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ARTICLE CCCXXX.

Q Uelque accord ou convenant qui ait été fait par Contrat de mariage, & en faveur d’icelui, les femmes ne peuvent avoir plus gran-de part aux conquêts faits par le mari, que ce qui leur appartient par la Coutume, à laquelle les contractans ne peuvent déroger.

C’est une Jurisprudence constante du Parlement de Roüen, & de tous les Tribunaux de la Province de Normandie, que soit que le Contrat de mariage fait été passé en Normandie, & entre personnes nées où domiciliées en Normandie, ou qu’il soit passé ailleurs où la Coûtume seroit en ce point differente, comme à Paris, la femme ne peut avoir plus grande part dans les conquêts faits pendant le mariage, & situez en Normandie, que ce qui lui est donné par la Coutume de Normandie, queique accord & quelque Convention qu’on puisse faire au contraire par le Contrat de mariage, & que toutes les clauses & stipulations contraires & dérogatoires à cet Article de notre Coûtume, sont nul-les : Voilâ la maxime en Normandie, & de tous les Tribunaux de Normandie.

Mais si une pareille contestarion étoit portée au Parlement de Paris, comme il est arrivé plusieurs fois, elle seroit jugée autrement ; on suivroit la clau-se de dérogation à la Coûtume de Normandie, portée par le Contrat de mariage, & la femme n’auroit pas moins son droit de communauté en pleine pro-prieté dans les immeubles acquis pendant le mariage & la communauté en Normandie, qu’elle auroit dans les immeubles situez dans la Coutume de Paris, principalement si les futurs époux avoient lors de leur mariage leur veritable domicile à Paris.

Il y a sur cette question, entre autres Arrêts, un Arrêt notable du Parlement de Paris, du 1s Août 1635, sur les Conclusions de Monsieur l’Avocat General Bignon en la grande Chambre, par lequel il a été jugé que des personnes de Normandie, contractans mariage à Paris, avec soûmission à la Coutu-me de Paris pour les conventions, & avec dérogation à la Coûtume de Normandie, il y avoit communauté de biens, non seulement pour les biens de Paris, mais encore pour les biens de Normandie, & que pour dissoudre cette communauté des biens de Paris ou de Normandie, il falloit suivre les formalitez prescrites par la Coutume de Paris, même pour en empécher la continuation ; cet Arrêt est rapporté parDufresne , Journal des Audiences, liv. 8. chap. 23.

Monsieur Turgot, Conseiller d’Etat, d’une part, & Messieurs ses enfans, d’autre. Le Parlement de Roüen n’admettroit pas, même dans cette espece, une communauré des biens qui auroient été acquis en Normandie pendant & constant le mariage, à cause de la prohibition de communauté portée par notre Coûtume ; c’est pourquoi, il est bien important aux Parties de se procurer le Tribunal qui leur sera le plus favorable dans une pareille contestation ; car ceux qui la gagneroient au Parlement de Roüen, ou autres Tribunaux de la Province de Normandie, la perdroient au Parlement de Paris & autres Tribunaux qui se conforment à la Jurisprudence du Parlement de Paris. Le Parlement de Paris régarde en ce point, que la stipulation de communauté de biens, portée par un Contrat de mariage passé à Paris, emporte une communauté par tout & en tous lieux où il le fait des acquisitions pendant le mariage & la communauté, nonobstant que la Coûtume où sont faits les acquêts, soit contrai-re, même prohibitive de la communauté, & qu’on peut par le Contrat de mariage déroger à cette Coûtume ; mais le Parlement de Roüen pense & juge le contraire, & telle est la Jurisprudence certaine de toute la Province, comme ainsi qu’une femme mariée en Normandie, & dont le Contrat de mariage a été passé en Normandie, avee soumission à la Coûtume de Normandie pour toutes les acquifitions qui seroient faites pendant le mariage par les futurs conjoints, & dérogation à toutes autres Coûtumes, ne pourroit prétendre aucen droit de communauté qu’aux termes de la Coûtume de Normandie, même par rapport aux acquisitions faites dans une Coûtume qui donne pieine communauté à la femme, comme la Coutume de Paris.

Quoiqu’aux termes de cet article, il ne soit pas permis par aucune clause d’un Contrat de mariage de donner à une femme plus grande part dans les conquers, que celle qui lui est donnée par la Coûtume, on peut néanmoins stipuler par le Contrat de mariage, que la femme n’aura rien dans les conquêts, soit en proprieté ou en usufruit, même la faire renoncer aux droits de conquêts, ou qu’elle y aura moins que ce que la Coûtume lui donne ; Arrest du Parlement de Roüen, du 4 Juiilet 16 : 2.

D’un autre côté, une femme pourroit valablement stipuler par son Contrat de mariâge, que les meubles, deniers comptans & effets mobiliers qu’elle apporre à son mary en mariage, seront employez & remplacez en une certaine qualité de biens, dans lesquels elle auroit le drdir de conquêts, le plus avantageux de la Coûtume, sans pouvoir cependant siipuler, que son mari seroit te-nu de faire en Bourgage toutes les acquisitions qu’il feroit pendant le mariage ; cette stipulation ne vaudroit rien, parce que ce seroit se donner, contre la prohibition de la Coûtume, une plus grande part dans les conquêts qui seroient faits pendant le mariage, qu’il ne lui en est donné par la Coutume, & qui est prohibitive en ce point.