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ARTICLE CCCCVIII.

L Es remplois de deniers provenus de la vente des propres, ne sont censez conquêts, sinon d’autant qu’il en est accrû au mari outre ce qu’il en avoit lors des épousailles ; comme aussi les acquisitions faites par le mari, ne sont réputées conquêts si pendant le maria-ge il a aliéné de son propre, jusques à ce que ledit propre soit remplacé.

Le but que nôtre Coûtume a de conserver les biens dans les familles, & d’empécher qu’ils n’en sortent autant qu’il est possible, a donné lieu à cet article, qui reut que les remplois ou remplacemens en fonds d’héritages & autres immeubles, faits pendant le mariage, des deniers procédans de la vente des propres du mari, ne soient pas réputez conquêts, mais toujours propres jusqu’à concurrence des anciens propres, & qu’il n’y aura de conquérs que ce qui excedera les propres aliénez pendant le mariage ; de maniere que toutes les acquisitions que fait un mari pendant le mariage, ne sont réputez conquêts, que les propres du mari, aliénez, ne soient remplacez, quand bien même par le Contrat d’acquisition il n’y auroit point de déclaration que le prix de l’acquisition vient & procede en tout des deniers provenans de la vente & aliénation d’un propre du mari ; car il faut tenir pour certain dans nôtre Coutume, qu’il n’y a point d’acquéts ou conquêts, que les propres ne soient remplacez, pas même de meubles que les acquêts ou conquêts ne soient remplacez, ce qui n’a pas moins lieu à l’égard de la femme & ses héritiers, qu’à l’é-gard du mari & ses héritie rs.

La maxime, qu’il n’y a point d’acquêts ou conquêts que les propres alienez ne soient remplis & remplacez, n’a pas seulement lieu en faveur de la veuve, mais encore en faveur des héritiers aux propres, soit du mari, soit de la femme ; & ce sont les parens de côté & ligne d’où procedent les propres vendus & alienez, à qui appartient l’action en remploi ; car cette action en remploi est immobiliaire, & elle est ouverte aux héritiers des propresdu mari, non seulement contre la veuve, mais encore contre les héritiers des meubles & acquêts de la femme, ou à la femme & à ses héritiers, contre le mari ou ses héritiers ; car enfin il n’y a point d’acquêts ni conquêts dans une succession, que les propres alienez du mari ou de la femme, n’ayent été remplacez.

Les propres alienez doivent être remplacez au profit des héritiers aux propres, & au marc ou sol la livre, sur tous les acquêts immeubles ; & à faute d’acquêts, le remploi en sera fait sur les meubles ; art. 107. du Reglement de 1666. De manière que tout héritier aux propres, soit du mari, soit de la femme, peut demander tout le propre qui ne se trouve plus en nature dans la succession de celui ou celle dont il est héritier, sur les acquêts & conquêts, & faute d’acquêts ou conquêts sur les meubles.

Ceux qui sont obligez de souffrir ou faire le remploi, sont les maris, les femmes, & les héritiers des meubles & acquets, & les legataires universels & par-ticuliers.

Quoique l’héritier quant aux propres paternels, ou lIéritier quont aux propres maternels, puisse demander à l’héritier des meubles & acquêts le remploi des propres alienez, néanmoins si dans la succession, il ne se trouve ni meubles ni acquêts, ces differens héritiers ne fe peuvent demander entr’eux ni ni les uns aux autres le remploi ou remplacement du propre vendu & aliéné par le défunt ; car en ce cas ils prennent la succession en l’état qu’elle se trouve ; Arrest du Parlement de Roüen, du 31 Juillet 1627.

L’alienation des propres ne se fait pas seulement par la vente des héritages, rentes, Offices & autres immeubles, mais encore par l’hypoteque des immeubles, par le rachat ou amortissement des rentes, & en contractant des detres ou autres engagement ; & même encore bien qu’un Office eût été perdu faute par le mari d’avoir payé le droit annuel, & lequel étoit un propre du mari, le remplacement en seroit dû sur les acquêts ou conquêts de sa succession ; enforte que la veuve & les héritiers du mari ne pourroient rien avoir dans les conquêts, avant que le prix de l’Office n’eût été remplacé sur les acquêts ou conquêts ; Arrests du même Parlement, des 7 Juilier 1é6a & 22 Juin r673 ; tant il est vrai qu’on favorile toujours les héritiers des propres contre une veuve ou les héritiers des meubles & acquets, jusques-là qu’un legataire universel ne peut profter des meubles, que les rentes qui avoient été remboursées au Testateur, & qui lui étoient propres, n’eussent été remplies & remplacées sur les meubles à duë estimation ; Arrest du même Parlement, des 2o Août 1646, 27 Mars 1655. & S Juillet 1659, Le remploi ne se fait pas feujement des propres de souche, & qui ne sont échus que par succession directe ou colateralle, mais encore des acquêts que le mari avoit au jour de son mariage, & par lui alienez pendant son mariage ; & ces acquêts doivent être remplacez sur les conquéts faits pendant le mariage, avant que la femme puisse rien prendre sur les conquërs faits pendent le mariage ; Arrest du même Parlement, du 24 Juiller 166s ; mais cet immeuble ne seroit pas un propre dans sa succession, ni encore moins un propre de disposition, ce seroit un simple acquet à cet égard. La consignation que le mari fait par son Contrat de mariage sur ses biens, des deniers dotaux de sa femme, est répurée une alienation des propres du mari, à cause de l’’hypoteque formelle & speciale qu’il a contractce, dont les hé-ritiers aux meubles & acquêts, sont obligez de décharger les proptes ; & méme la veuve ne pourroit rien prétendre dans les conquéts faits pendant le mariage, qu’aprés que les deniers dotaux auront été pris dessus, & que les propres du mari n’en ayent été d’autant quirtent & déchargez.

La donation faite par le mari ou la femme pendant leur mariage, même une fondation de Messes, Obits ou autres Prieres, n’est point sujette à remploi & rempla-cement ; Arrests duimême Parlement, des s’Avril 1630 & ; Décembre 1661.

Les acquêts sont le premier sujet du remploi des propres, & on ne fait point gorter le remploi sur les meubles, qu’au défaut d’acquêts ; car il n’y a point d’acquêts que les propres ne soient remplacez.

L’action de remploi appartient à la femme contre le mari, & au mari contre la femme, & aux heritiers des propres contre les héritiers des meubles & acquêts du mari & de sa femme.

Il n’y a point de remplacemunt de propres situez en une Coûtume, & aliénez sur des acquêts situez dans une autre Coûtume, c’est-à-dire qu’on ne peut pas demander remploi des propres en Normandie, sur des biens situez dans une autre Coûtume ; par exemple dans la Coûtume de Paris, mais seulement sur les acquêts situez en Normandie s’il y en a, & s’il n’y en a point, ni de meubles, il n’y aura point de remplacement à demander ; Arrest du même Parle ment, du 28 Fevrier 1637.

Le remploi des propres alienez doit être fait suivant le prix du Contrat d’adienation, & non suivant la valeur du propre, au tems de la mort de celui ou de celle de la succession duquel ou de laquelle il s’agit, suivant le même Arrest du Parlement, du a8 Fevrier 1637.

Dans le remploi des biens de la femme, vendus par le mari, il est au choix de la femme & de ses héritiers de se contenter du prix de la vente, échange ou rente de la fieffe, ou de demander la juste valeur de ses héritages à son mari ou ses héritiers, & subsidiairement aux acquereurs & détempteurs ; art. 125. du Reglement de 1666.

Les héritiers aux meubles & acquêts, ou les legataires universels, qui n’auroient

point fait d’Inventaire, seroient tenus de remplacer le propre aliené de la personne de la succession de laquelle il seroit question, encore que la valeur du propre aliené excedût le valeur des meubles & acquêts de la succession ; Arrest du même Parlement, du is Décembre 1638.

Le remploi se fait seulement dans une succession échûë, & dont les biens se partagent entre differens héritiers, & non lorsqu’il n’y a qu’une sorte d’héritiers, comme en ligne directe où l’action de remploi n’a point lieu ; parce qu’en pareille succession, il n’y a point de differens héritiers, & que les propres alienez s’y prennent sur tous les biens de la succession generalement quelconques, ainsi l’action de remploi ne peut avoir lieu qu’en succession collaterale, ou entre mari & femme ou leurs héritiers.