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ARTICLE CCCCXII.

T Out Testament doit être passé pardevant le Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, en presence de deux témoins idoines, âgez de vingt ans accomplis, & non legataires ; presence desquels le Testateur doit déclarer sa volonté, & s’il est possible le dicter ; & après, lui doit être lû le Testament, presence de tous les dessusdits, signé du Testateur, s’il le peut faire, & si faire ne le peut, sera fait mention de l’occasion pourquoi il ne l’a pû signer ; même il sera signé desdits Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, & témoins.

Cet article prescrit les formalitez pour le Testament solemnel.

Il est bon d’observer à cette occasion que les formalitez requises par les Loix Romaines, pour la validité des Testamens, furent d’abord observées cn France, sous les premiers Rois de la premiere race.

Ces solemnitez donnerent souvent occasion auxhéritiers ab inteftus, de disputer les Legs pieux aux Eglises & aux Pauvres, en contestant la validité des Testamens ; mais pour obvier à ces contestations, les Peres du Concile de Lyon de l’an 567, & ceux du cinquième Concile de Paris de l’an 61s, déclarerent bons & yalables en faveur de ces Legs tous les Testamens, non seulement de tous les Evéques & Cieres, mais aussi tous les Testamens des Laiques, où les solemnitez requises par les Loix Romaines, auroient été obmises.

Depuis ces Conciles, chacun commença de tester à sa volonté, car en ce tems-là peu de gens mourroient sans faire des legs à l’Eglise ; & même par succession de tems, les legs pieux qui ne dépendoient au commencement que de la volonté des Testateurs, devinrent tellement forcez, qu’on alia jusqu’à refuser le Viatique & la Sépulture à ceux qui étoient décedez sans avoir fait quelque don à l’Eglise ; & par ce moyen la connoissance des contestations pour raison des Testamens, fût donnée au Juge d’Eglise ; & c’est à l’occasion de cette Iurisdiction, que les Papes se mélerent de prescrire des formalitez pour la confection des Testamens solemnels ; mais ces abus ont été réformez par les Loix & les Coutumes du Royaume.

On appelle Testament, un juste témoignage ou déclaration de nos dernieres volontez ; il y a en outre les Coüiciles ; mais parmi nous, on ne fait plus de différence entre ces deux actes de derniere volonté, sinon que le Testament précede ordinairement le Codicile, & que le Codicile n’est souvent qu’une addition, soit pour y augmenter, ou pour y diminuer, & quelquefois pour révoquer nôtre premiere voionté, ou pour la mieux expliquer, & la faire entendre.

Dans les Testamens, il y a deux choses à considerer, la forme & la matière : la foime, ce sont les formalitez preserites par la Coutume, pour la validité. des Testamens ; la matiere, ce font les biens dont on peut resser, & les autres choses dont on dispose, ou qu’on veut qui soient faites aprés sa mort ; car enfin la mort donne la consommation aux Testamens, & tant que le Testateur est wivant, c’est un Acte florant & incertain ; les personnes qui peuvent faire Testament, & les personnes en fayeur desquelles on peut tester suivant la Coutume, sont encore la matière des Testamens.

Dans nôtre Coutume, on ne connoit que de deux sortes des Testimeris, le Testament solemnel & le Testament olographe ; le Testament solemnel est celui qui est passé devant une personne publique, ou autre qui ait caractere pour le recevoir ; le Testament olographe est celui qui est sous signature privée, écrit, datté & sixné de la propre main du Testateur ; les Testamens nuneup atifs y sont inconnus ; car tout y doit être rédigé par écrit, sans quoi on n’a qucun égard aux dernieres voiontez, quand même elles seroient atrestées par le témoignage de témoins les plus irreprochables ; la preuve par témoins, n’est pas même recevable dans ce cas.

La forme du Testament solemnel est qu’il soit passe devant le Cuté ou son Vicaire, Notaire ou Tabellion, en la presence de deux témoins, que le Testateur déclare sa volonté en leur presence, qu’il dicte sa volonté s’il est possible, que le Testament lui soit lù en la presence du Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion & des deux témoins, que le Testateur le signe, s’il ie peut faire, & s’il ne le peut faire, il sera fait mention pourquoi il ne l’a pû signer ; finalement, que le Testament soit signé du Curé ou Vicaire, Notaire ou l’abellion.

Les témoins doivent être idoines, âgez de vingt ans accomplis & non Legataires ; les Religieux autres que les Religieux Curez, ne peuvent être témoins dans les Testamens, les Prêtres & Ecclesiastiques seculiers peuvent y être admis, mais non les femmes ; sur rout, il faut tacher que les témoins soient personnes dignes de foi & irreprochables ; c’est pourquoi toutes les personnes qui ne peuvent servir de témoins en jugement, & ausquelles on peut reprocter quelque nôte d’infamie de fait ou de droit, & que les Loix déclarent ne pouvoir prêter témoignage, ne peuvent être témoins dans les Testamens ; on pourroit se servir des parens du Testateur pour témoins, pourvû qu’ils ne fussent pas Legataires directement ni indirectement ; l’Executeur testamentaire pourroit être témoin s’il n’étoit point Legataire, Pour juger de la capacité des témoins, il faut seulement la considerer au tems que le Testainent est fait, & non au jour de la mort du Testateur.

Le nombre de deux témoins prescrit par la Coûtume, ne peut être diminué dans les Testamens, même en tems de peste, Les témoins doivent ausolument savoir écrire & signer.

Il n’est pas seulement permis aux Notaires ou Tabellions Royaux ou de Seigneurs, de recevoir les Testamens, mais encore aux Curez, soit Seculiers, soit Reguliers, où leurs Vicaires.

Il suffit que le Vicaire soit notoirement Vicaire, qu’il ait été établi Vicaire par le Curé de la Paroisse, & qu’il en ait fait publiquement les fonctions, pour pouvoir en l’absence de son Curé recevoir un Testament, sans qu’il soit nécesfaire en Normandie que le Vicaire ait des Lettres de Vicariat, enregistrées au Greffe de la Iurisdiction ordinaire Royaie.

Nul Ecclesiastique, tel qu’il soit, Seculier ou Régulier, autre que le Curé ou son Vicaire, ne peut recevoir des Testamens, à la reserve des Prêtres prépusez par l’Evéque ou ses Archidiacres pour la déserte des Cures pendant l’an-née du déport, parce qu’ils font en cela fonctions de Curez ; un Evéque pourroit aussi recevoir un Testament.

Les Curez ou Vicaires ne peuvent être témoins dans les Testamens qu’ils reçoivent ; mais si un Testamentqu’ils n’auroient point reçû contenoit des legs pieux à leurs Eglises, il ne pourroit pas être valablement contesté, sous prétexte que le Curé ou Vicaire auroit été témoin dans le Testament ; Arrest du Parlement de Roüen, du 28 May 1659.

C’est le Curé ou son Vicaire, ou le Notaire ou Tabellion du lieu du domiCile du Testateur, qui en general doit recevoir un Testiment ; cependant si le Testament d’une personne qui passeroit ou qui tomberoit malade en passant dans un lieu qui ne seroit point le lieu de son domicile ordinaire, étoit reçu par le Curé ou Vicaire ou le Notaire ou Tabellion du lieu, il ne seroit pas moins valable dans la forme que s’il avoit été passé par le Curé ou Vicaire de la Paroisse de la demeure ordinaire du Testateur, ou par le Notaire ou Tabellion du lieu dé son domic ile ; mais il ne seroit pas permis à un Curé ou Vicaire de recevoir un Testament hors l’etenduë de sa Paroisse, ni à un Notaire ou Tabellion d’en recevoir un hors le Ressort de son Notariat ou Tabellionage, à peine de nuslité du Testament.

Un Naraire ou Tabellion de Seigneur ne peut pas moins recevoir des Testamens dans l’etenduë de la Justice où il est Notaire ou Tabellion, qu’un Notaire ou Tabeilion Royal ; autrefois les Notaires Apostoliqueme pouvoient pas recevoir de Testament, mais aujourd’hui que presque dans tout le Royaume, par la volonté du Prince & Edits êmanes de son autorité Royale, ils ont les mêmes fonctions que les Notaires Royaux, ils peuvent recevoir des Testamens.

Les’uges, soit Royaux, même de Cours Souveraines, soit Juges de Seigneurs, ni les Secrétaires du Roi, n’ont pas le pouvoir de recevoir des Testamens ; il n’y a que les Secretaires d’Etat, qui peuvent recevoir les Testamens des Rois & des Enfans de France, mais non des Princes du Sang ; les Secretaires du Cabinet n’auroient pas le pouvoir des Secretaires d’Etat.

Les Cieres de Notaires ou de Tabellions sont absolument incapables de recevoir des Testamens, quand même ils feroient pour & au nom de leurs No-faires ou Tabellions.

Un Notaire ou Tabellion ne peut recevoir des Testamens dans lesquels il seroit Legataire, tant mediocre que fûr le Legs.

Il est nécessaire de marquer le lieu dans lequel le Testament solemnel a été passé, mais non à l’égard des Testamens olograpnes ; les Testamens doivent être dattez, même les Testamens olographes ; cependant quant à ces derniers, s’il n’y avoit que ce défaut de formalité, il seroit difficile de donner atteinte à un Testament olographe pour n’être pas datté, d’autant plus que le Testament ne reçoit son entiere perfection & sa cosommation que par a mort de ce-lui qui l’a fait, & lajour de la mort donne la date à un Testament olographe.

Les ratures, interlignes ou renvois qui seroient faits dans un Testament, seront approuvez par signature ou paraphe, même dans les Testamens olographes.

Le Testateur en faisant son Testament solemnel, doit déclarer sa volonté & la dicter mot pour mot en presence du Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion & de deux témoins ; de maniere que l’obmission du mot dicté seroir une nullité essentielle dans un Testament, à moins que le Testateur par l’érat de sa maladie, ne fût dans une impossibilité absolué de pouvoir arranger lui méme ses dispositions ; mais il faudroit faire mention expresse de cette impossi-bilité, à peine de nullité du Testament ; quoiqu’il en soit, si le Testateur étoit hors d’état de déclarer & faire entendre lui-même & par sa bouche ses dernieres volontez, il ne pourroit pas faire de Testament valable.

De plus, le Testament étant fait, il deit être lû en la presence du Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion & des témoins, sans cependant qu’il soit nécessaire de le rélire au Testateur ; mais il doit être fait mention qu’il a éte lû au Testateur en presence des deux témoins par le Curé ou Vicaire, Notaire on Tabeilion, qui l’a reçû, aussi à peine de nullité.

Enfin le Testâment solemnel doit être signé du Testateur, s’il sçait ou peut signer, sinon sera fait mention qu’il ne sçait ou qu’il ne peut signer, aprés en avoir été interpellé suivant l’Ordonnance ; ce défaut seroit une nulliré dans de Testament ; quant aux Testamens olographes, ce ne seroit pas assez qu’ils fussent écrits en entier de la main du Testateur, il faut nécessairement qu’ils soient signez de lui, autrement un pareil Testament seroit nul.

Toutes les formalitez prescrites par la Coutume pour les Testamens, sont de droit écrit, & on n’y peut déroger & contrevenir, quand même il s’agiroit de legs pieux, il faut les suivre à la lettre, & non par simples équivalens.

Comme tout Testament est révocable jusqu’à la mort du Testateur, il s’enfuit que le Testateur peut le revoquer par le moindre Acte qui contienne la révocation ; si cependant c’étoit par un autre Testament ou Codicile, il faudroit que ce dernier Testament ou Codicile fût parfait.

On Testament dure & subsiste tant qu’il n’est point révoqué, & tant que le Testateur est vivant il n’est point sujet à la prescription.