point fut les meubles, dont le donateur a indépendamment de la promesse ine entière liberté & pouvoir de disposer ; il peut même recevoir valablement l’amortissement ou rachat des rentes qui lui sont dûës, à la charge routefois d’en faire emploi, ou de donner caution ; & les débiteurs des rentes, qui en auroient fait le remboursement, seroient valablement déchargez, encore qu’il n’eûr point été fait de remploi, à moins que le donataire ne leur eût fait signifier sa donation, & fait des empéchemens entre leurs mains.

Celui qui a promis de garder sa succession à son héritier présomptif, ne peut même faire couper les bois de haute-futaye, étans sur les terres, ni les bois taillis & autres bois hors les faisons ordinaires, ni encore moins dégrader & deteriorer les lieux.

La seule présence & signature d’un pere, d’une mere ou autre ascendant, au Contrat de mariage de l’un de leurs enfans ou petits ensans, n’emporteroit pas une promesse de leur part de garder leur succession à l’’enfant qui se matieroit, il faut que la promesse soit expresse & formelle par le Contrat de mariage ou autre acte iolemnel & authentique.

Une promesse de garder une succession, ne peut être prouvée par témoins ; Il faut qu’elle soit par écrit.

Il faut en outre que la promesse de garder une succession à son présomptif héritier ou autre, foit insinuée dans le tems des Ordonnances faites au sujet. des insinuations, à peine de nullité ; & même tous les Contrats, Obligations & Engagemens faits par celui qui a promis de garder sa succession, avant l’insinuation du Contrat de mariage ou autre acte qui contient la promesse, sont va-lables, & le donataire en est tenu, quand même ils auroient été faits dans le tems que l’insinuation pouvoit être faite ; car l’insinuation n’a point à cet égard d’effer rétroactif ; ce n’est qu’aprés l’insinuation que le donateur à les mains liées & qu’il ne peut plus obliger, engager ni alliéner ses immeubles, soit à titre onéreux soit à titre gratuit, coime par forme de donation, legs ou autrement, quand même ce seroit en faveur de l’Eglise, des pauvres ou autres causes pieuses.

Il n’y a que trois cas dans lesquels un donateur de cette qualité a cette liberté, 1. En cas de nécessité, méis nécessité pressante, comme si dans un tems de famine le donateur avoit emprunté de l’argent ou vendu de ses immeubles pour vivre, ou qu’il eût fait de pareils actes pour se rédimer d’une accusation qui interessoit son honneur, sa réputation ou sa vie, ou pour quelqu’au-tre cas d’une nécessité urgente & extrême : on y peut ajouter un autte cas ; sçavoir, si le donateur s’est depuis la promesse marié dans les formes ordinaires au vû & au seù de toute sa familie ; car s’il survenoit des enfans, la promesse tomberoit, & quand il n’y en auroit point, sa veuve ne laisseroit pas de prendre sur les biens de son défunt mari, sa dot, reprises & doüaire, comme si le donateur n’avoit point fait de donation ni promis de garder sa succession, parce qu’on peut dire que cet homme lorsqu’il a fait cette donation & cette promesse, ne s’est point interdit le mariage, & qu’il est à présumer qu’il aimoir le donataire, mais qu’il s’aimoit ou qu’il aimoit les enfans qu’il auroit de son mariage, & sa veuve encore mieux que le donataire ; d’ailleurs il ne seroit pas juste que sa veuve qui étoit dans la bonne foi, perdit sa dot, ses reprises & son doüaire, mais toujours in subsidium des biens libres du mari. 25. Le donateur qui a fait une pareille promesse, peut alliéner, hypotequer & engager son bien nonobstant que la donation ait été insinuée, en cas de maladie ; pourvû qu’elle soit considérable & dangereuse, & que pour se faire soigner, le donateur soit forcé ou d’alliéner de son bien ou d’emprunter de l’argent ; il seroir bon que la cause du prét fût exprimée dans l’Obligation ou autre acte contenant le prét ; il faudroit en outre, que le fait de la maladie considérable & dangereuse, fût duë ment justifié. 30. En cas de prison, soit pour causes civiles ou pour causes criminelles, ou pour payer la rançon du donateur, étant en esclavage chez les ennemis du nom Chrétien, ou étant prisonnier de guerre.