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ARTICLE CCCLXXXII.

H Omme ayant eu enfant né vif de sa femme, joüit par ususruit tant qu’il se tient en viduité de tout le revenu appartenant à sadite femme lors de son décès, encore que l’enfant soit mort avant la dissolution du mariage ; & s’il se remarie, il n’en joüira que du tiers.

Voici un droit bien considérable que la Coûtume donne à un mari ; ce droit s’appelle Droit de viduite, qui est qu’un mari qui a eu un enfant, mâle ou femelle de son mariage, joüit pendant sa vie de tous les biens de sa femme en usufruit, & en fait les fruits siens, s’il ne se remarie point, & s’il se remarie, du tiers, encore même que l’enfant vient à déceder avant la dissolution du mariage, de quelque nature que soient les biens, meubles & immeubles, nobles ou roturiers, en franc-aleu ou en bourgage, propres ou acquêts, & de tous autres.

Mais ce droit de viduité ne s’étend que sur les biens situez en Normandie, & non sur ceux situez dans une autre Coûtume où le droit de viduité n’auroit pas lieu ; c’est pourquoi le mari n’auroit point droit de viduité sur les biens de sa femme, femme, fituez en Normandie, & aliénez par la femme duëment autorisée par son mari, & dont le prix a été remplacé & employé en acquisitions d’autres héritages, & immeubles situez dans l’etenduë d’une Coutume différente en ceci à la nôtre ; mais d’un autre côté, le mari auroit droit de viduité sur les biens de sa femme, fituez en Normandie, acquis du prix & des deniers provenans de la vente & aliénation duëment faite par la femme, de biens qui lui appartenoient dans une autre Coûtume ; & cela parce que les biens acquis & rempla-cez sont situez dans l’etenduë de la Coûtume de Normandie, où le droit de viduité est reçû-Mais pour que le mari ait droit de viduité, il faut deux choses ; l’une, que son mariage fût légitime & valable ; l’autre, qu’il soit sorti un enfant de ce mariage, qui ait eu vie ; car s’il étoit mort né ou né mort, cet enfant ne seroit com-pté pour rien & ne donneroit point le droit de viduité au pere : si néanmoins l’enfant étoit né avant le mariage, & qu’il eût été légitimé par le mariage subséquent de ses pere & mere, cet enfant produiroit le même effet pour donner le droit de viduité au pere, que si cet enfant étoit né pendant le mariage C’est assez qu’il soit sorti un enfant vif du mariage pour donner ouverture du droit de viduité, sans qu’il soit nécessaire qu’il survive sa mere ; car qu’il vive ou qu’il meure, c’est chose indifferente au droit de viduité.

Le mari ne perdroit point son droit de viduité par la séparation de corps & d’habitation, ou de biens seulement de la femme ; Arrest du Parlement de Roüen du 22. Decembre 1636. Mais les Créanciers du mari ne pourroient pas, comme exerçant les droits de leur débiteur, jouir des biens de la femme, qui étoit au pour de son décés séparée d’avec son mari, les enfans joüiroient seuls des biens de leur mere, au préjudice des Créanciers de leur pere, parce qu’en ce cas le droit de viduité est personnel au mari ; il est même permis au pere de renoncer, ceder & remettre son droit de viduité à ses enfans, au préjudice & même en fraude de ses Créanciers, quand bien même cet usufruit seroit saisi réellement ou autrement par les Créanciers au tems de la renonciation, cession & remise ; Arrest du même Parlement, des 17. May 1634. & 15. Juiller 1660. & art. 77. du Reglement de 1666. Mais si cette cession étoit faite par ce mari à ses héritiers collateraux ou à ceux de sa femme, elle ne pourroit nuire ni préjudicier à ses Créanciers, qui auroient fait saisir cet usufruit avant la cession.

Le droit de viduité n’a lieu que sur les biens qui se trouvent au jour du déces de la femme, & non sur ceux qui peuvent écheoir aprés saimort & de son chef, côté & ligne ; Arrest du même Parlement, des s. Aoust re7, & 17. May 1672.

Le père en se remarlant ne perd pas son droit de viduité en entier, il le perd seuleient pour les deux tiers, & son droit est reduit à un tiers de son usufruit, & les deux autres tiers passent aux héritiers de la femme, soit ses enfans, soit ses héritiers collareraux ; & si le mari s’est remarié, en ce cas pour regler la joüissance des biens par droit de viduité entre le mari & les héritiers de la femme, il faudra faire deux lots pour en idonner un au mari pour son tiers, & l’autre à tous les héritiers de la femme, qui contiendra les deux autres tiers ; & c’est au mari à faire les lots ; Arrest du même Parlement, du 19. Juillet 163s.

L’esperance du droit de viduité ne lie point les mains à la femme, & ne la met point dans l’interdiction de pouvoir vendre, aliéner, engager, hypote quer & disposer de ses biens, tant par actes entre-vifs que par actes à cause de mort ; le tout dans les termes de droit & en gardant les formalitez requises pour la validité des alienarions & dispositions que peut faire une femme en puissance de mari ; parce que le droit de viduité du mari ne se prend que sur les biens qui se trouvent apparrenir à la femme au jour de son déces ; ensorte que si la femme n’a aucuns biens au rems de sa mort, le droit de viduité du mari deviendra inutile.

Lorsqu’il n’y a point eu d’enfant nez vifs d’un mariage, & que la femme meurt avant que les fruits de ses immeubles soient ameublis par la Coutume, le mari gagne seulement les fruits à proportion du rems de l’année du décës de la femme, comme dans le cas du droit de viduité, qui donne aux héritiers du mari les fruits des biens dont le mari joüissoit, à proportion de la joüissance du mari qui décederoit avant le tems auquel la Coûtume ameublit les fruits pendens par les racines & aux arbres ; Arrest du même Parlement, du 17. Iuillet 16é4.’il y a contestation pour sçavoir si l’enfant dont la femme est aecouchée, est né vif, ou né mort, c’est au mari à prouver le fait ; mais dans le doute, aprés avoir bien consulté les Medecins & Chirurgiens, qui à proprement parler sont les véritables Juges d’une pareille contestation, il semble qu’il faudroit déciter que l’enfant étoit né vif, & non mort ; ces sortes de contestations sont bien délicates, d’ailleurs un mari est toujours favorable : Quoiqu’il en soit, un enfant qui seroit né monstre, ne pourroit donner le droit de viduité au mari Si par le Contrat de mariage il étoit dit, que le mari n’auroit aucun droit de viduité sur les biens de la femme, la convention seroit valable, & elle auroit son execution contre le mari.