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ARTICLE CCL.
L E pere & la mere peuvent marier leur fille de meuble sans héritage, ou d’héritage sans meuble ; & si rien ne lui fut promis lors de son mariage, rien n’aura.
Soit que les pere & mere soient nobles ou roturiers, il leur est permis de onarier leurs filles en meubles, ou en argent, & en autres effets mobiliers, ou en héritages & immeubles, nobles ou roturiers, où d’autre nature, cela est à leur choix & option ; & si leurs pere & mere ne leur ont rien promis en mariage, elles n’auront & ne prendront rien dans les successions de leurs pere & N9 mere, pas même des alimens, elles n’auront qu’une action contre leurs freres, pour pouvoir leur demander quelque chose sur les biens des pere & mêre communs : ni encore moins leurs maris & enfans ne peuvent pareillement rien prétendre dans ies successions de cette fille ainsi mariée.
Les ayeul ou ayeule ou autres ascendans ont la même faculté en mariant leurs petites filles, qu’auroient eù les pere & mère ; car si l’ayeul, ayeule ou autre ascendant n’a rien promis en dot à ses petites filles, elles, leurs maris & ensans ne pourront rien prétendre en leurs biens.
Les pere & mere ou autres ascendans ne sont point garants des deniers dotaux, pari eux payez comptans à leurs filles en les mariant, soit que le paye ment en ait été fait la veille des épousailles, ou depuis le mariage, quand méme le payement des deniers auroit été fait depuis & aprés les termes echûs ; de sorte, que lorsque le mari deviendroit insolvable, la fille ni ses enfans n’auroient aucun recours de garantie contre les pere & mere & autres ascendans, leurs héritiers où ayans cause, pour raison de cette dot ainsi payée en deniers comptans, soit que la femme ait signé à la quittance, ou qu’elle n’y ait pas signé ; Arrests du Parlement de Roüen, des 17 Septembre 163s, S Juillet 168y & I Iuillet 16é3.
Mais lorsque les pere & autres ascendans ont constitué sur eux une rente pour la dot de leur fille ou petite fille, & qu’ils ont fait le rachat ou amottissement de cette rente entre les mains du mari, lequel devient dans la suite insolvable, ils en demeurent garants & responsables envers la fille ou petite fille do-etée, ou leurs enfans, quand même la fille ou petite fille dotée, auroit signé à la quittance de remboursement ; Arrest du même Parlement, du 2o Novembre 4642, sans cependant pouvoir obliger le mari à donner caution, ou un emploi des deniers provenans du remboursement pour la sûreté de l’amortissement de la rente dotale ; parce qu’il dépend d’eux de faire ou ne pas faire le remboursement de la rente, & que s’ils veulent en faire l’amortissement, c’est à eux à en courrir les risques ; Arrest du même Parlement, du 1s Juillet 1644.
Un acquereur d’héritages chargez d’une rente dotale, qui veut faire le rechat de cette rente, & se liberer d’une dette de cette qualité, n’est pas pareil-lement recevable à demander caution, ou un emploi & remplacement au mari, il dépend de lui de faire ou ne pas faire ce remboursement, c’est son af-faire ; c’est pourquoi, s’il veut ainortir la rente, il faut qu’il suive les risques de la fortune du mari, mais s’il appréhende que le mari ne devienne insoivable, il ne doit pas faire l’amortissement d’une rente constituée en dot, puis-qu’il pourroit un jour être inquiété & recherché pour raison de cette rente Arrest du même Parlement, du 7 Mars 1670.
Ceux qui ont promis la dot en deniers comptans, peuvent encore moins demander caution ou emploi au mari, pour lui faire le payement de cet argent ; d’autant qu’ils sont obligez de payer cette somme purement & simple ment, & dans le tems marqué par le Contrat, sans pouvoir demander au mari d’autres sûretez, ni de nouvelles assurances ou cautions, à moins que par le Contrat de mariage, il ne fût stipulé & convenu que le mari ne pourroit recevoir les deniers dotaux de sa femme, qu’en donnant par lui caution ou remploi remploi ; Arrests du même Parlement, des à luin & 8 Août 1é62. lamais un pere naturel n’est garant de la rente constituée sur lui & par lui pour la dote de sa batarde, quoique le remboursement en eût été fait à son mari, depuis devenu insolvable ; Arrest du même Parlement, du 24 May 1656.
Les pere & mere sont obligez de payer l’intérét de la dote promise en deniers, à compter du jour de l’échéance du payement, encore qu’il n’y ait ni demande, ni Jugement de condamnation d’interêts, & nonobstant que suivant la jurisprudence du Parlement de Normandie & de toute la Province, une somme de deniers ne puisse jamais produire d’interêts ; nec ex mora, nec ex petitio-ne & condemnatione.
Les pere & mere pourroient donner une augmentation de dot à leur fille, si depuis son mariage ils étoient parvenus à une meilleure fortune, sans que les freres pussent y trouver à rédire ; tout ce que les freres pourroient faire, seroit si la première dot, & que l’augmentation de dot excedoient le tiers des biens des pere & mère, de se pourvoir en réauction dans l’année du décës des pere & mêre, aprés lequel tems ils seroient non-recevables en leur demande en réduction.
Quoique la fille mariée, à laquelle ses pere & mere n’ont rien donné ni rien promis en dot, ne puissent rien nemander contre eux ni contre leurs héritiers, néanmoins il n’est pas toujours en la liberté des pere & nière de ne rien donner à leurs fiiles ; car si aprés l’âge de vingt cinq ans ils ne vouloient pas con-sentir à un mariage avantageux de leur fille, elle seroit en droit de se pourvoir en Iustice pour les obliger de donner leur consentement à son moriage ; & si elle s’étoit mariée aprés avoir fait les sommations & requisitions nécessaires, & avoit contracté mariage suivant les formalités des Canons & des Crdon-nances, sans que ses pere & mere y eussent consenti & rien donné en dot, elle seroit recevable aprés leur mort à demander mariage avenant à ses freres ou héritiers & ayans cause ; elle ne perdroit pas en ce cas son mariage avenant ou sa légitime sur les biens de ses pere & mere, parce que s’étant mise en son devoir & satisfait aux Canons & aux Ordonnances, où ne pourroit pas lui opposer le défaut de consentement de ses pere & mere, & que ses pere & mere ne lui ont rien promis en dot & en mariage.
Le mari peur disposer des meubles & conquêts en bourgage ou ailleurs, ou dans les endroits où il y a une espèce de Communauté de biens, en faveur du mariage de ses filles sans que la mere soit recevable à s’en plaindre, quand méme elle n’auroit pas voulu signer au Contrat de mariage ; car c’est commune onuz inter maritum & uxorem dotare filiam, principalement si la somme promise en dot étoit payée, ou les héritages promis en dot, avoient été livrez du vivant des pere & mère ; & la femme ne pourroit pas aprés la mort de son mari demander une indemnité sur la part du mari dans les meubles & conquêts, ces sortes de biens se partageroient en l’état qu’ils se trouveroient lors du déces du mari ; mais si c’étoit une fille d’un autre lit du mari, il ne pourroit pas marier & doter cette fille aux dépens des meubles & conquêts dans lesquels la femme a un droit habituel, sans indemniser la femme de cet avantage.
Ce que le pere aprés la mort de sa femme donne ou promet en dot à ses filles en faveur de mariage, ne doit être payé que sur les biens du pere, sauf aux filles à prendre en outre leur mariage avenant sur les biens de la mere : mais si les filles sont mariées & dotées par les pere & mère, & que la dot ait été du vivant de la mére sur les meubles & conquéts faits pendant le mariage, le pere aprés la mort de sa femme ne pourra rien imputer de cette dot sur les propres de la mere, parce que cette dot a été payée & acquitée du vivant de la mère, des meubles & conquêts faits ex communi cullaboratione, dont le mari avoit la pleine disposition, & particulierement pour marier leurs filles ; Arrests du même Parlement, des 26. Mars & 17. Juillet 1658.
Si la dot promise conjointement par les pere & mere, n’a pas été payée & acquitée du vivant de la mére sur les meubles & conquêts faits pendant le mariage, elle se prendra sur les biens du pere & de la mere, chacun pour moitié ; Arrest du même Parlement, du 28. Mars 1662.
La dot promise par le pere seul à ses filles ou à une de ses filles, & non payée du vivant de la mere, doit être payée & acquitée sur la part du mari, dans les meubles & conquêts, & subsidiairement sur ses propres & non sur aucun des biens de la mere, soit sur sa part dans les meubles & dans les conquêts, soit sur ses propres ; ainsi dans ce cas la femme auroit une indemnité contre les héritiers de son mari au sujet de ses droits dans les meubles & dans les conquêts ; ce qui auroit même lieu, encore que la dot fût promise & constituée tant sur les biens paternels que sur les biens maternels, la mère ni ses héritiers ne seroient point tenus d’y contribuer, n’ayant rien promis & n’ayant point parlé ni signé au Contrat de mariage, & ne s’étant point obligée à la dot ; mais la fille ainsi dotée, aura indépendemment de cette dot, son mariage avenant sur les biens de la mère.
La contribution qui doit être faite par les pere & mere pour le payement de la dot par eux promise à leurs filles, doit êrre seulement faite à proportion des biens qu’un chacun possede en proprieté, & non par simple usufruit, tel qu’est le doüaire de la femme ; ainsi chacun n’estppas tenu de droit de la moitié de la dot promise, mais à proportion des biens que chacun a en pleine proprieté.
La femme qui s’oblige à la dot de ses filles conjointement avcc son mari ne peut être contrainte solidairement au payement de la dot, mais seulement ù en payer sa part & portion suivant les forces de son bien, à moins qu’aprés la mort de son mari elle ne se portât son héritière, car en ce cas elle seroit tenuë solidairement ; Arrest du même Parlement, du 5. Juin 1671. parce que suivant nôtre Coûtume, tout héritier est tenu solidairement des dettes de la succession, quand même l’héritier ne possedetoit que des meubles ou effets mobiliers ; ou bien si la mere s’étoit obligée solidairement par le Contrat de mariage avec son mar : pour toute la dot & un seul pour le tout, l’un & l’autre pourroient être poursuivis solidairement & un seul pour le tout, par les filles ausquelles la dot avoit été promise, ou leurs hritiers & ayans cause, sauf le recours de l’un contre l’autre.
Il n’est point nécessaire dans nôtre Coûtume de faire renoncer les filles par leur Contrat de mariage aux successions futures de leur pere & mere, il fussit qu’en les mariant on ne leur ait rien promis, ou qu’on leur ait payé ce qu’on leur avoit promis en mariage ; d’autant que les filles ne fuccedent point en Normandie tant qu’il y à des mâles, & qu’il est permis aux pere & mêre de leur donner en mariage ce qui leur plait, elles n’ont aucun droit ni aucune action pour pouvoir prétendre la moindre chose dans les successions de leurs pere & mere, pas même un suplément de légitime, dés quelles ont été mariées par leur pere & mere, & qu’on ne leur a rien promis en mariage, ou qu’on leur a payé ce qu’on leur avoit promis.
Une fille à laquelle les pere & mere ont promis en dot une certaine somme de deniers pour la part & portion qu’elle pourroit esperer en leurs successions, ne peut plus rien prétendre, non seulement dans les biens de ses pere & mere, situez dans la Province de Normandie, mais encore dans les biens situez dans une autre Coûtume qui appelleroit les filles aux successions de leurs pere & mere avec leurs freres, encore bien que cette fille ainsi mariée, fût mineure lors de son mariage, & qu’elle n’eûr pas expressément renoncé aux successions futures de ses pere & mere, & encore moins aux biens où elle auroit eû sa part par la Coûtume où ils étoient situez ; la raison de cette décision, est que les deniers promis en dot par les pere & mère, tiennent lieu à la fille de partage dans tous les biens de ses pere & mere en quelque lieu qu’ils soient fituez ; Arrest du même Parlement, du 30. Avril 1672.
Une fille mariée & dotée par ses pere & mere, n’est point tenuë des dettes de leurs successions, ce sont les freres qui en sont seuls tenus en qualité d’héritiers de leurs pere & mere : Si néanmoins la fille possedoit quelque héritage ou autre immeuble de la succession, elle pourroit être poursuivie hypothecairement par les Créanciers de ses pere & mère, antérieurs à son Contrat de ma-riage, sauf son recours contre ses freres, héritiers de leurs pere & mère ; mais si c’étoient des Créanciers postérieurs à son Contrat de mariage, ils ne pourroient pas valablement se pourvoir contre cette fille.
Le payement de la dot peut être preserit par rapport à la somme promise, par trente ans, comme une action personnelle, la prescription de quarante ans n’est point en ce cas requise & nécessaire.
On ne peut faire renoncer une fille à une suceession échuë, parce que c’est un droit acquis à la fille, dont on ne peut la priver, quand même cette renonciation seroit fai e par la fille en pleine majorité, & par son Contrat de mariage.
La dot promise par pere & mère, fe paye sur leurs biens suivant l’ordre & hypothéque des Contrats de mariage de chaque fille mariée par les pere & mére, d’autant qu’en ce cas les filles n’agissent qu’en qualité de Créancier des succeisions de leurs pere & mere, & non comme héritieres ; Arrest du même Parlement, dua2. Fevrier 167S. Mais il en est autrement du mariage avenant, les filles qui n’ont point été mariées du vivant de leurs pere & mere, ont hypotheque pour leur mariage avenant, & en sont payées par égales portions dans le tiers des biens de chaque succession des pere & mère, sans priorité d’hypotheque entre elles sur ces biens, parce qu’elles ont leur mariage avenant, non pas comme Créancieres de leurs pere & mère ; mais comme héritieres légitimaires.
C’est un usage constant en Normandie, de donner au mari une portion de la dot de la femme, au cas que la femme vienne à déceder avant son muri sans enfans ; & quelquefois on accorde ce don sans la clause de survie du mari, & qu’il y ait enfans ou non : cela s’appelle Cion nobté, qui est pour recompenser le mari des frais & de la dépense qu’il a été obligé de faire, ou qu’on présume qu’il a faite pour rechercher la femme en mariage ; de maniere que le mari en restituant la dot aux heritiers de sa femme qui décede sans enfans, retient cette portion de dot en toute propriété pour lui appartenir irrévocablement : or le don mobil doit être payé sur le pied qu’il a été accordé & reglé par le Contrat de mariage, sans cependant pouvoir exceder le tiers de la dot ; & le surplus de la dot, le don mobil prélevé, sera propre à la femme, & le mari tenu de le payer & restituer aux heritiers de la femme, avec les interêts du jour du décës de la femme. Mais si par le Contrat de mariage il n’est point parlé de don mobil, ni marqué ni dit quelle quantité des deniers dotaux sera réputée dotale & propre à la femme, le don mobil sera du tiers des deniers dotaux, lequel appartiendra en toute propriété & sans retour au mari qui aura survécu à sa femme, & les deux autres tiers seront réputez deniers doraux & propres à la femme : Arrers du même Parlement des 5.
Fevrier 3653, & 31 Mai 1676. Il semble que le don mobil ne devroit être accordé au mari, qu’au cas qu’il survéeût safemme, & qu’il n’’y eût point d’enfans du mariage ; cela dépend des conventions du mariage.
Ce qui reste à payer des deniers promis en dot, au jour du décës de la femme, doit être appliqué & imputé sur la partie des deniers, stipulée propre à la femme ; & ce qui a été payé au mari sur la fomme promise en dot, doit être imputé sur le don mobil, parce que le mari est censé avoir été payé de ce qui lui appartenoit pour son don mobil sur les deniers par lui recus sur & tant moins de la somme promise en dot ; Arrét du même Parlement du S Janvier 3659.
Si la somme promise en dot ne peut être payée en entier par l’insolvabiliré des successions des pere & mère de la fille, qui avoient promis la dot, le tiers de ce qui pourra être payé appartiendra au mari pour son droit mobil, & les autres tiers seronr payez à la femme, & lui seront propres comme faisant partie de sa dot Arrét du même Parlement du S Mars 1668.
Lors du payement de la somme promise en dot par le Contrat de mariage, on ne peut changer la nature & la qualité des deniers promis en dot ; il faut s’en tenir au Contrat de mariage, sans qu’il soit permis d’augmenter ou diminuer ce tni a été donné & accordé au mari pour don mobil, ni à ce qui a été stipulé propre à la femme, des deniers promis en dot ; Arrêt du même Parlement du 3.
Fevrier 1639.
Le don mobil n’est pas réciproque, il se donne & s’accorde seulement au mari, & non à la femme ; on ne connoit point en Normandie de preciput réciproque entre conjoints par mariage, Lorsque la future épouse n’apporte point de deniers en dot, mais seulement des héritages & immeubles, il est permis d’ameubler par siction & par convention une partie de ces héritages & immeubles jusqu’à concurrence de la somme convenuë pour le don mobil du futur époux ; & le cas arrivant les héritiers de la femme, en reprenant tous les héritages & immeebles apportez en dot par la femme, seront tenus de payer au mari la somme convenuë pour le don mobil, si mieux ils n’aiment que le mari ne prenne des héritages & immeubles, jusqu’à dûé concurrence du don mobil, sur le pied de l’estimation, & le surplus des héritages & immeubles rendus aux heritiers de la femme.