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TITRE XVII. DES DONATIONS.

ARTICLE CCCCXXXI.

P Ersonne âgée de vingt ans accomplis peut donner la tierce partie de son héritage & biens immeubles, soit acquêts, conquêts ou propres, à qui bon lui semble, par donation entre vifs, à la charge de contribuer à ce que doit le donateur lors de la donation, pourvû que le Donafaire ne soit héritier immédiat du Donateur ou descendant de lui en ligne directe.

Toute personne majeure de vingt ans, mâle ou femelle, capable de contracter & disposer de son bien, peur donner par Donation entre vifs le tiers de ses propres & de ses acquêts & conquêts immeubles à qui bon lui semble, autre toutefois qu’à son heritier présomptif & immédiat ou descendant de lui en ligne directe ; de manière qu’on ne peut donner aucune portion de ses immeu-bies à son héritier présomptif & immédiat, soit en ligne directe soit en ligne collaterale ; & comme parle l’article 92. du Reglement de 166s, nul ne peut donner aucune part de son immeuble à ses descendans, mais bien aux descendans de son héritier présomptif & immédiat, soit en ligne directe soit en ligne collaterale ; mais ajoute l’article S3. du même Reglement, on peut donner partie des acquêts à celui qui est seulement héritier aux propres, & partie des propres à celui qui est seulement héritier aux acquêts ; le Parlement de Paris. avoit jugé la même chose dans nôtre Coutume, par Arrest du 23. Avril 1625. rapporté dans le Journal des Audiences, liv. 1. chap. 49. C’étoit une Donation faite par un frère à son frere uterin, d’un propre pûternel, encore bien que ce Donataire fut héritier immédiat du Donateur quant aux meubles & acquets conjointement avec le frère consanguin du même Donateur, qui contestoit la donation.

Ce ne seroit point un avantage indirect fait par un pere à un de ses enfans ; que le cautionnement qu’il auroit fait pour lui ; d’autant que ses cohéritiers dans la succession du pere, auroient une action contre l’enfant que le pere auroit. caurionné, pour leur apporter une décharge du cautionnement.

Or pour sçavoir si le Donataire est héritier immédiat du Donateur ou s’il ne l’est pas, il faut regarder le jour de la mort du Donateur, & non le jour de l’Acte contenant la donation.

Il suffit que le Donateur qui demeure & qui a son domicile en Normandie, ait vingt ans accomplis, pour pouvoir donner le tiers de tous ses immeubles, propres ou acquêts, nobles ou roturiers, situez en Normandie, par donation entre vifs, quand bien même les immeubles duDonateur seroient situez dans une Coûtume où les perfonnes ne sont majeures qu’à vingte cinq ans ; Arrest du Parlement de Roüen, du 4. Fevrier 16b6 ; parce que c’est-là une capacité personnelle, & qui suit la personne du Donateur par tout & en tous lieux : ce qui ôte l’espece présente de la maxime, que les Coûtumes sont réelles.

Il y a un cas où il est permis de donner, quoiqu’on n’ait pas vingt ans aeComplis, c’est une fille mineure de vingt ans qui se marie ; elle peut donner par Contrat de mariage à son futur Epoux le tiers de ses immeubles, pourvûqu’elle soir autorisée par ses parens, sans même que le decret du Juge soir en cela nécessaire, desorte qu’une telle Donatrice ne seroit pas restituable contre cette donation ; Arrest du même Parlement, du 23 Fevrier 1657.

Les furieux, les mineurs de vingt ans, les interdits, soit pour cause de démence ou de prodigalité, ceux qui ont commis un crime capital, & dont l’ac-cusation a été suivie d’une condamnation, les personnes mortes civilement & la femme non aurorisée par son mari, toutesces personnes-là, quoique majeures de vingt ans accomplis, ne peuvent donner aucune portion de leurs biens, me ubles ou immeubles ; de plus la femme en puissance de mari, ou séparée de biens d’avec lui, ne peut, même au rorisée specialement par son mari, donner aucune portion de ses propres, mais seulement le tiers de ses acquets immeubles ; Arrêts du même Parlement, des 30 May & 2y Juillet 1685.

Les Aubains ou Etrangers sont capables de donner entre vifs, mais non à Cause de mort ou par Testament ; ils peuvent aussi recevoir par Donation entrevifs, mais non par Donation à cause de mort ou par Testament.

On considere la capacité du Donateur & du Donataire, au tems de la Donation, & non au tems de la mort du Donateur & du Donataire.

Il faut que les vingt ans qui sont requis dans la personne du Donateur, soient & ecomplis, il ne suffiroit pas qu’ils fussent commencez ; car ce n’est pas ici le cas, non plus que pour les Testamens, que annus inceptas pro completo habetur.

Une Donation entre-vifs, qui excederoit le tiers des immeubles, tant propres qu’ac quêts, ne pourroit pas valider pour l’excedent du tiers par le con-sentément formel & par écrit de l’héritier présomptif du Donateur, cette Donation seroit toûjours reductible au tiers ; il en seroit de même, si l’héritiet avoit ratifié la Donation du vivant du Donateur, parce qu’il est à présumer qu’un consentement ou une ratification de cette qualité ne seroit pas libre ; mais il en seroit autrement, si l’héritier avoit ratifié la donation apres la mort du Donateur.

En Donation entre-vifs, le tiers des immeubles se regle au jour de la Donation, & non au tems du décës au Donateur ; c’est pourquoi le Donataire n’est tenu de contribuer qu’aux dettes contractées par le Donareur au jour de la Donation.

Une Donation entre-vifs du tiers des immeubles du Donateur sans aucune autre dénominatian, ne comprend que le tiers des immeubles que le Donateur possedoit au jour de la Donation ; mais quant à la Donation entre vifs du tiers de ses immeubles, presens & à venir, elle se regle sur les biens du Donateur au jour de son déces, & le Donataire contribuëra aun dettes contractées par le Donateur jusqu’au jour de fonéces, La Donation du tiers de tous les immeubles comprend tous les immeubles qu’à le Donateur, en quelque lieux qu’ils soient situez, pourvû néanmoins que par la Coûtume du lieu où les immeubles sont situez, il soit permis de disposer par Donation entre-vifs jusqu’à la tierce partie : mais si le Donateur avoit donné plus que le tiers de ses immeubles situez en Normandie, l’excedent du tiers ne pourroit être pris sur les autres biens du Donateur, situez dans une Courume qui ne borne point le pouvoir des Donareurs dans les Donations entre-vifs.

Le Donareur ne seroit pas recevable à demander lui-même la réduction de la Donation au tiers de ses immeubles, cette faculté est reservée à ses héritiers & ayans cû-se ; car ce seroit aller contre son propre fait, ce qui résiste aux maximes.

Tonte Donâtion entre-vifs d’immeubles, doit être acceptée par le Donafaire au moment & à l’instant de la Dunation, & en outre être insinuée dans le tems de l’Ordonnance à peine de nullité.

S’il y avoit plusieurs Donations entre vifs d’immeubles, lesquelles excederoient le tiers, les dernieres qui se trouveroient exceder le tiers, seroient nulles ; car quelques Donations qu’ait fait le Donateur, & en quelque nombre qu’elles soient, elles ne peuvent aller qu’au tiers des iniineubles, de sorte que dans ce chs, chaque Donataire ne contribuëra pas à la réduction, il n’y aura que le Donataire, qui malheureusement se trouve Donataire d’immeubles que le Donareur ne pouvoit pas lui donner, en ce qu’il avoit épuisé son pouvoir par les premieres Donations Si le Donateur n’avoit qu’un Fief pour tout immeubles, & qu’il en donnant le tiers du Fief en essence, parce que les Fiefs sont indivisibles ; eil pourroit seulement en demander le tiers en deniers suivant l’estimation qui en sera faite en la manière aecoûtumée.

Par Arrest du Parlement. de Paris, en la quatrième Chambre des Enquêtes, du 11 Août 168s, une Donation entre-vifs de la totalité d’une Terre, dont la valeur excedoit le tiers des biens du Donateur, mais faite à condition que le Donaraire auroit la faculté de payer au Donateur en argent comptant ce qui pourroit exceder le tiers des biens, dont il étoit permis au Donateur de disposer par Donation entre-vifs par cet article, fut confirmée par les offres du Donataire de payer en argent comptant cet excedent ; cet Arrest est rapporté dans le Journal des Audiences, tomt. 5. liv. 1. chap. 15.


ARTICLE CCCCXXXII.

N Eanmoins si le Donateur n’a qu’un héritier seul, il lui peut donner tout son héritage & biens immeubles.

La raison de cette disposition est qu’on ne peut pas dire que le Donateur a vantagé un de ses héritiers plus que l’autre, & qu’il faut garder l’égalité entre cohcritiers ; ainsi toute personne qui n’a qu’un seul & unique héritier pré-somptif, peut lui donner tous ses biens, meubles & immeubles, acquêts ou propres, nonobstant qu’on ne puisse donner aucune portion de ses immeubles à son héritier présomptif ou descendant de lui, tant en ligne directe qu’en ligne collaterale ; mais celui qui n’a point d’heritiers présomptifs, ne peut donner, soit entre-vils ou par Teslament, au-de-là de ce que pourroit donner celui qui auroit des heritiers ; art. 94. du Reglement de 1666. Et quoique le Donataire soit personne étrangere au Donateur, & nullement son héritier preésomptif, il ne peut avoir de sa Donation entre-vifs, que le tiers des immeubles du Donateur.


ARTICLE CCCCXXXIII.

E T s’il y a plusieurs héritiers, il leur peut donner à tous ensemble, mais ne peut avantager l’un plus que l’autre, comme a été dit cidessus.

Il faut que tous les héritiers présomptifs & immediats ayent une part égale dans la Donation, autrement le Donataire à qui il seroit donné plus qu’à l’autre, doit rapporter à l’autre son contingent dans les immeubles donnez ; car la Donation ne seroit pas en soi nulle, mais reductible à une portion égale. pour tous les Donaraires ; parce que des que le Donateur donne à tous ses héritiers présomptifs, il faur qu’il leur donne également, sans qu’il puisse avantager l’un plus que l’autre, soit qu’ils soient heritiers en ligne directe, soit qu’ils soient héritiers en ligne collaterale, ou de même ligne, & soit que le Donateur ait donné des propres, soit qu’il ait donné des acquets.

Si cependant il y avoit diversité de successions & de biens, c’est-à-dire s’il y avoit des héritiers présomptifs aux propres, & des héritiers aux acquêts, le Donateur pourroit donner de ses acquers à l’heritier aux propres, & n’en pas don-ner à Phéritier aux acquêts, ou à l’heritier paternel pendant qu’il ne donneroit rien à l’héritier maternel, comme il pourroit donner de son propre paternel à son héritier maternel, & de son propre maternel à son héritier paternel, sans que l’héritierâ qui le Donateur n’auroit point fait de liberalité, pût se plaindre de cette iné-galité, de sorte que dans tous ces cas, on peut être Donataire & héritier d’une lement on peut être Légataire & héritier d’une même personne en succession collaterale, non seulement lorsque les biens sont situez en differentes Coûtumes, mais encore lorsqu’il y a diversité de biens & de successions.

Il faut enfin obierver qu’en meubles & effets mobiliers, on peut en avantager un de ses héritiers plus que l’autre, & qu’on peut être Donataire de meubles & effets mobiliers, & héritier dans une même succession collaterale,


ARTICLE CCCCXXXIV.

L E pere & la mere ne peuvent avantager l’un de leurs enfans plus que l’autre, soit de meubles ou d’héritage, pour ce que toutes Donations faites par les pere ou mère à leurs enfans, sont réputées com-me avancement d’hoirie, réservé le Tiers de Caux.

Il n’est pas permis aux pere, mère, ayeul, ayeule ou autre ascendant, d’avantager par Donation entre-vifs, ou à cause de mort ou par Testament, directe ment ni indirectement, un de leurs enfans ou petits enfans, & descendans en ligne directe, habiles à succeder, plus que l’autre, soit de meubles, soit d’immeubles, tels qu’ils soient ; ils sont obligez de garder l’égalité entre leurs en-sans & descendans d’eux en ligne directe.

Toute Donation de meuble ou d’immeuble, faite par pere, mère, ascendant à leurs enfans, ou à l’un d’eux, est réputée faite en avancement d’hoirie ; c’est pourquoi il faut que le Don ataire rapporte à la masse de la succession tout ce qui qui a été donné, en cas que la chose donnée excede la porrion héreditaire du Donataire, soit qu’il accepte & vienne à la succession comme héritier & comme par-tageant, ou qu’il y renonce ; car dans notre Coûtume un Donataire en ligne directe ne peut pas se tenir au don qui lui a été fait, même pur Contrat de mariage, par son père, sa mere ou autre ascendant, pour se dispenser de rapporter.

Tout ce qui est donné en héritage & immeuble en ligne directe, est un propre en la personne du Donataire, & non un acquét.

Les fruits & joüissances d’héritages, & les arrerages de rentes qui auront été données en ligne directe, les pensions & nourritures ne se rapportent point ; Arrests du Parlement de Roüen, des 3 Fevrier & 27 Mars 1622, 28 Juin 623 & 9 Mars 1638, & art. 95. du Reglement de ré6s ; mais suivant ce même article du Reglement, ce qui en reste du lors de la succession échûë, ne peut être exigé par celui auquel le don avoit été fait, même en saveur de mariage, sinon la dernière année échüé au tems du décës du Donareur.

Il est permis au pere ou à la mere, en mariant une de leurs filles, de lui donner plus qu’à une autre fille, si les filles ne sont point héritieres du Donateur ou Donatrice, ce qui arrive lorsque ces filles ont des frères ; car dans ce cas là les pere & mere ne sont point tenus de garder l’égalité entre leurs filles.

La Donation ou remise faite par pere ou mere ou autre ascendant, du droit de Treizième ou autres droits Seigneuriaux utiles, ni la dépense faite par le pere ou la mere où autre nscendant pour la nourriture, entretien & éducation au College ou ailleurs, de l’un de leurs enfans, ne se rapportent point ; mais les habits de noces sont sujets à rapport.

Si un pere ou une mere avoit payé & acquitté les dettes de l’un des enfans, cet enfant seroit obligé d’en tenir compte à ses co-heritiers jusques à conenrrence de ce que les dettes acquittées excedent sa portion héréditaire, quand mé-me il renonceroit à la succession du donateur ; & s’il venoit à partage, il faudroit tout rapporter ou moins prendre ; Arrest du même Parlement du 1a May. 1638.

Le rapport n’a lieu qu’entre co-héritiers, ainsi les filles qui ne sont point héritieres, & qui n’ont point été réservées par leur pere ou mêre à leurs successions, ne sont point obligées de rapporter ce qui leur a été donné en mariage, & ce qui leur à été payé en deniers comptans, quoique ces deniers excedent de beaucoup leur légitime, qui auroit été leur mariage avenant si elles n’avoient pas été mariées du vivant de leur pere ou mere : mais si la somme qui avoit été promise en dot à la fille par ses pere & mere, ou par l’un d’eux, étoit encore duë lors de la succession ouverte du pere ou de la mere, qui auroit fait la promesse, ob si les pere & mere avoient donné à leurs filles des héritages ou autres immeubles en dot, excedans leur légitime, leurs freres pourroient faire ré duire cet avantage à la légitime des filles, qui est le tiers de la succession ; & en ce cas les soeurs seroient tenuës de rapporter l’excedent, quand même elles renonceroient à la succession, & qu’elles se tiendroient à leur don.

Le rapport à lieu entre les filies, lorsqu’à défaut de mâles elles sont seules heritières de leur pere ou mere, soit qu’elles ayent été mariées du vivant de leur pere ou mere, ou non ; & même celles qui auroient été mariées du vivant des pere & mere, & dotées, ne pourroient en ce cas renoncer à la succession, & s’en tenir à leur don ; il faudroit qu’elles rapportassent leur dot & leur avantage à la succession pour ce qui excederoit leur portion héreditaire : ce qui n’auroit pas lieu si les soeurs au temps de leur mariage, avoient des freres qui seroient depuis décede sans enfans avant les pere & mère ; car les soeurs mariées ne seroient point obligées de rapporter ce qui leur avoit été donné en mariage, pour être partagé entre les soeurs leurs co-héritieres avec les autres biens de la succession ; elles pourroient même renoncer à la succestion, & s’en tenir à leur don ; Arrêt du même Parlement du 1. Mars 1678.

Un héritage rétiré par le pere oi la mère au nom de l’un de leurs enfans, doit être mis en partage avec les autres biens de la succession ; & même si un pere ou une mere avoit renoncé à une suecession pour la faire tomber à un des enfans plutût qu’à l’autre, les autres enfans y prendroient partage, parec que ce seroit là un avantage indirect.

L’heriner par benefice d’inventaire n’est pas moins obligé au rapport, que l’héritier absolut ou pur & simple.

Le petit fils venant à la succession de son ayeul, est tenu de rapporter ce qui n été donné à son pere ou à sa mere Donataire, nonobstant qu’il renonce à la succession de son pere ou de sa mére.

Des créanciers ne peuvent demander de rapport ; Arrest du même Parlement, du S Ianvier té60. ni encore moins les Seigneurs de Fief dans le cas de deshérance ; parce que le rapport n’a lieu qu’entre co-héritiers, & qu’il n’a été introduit qu’en faveur de co-héritiers, afin de conferver l’égalité entre eux.

Une femme n’est point obligée de rapporrer ni précompter le don mobil que ses pere & mere en la mariant auroient donné à son mari, Les Offices donnez par les pere & mère se rapportent sur le pied de leur juste valeur au tems de l’Acte de Donation, & non au tems de la mort de celui de cujus bonis agitur ; Arrests du même Parlement, des 2sFevrier 1669. & 7 Mars 1679.

Si le Donataire lors du partage a en sa possession les héritages & autres immeubles à lui donnez, il est obligé de les rapporter en essence au partage, ou moins prendre en autres héritages de la succession de pareille valeur & Bonté, mais en faisant ce rapport, il doit être remboursé par ses cochcritiers des Impenses utiles & nécessaires ; aurrement il seroit seulement obligé de rapporter l’estimation des héritages & immeubles donnez, eû égard au tems du parrage, déduction préalablement faite des impenses, augmentations & améliorations : mais à l’égard des meubles & sommes mobiliaires, on ne les rapporte point en essence, le Donataire en tient compte à ses co-héritiers, & les précompre sur sa portion héreditaire Si la chose donnée se trouvoit aliénée lors de la succession ouverte, non seulement le Donataire venant à la succession, ne seroit pas tenu de la rapporter en essence, mais encore les cohcritiers seroient mal fondez à inquièter les acquereurs dans leur acquisition ; tout ce que les cohéritiers pourroient demander au Donataire, seroit qu’il soit tenu d’en précompter la valeur & moins prendre, le tout jusques à duë concurrence de sa portion héréditaire ; & si sa portion hereditaire étoit moindre, il rapporteroit à ses coheritiers l’excedent : Or pour regler la juste valeur de cet héritage & immeuble, il faudroit suivre l’estimation donnée par le Donateur par l’acte de donation, à moins que les cohé-ritiers ne fissent évidemment voir que cette estimation étoit par sa modicité un avantage indirect fait au Donataire ; ou bien on suivroit le prix du Contrat de vente & d’aliénation, ou on feroit une estimation sur le pied de la valeur au jour du daces,

Quoique les pere & mere ne puissent avantager un de leurs enfans plus que Pautre, néanmoins dans la Coûtume particulière du pays de Caux, il leur est permis de donner à l’un de leurs enfans puinez le tiers de leurs biens au préjudice des autres puinez, ce don est cependant un avancement d’hoirie ; cela si vrai, que le donataire doit contribuer aux dettes de la succession pour son tiers ; mais c’est que cette Coûtume a voulu laisser cette liberté aux pere & mère, le puiné donataire ne seroit pas néanmoins tenu des dettes personnellement envers les créanciers, mais seulement hypotecairement ; Arrest du mé-me Parlement, du 2 Decembre 1650. il est pourtant certain dans nôtre Coutume que tous les coheritiers sont tenus des dettes de la succession solidaire ment, quand l’un d’eux n’auroit que des meubles & effets mobiliers dans son lot, ou que toute la succession ne consisteroit que dans les meubles & effets mobiliers ; mais ce qui a pû donner lieu à l’Arrest, ce fut qu’on régarda ce puiné comme un simple donataire, qui par consequent ne pouvoit être tenu des dettes que sur la chose donnée, & non sur ses biens personnels.


ARTICLE CCCCXXXV.

L Es heritiers peuvent révoquer les donations faites contre la Coutume, dans les dix ans du jour du decès du donateur, s’ils sont majeurs, & dans dix ans du jour de leur majorité ; autrement ils n’y sont plus recevables.

Cet article donne à connoître évidemment que les don ations faites au-delà de ce qu’il est permis de donner par la Coûtume, ne sont pas nulies, mais seulement reductibles à la quotité des immeubles dont on peut dispofer par donation entre-vifs, qui est le tiers des immeubles, propres ou acquêts ; mais d’un autre côté cette reduction doit être demandée par les heritiers du donateur dans les dix ans du jour du décés du donateur, s’ils sont majeurs de vingt ans accomplis, & dans les dix ans du jour de leur majorité, sans avoir besoin de Lettres de rescision ; mais aprés ce tems-là, la demande en réduction ne seroit plus recevable, & la donation subsisteroit en son entier.

L’action en réductiond’une Donation, n’appartient qu’aux heritiers du donateur, & non à ses créanciers, ni encore moins au Fisc qui auroit la succession par deshérance, bâtardise, confiscation ou autrement.

Cet article n’a lieu qu’en Donation entre-vifs ; car s’il s’agissoit de dispositions testamentaires, comme de legs qui excederoient le tiers des acquets, les héritiers du Testateur pourroient les faire réduire en tout temps, & la demande en réduction, qui seroit incidente à la demande en délivrance de legs, ne commenceroit que du jour de la demande en délivrance de legs, parce que l’héritier n’a interest de contester des legs que lors qu’ils lui sont demandez mais il en est autrement des Donations entre-vifs, quand même elles seroient faites à la charge de l’usufruit des biens pendant la vie du Donateur, ce qu’on appelle ordinairement à titre de précaire & constitur, le Donataire est censé proptiétaire de la chose dés le moment de l’acceptation & de la donation faite & parfaite ; c’est pourquoi c’est aux héritiers du Donateur à prévenir leDonataire, & d’agir contre lui en réduction dans le tems prescrit par la Coûtume, autrement ils seroient non-recevables dans leur demande en réduction.

ARTICLE


ARTICLE CCCCXXXVI.

C Elui qui a fait Don par avancement de succession de partie de ses biens, n’est privé de donner le tiers du reste de ses héritages, à personne étrange ou qui n’attend part en sa succession.

Voici un cas particulier en donation entre-vifs par roppoit à la quotité d’immeubles, dont on peut disposer par donation entre-vifs ; ce cas, est que quoique le Donateur ait fait don entre-vifs & en avancement d’hoirie ou de suocession d’une partie de ses immeubles, propres ou acquêts, à tous ses heriffers présomptifs, néanmoins il peut donner le tiers de ceux qui lui restent à telle personne qu’il jugera à propos, pourvû que ce ne soit point un de ses héritiers présomptifs, mais une personne étrangere, ou du moins à un parent qui par son degré de parenté, éloigné, ne viendroit point à la succession.

Nous pouvons encore receuillir de cet article, qu’un heritier qui reçoit en ligne directe, à titre de don ou d’avancement d’hoirie, l’héritage ou immeuble donné, est toujours un propre en la personne du Donataire.


ARTICLE CCCCXXXVII.

N UI ne peut donner à son fils naturel partie de son héritage, ne le faire tomber en ses mains directement ou indirectement, que les héritiers ne le puissent révoquer dans l’an & jour du décès du Donateur.

Le perc ou la mere ne peut donner par donation entre-vifs ou à cause de mort aucune portion de ses immeubles, propres ou acquêts, à son fils ou à sa fille, naturel, directement ou indirectement, quand même ce seroit un bâtard né ex soluta cum soluto, à plus forte raison ne pourroit : on faire son bâtard son Donataire ou Légataire universel, on peut seulement lui laisser des alimens ou une pension viagere ; Arrests du Parlement de Roüen, des 11 Juillet 4653, & 17. Juillet 1671.

Les héritiers du Donxteur n’ont cependant qu’un an pour faire révoquer la Donation par laquelle il auroit donné de ses immeubles à son bûtard, à compter du jour du décés du Donateur, s’ils sont majeurs, & s’ils sont mineurs, à compter du jour de leur majorité, aprés lequel tems ils seroient non recevables en leur demande en révocation ; ce qui fait entendre que cette donation n’est pas tellement nulle qu’elle ne puisse valider par le silence ou l’aprobation des héritiers ; cependant aprés l’an & jour cette donation seroit ré-Pr ductibie au tiers, & cette demande en réduction dureroit dix ans ; de plus les Créanciers du Donateur ne seroient pas recevables à vouloir contester une donation de cette qualité, cette faculté n’appartient qu’aux héritiers du sang.


ARTICLE CCCCXXXVIII.

E T néanmoins les bâtards sont capables de toutes donations d’autres personnes que de leur pere & mere.

La bâtardise n’emporte pas avec soi une incapacité generale & absolué de pouvoir recevoir des liberalitez des personnes étrangeres, elles peuvent donner ou léguer à des batards tels qu’ils soient, même adulterins ou de Prêtres.

Cette incapacité n’est que par rapport à leur pere & mere, qui ne peuvent donner de leurs immeubles à leurs bâtards directement qu indirectement ; mais toutes autres personnes peuvent leur donner comme on poutroit faire aux personnes legirimes, pourvû que de teiles donations ne soient point faites par le pere ou la mere sous le nom de ces personnes, pour les faire tomber à leurs enfans naturels par forme de fideicommis.


ARTICLE CCCCXXXIX.

L Es mineurs & autres personnes étans en puissance de Tuteur, Gardain, ou Curateur, ne peuvent donner directement où indirecte ment au prosit de leurs Tuteurs ; Gardiens ou Curateurs, leurs enfans ou présomptifs héritiers, meubles ou immeubles, pendant le tems de leur administration & jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte, ni même à leurs Pedagogues, pendant le tems qu’ils sont en leur charge.

Cet article est tirée de l’Ordonnance de François 1. de 1530. & de celle de Henry Il. de 3559. Cette prohibition fondée sur le pouvoir & l’autorité que les personnes dénommées en cet article, ont sur ceux qui leur sont soumis ; la pleine volonté, est pour ainsi dire, l’ame des liberalitez ; mais la liberté n’est jamais présumée, lorsque le Donateur dépend de celui qui doit profiter de la Donation.

Sur ce principe toute Donation, soit entre-vifs, ou à cause de mort, ou par Testament, de meubles ou immeubles, faite directement ou indirectement par des mineurs, à leurs Tuteurs, Curateurs, Administrateurs ou Gardiens pendant le tems de la Tutelle, administration, curatelle ou garde, & jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte, est nulle.

Cette même prohibition a lieu ; 10. Contre les enfans ou héritiers présomptifs de ces personnes prohibées ; 20. Contre les Medecins, Chirurgiens, Apoticaires, par rapport à leurs malades, ou à leurs enfans ; 30. Contre les Procureurs, ad lites ou ad negotia domestica ; ceux-ci s’appellent intendans dans les grandes Maisons ; 47. Contre les Solliciteurs de Proces ; 50. Contre les Couvent & Monasteres en la personne des Novices, pendant leur année de Noviciat & qu’ils sont encore dans le siéele ; 6o, Contre les Géoliers, Guichetiers ou Greffiers des Prisons ; 7e. Contre les Regens, Maîtres, Précepteurs & Pedagogues ; 87. Con-tre les Directeurs ou Confesseurs ; en un mot, contre toutes autres personnes qui auroient un pouvoir & un empire despotique sur les Donateurs ; mais quant aux Avocars, ils ne tombent point dans la prohibition, parce que les services qu’ils rendent, sont bornez à de simples conseils ; mais quant aux Procureurs, ils tombent dans la prohibition, à moins qu’il n’y eût quelque circonstances particulieres dans l’affaire.

Si les Donations faites directement à ces sortes de personnes, ne peuvent pas subsister, il en est de même des Donations que ces mêmes personnes se font faire indirectement sous des noms de personnes interposées & par des Actes feints & simulez.

Il faut conclure de ces termes, pendant le tems qu’ils sont en leur cbarge, qu’aprés que la charge est finie, rien n’empèche que celui qui a été sous la puissance des Donataires, ne fasse des dispositions en leur faveur ; mais toûjous à condition. que les Tuteurs ou Curateurs, ou Administrateurs ayent rendu compte dans toutes les formes, & que le compte ait été apuré ; sans cependant que si le reliquat n’eût pas encore été payé, cela fût un obstacle à la Donation, à l’egard de ceux qui n’auroient point eu de gestion & administration ; il faut que les Donataires qui auroient été en leur pouvoir, puissance & autorite, en soient entierement liberez, & qu’ils soient en pleine liberté.

Les concubines sont incapables de recevoir des Donations, soit entre-vifs ou à cause de mort, ou par Testament, du moins universelles ou considérables, mais seulement pour alimens moderez Les novices ne peuvent faire Donation ou Legs au Couvent ou Monastere oû ils doivent faire Profession, ou à un autre du même Ordre, directement ni indirectement, quand même la Donation entre-vifs ou la disposition testanien-taire seroit causée pour batimens, ormemens ou autres prétextes specieux ; parce qu’on sçait que les Religieux & Religieuses ne manquent point d’expediens pour frauder la Loi, & qu’il est important pour l’Etat que tous les biens des particuliers ne passent point aux gens de main morte.

La proüibition portée par cet article, doit être étenduë aux Apprentifs à l’égard de leurs Maîtres, pendant le tems de leur apprentissage ; mais non des Domestiques à leurs Maîtres, comme d’un Intendant ou Secretaires à son Maitre ; ces sortes de Donations sont plus souvent des restitutions que de vérita-bles Donations.

Si le pere ou la mere, Donataire de son enfant, se remarioit depuis la Donation entre-vifs, ou à cause de mort, ou par Testament, ce second mariage ou autre subsequent ne donneroit point atreinte à la disposition, il suffit que le Donataire ne fût pas remarié au jour de la disposition, Les pere, mere, ayeul, ayeule ou autres aicendans, quoique Tuteurs, Curateurs ou Gardiens de leurs enfans ou petits enfans, ne sont point dans cette prohibition, nonobstant même qu’ils n’eussent pas rendu compte de la Tutelle, gestion & administration à leurs enfans ; c’est une décision de la Coûtu-me de Paris, art. 27é, qui a été adoptée par la Jurisprudence du Parlement de Roüen, nonobstant que l’Ordonnance de 1530 ne dise rien à cet égard, & ne contienne point cette exception en faveur des pere & mère.

Les Tuteurs Consulaires ne sont point pareillement personnes prohibées de pouvoir recevoir des Donations & liberalitez des mineurs, de la Tutelle desquels ils sont Tuteurs Consulaires, & pendant le rems qu’ils sont Tuteurs Consulaires ; parce que toute leur fonction ne consiste qu’à donner des avis & conseils aux Tuteurs principaux ou onéraires & en charge, sans avoir aucune gestion ni admi-nistration : on appelle à Paris ces Tuteurs Consulaires, des Tuteurs Honoraires.

Si un Tuteur, Curateur ou Gardien avolt rendu son compte dans toutes les regles, la Donation qui seroit faite par le mineur à son Tuteur, Curateur ou Gardien, ou à ses enfans, ou à ses héritiers présomptifs, seroit valable, quand même, ainsi qu’on le vient d’observer, le reliquat du Compte n’auroit pas été payé ; car il n’est pas nécessaire que le reliquat du Compte de Tutelle ou Curatelle ait été payé au mineur pour rendre la Donation valable, il suffit que la tutelle, curatelle, gestion ou administration fut finie, le Compte rendu & appuré dans les regles, & non pas par une simple Transaction sur la reddition. du Compte, non visis nec disponctis rationibus.


ARTICLE CCCCXL.

D Onation faite de la totalité des acquêts & conquêts immeubles, ne vaut que jusqu’à concurrence du tiers de tous les biens du Donateur : néanmoins où il y auroit divers héritiers au propre, & aux ac-quêts & conquêts, la Donation de la totalité desdits acquêts & conquêts, ne vaut que pour un tiers desdits acquêts & conquets, nonobstant que ladite Donation ait été faite en Contrat de mariage, portant cette clause qu’au-trement n’eût été fait, en quelque lieu que le Contrat soit fait & passé.

Soit qu’on donne tous ses propres ou tous ses acquêts & conquêts immeus bles, la Donation ne peut exceder le tiers de tous les immeubles ; & même cette tiberté de donner est restrainte, encore que le Donateur eût differens héritiers, les uns aux propres, les autres aux acquêts ; car en ce cas la Donation se réduiroit au tiers des propres, & au tiers des acquets & conquêts, nonobstaut qu’elle eût été faite par Contrat de mariage, & en faveur de mariage, & en des termes les plus forts.

Ce n’est point la Coûtume du lieu où l’Acte contenant la Donation a été passé, qui regle la quotité des immeubles dont le Donateur peut disposer de ses immeubles par Donation, mais la Coûtume du lieu où les immeubles sont situez.


ARTICLE CCCCXLI.

C Elui auquel Donation a été faite du tiers de tous les biens, doit avoir la tierce partie du propre & la tierce partie des acquêts & conquêts du Donateur.

Un Donataire du tiers. de tous les immeubles du Donateur, prend le tiers des propres & le tiers des acquers & conquêts du Donateur ; & même le Donateur peut donner ceux de les immeubles qu’il juge à propos, c’est-à-dire, donner plûtôt ses propres que ses acquets, ou plûtot ses acquêts que ses propres, quand bien même la quérité des propres donnez excederoit la quotité des propres, ou que la quorité des acquêts donnez excederoit la quotité des ac quets, pourvû que les imme ubles donnez n’excedent point la toralité des immeubles du Donateurs ainsi un Donateur peut donner tous ses propres paternels sans rien donner de ses propres maternels, comme vice versa, il peut donner tous ses propres maternels, sans rien donner de ses propres paternels, ou ses acquêts & conquêts, & se reserver les propres, bien entendu que la liberalité n’excede point le tiers de tous les biens immeubles du Donateur ; Arrest du Parlement de Normandie, du 17 Juin 1655, sans même que l’heritier dont l’esperance est perduë, de trouver dans la succession du Donateur, des immeubles qui lui seroient revenus sans la Donation, ait aucun recouts de garantie contre les héritiers aux autres biens qui n’ont point reçû d’atteinte par la Donation ; parce que les successions fe prennent en l’état qu’elles se trouvent ; Arrest du même Parlement, du 2S Juillet 1665.


ARTICLE CCCCXLII.

L Es Donataires sont tenus de porter toutes rentes foncieres & Sei gneuriales & autres charges réelles dûës à raison des choses à eux données, encore qu’il n’en fût fait mention en la Donation, sans qu’ils en puissent demander récompense aux héritiers du Donateur.

Il n’y a aucune contribution à faire pour aequiter ces charges réelles entre le Donataire & l’héritier du Donateur ; elles sont pour le seul compte du Donataire, comme chose artachée à la glebe de l’immeuble donné, quand même il n’en seroit point fait mention par la donation, quem sequuntur commoda, debent sequi & incommoda, à moins que le Donataire ne voulur délaisser & abandonner l’héritage qui lui avoit été donné, sous prétexte qu’il a découvert que des rentes foncieres & redevances Seigneuriales ou autres charges, sont trop fortes & trop considérables.


ARTICLE CCCCXLIII.

E T où les choses données seroient moindres que le tiers des biens du Donateur, elles seront déchargées des dettes hypotecaires & personnelles du Donateur, jusqu’à concurrence de la valeur du tiers, discution préalablement faite des meubles.

La conséquence qu’il faut d’abord tirer de cot article, est que le Donataire du tiers des immeubles, est tenu du tiers des dettes Eypotecaires & personneiles du Donateur, discution toutefois préalablement faite de ses meubles & effets mobiliers ; car si les meubles & effets mobiliers étoient suffisans pour payer toutes les dettes, le Donataire du tiers des immeubles n’en seroit aucunement tenu, autres toutefois que les rentes foncieres, redevances Seigneu-riales & autres charges réelles, que le Donataire porteroit lui seul ; mais si les immeubles donnez sont au : dessous du tiers, le Donataire ne sera tenu de contribuer à aucunes dettes, c’est aux héritiers à les payer en totalité, fauf les rentes foncieres, redevances Seigneuriales & autres charges réelles, dont le Donataire est seul tenu ; le Donataire du tiers des immeubles ne seroit même tenu que du tiers des dettes hypotecaires du Donateur, & non de ses dettes mobiliaires.

Les Créanciers hypotecaires du Donateur n’ont que l’action lyporécaire contre le Donataire sur les choses données, sans qu’ils puissent se pourvoir sur les biens personnels du Donataire ; enforte que le Donataire seroit déchargé de leurs poursuites en déguerpissant & abandonnant l’immeuble donné.


ARTICLE CCCCXLIV.

DOnner & retenir ne vaut rien.

ARTICLE CCCCXLV.

D Onner & retenir, est quand le Donateur s’est réservé la puissance de disposer librement de la chose par lui donnée entre vifs, ou qu’il demeure en la possession d’icelle.

Nous mettons ces deux articles dans une même explication, parce que le dernier explique le premier.

Cette regle donner & retenir ne vaut rien, est tres ancienne en France ; elle est prise de l’ancien Droit Romain observé avant Julien, qui rendit le premier la Donation entre vifs, un Contrat : L. Si quis argentum, 8. sed & si quis, au Cod. de Donationibus ; car par l’ancien Droit Romain les Donations entre-vifs étoient nulles, lorsque le domaine de la chose donnée, n’étoit point transferé ; & quant aux Donations à cause de mort, le domaine en étoit acquis au Donataire sans tradition aprés le déces du Donateur ; & même en 316. l’Empereur Constantin assujetit les Donations à cause de moit à la formalité de la tradirion.

C’est sur ces principes que dans notre Droit Coutumier on a reçû la regle, que donner & regenir ne vaut, dans la vûë de rendre une Donation nulle quand I n’y a point eû de tradition ni de saisine pendant la vie du Donateur ; parce qu’une chose n’est point réputée donnée si elle n’est aliénée, & si l’acquereur n’en est en possession ; car quoique la Donation entre-vifs soit parfaite par l’acceptation du Donataire, & que le Donataire puisse obliger le Donateur à lui faire délivrance de la chose donnée, néanmoins sans la tradition réelle ou à titre de précaire & de constitut par le Donateur & de son vivant, le Donataire ne peut pas se dire le maître de la chose donnée.

Cependant par une exception, la regle donner & retenir ne vaut n’a point lieu dans les Donations faites en faveur de mariage & par Contrat de mariage, soit que les Donations soient faites par un des futurs conjoints à l’autre, ou à l’un & à l’autre réciproquement, soit que ce soit les pere & mere, parens, amis, ou autres étrangers qui donnent en faveur de mariage aux futurs époux.

Un Donateur est réputé donner & retenir, ro. Lorsque par l’Acte de Donation il se reserve la faculté de disposer librement & à sa volonté de la chose par lui donnée, ou qu’il demeure en possession de la chose donnée jusqu’à sa mort, à moins que sa possession ne soit à titre de constitut & précaire, ou à titre d’usufruit pendant la vie du Donateur. 26. Quand il a retenu par devers lui la mi-nute de la Donation. 30 Si la Donation est faire sous des conditions potestatives & dépendantes de la volonté dû Donateur, mais non si les conditions étoient purement casuelles.

Ce n’est point donner & retenir que de donner tous ses biens meubles, & le tiers de ses immeubles présens & à venir, tels qui se trouveroient au jour du décés du Donateur ; parce qu’encore bien que cette Donation soit une Donation entre-vifs, néanmoins l’effet en est suspendu jusqu’à la mort da Donataire ; de sorte que le Donataire n’a, à proprement parler, qu’une proprieté habituelle pendant la vie du Donateur, qui ne sera réelle & actuelle qu’au jour du décés du Donateur ; & une Donation de cette qualité n’a pas besoin de tradition du vivant du Donateur, soit tradition réelle & actuelle, ou fictive comme à titre de précaire & constitut ; d’autant que le Donateur est presumé n’avoir donné que ce qui se trouvera au jour de la mort du Donateur.

Ce n’est point pareillement donner & rerenir, lorsque le Donateur donne tous ses biens suivant la restriction de la Coûtume, & qu’il s’est reservé la faculté de pouvoir disposer d’une certaine somme, ni pareillement quand le Do-nateur donne une somme de deniers à prendre sur ses inmeubles, quoi qu’il n’y ait point de tradition de ces deniers, soit réelle, soit fictive, ni à titre de précaire & constitut.

Finalement une Donation faite avec réserve de pouvoir par le Donateur disposer librement de la chose donnée, outre qu’elle tombe dans la prohibition de donner & retenir, elle seroit nuile quand même le Donateur n’auroit point usé de sa saculté, soit parce qu’il n’a pas voulu disposer des choses données, soit parce qu’il ne l’a pû, en ayant été empéché par quelque cas & accident fortuit, comme seroit une folie, une démence, une interdiction, ou une mort subite & inopinée, d’autant que la Donation étoit essentiellement & radicalement nulle par la maxime que donner & retenir ne vaut.


ARTICLE CCCCXLVI.

C E n’est donner & retenir quand l’on donne la proprieté d’aucun heritage, retenu à soi l’usufruit sa vie durant ou à tems, ou quand il y a clause de constitut ou précaire, auquel cas vaut-elle Donation.

La rétention d’usufrnit de la chose donnée pendant la vie du Donateur, ou pendant un autre tems, tel qui seroit marqué par l’Acte de Donation, ou forsque dans sa Donation il y a la clause de possession précaire & de constitut, cela vaut une rradition réelie & saisine, & le Donataire est censé avoir la proprieté & la possession de la chose donnée, de sorte qu’aprés la mort du Donateur, le Donataire demeure & est saisi de plein droit de la chose donnée : il pourroit même intenter complainte pour raison des choses données, si on lui contestoit la chose donnée aprés la mort du Donateur ; ainsi une Donation entre : vifs, qui contient cette condition & cette clause, est valable, & sans qu’on puisse opposer la maxime que donner & retenir ne vaut ; car dans ces deux cas le Donateur est réputé jouir pour & au nom du Donataire, & non pour lui ni en son nom.


ARTICLE CCCCXLVII.

T Outes Donations faites par personnes gisans malades de la maladie dont ils décedent, sont réputées à cause de mort & testa-mentaires, ores que telles Donations soient conçuës par termes de Donations entre vifs, si elles ne sont faites & passées devant Tabellion quarante jours avant la mort du Donateur, & insinuées dans lesdits quarante jours.

Dans une Donation faite par un Donateur gisant malade de la maladie dont il decede, il ne faut pas tant considerer les termes dans lesquels la donation est conquë, que l’état ou étoit le Donateur lorsqu’il a fait la Donation ; car toute Donation faite par une personne gisante matade de la maladie dont elle decede, est réputée Donation à cau se de mort & testimentaire, quoiqu’elle soit conquë en termes de Donation entre vifs & irrévocable, à moins qu’elle ne fût faite & passée devant Notaire ou Tabeilion quarante jours avant la mort du Donateur ou Donatrice, & insinuée dans le même tems de quarante jours ; car avec ces deux conditions, la Donation seroit une Donation entre vifs, & non une Donation à cause de mort.

Sur quoi il faur observer. re, Que cet article ne s’entend que des Donations d’immeubles, & non des Donations de meubles ; Arrest du Parlement de Roüen, du 10. Decemre 1653. 25, Que les Donations à cause de mort & les dispositions par testamens, sont la même chose ; c’est pourquoi les Donations à cause de mort doivent être revétuës des formalitez préscrites pour les Testamens, & sont réductibles à la qualité & quotité des immeubles, dont on peut diiposer par Testament, qui sont seulement les meubles, & le tiers des acquêts, qui est la portion qui tombe dans la disposition testamentaire ; toute la difference qu’il y a, est que dans la Donation à cause de mort il suffit que le Donateur ait survécu à sa Donation quarante jours, au lieu qu’en fait de Testament, le Testateur qui a disposé du tiers de ses acquêts, doit survivre son Testament de trois mois entiers & complets. 0. Qu’une Donation faite par une personne, malade de la maladie dont elle decede, devant un Curé ou’Vicaire, ne leroit pas une Donation entre vifs, encore bien qu’elle eût été faite & passée quarante jours avant la mort du Donateur, & insinuée dans les quarante jours ; il faudroit qu’elle eût été passée devant Notaire ou Tabellion ; elle ne seroit pas même une Donation à cause de mort, & ne pourroit valoir comme Donation à cause de mort, à moins qu’elle ne fût revétuë de toutes les formalitez preserites pour les Testamens. 47. Qu’une Donation mutuelle entre-vifs, faite entre deux particuliers, de leurs meubles & du tiers de leurs immeubles, propres & acquêts, au survivans d’eux, est une Donation entre-vifs, & non une Donation à cause de mort ; Arrest du même Parlement, du 14. Aoust 1675. 5e. Que les Donations à cause de mort n’ont besoin ni d’acceptation ni d’insinuation ; il n’y a que les Donations entre vifs qui requierent ces deux for-malirez. 60. Qu’une Donation d’immeubles, faite par une personne gisante malade de la maladie dont elle décede, passée devant Notaire ou Tabellion quarante jours avant le décés du Donateur, & insinuée quarante jours avant la mort du Donateur, vaut comme Donation entre vifs ; & cette Donation est tellement re-putée Donation entre vifs, qu’elle doit être insinuée.


ARTICLE CCCCXLVIII.

T Outes Donations de choses immeubles, faite entre vifs de pere à fils en faveur de mariage où cause pitoyable, doivent être insinuées & acceptées dans les quatre mois suivant l’Ordonnance, fors & excepté les Donations faites aux puînez en Caux.

Toutes Donations de cboses immeubles, faites entre vifs de pere à fils en faveur de mariage ou cause pitoyable, doivent être insinuées & acceptées dans les quatre mois Juivant l’Ordonnance.

Ces paroles font entendre que cet article ne paroit pas bien digeré, en ce qu’il commence par la formalité de l’insinuation, & met ensuite la formalité CL. de l’acceptation : Cr nulle doute que la Donation entre vifs doit commencer par lacceptation & à l’instant de la Donation, & que l’insinuation ne vient qu’aPres que la Donation a été ncceptée, signée & délivrée, & même quatre mois aprés ; ce qui fait voir qu’il ne faut pas entendre cet article à la lettre, mais suivant notre observation.

Voici présentement les décisions qu’on peut former sur cette premiere partie du même article ; elles sont tres-importantes.

La première, que toute Donation entre vifs, de meubles ou immeubles, doit être acceptée par le Donataire à l’instant de la Donation, & non aprés Coup, & sans que rien puisse équipoler l’acceptation ; ainsi quand cet article dit que toute Donation entre viis doit être insinuée & acceptée dans les quatre mois de l’Ordonnance, il faut rapporter ces termes à l’insinuation qui peut être faite dans les quatre mois, & que par l’insinuation le Donataire accepte, pour ainsi dire, de nouveau la Donation ; car quant à l’acceptation, il faut qu’elle soit prétée au moment de la Donation.

La seconde, que l’insinuation n’est nécessaire que dans les Donations entre vifs, non dans celles à cause de mort & testamentaires.

La troisième, que l’insinuation n’a lieu que dans les Donations d’héritages & immeubles, & non pour les Donations de meubles & effets mobiliers, à moins que la Donation ne fût d’une universalité de meubles & effets mobiliers.

La qarriême, qu’une Donation entre vifs d’immeubles, faite en ligne directe, & en faveur de mariage, & les Donations pour causes pieuses n’ont pas moins besoin d’insinuation que toutes les autres Donations entre-vifs d’immeubles.

La cinquième, que lorsque cet article parle d’Ordonnance sur les insinuations, la Coûtume entend parler des Ordonnances de 153s, art. 132. & de Mou-lins de 1566. art. 58. qui porrent que toutes Donations entre-vifs, telles qu’elles soient, seront insinuées dans les quatre mois du jour de la Donation, au Greffe de la : urisdiction Royale du domicile du Donateur, & au Grefse de la Jurisdiction Royale où les immeubles donnez sont situez ; mais à present il faut se conformer aux nouveaux Edits & Déclarations du Roy, au sujet des insinuations des Donations qui sont au Greffe des insinuations.

La fixième, que le Donateur ne pourroit opposer le défaut d’insinuation, il n’y auroit que ses héritiers ou créanciers qui pourroient le faire ; parce qu’à leur égard’une Donation non insinuée, seroit nulle ; mais quant au Fife, ou aux Seigneurs de Fief, qui prétendroient la succession à droit de dechérence, ils ne pourroient pas opposer le défaut d’insinuation d’une Donation.

La septiémé, que les Donations faites par le Roy aux particuliers, à l’Eglise, ou aux pauvres, n’ont pas besoin d’insinuation.

La huitième, que nul Sujet du Roy n’est exempt de la formalité de l’insinuation, jusques-là que non seulement les mineurs, l’Eglise, les absens, les ignorans & les paysans sont compris dans l’Ordonnance des Insinuations pour les Donations à eux faires, mais encote qu’ils ne sont pas restituables contre l’obmission de l’insinuation.

La

La neuviême, que la dot promise ou donnée par les pere & mere ou autres ascendans à leurs filles ou petites filles, en ies mariant, ou pour leur entrée en Religion, ou un suplément de dot ou de legirime, n’a pas besoin d’insinuation, ni le don mobile fait par la femme à son mari par Contrat de mariage. & en faveur de mariage ; art. 74. du Reglement de ré6s, ce qui a été confirmé par une Déclararion du Roy, du 25 suin 1729, & par laquelie le Don mobil n’a pas besoin d’être infinué pour être valable ; ce qui fait que la Jurisprudence doit aujourd’hui être conforme dans tous les Tribunaux du Royaume, oû cette question fe presenteroit, car cette Déclaration a été enrégistrée au Parrement de Paris.

Le Titre Sacerdotal donné par les pere & mere ou autres ascendans, n’a pûs pareillement besoin d’insinuation ; mais s’il étoit donné par autres personnes, quand même ce seroit des parens ou amis, il seroit sujet à l’insinuation.

La dixième, que quoique les Donations pour causes pitoyables doivent être insinuées comme les autres Donxtions entre-vifs, néanmoins lorsqu’elles sont faites à la charge de dire & faire des Services & Fondations on les dispense de l’infinuation, parce qu’on les regarde plûtot comme des Contrats synnallamagriques, do ut facizs, que pour des Donations ; Arrest du Parlement de Nor-mandie, du 29 Juillet 1o8 ; ; cependant par les Ordonnances ces Donations ne sont point exceptées de la formalité de l’insinuarion, nonobstant leur faveur.

La onxième, que les insinuations doivent être faites devant le Bailly, & non devant le Vicomte, quoiqu’il s’agisse d’immeubles roturiers, & que le Donateur & le Donataire soient de condition roturière ; d’autant plus que c’est aux Assises du Bailly, que les insinuations doivent être faites, qui est le Bailly devant lequel resortit la Vicomté dans laquelie les immeubles sont situez ; mais on ne peut en aucun cas insinuer des Donations aux Greffes des Justices de Seigneurs de Fief.

La douzême, que l’insinuation d’une rente foncière doit être faire au Bailliage où l’héritage affecté à la rente est sirué, & au Bailliage du domicile du Donateur ; mais quant à une Donation d’une rente constituée ou ren e hypoteque, elle doit être insinuée au Bailliage où les biens fujets à la rente, sont situez, & au Bailliage du domicile du Donateur.

La treixême, est que le défaut d’insinuation d’une Donation ne se purge point par le tems ni par équipoient.

Enfin il est à noter que par une Declaration du Roi du 17 Novembre 1690, les Donations peuvent être infinuées pendant la vie du Donateur ou Donatrice, encore qu’il y air plus de quatre mois qu’elles ayent été faires, sans qu’il soit besoin d’aucun consentement du Donateur ou Donatrice, ni de Jugement qui l’ait ordonne ; mais cette insinuation ne pourroit nuire ni préjudicier aux créanciers intermédiaires entre la donation & l’insinuation.

Tors & excepté les Donations faites aux puinez en Caux.

Quoiqu’il semble qu’aux termes de ces paroles, les Donations d’immeubles situez dans l’etenduë du Bailliage de Caux, iaires par pere, merE ou autres ascendans à leurs enfans ou peTits enfans puinez, ne soient point sujettes à l’insinuation, néanmoins l’usage est de les insinuer ; mais cette insinuation peut être faite pendant le tems de la vie du Donateur, & même dans les quatre mois du jour de sa mort.


ARTICLE CCCCXLIX.

D Onation faite d’héritage par homme ou femme n’ayant enfans, peut être revoquée par le Donateur, avenant qu’il ait enfans procréez en loyal mariage, reservé celle faite en faveur de mariage, & pour la dot de la femme, laquelle est revoquée quant à la proprieté seulement, demeurant l’usufruit à la femme ; & si elle est faite au mari, la femme aura doüaire sur les choses données.

Donation faire d’béritage par Lomme ou femme n’ayant enfans, peut être réuoquée par le Donatetr, avenant qu’il ait enfans procréez en loyul mariage.

Il n’y a que les donations universelies des héritages & immeubles dont il est permis de disposer par donation, qui puissent être révoquées par la survenance d’enfans de la part du Donateur, & non les Donations particulières ; ainsi une Donation d’un corps certain d’herirages & immeubles, & d’un heritage & immeuble singulier qui ne va pas au tiers des héritages & im-meubles du Donareur, n’est point sujette à la révocation par la survenance d’enfans, à mioins que le Donateur n’eût point d’autres héritages & immeubles que le morceau d’herirane & immeuble donné, où que cet héritage ou immeuble ne fût le tiers des immeubles du Donateur.

Une donation d’universalité de meubles & effets mobiliers, quelques considérables qu’ils soient, ne tombe point dans la révocation des donations par la furvenance d’ensans.

Il n’y a que la survenance d’enfans, soit mâles ou femelles, nez en légitime mariage, qui puisse donner lieu à faire révoquer une donation faite par ieur pere & mèré dans le temps qu’ils n’avoient point d’enfans, & non la survemnance d’enfans illégitimes ; cependant un enfant légirimé per subsequens ma-trimonium seroit dans le cas, pour faire révoquer la donation que son pere ou sa mère avoit faite entre sa naissance & le mariage de ses pere & mère ; parce que sa legitimation est pour ainsi dire sa naissance pour le faire participer aux droits & prérogatives des enfans nez pendant le mariage.

La survenence des enfans ne donne qu’une actiun en révocation de la donation au Donateur, sans que le Donateur puisse déposseder de son autorité pri-vée le Don araire.

C’est une grande question au sujet de cet Article, de sçavoir si la survenance d’enfans n’annulle pas la Donation de plein droit en faveur de l’enfant ou enfans nez depuis la Donation, quand bien même le Donateur ou Donatrice n’aursit ons révoqué la Donation de son vivant, ex catusi superuenientiae liberorum, comme il le pouvoit suivant cet article. Je suis pour l’affirmative, comme fondée sur la disposition de la Loi Si unquam, au Cod. De vevocandis donat. qui établit cette proposition d’une manière à n’en pouvoir douter. Dumoulin traitant cette difficulté au sujet de la Loi Si aenquam. au Cod, de revocandis donat, & Ricard en son Traité des Donations, sont de cet avis. Mais afin qu’on ne dise pas que ces Auteurs n’ent parlé que suivant la jurisprudence du Parlement de Paris, je trouve la même décision dans les Arrêts du Parlement de Roüen, & entre autres il y en a un précis rapporté par Basnage sur cet Article, du s Juillet 16sz ; Berault & Godefroy sont de plus de ce sentiment dans les observations qu’ils ont faites sur ce même Article. Et si on dit qu’il y a un Arrét contraire du mois de Janvier 17zé contre le gendre du Procureur General de ce Parlement, il ne doit point être tiré à conféquence, ayant été rendu sur des raisons particulières de fait, qu’on ne peut expliquer ici.

Il y a cette disserence entre cette révocation d’une donation, qui se fait ex sapervenientia liberorum, & la révocation d’une donation, qui se fait pour caule d’ingratitude, que la premiere se fait de plein droit ex rapite liberorum, & sans avoir befoin de l’action du Donateur ou Donarrice de fon vivant, & nonobstant que le Donateur ou Donatrice n’ait point révoqué la donation de son vivant, ni intenté aucune action de son vivant ; au lieu que la seconde révocation n’a point lieu, si elle n’est intentée par le Donateur ou Donatrice de fon vivant, sans que cette action passe à ses héritiers ou ayans cause si elle n’a été formée & intentée de son vivant.

Ce ne seroit pas assez que le Donateur eût eu des enfans en legitime mariage depuis la donation, il faut qu’il y ait quelque enfant vivaut au jour de la demande en révocation de la donation.

Par le Jugement de révocation de la donation, le Donataire perd la propriété & la joüissance de l’héritage & immeuble qui lui avoir été donné, sans ce pendant être obligé à rendre & restituer les fruits & revenus de la joüissance pas-sée, parce qu’il a fait les fruits siens jusques au jour de la demande en revoCation.

Réservé celle faite en faveur de mariage & pour la dot de la femme, laqvelle est révoquée quant a la propriété seulement, demeurant l’usufruis à la femme ; & si elle est faite au mari, la femme aurait doüaire sur les choses données.

Si donc la donation avoit été faite au mari en faveur de mariage, elle seroit à la vérité révoquée par la survenance d’enfans du Donateur quant à la propriété & usufruit de la chose donnée, mais la femme du Donataire en joüiroit du tiers sa vie durant pour son doüaire, & si la donation avoit été faite à la femme en aaveur de mariage ou pour lui tenir lieu de dot, la donation ne seroit révoquée par la survenance d’enfans dù Donareur que par rapport à la pro-priété de l’immeuble donné, mais lû femme en auroit l’usufruit & la joüissance pendant sa vie : avec cette remarque qu’il faut qu’il y ait des enfans survenus. depuis la donation, car le mariage seul du Donateur au Donatrice ne saffiroit pas pour faire révoquer la donation ; ainsi la veuve du Donareur, qui n’auroit point d’enfans de son mari, ne pourroit pas demander doüaire sur l’immeuble donné ; Arrêt du Parlement de Normandie du 35 Mai 1655 : ni le mari avvit la juüifsance de l’immeuble qui avoit été donne à sa femme en faveur de mariage, où pour se dt ; il n’y a que la survenance d’enfans, qui puisse pro-duire ces éffets.


ARTICLE CCCCL.

D Onation faite de tous les biens à la charge d’alimens, foit par démission ou autrement, n’est valable que jusques à la concurrence du tiers, sauf à déduire les alimens sur les meubles & fruits des deux autres tiers.

La donation de tous les biens du Donateur, tant meubles qu’immeubles, par donation ou autrement, même à la charge de nourrir le Donateur sa vie durant, est réductible au tiers des immeubles, & n’est valable que jusques à coneurrence du tiers des immeubles, sans cependant que le Donateur fût recevable à demander la réduction, si le Donataire accomplit les charges de la donation ; l’action en appartiendroit à ses heritiers seuls, & aprés sa mort ; mais l’un autre côté si les heritiers du Donateur demandent la réaduction de la donation au tiers des immeubles, le tiers qui restera au Donataire lui demeurera franc & quirte des alimens payez & fournis au Donateur tant qu’il a vécu, comme si la donation avoit été faite sans cette charge, sans que les heritiers puissent lui en demander la répetition par rapport à l’excedent du tiers des immeubles ; & par rapport aux meubles donnez, les meubles lui demeureront, aussi bien que les fruits & revenus des deux tiers des immeubles, par manière de compensation des alimens qu’il a fournis au donateur pendant sa vie ; en un mot en cas de réduction d’une pareille donation, le Donataire aura tous les meubles & le tiers des immeubles, sans être obligé de faire raison aux héritiers du Donateur, des fruits & revenus des deux tiers des immeubles, du passé, c’est à-dire échus pendant la vie du Donateur.

Einalement il faut inférer de cet Article, qu’on ne peut donner en usufruit plus qu’on ne peut donner en propriété.