Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


ARTICLE CCCXXXVII.

L E fils aîné au droit de son aînesse peut prendre & choisir par préciput tel Fief ou Terre noble que bon lui semble, en chacune des successions, tant paternelles que maternelles.

C’est ici où la Coûtume generale marque quel est le droit d’ainesse du fils ainé dans les Fiefs nobles, en quoi il consiste, sur quels héritages & dans quelles successions il se prend. Le droit d’ainesse n’est pas seulement un droit honorifique, il est encore utile, Le droit d’ainesse appartient au fils ainé de la maison, ou à ses enfans & répresentans, mâles ou femelles ; c’est done l’ordre de la naissance, qui presente le fils ainé à la C-utume, pour lui accorder le droit d’ainesse.

Dans nôtre Coûtume, le droit d’ainesse est la faculté donnée au fils ainé de prendre & choisir par préciput tel Fief ou Terre noble qu’il juge à propos en chaque succession, tant de pere que de mere, à la charge par lui en faisant cette option, de prendre un Fief dans chaque succession, s’il y en a dans l’une & dans l’autre, & de laisser & abandonner à ses puinez le reste de toute la succession, même de contribuer au mariage avenant des soeurs, s’il y en a, & qui n’ayent point été matiées du vivant des père & mêre.

Le droit d’ainesse n’empéche pas que les pere, mere, ayeul ou ayeule, ne puisse disposer de leurs biens, de les changer de nature, même les aliéner au préjudice du droit d’ainesse, nonobtant que par là, ils ôtent le droit d’ainesse au fils ainé ; Arrest du Parlement de Normandie, du 2o Juillet 1629. Mais d’un autre côté, il leur est permis d’accroître & augmenter le droit d’ainesse par la réunion de plusieurs Fiefs en un seul, sans que les enfans puinez puissent se plaindre de cette réunion, sans cependant que les pere & mere puissent par donation entre-vifs, ou à cause de mort, même par Contrat de mariage, ou autrement, faire des avantages aux puinez, au préjudice du droit d’ainesse, ni faire passer le droit d’ainesse à un dés puinez, au préjudice du fils ainé ; parce qu’il ne leur est pas permis de charger l’ordre de la nature, quand même il se trouveroit des défauts & imperfections dans la personne du fils ainé, il sufsit qu’il soit capable de succeder : Si néanmoins la donation du Fief étoit faite en faveur d’un étranger, elle seroit valable.

Le fils ainé, quoique majeur, ne peut valablement vendre, céder, transporter, donner ni renoncer à son droit d’ainesse, du vivant de ses pere & mere, même en faveur de son frere puiné, quand, même cette vente, cession, transport, donation ou renonciation, seroit faite en faveur & par Contrat de ma-riage du puiné.

La donation faite par un pere ou une mére d’un Fief ou autre chose, en avancement d’hoirie, à leur fils ainé par Contrat de mariage ou autrement, n’ôte point au fils la faculté de choisir de nouveau, aprés la mort du pere ou de la mere qui aura fait la disposition, un autre Fief par préciput, en rapportant par lui à la succession lors du partage le Fief ou autre chose à lui donnée en avancement de succession ; ce qui même auroit lieu nonobstant le partage qui au-roit été fait des biens de la suecession du vivant du pere ou de la mere, & lors duquel partage le fils ainé avoit choisi un Fief par préciput ; car en ce cas, il seroit permis au fils ainé de provoquer & demander un nouveau partage, cette voye de droit seroit ouverte au fils ainé, sans même avoir besoin de Lettres de Relevement ou de Rescision contre son choix, option & acceptation ; mais en tant que besoin, il seroit plus sûr d’en prendre.

Aprés la mort du pere ou de la mère, par rapport aux Fiefs qui sont dans la succession de l’un où de l’autre, le fils ainé majeur peut vendre, céder, transporter, échanger, aliéner, donner & disposer de son droit d’ainesse, ainsi & de la manière qu’il le jugera à propos ; mais le choix & l’option que l’ai-né fait de prendre un droit d’ainesse & un préciput dans la succession échdé, doivent préceder les Actes d’aliénation, & il faut qu’il déclare avant toutes choses son intention ; car par nôtre. Coutume, il ne suffit pas au fils ainé, pour rendre une semblable aliénation valable, que le droit lui soit acquis par la mort de son pere ou de sa mere, & que la succession fût échûë, il faut en outre que comme le droit d’ainesse ou préciput est un privilege personnel & attaché à la personne de l’ainé, & qu’il n’est acquis à l’ainé qu’en vertu de son choix, option & déclaration, la déclaration de choix & d’option de la part de l’ainé, donne l’effet à l’alienation, autrement l’aliénation deviendroit inutile si le fils ainé venoit à mourir sans avoir fait cette déclaration ; Arrest du même Parlement, du 21 Juillet 162x.

Le fils ainé en renontant à la succession de son pere on de sa mere, renonce pareillement au droit d’ainesse qu’il auroit eû dans cette succession, & ce seroit au second fils à qui passeroit le droit d’ainesse, comme le premier aprés le fils ainé, dans l’ordre de la naissance : mais si le fils ainé, aprés s’être porté héritier, renonce dans la suire volontairement & gratuitement à son droit d’ainesse, & ne veut point choisir de préciput, le Fief qu’il auroit eû droit de pren-dre par préciput, se met en partage avec les biens de la succession, sans néanmoins pouvoir le diviser, & sans que le second frere puisse le prendre par pré-ciput ; mais s’il y avoit dans la succession un autre Fief, le second fils le prendroit par préciput.

Lorsqu’il y a plusieurs Fiefs dans une même succession, le second frere peut aprés le choix, option & déclaration du fils ainé sur le Fief qu’il entend prendre puur son droit d’ainesse & préciput, choisir un autre Fief pour son préci-put, ainsi des autres puinez, tant qu’il y aura des Fiefs dans la succession ; & même dans ce cas, les puinez ne sont pas obligez pour pouvoir choisir un Fief, d’attendre que leur frère ainé ait fait son choix, option & déclaration, ils peuvent faire leur choix, encore que leur freère ainé n’ait point fait sa déclaration & son choix, pour le Fief qu’il entend prendre pour son droit d’ainesse.

En coneurrence de deux fils ainez, l’un né avant le mariage, mais légitimé par le subsequent mariage, l’autre né pendant le mariage, le fils ainé né pendant le mariage sera préferé au fils ninéné avant le mariage pouu le droit d’ai-nesse, à cause de la naissance du fils ainé, né pendant le mariage, au lieu que le fils ainé, né avant le mariage, est un enfant de débauché & de libertinage.

Le fils ainé du fils ainé, a le même droit d’ainesse, qu’auroit eû son défunt peère dans la succession.

Le droit d’ainesse a lieu sur les Fiefs & Terres nobles tenuës du Domaine du

Roy par engagement au jour de la succession ouverte ; & lorsque dans la suite & depuis le choix & l’option du fiis ainé, même avant le partage fait. & par-fait des biens de la succession, il plait au Roy de retirer son Domaine engagé, & de rembourser le prix de son engagement, les deniers provenans de ce remboursement, appartiennent au fils ainé, jusqu’à concurrence de son droit d’ai-nesse & préciput, qu’il avoit opté & pris dans les Fiefs engagez, sans que les puinez puissent prétendre que ces deniers doivent être partagez par égale portion comme un effet mobilier ; de sorte que si tout le Fief engagé appartenoit à l’ainé lors du remboursement, tout le prix du rembour sement appartiendroit à l’ainé, parce que le droit étoit acquis au fils ainé, sur les Fiefs du juur de T’ouverture de la succession & de somchoix, option & déclaration.

Il faut dire la même chose des Fiefs, & Terres nobles tenuës & possedées par Contrat de vente à faculté de remerer ; car si lors de l’option ; choix & déclaration faite par le fils ainé, & lors du parrage, la faculté de remerer est exercée, les deniers provenans du reméré & du remboursement du prix de la vente, appartiendront à l’ainé, jusqu’à concurtence de son droit d’ainesse & préciput.

Le Fief que le fils ainé a droit de prendre dans chaque succession, tant paternelle que maternelle, n’est pas un préciput, ni un avant-part, c’est la portion néreditaire du fils ainé, & en prenant ce préciput, il est tenu d’abandonner tous les autres immeubles de la succession, tels qu’ils soient, nobles, roturiers, en Bourgage, en franc-aleu, rentes & tous autres immeubles à ses freres puinez, sans y pouvoir rien prétendre directement ni indirectement ; & même il doit contribuer aux dettes de la succession, pro modo émolumenti seulement, de sorte que si tous les biens de la succession consistoient en un seul Fief, l’ainé qui auroit déclaré & opté le prendre, en payant le tiers à vie aux cadets, payeroit lui seul toutes les dettes de la succession, generalement quelconques, & le tiers à vie des cadets, ne contribuéroit qu’aux interêts ou arrerages du tiers des dettes, si les dettes portoient des interêts ou arrerages, & le fils ainé payeroit en outre le mariage avenant des filles.

Le fils ainé, outre & par-dessus le Fief qu’il choisit pour son préciput & droit d’ainesse, prend une part égale avec ses puinez dans les meubles & effets mobiliers.

Des que le fils ainé majeur a une fois choisi, opté & pris un Fief pour son droit d’ainesse & préciput, il ne peut plus varier ni changer de volonté & de sentiment, à moins qu’il n’y eût eu une erreur ou lésion notable du dol, & une tromperie manifeste dans son choix & option ; & même si son Tuteur avoit fait le choix & option, il ne pourroit pas, devenu majeur, revenir contre aprés dix années de sa majorité ; mais s’il venoit dans les dix ans, & qu’il fit voir qu’il a été trompé & lésé par le choix & l’option que son Tuteur avoit faite du Fief que ses cadets veulent qu’il lui demeure, il seroit restituabie & il seroit admis à faire un nouveau choix & une nouvelle option, & à demander un nouveau parrage ; mais toûjours faudroit-il en tant que besoin des Lettres du Prince, de Relevement ou de Restitution, parce que factum Tutoris factum pupilli, du moins cette voie seroit plus sûre.

Le droit de choix & option du fils ainé passe à ses héritiers dans les successions directes, mais non à ses créanciers ni au Fisc, subrogez à ses droits ; car le droit d’ainesse n’appartient point aux créanciers du fils ainé, ni au Fise, à moins que le fils ainé n’eût fait avant sa mort sa déclaration qu’il optoit, choisissoit & prenoit un tel Fief pour sa portion héreditaire ; ce seroit en ce cas un droit qui seroit in bonis du fils ainé, & qui seroit acquis à ses créanciers & au Fise par sa mort ; c’est tout comme si au jour de son déces, il eût été propriétaire & possesseur actuel du Fief qu’il avoit déclaré choifir & prendre pour son droit d’ainesse & préciput.

Il est permis à la vérité, au fils ainé de prendre & choisir un Fief pour sa portion héreditaire dans chaque succession paternelle & maternelle, du pere, de la mere, ayeul ou ayeule, & autres ascendans tant paternels que maternels, lorsque les successions ne sont point confuses, & qu’elles sont au contraire distinctes & séparées, mais il ne peut avoir deux droits d’ainesse & préciput en

Chaque succession, dans une feule & même Coûtume ; ainsi si la succession est pouverte., & les Fiefs situez dans la Coûtume generale, il faudra regler le droit d’ainesse sur la Coûtume generale ; si au contraire la succession est ouverte dans la Coûtume particulière de Caux, & si les Fiefs y sont situez, l’ainé y prendra son droit d’ainesse suivant qu’il est réglé par la Coûtume particulière de Caux ; d’où vient que s’il y a des Fiefs dans ces deux Coûtumes, l’ainé pourra prendre un précipur dans le Fief situé dans la Coutume generale, & un préciput dans le Fief situé duns la Coûtume particulière de Caux.

En succession collaterale, le frère ainé a aussi la faculté de choisir & prendre par préciput le Fief qui se trouvera dans la succession : & si cette Iuccession se partage par droit de répresentation & par souches, les puinez d’une souche ne peuvent empécher que leur ainé ne choisisse un des lots, dans lequel il y aura un Fief, dans le dessein de le prendre par préciput, encore bien que ce lot ne consistat que dans ce Fiefs Arrest du même Parlement, du 1s Juin 1595.

Le droit d’ainesse n’est ouvert que par la mort naturelle ou civile des pere, mere ou autres ascendans, ou autre parent collaterale.