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ARTICLE CCCXCI.

A Venant la mort de la femme séparée quant aux biens d’avec son mari, ses meubles appartiennent à ses enfans ; & si elle n’en a, ils doivent être employez à la nourriture du mari & acquit de ses dettes

Comme dans notre Coutume il n’y a point de communauté de biens, ni legale ni conventionnelle entre mari & femme conjoints par mariage, il sem-bloit que la femme pour se mertre à couvert des dettes de son mari, n’avoit pas besoin de se faire separer de biens d’avec lui, ni de renoncer à la succession de son mari ; cependant il en est autrement, parce que du moment qu’elle prend part dans les meubles & conquêts immeubles faits pendant le mariage, & que le mari joüit de son bien par la feule qualité de mari, & en reçoit ie revenu sur ses propres & seules quittances, ael susiinendae onera natrimonii, elle ne peut reprendre la pleine joüissance de son bien, & se garantir des dettes de son mari, qu’en se faisant separer de biens d’avec lui pendant son mariage, ou de renoncer à la succession de son mari aprés son déces, dans le tems preserit par la Coûtume, en faisant bon & loyal Inventaire, & en justice reglée ; mais apres ces formalitez, la femme reprendra sa dot, son doüaire & autres conventions matrimoniales, & rien dans les meubles & conquêts immeubles, à moins qu’elle ne se les fit adjuger sur & tant moins de la restitution de sa dot & reprises elle ne sera point de plus tenuë des dettes du mari ; & c’est dans ce cas, que les meubles de la femme, aprés sa mort, appartiennent à ses enfans si elle en a, n’importe de quels mariages ils soient ; & si elle n’en a puint, ils seront einployez à la nourriture de son mari & à acquitter les dettes, rant de la femme que du mari ; sans que le mari puisse profi er des meubles de la femme, qu’il n’ait préalablement acquitré les dettes mobiliaires que devoir sa femme au jour de son déces ; Arrest du même Parlement, du 21 Juin 1625 ; mais toûtours pro moda aenrolumenti, s’il a fait faire bon & loyal Inventaire, de sorte que dans ce cas, les les héritiers collateraux de la femme n’ont rien dans ses meubles, ils appartiennent en pleine proprieré au mari, jure mariti.

Il y a de deux sortes de séparations, l’une est la separation de corps & de biens, l’autre est la séparation de biens seulement.

La séparation de corps & de biens est ordonnée pour faits de sevices & maltraitemens commis par le mari en la personne de sa femme ; mais il faut que ces sortes de faits soient graves & non légers, & d’ailleurs bien prouvez par une plainte, information, rapport en Chirurgie & autres preuves résultanres d’une procédure extraordinaire ; car en Normandie la procédure civile n’a point lieu en séparation de corps & de biens.

Une accusation fausse & calomnieuse d’adultere d’un mari contre sa femme, & dans laquelle il auroit succombé, seroit une cause suffisante de séparation de corps & de biens, quand même il ne se trouveroit point d’autres faits de séparation.

La qualité des personnes est encore d’un grand poids dans les demandes en sparation de corps & de biens ; il faut des faits de sévices, bien plus graves pour produire cette séparation à une femme roturiere & simple bourgeoise, qu’à une Demoiselle & personne de conditions à Paris c’est le contraire, la demande en séparation de corps ou d’habitation & de biens, se forme par une action au Civil, s’instruit par une Enquête respective, & se juge civilement.

La folie, la lépre, ou si le mari étoit devenu punais, ces accidens & autres, pour lesquels il seroit impossible à la femme de demeurer & habiter avec son mari, seroient des causes légitimes à la femme pour se faire séparer de corps & de biens d’avec son mari.

La séparation de corps faite bonâ gratiâ, & volontairement entre le mari & la femme sans plainte, informations, procedures ni autorité de Justice, est nulle & ne peut subsister ; la demande en séparation de corps doit être instruite & jugée dans toutes les formes d’une accusation criminelle ; & s’il se fait quelquefois une transaction ou autre acte contenant une séparation, cette separation ne produira aucun effet, & elle ne durera qu’autant de tems que les parties, ou l’une des parties, le voudra.

La séparation de corps emporte celle de biens, La séparation de biens seulement, est pour cause de dissipation & mauvaise conduite du mari, lorsqu’il est obété de dettes, que ses biens sont saisis tant meubles qu’immeubles, & que vergit ad inopiam ; c’est par la voye civile & sur En-quêtes respectives, & autres preuves que se font & se jugent les séparations de biens, & avec les autres formalitez ordinaires.

Les femmes séparées de biens par leurs Contrats de mariage ou par Sentences doivent faire inscrire leurs noms dans un tableau étant dans l’etude des Notaires ou Tabellions, à peine de nullité de la séparation, ou du moins il faut que la séparation soit lüé aux Assises ; Arrests du Parlement de Roüen, des 7. Aoust 1637, & 1. Juin 1655. Si néanmoins la femme avoit fait faire un Inventaire ou état en bonne forme, des meubles & effets mobiliers par elle apportez en mariage, & annexée en la minute du Contrat de mariage, le défaut d’avoir fait ins-crire la séparation sur le tableau du Notaire ou Tabellion, ou de l’avoir sait publier aux Assises, ne seroit pas capable de donner atteinte à la séparation de biens ; Arrest du même Parlement, du 11. May 1657 ; & même par l’Ordonnance de 1673. au Tit. 8. il n’y a que les séparations, soit par Contrats de maria-ge, ou par Sentences & jugemens, des femmes des Marchands, Négocians & Banquiers, qui doivent être publiées & inscrites dans les Jurisdictions Consulaires ou dans les Hôtels de Ville, les séparations de toutes autres semmes ne sont point assujeties à cette formalité : cependant si une femme depuis sa séparation de biens, venoit s’habituer & demeurer en Normandie, elle seroit obligée de faire publier sa separation aux Assises, & la faire inscrire au tableau des Notaires ou Tabellions, autrement on n’y auroit aucun égard C’est un usage en Normandie d’obtenir par la femme des Lettres en Chancellerie pour se faire séparer de biens d’avec son mari ; usage cependant assez inutile, puisque la séparation de biens est une voye de droit, qui n’a pas besoin d’avoir recours à l’autorité du Prince.

Il n’est point douteux que les maris ne peuvent en aucun cas, ni pour quelque cause que ce soit, demander une séparation de corps & de biens, où de biens seulement, d’avec sa femme.

Il n’y a que les Juges Laies, tant Royaux que ceux des Seigneurs, chacun en droit soy, qui puissent connoître des léparations, soit de corps soit de biens, & non les Iuges Ecclesiustiques.

La femme en conséquence de sa séparation de biens, doit sur le Procés verbal d’exécution des meubles de son mari ou sur un inventaire, les faire vendre par un Huissier, & se les faire adjuger, en présence de son mari ou duëment appellé, même des Créanciers ; le prix de cette vente sera à imputer sur sa dot,, reprises & conventions matrimoniales ; & la femme commencera par prendreen essence, si elle le juge à propos, ses biens paraphernaux, qui sont les meubles servans à l’usage de la femme ; toutes ces formalitez sont absolument nécessaires pour donner effet à la Sentence de séparation, tant par rapport aux meubles que par rapport aux immeubles, & même sans cela les meubles seroient censez appartenir au mari.

En Normandie la seule séparation de biens fait ouverture au doüaire, mais il faut appeller les Créanciers dans la demande en séparation de biens.

La femme séparée de biens a seulement la joüissance & administration de ses biens, elle peut faire des baux & donner quittances aux Fermiers & debiteurs, sans avoir besoin de l’autorisation de son mari ; elle peut même sans autorité de Justice, & sans l’avis, consentement & autorisation de son mari, vendre, engager, aliéner & hypotequer ses meubles présens & à venir, & les immeubles par elle acquis depuis sa séparation, sans qu’il soit besoin d’en faire le remploi art. 126. du Reglement de 16b8 ; mais elle ne peut vendre ni hypotequer les inimeubles qui lui appartenoient lors de la séparation, ou qui lui sont depuis échus par succession, sans permission de Justice & avis de parens ; & néanmoins les Contrats qu’elle aura faits sans ladite permission, peuvent être exécurez sur le revenu de ses immeubles aprés qu’il sera échû & amobilié, art. 127. du même Reglement.

La femme séparée de biens d’avec son mari par son Contrat de mariage ou autrement, ne peut demander aux héritiers de son mari aucune part des meubles de la succession, ni aux acquêts que son mari a faits depuis leur séparation ; arr. 87. du même Reglement.

En Normandie une séparation de biens ne pourroit être retractée par aucun acte volontaire & du consentement mutuel du mari & de la femme, cette rétractation & révocation ne pourroient se faire qu’en Justice réglée & en con-noissance de cause, crainte des fraudes qui se pourroient pratiquer en pareils actes, principalement par rapport aux Créanciers du mari ou de la femme, mais quant aux héritiers du mari ou de la femme, ou de l’un & de l’autre, ils auroient de la peine à donner atteinte à une semblable révocation faite par acte où en Justice ; c’est aussi une chose qui se pratique journellement dans les Coûtumes où il y a Communauté de biens entre les conjoints par mariage, un mari & une femme peuvent y rétablir par un acte volontaire fait entre eux, la communauté qui avoit été dissoute par une séparation de biens ; pourquoi ne pas dire la même chose dans notre Coûtume ; où la femme ne prend à la verité rien dans les meubles & conquêts immeubles faits pendant le mariage à titre de commune, elle y prend une certaine part aprés la mort de son mari comme son héritière, mais elle perd ce droit par une séparation de biens ; ainsi par quelle raison ne pas pemmettre au mari & à la femme de remettre les choses comme elles étoient avant la séparation, sans que leurs Créanciers & encore moins leurs héritiers puissent s’en plaindre, eux d’ailleurs qui comme leurs héritiers sont tenus d’entrerenir leurs faits & promesses Les meubles de la femme séparée de biens, tant les meubles qu’elle avoit lors de son mariage, par sa qualité de femme séparée de biens par son Contrat de mariage, ou qu’elle s’est fait adjuger en conséquence de sa Sentence de séparation, ou qu’elle a achetez depuis sa séparation, appartiennent aprés sa mort à ses enfans, de quelques mariages qu’ils soient sortis, ou aux ensans de ses enfans, & si elle n’a point d’enfans, ses meubles doiyent être vendus pour les deniers en provenans, être employez à nourrir son mari & au payement de ses dettes, quand même le mari auroit d’ailleurs d’autres biens, même suffisans pour se nourrir & payer ses dettes, si la femme avoit des dettes de son chef ou comme obligée conjointement & folidairement avec sun mari, il faudroit pareillement les payer du prix de ses meubles ; Arrest du même Parle ment, du 21 Juin 1625. De plus, si le mari ou sa femme n’avoient point de Créanciers, le mari ne profiteroit pas moins des meubles de sa femme, si au jour de son décës elle n’avoit point laissé d’enfans ; il y a davantage, c’est que le mari en prenant les meubles de sa femme, ne seroit obligé à ses dettes que jusqu’à la coneurrence de la valeur des meubles, pourvû toutefois qu’il en ait fait inventaire, bon, loyal & sidele, sans quoi il seroit tenu de toutes les dettes mobiliaires, quand même elles excederoient la valeur des meubles ; & aprés s’être mis en possession des meubles, il ne pourroit plus les défaisser & les abandonner pour se mettre à couvert des dettes de sa femme, comme nous l’avons déja remarqué.