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ARTICLE CCLXXVIII.

A Venant que le débiteur renonce ou ne veuille accepter la successson qui lui est échûë, ses Créanciers pourront se faire subro-ger en son lieu & droit pour l’accepter, & être payez sur ladite succession, jusqu’à concurrence de leur dû, selon l’ordre de priorité & postériorité, & s’il reste quelque chose, les dettes payées, il reviendra aux autres héritiers plus prochains après celui qui a renoncé.

Cette disposition est pour obvier au dessein qu’un débiteur de mauvaise volonté auroit pour tromper & faire perdre le dù à ses Créanciers, lequel renon-ceroit à une succession à lui échuë pour la faire tomber à un autre.

Suivant cet article, si un debiteur renonce à une succession directe ou collaterale, confistante en meubles ou immeubles, aequêts ou propres, nobles ou roturiers, ou à un legs universel, ou s’il ne veut pas accepter cette succession ou ce legs universel, il est permis en ce cas à ses Créanciers antérieurs à l’ouverture de la succession, de prendre & accepter la succession ou legs universel, en se faisant subroger au lieu & place, droits, noms, raisons & actions du débiteur & aux charges de droit.

Cette Jubrogation ne se fait pas de plein droit, & ne faisit pas le Créancier par la seule renonciation du débiteur à la succession, les Créanciers doivent la demander au Juge par une Requête précise, & déclareront qu’ils entendent accepter la succession pnrement & simplement, au lieu & place de leur debireur & en ce cus, quoiqu’on ne connoisse gueres en Normandie de Curareurs créez aux successions vacantes, il en faudra créer un, pour par les Créanciers diriger leurs actions contre lui, comme ils auroient pû faire contre leur débiteur ; aussi cette subrogation, quoique suivie de l’acceptation, mrend pas les Créanciers héritiers, la fuccession est toujours censée vacante, les Créanciers ne sont en qualité, que comme étant aux droits & exerçans les droits de leur débiteur c est pourquoi si depuis cette subrogation & cette accepration, un parent se présentoit pour apprehender la succession, soib mmme héritier absolut. ou comme héritier par bénefice d’inventaire, il seroit recévable en sa domande, en remboursant aux Créanciers leurs frais & aux charges de droit, telles que seroient les dettes de la succession, & sans préjudice de ses propres créances & droits qu’il pourroit avoir contre la succession, qui resteroient en entier en se portant héritier béneficiaire ; car s’il se porroit héritier absolut, ou pur & simple, non seulemeut il confondroit en soi ses créances & droits, mais encore il exposeroit ses propres biens aux dettes des Créanciers de la succession,

Un ayeul ne pourroit pas même avantager son petit fils des biens de la succession, pour frustrer les Créanciers de son fils encore vivant, en donnant sâ succession à son petit fils ; & en ne laissant rien à son fils, par quelque acte que cet avantage fût fait, soit par donation ou autre acte entre-vifs ou par testament, ce seroit toujours un acte fait in fraudem creditorums, & comme tel condamné & réprouvé par la loi ; pourvù cependant, & non autrement, que ce fussent des Créanciers antérieurs à la disposition.

Mais un pere ayant des enfans de son mariage, & devenu veuf, se faisoit Religieux, ses enfans viendroient à la succession de leur ayeul, sans que les Gréan-ciers du pere pussent demander à y être subrogez au lieu & place du pere, leur débiteur, ni rien prétendre sur les biens de la succession de l’’ayeul ; Arrest du Parlement de Normandie, du 6. Fevrier té43.

Les Créanciers postérieurs à la renonciation faite par l’héritier présomptif à la succession qui lui est échué, ne peuvent demander la subrogation portée par cet article, parce qu’ils ne peuvent pas dire que la renonciation ait été faite par leur débiteur à leur préjudice & pour les tromper.

Le Fise ou Confiscataire ne peut se faire subroger à apprehender la successiont qui a été répudiée par celui qui depuis a été confisqué ; art. 53. du Reglement de 1686, parce qu’il est vrai de dire que le Confiscataire n’a jamais eû de droit dans cette succession.

Comme en Normandie on n’admet point les institutions d’héritier ni les substitutions, il n’est pas permis aux pere & mère de substituer les parts & portions de leurs enfans & autres héritiers présomptils dans leurs successions, ni les réduire à leur légitime pour quelque cause que ce soit, comme prodigalité, dissipassion, dettes par eux contractées, ouimbecillité & dêmence, les Créanciers de ces enfans & héritiers présomptifs seroient en droit de se plaindre d’une semelable disposition, & de se faire subroger au lieu & place de leur débiteur pour accepter la succession qui lui étoit dévoluë & qui lui apparrenoit sans cette disposition.

Lorsque le fils ainé noble a fait sa déclaration précise qu’il veut prendre un Fief par préciput & par droit d’ainesse en chacune suc cession du pere & de la mere, au lieu de partager les successions avec ses freres, ou que le fils ainé roturier a déclaré qu’il veut le manoir roturier, ces préciputs passent aux Créanciers de ce fils ainé, parce que ces préciputs étoient acquits à ce débiteur par sa déclaration & son option : mais si cette déclaration & cette option n’ont point été faites, & que le fils ainé n’ait point fait connoître sa volonté, cette faculté ou prerogative ne passera point à ses Créanciers, d’autant qu’ils ne peuvent pas se faire Subroger à un droit qui n’appartenoit point à leur débiteur, qu’en vercu d’en choix qu’il devoit faire pour avoir ce droit, & qu’il n’a point fait.

Cette maxime souffre néanmoins une exception dans le preciput d’ainesse, qui appartient au fils ainé dans le pays de Caux ; on sçait que ce préciput consiste dans les deux tiers des biens immeubles avec le manoir & pourpris, & que ce préciput appartient au fils ainé sans aucune diminution ni récompense des l’instant du déces des perc & mère, & sans que le fils ainé soit obligé de faire aucune déclaration pour lui acquerir incommutablement ce préciput ; & par conséquent ses Créanciers comme exerçans ses droits, pourront se faire subrover & aecepter ce préciput.

Il est cependant permis à un pere ou à une mere, voyant leur enfant obéré de dettes, de vendre leurs biens, meubles & immeubles, sans que les Créanciers pussent inquièter les acquereurs & tiers détempreurs ; & même les pere & mere pourroient faire retirer les héritages & autres immeubles susceptibles de retrait, par retrait lignager sous le nom de leurs petits ensans, sans que les Créanciers puissent faire failir réellement ou autrement ces biens apres la mort de l’ayeul ou ayeule.

Des Créanciers ne pourroient pas s’oppofer à la profefsion Religieuse que leur débiteur voudroit faire, sous prêtexte qu’il avoir une elperance d’une succession, & sur les biens & effets de laquelle succession ils seroient payez, & laquelle passeroir par cette mort civile à ses enfans à leur préjudice ; Arrest du même Par-lement, du 6. Fevrier 1643.

Les Créanciers qui se font subroger à une succession à laquelle leur débiteur avoit renoncé frauduleusement ou autrement, & qui acceptent cette succession au lieu & place de leur débiteur, ne sont tenus envers tous les Créanciers, que jusqu’à dûe concurrence des forces de la succession, ou pour mieux dire, des biens ; en faisant faire toutefois bon & loyal inventaire des meubles, titres, papiers & enseignemens pour conslater les forces de la succession, faute de quoi ils peurroient être poursuivis in totums & in soliadum, parce qu’on pourroit dire qu’il se sont appropriez les biens & effets de : la succession ainsi un inventaire seroit un acte de précaution ; d’oûvient qu’un légataire universel, un Seigneur qui appréhende une succession par droit de desherence, ou un confiscataire, ne doivent jamais manquer de faire faire un inventaire, afin de n’être pas tenus aux dettes du défunt, au-de-là de la valeur de la succession & des biens.