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ARTICLE CCCCXXII.

H Omme n’ayant enfans, peut disposer par testament ou donation à cause de mort, du tiers de ses acquêts & conquêts immeubles, à qui bon lui semble, autre toutefois qu’à sa femme & parens d’icelle, pourvû que le Testament ou donation soit faite trois mois avant le décès & qu’il n’ait disposé dudit tiers entre vifs.

On ne peut disposer des propres en aucune manière par Testament ou donation à cause de mort ; & à l’égard des acquets & conquéts, on n’en peut disposer que du tiers, pourvû toutefois & non autrement ; 10. Que le Testateur n’ait point d’enfans ou descendans d’eux, mâles ou femelle, au jour de de son décés. 2o Que cette disposition ne soit point en favour de sa femme ni de ses parens, directement ni indirectement, ni par forme de fideicommis. 40. Que le Testateur ait vécu trois mois depuis son lestament ou donation à cause de mort. 40. Qu’il n’eût point disposé par donation entre vifs du tiers de ses acquêts & conquêts immeubles.

La faculté de pouvoir disposer du tiers de ses acquêts par Testament ou donation à cause de mort, n’est pas moins donnée aux filles majeures de vingt ans, ou à une veuve maieure de vingt ans, & qui n’a point d’enfans, qu’aux mâles non mariez, ou mariez mais qui n’ont point d’enfans au jour de leur déces.

Non seulement le mari ne peut léguer à sa femme ni à ses parens le tiers de ses acquets & conquêts immeubles, mais encore toute autre personne n’en peut disposer en faveur de l’un de les Eéritiers presomptifs aux acquers & conquêts immeubles, ainsi un des héritiers aux acquêts & conquêts immeubles ne peut être Légataire du tiers des aequêts & conquêts immeubles ; mais l’héritier aux propres pourroit être Légataire du tiers des acquêts & conquêts immeubles.

Les trois mois dont il est parlé dans cet article, courrent du jour de la date du Testament, soit qu’il soit passé devant un Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, ou qu’il soit Glographe ; ainsi tout Testament, même le Testament olographe, doit être datté, à peine du nullité : mais on ne seroit pas re-cevable à faire preuve par témoins que le Testateur avoit antidatté son Testatament olographe ; Arrest du Parlement de Roüen, du 21. suin 1622. & à l’égard des autres Testamens, il n’y auroit que l’inscription de faux à proposer pour attaquer la date d’un Testament.

La faveur des legs pieux portez par un Testament, dont le Testateur n’auroit pas survécu trois mois depuis qu’il l’a fait, ne pourroit pas fauver ce dé-faut, parce qu’il est essentiel ; puisque la Coûtume ordonne précisément qu’un Testateur qui dispose du tiers de ses acquêts ou conquêts immeubles, doit survivre son Testament trois mois, le tout à peine de nullité.

Une personne qui a son véritable domicile en Normandie, & dont les acquêts & conquêts immeubles sont en Normandie, faisant son Testament dans une Coûtume différente où le Testateur s’étoit trouvé à l’occasion d’affaires ou auggrement, les trois mois de survie ne sont pas moins requis pour la validité de la disposition du tiers des acquêts & conquêts immeubles, que si le Testament avoit été fait en Normandie, & c’est là le véritable esprit de notre Coutûme ; c’est pourquoi si on a jugé autrement dans quelque Cour autre que le Parlement de Roüen, on s’est écarté du sens litteral & de l’intention de la Coutume : ainsi on n’estime pas qu’il faille tirer à conséquence un Arrest du Parlement de Paris, du 20. Juillet 1686, qui a jugé qu’un Bourgeois de Paris, faisant son Testament à Paris, ne doit pas survivre trois mois son testament pour le faire valoir à l’égard des biens situez dans l’etenduë de la Coûtu-me de Normandie, qui demande par cet article ce tems de survie ; car cet Arrest est directement contraire à la disposition de cet Article & à la Jurisprudence des Arrests du Parlement de Roüen ; Taisan dans sun Commentaire sur la Coûtume de Bourgogne, art. 6. du titre 7. not. 2. rapporte un Arrest du

Parlement de Dijon, du 12. suin 1646. conforme à la maxime de Normandie.

Par cet Arrest le tems de survie de vingt jours-requis par la Coûtume Bourgogne, a été jugé nécessaire pour les biens, tant situez en Bourgogne que Ceux situez hors la Bourgogne, quoique le Testareur fût domicilié hors l’etenduë de la Coutume de Bourgogne, & que le Testament eût été fait lors l’éten-duë de cette Province.

Il faut que les trois mois de survie soient complets, il ne suffiroit pas qu’ils fussent commencez ; desorte que s’il manquoit un jour aux trois mois, le Testament seroit nul Me. Barthelemy Auxanet fait à ce sujet une remarque, qu’on croit ne devoir pas être omise ; il dit que la Coûtume de Normandie, qui commu-nément est appellée la sAce Coûtume, réprouve les Testamens, s’ils n’ont été faits trois mois avant le déces du Testateur, & que si dans les Coûtumes qui n’ont point pareille disposition ce tems paroissoit trop long, on pourroit le réquire à un autre tems plus court, comme de quarante jours, ou autre tems que l’on jugeroit à propos ; c’est dans ses Mémoires sur le mot des Testamens ; ce qui fait entendre que c’est une chose bien delicate qu’un Testament fait par un moribond, & qui ne survit sa dernière disposition que de quelques jours, de quelques heures, & quelquefois de quelques momens ; il est aisé de surprendre un testareur qui est dans cet état, & qui souvent n’a de connoissance que pour se plaindre des maux qu’il souffre. On a même vû des Testamens, Mû l’on a fait parler un Testateur comme vivant, quoiqu’il fût mort ; ce qui n’arriveroit pas, si la disposition de cet article de notre Coûtume avoit lieu dans les autres Coûtumes du Royaume.

Pour réduire le legs des acquêts & conquêts immeubles au tiers, il faut considerer les acquêts & conquêts immeubles du Testateur au jour de son déces, & non au jour & son Testament ; car un Testament n’est pas nulle pour avoir par le Testateur légué plus que le tiers de ses acquêts & conquêts immeubles, le legs tombe seulement en réduction ad legitimum modum, c’est-à-dire au tiers des acquêts & conquêts immeubles.

Des qu’on a disposé par donation entre vifs du tiers de ses acquêts & conquêts immeubles, on ne peut plus en disposer par Testament ou donation à cause de mort, d’aucune portion ; car on ne peut disposer que du tiers de ses acquêts & conquêts immeubles, tant par donation entre vifs, que par Testament ou donation à cause de mort.

Par Arrest du Parlement de Paris en la Grand : Chambre, du 3. Avril 1699. il a été jugé dans notre Coûtume, qu’un legs devant être réduit au tiers des acquets, dont on peut seulement disposer par Testament suivant cet article, le Légataire doit avoir sa récompense sur les autres biens dont le Testateur pouvoit disposer en totalité ou en plus grande partie, situez dans une autre Coûtume ; cet Arrest est rapporté dans le Recueil des Arresls notables, tom. 1. pag. 207. Cette décision seroit beaucoup de difficulté au Parlement de Roüen ; on ne pense pas pas même que cette Cour admit cette indemnité ou récompense, parce qu’elle paroit contraire à la disposition de cet article.