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ARTICLE DXXXVII.

B Ref de Mariage encombré équipole à une réintegrande pour remettre les femmes en possession de leurs biens, moins que duë ment aliénez durant leur mariage, ainsi qu’elles avoient lors de l’aliénation ; & doit être intenté par elles ou leurs héritiers dans l’an & jour de la dissolution de leur mariage, sauf à eux à se pourvoir aprés l’an & jour par voye propriétaire.

Le mot de Bref veut dire ici un Mandement ou Ordonnance du Juge au bas d’une Requête à lui présentée par la femme ou ses héritiers, portant permision de faire assigner pardevant lui un possesieur oi détempteur de ses biens mal alienez par son mari, a ce qu’il ait à lui en laisser la libre possession & joüissance ; on appelle ce Mandement Bref, parce qu’il doit contenir brievement & sommaire ment le fait & les moyens de la demande ; on pourroit encore donner le nom de complainte à cette action ; c’est ce qu’on appelle en Droit Romain interdieaeum recuperandae possessionis, action en réintegrande ; & le terme de afsariage en-combre, veut dire les biens de la femme moins que duëment & mal alienez par le mari pendant le mariage, comme ayans ête alienez à son insçû, & sans sa participation & son consentement.

Par les biens de la femme il faut entendre tous ses biens immeubles dotaux ; ce qui comprend ceux qu’elle a eû en mariage, & ceux qui lui sont échus pendant le mariage jusqu’au jour de l’aliénation que le mari en a induëment faite.

Le Bref de Mariage encombré ou de réintegrande, n’est pas personnel à la femme, il passe à ses heritiers, quoique la femme ne l’ait pas intenté de son vivant.

Cette action doit être intentée dans l’an & jour de la dissolution du mariage. par la mort naturelle ou civile du mari, la séparation de corps & de biens ou de biens seulement, n’y donneroit pas lieu ni ouverture.

Cette action ne dure qu’un an & jour, ce qui régarde le possessoire par forme de complainte ou de réintegrande, saut à la femme si elle a laissé passer l’an & jour à compter du jour de la dissolution du mariage, sans avoir intenté cette demande, à se pourvoir au petitoite, ce qu’elle ou ses heritiers pourront faire dans les quarante ans du jour de la mort du mari ; de maniere que la femme ou ses héritiers ont deux voyes aprés la mort du mari pour se pourvoir contre les alienations induëment ou mal faites de ses biens par son mari, l’une par Bref de mariage encombré, l’autre par la voye de propriétaire, c’est à-dire par l’action de ley apparente, qui peut s’intenter dans les quarante ans du jour du décës du mari, Lu femme ne peut se servir de Bref de Mariage encombré, qu’aprés avoir renoncé à la succession de son mari ; car si elle se porte son héritiere, elle con-fond cette action en sa personne, & cette action lui est interdire.

L’action de mariage encombré n’a lieu que pour les biens de la femme, alienez par son mari sans son consentement, & à l’aliénation desquels elle n’a ni parle ni signé, ou que si le mari l’y a fait signer 5’a été par force & violence, dol & fraude, ou elle mineure ; car si la femme a consenti l’alienation, elle n’a que la voye de se pourvoir contre le Contrat ou Acte par Lettre de rescision ou restitution, & poursuivre les detempteurs & possesseurs de ses biens, à ce qu’ils ayent à s’en désister & départir à son profit, si mieux ils n’aiment lui en payer la juste valeur à dire d’Experts, ou lui indiquer des biens appartenans à son mari, & sussisans pour le remplacement de ses biens dotaux.

L’effet du Bref de mariage encombté est de faire rentrer les femmes en la possession de leurs biens moins que duëment alienez par le mari pendant le maria-ge, sans le consentement, ou consentement valable de la femme ; de les faire rentrer dans cette possession, ainsi & de la manière qu’elles joüissoient de leurs oiens lors de l’aliénation ; & de rendre le mari responsable des dettes actives & droits de la femme, qu’il auroit négligé d’exiger & exercer.

La femme ne pourroit pas moins avoir l’action de mariage encombré, quoiqu’elle eûr dans la suite approuvé & ratifié formellement l’aliénation de ses biens, faite induëment par son mari ; parce que cette aliénation étant nulle initio anspecto & dans son principe, elle ne peut valider par une ratification ; Arrest du Parlement de Normandie, du 37. Mars 1638.

Le Bref de Mariage encombre à lieu contre les pere, mere, où les freres qui auroient fait le rachapt ou amortissement de la rente dotale par eux constituée, & même contre tous autres debiteurs de rentes dotales, qui les auroient remboursées & amorties au mari à l’insçû & sans la participation de la femme, sans même que la femme soit tenuë de discuter préalablement les biens de son mari ; Arrest du même Parlement, du 35. Decembre 1671. C’est pourquoi ceux qui doivent des rentes dotales, ne peuvent trop prendre de précautions lorsqu’ils en font le rachat & amortissement, parce que tost ou tard ils pourroient être recherchez par la femme ou ses héritiers, si elle ou ses héritiers ne trouvoient pas aprés la dissolution du mariage, la valeur de sa rente dotale dans les biens de son mari.

L’action de Mariage encombré ne concerne pas seulement les biens qui ont été donnez en dot à la femme, mais encore les biens qui lui sont échus pendant le mariage par succession directe ou collaterale, donation, legs ou autrement, moins que duëment alienez par le mari ou par lui engagez & hypotequez, ou lorsque le mari a reçû le rachat & amortissement de rentes appartenantes à la femme, le tout sans le consentement valable de la femme, ou sans avoir par le mari fait les remplacemens qu’il étoit obligé de faire, & qui auroient mis les acquereurs, tiers détempteurs & débiteurs à couvert des recherches & poursuites de la femme.

Quoiqu’un mari soit maître des actions mobiliaires & possessoires de sa femme, & qu’il puisse faire seul tous actes d’aministration des biens de sa femme, il ne pourroit pas néanmoins proceder à un partage de biens qui seroient venus du chef de sa femme, sans elle, à peine de nullité du parrage ; parce qu’un partage est pour ainsi dire une aliénation : Or un mari ne peut aliéner le biens de sa femme sans elle & sans son consentement.