Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


ARTICLE CCCCXLIV.

DOnner & retenir ne vaut rien.

ARTICLE CCCCXLV.

D Onner & retenir, est quand le Donateur s’est réservé la puissance de disposer librement de la chose par lui donnée entre vifs, ou qu’il demeure en la possession d’icelle.

Nous mettons ces deux articles dans une même explication, parce que le dernier explique le premier.

Cette regle donner & retenir ne vaut rien, est tres ancienne en France ; elle est prise de l’ancien Droit Romain observé avant Julien, qui rendit le premier la Donation entre vifs, un Contrat : L. Si quis argentum, 8. sed & si quis, au Cod. de Donationibus ; car par l’ancien Droit Romain les Donations entre-vifs étoient nulles, lorsque le domaine de la chose donnée, n’étoit point transferé ; & quant aux Donations à cause de mort, le domaine en étoit acquis au Donataire sans tradition aprés le déces du Donateur ; & même en 316. l’Empereur Constantin assujetit les Donations à cause de moit à la formalité de la tradirion.

C’est sur ces principes que dans notre Droit Coutumier on a reçû la regle, que donner & regenir ne vaut, dans la vûë de rendre une Donation nulle quand I n’y a point eû de tradition ni de saisine pendant la vie du Donateur ; parce qu’une chose n’est point réputée donnée si elle n’est aliénée, & si l’acquereur n’en est en possession ; car quoique la Donation entre-vifs soit parfaite par l’acceptation du Donataire, & que le Donataire puisse obliger le Donateur à lui faire délivrance de la chose donnée, néanmoins sans la tradition réelle ou à titre de précaire & de constitut par le Donateur & de son vivant, le Donataire ne peut pas se dire le maître de la chose donnée.

Cependant par une exception, la regle donner & retenir ne vaut n’a point lieu dans les Donations faites en faveur de mariage & par Contrat de mariage, soit que les Donations soient faites par un des futurs conjoints à l’autre, ou à l’un & à l’autre réciproquement, soit que ce soit les pere & mere, parens, amis, ou autres étrangers qui donnent en faveur de mariage aux futurs époux.

Un Donateur est réputé donner & retenir, ro. Lorsque par l’Acte de Donation il se reserve la faculté de disposer librement & à sa volonté de la chose par lui donnée, ou qu’il demeure en possession de la chose donnée jusqu’à sa mort, à moins que sa possession ne soit à titre de constitut & précaire, ou à titre d’usufruit pendant la vie du Donateur. 26. Quand il a retenu par devers lui la mi-nute de la Donation. 30 Si la Donation est faire sous des conditions potestatives & dépendantes de la volonté dû Donateur, mais non si les conditions étoient purement casuelles.

Ce n’est point donner & retenir que de donner tous ses biens meubles, & le tiers de ses immeubles présens & à venir, tels qui se trouveroient au jour du décés du Donateur ; parce qu’encore bien que cette Donation soit une Donation entre-vifs, néanmoins l’effet en est suspendu jusqu’à la mort da Donataire ; de sorte que le Donataire n’a, à proprement parler, qu’une proprieté habituelle pendant la vie du Donateur, qui ne sera réelle & actuelle qu’au jour du décés du Donateur ; & une Donation de cette qualité n’a pas besoin de tradition du vivant du Donateur, soit tradition réelle & actuelle, ou fictive comme à titre de précaire & constitut ; d’autant que le Donateur est presumé n’avoir donné que ce qui se trouvera au jour de la mort du Donateur.

Ce n’est point pareillement donner & rerenir, lorsque le Donateur donne tous ses biens suivant la restriction de la Coûtume, & qu’il s’est reservé la faculté de pouvoir disposer d’une certaine somme, ni pareillement quand le Do-nateur donne une somme de deniers à prendre sur ses inmeubles, quoi qu’il n’y ait point de tradition de ces deniers, soit réelle, soit fictive, ni à titre de précaire & constitut.

Finalement une Donation faite avec réserve de pouvoir par le Donateur disposer librement de la chose donnée, outre qu’elle tombe dans la prohibition de donner & retenir, elle seroit nuile quand même le Donateur n’auroit point usé de sa saculté, soit parce qu’il n’a pas voulu disposer des choses données, soit parce qu’il ne l’a pû, en ayant été empéché par quelque cas & accident fortuit, comme seroit une folie, une démence, une interdiction, ou une mort subite & inopinée, d’autant que la Donation étoit essentiellement & radicalement nulle par la maxime que donner & retenir ne vaut.