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ARTICLE DXXXVIII.

Q Uand le mari du consentement de sa femme, ou la femme de l’autorité & consentement de son mari, ont vendu & aliené, les Contrats sont bons & valables, & n’y sont la femme ni ses héritiers recevables, cessant minorité, dol, fraude, déception d’outre moitié de juste prix, forces, menaces ou crainte, telle qui peut tomber en l’homme constant ; car la seule reverence & crainte maritale n’est suf-fisante.

Il faut que trois choses concourent pour qu’une aliénation faite d’héritages & biens immeubles d’une femme mariée & en puissance de mari, soit valable.

La premiere, que l’alienation soit faite par le mari du consentement expres de de la femme majeure de vingt ans, & expressément autorisée par son mari dans ce consentement, ou par la femme aussi majeure, du consentement & autorité expresse de son mari.

La seconde, que l’aliénation soit faite sans fraude, dol, force, violence, menaces, & voyes de fait de la part du mari, déception d’outre moitié de juste prix, ou crainte légitime en la personne de la femme, & telle qui peut tomber dans l’homme fort & constant ; car ce ne seroir pas assez d’alléguer par la femme une, crainte maritale, respect & réverence pour son mari, il faudroit la crainte de perdre la vie, ou d’essuyer toutes sortes de maltraitemens & indignitez d’un mari.

Mais cela ne suffiroit pas pour mettre les acquereurs, tiers détempreurs & possesseurs des biens de la femme à couvert des recherches & poursuites de la femme, pour leur assurer la propriété & possession incommutable des biens par eux acquis, il faudroit ou que le prix de la chose alienée eût été remplacé par le mari pour l’indemnité de la femme, ou que le prix fe put reprendre sur les biens du mari, ou que les acquereurs, tiers détempteurs & possesseurs offrissent de rendre le prix de l’alienation à la femme ; car une de cés conditions. manquant, la femme pourroit rentrer en la proprieté & possession de ses héritages & immeubles, nonobstant qu’elle eût consenti à l’alienation, & qu’elle eût été expressément autorisée par son mari, elle majeure, sans dol, fraude, menaces, force, violence, crainte légitime & déception, même de moitié de juste prix ; mais dans ce cas, l’action qui appartiendroit à la femme, ne seroit pas le bref de mariage encombré, ce seroit la voye d’une demande à l’ordinaire, qui tendroit à faire refoudre par les moyens de nullité, ou par les Lettres du Prince, les Contrars d’alienations, s’il y avoit lieu, ou d’obliger les acquereurs, détempteurs & possesseurs des héritages & immeubles, à lui payer le prix des alienations, sans qu’ils pussent autrement se maintenir dans leurs acquisitions ; parce qu’en fin dans nôtre Coûtume une femme mariée & en puissance de mari, ne peut perdre son bien alièné par son mari, même de son consentement, il faut qu’on lui en fasse raison, sinon il lui sera permis d’y rentrer contre les détempteurs & possesseurs.

Si la femme vouloit aprés la dissolution du mariage, entretenir les Contrats d’aliénation de son bien, les acquereurs ne pourroient opposer ni se prévaloir du defaut de consentement & d’autorisation du mari, ni le mari qui auroit vendu & aliéné le bien de sa femme sans le consentement de sa femme, ne pourroit pas inquièter l’acquereur sous prétexte du défaut de consentement de sa femme car le Contrat subsisteroit si la femme ou ses heritiers y donnoient les mains, & en consentoient l’exécution.

Il faut que l’autorisation du mari, dans les Contrats de vente & aliénation des biens de la femme, ou dans tous les autres Actes où la femme doit être autorisée par son mari, soit expresse, formelle & prétée à l’instant du Contrat ou Acte, & par le Contrat ou Acte, à peine de nullité du Contrat ou Acte.

Un mari mineur ne peut autoriser sa femme majeure, mais un mari majeur peut autoriser sa femme mineure, sauf à la femme à se pourvoir contre le Contrat ou Acte, si elle croit qn’il lui est désavantageux & préjudiciable.

La femme séparée de biens peut, sans autorisation ni permission de Justice & sans l’avis & consentement de son mari, vendre & hipotequer ses meubles, presens & à venir de quelque valeur qu’ils soient, & les immeubles par elle aequis depuis sa séparation, sans qu’il soit besoin d’en faire le remploi ; art 126. du Reçlement de 1666. mais la femme, quoique séparée de biens, ne peut, méme du consen tement & de l’autorité de son mari, vendre & hipotequer les im-meubles qui lui appartenoient lors de la séparation, ou qui sui sont depuis échus par succession, sans permission de Justice & avis de parens : néanmoins les Contrats qu’elle aura faits sans la permission de Justice & avis de parens, poutront être execurez sur ses meubles & sur le revenu de ses immeubles, aprés qu’il seréchû & amobilié ; art. 127. du même Reglement.

Tous les Contrats ou Actes dans lesquels manque l’autorisation de la femme par son mari, sont nuls de nullité coutumière, sans même avoir besoin de Lettres de Relevement ou de Rescision.

Une femme, quoique séparée de biens, ne peut cautionner son mari, à plus

forte raison ne peut-elle autoriser un étranger, à peine de nullité du cautionnement.

La femme Marchande publique peut, sans l’autorisation de son mari, s’obliger & engager ses biens meubles & immeubles, & même ceux de son mari, pour le fait de sa marchandise ; cependant si la femme Marchande publique ne trouvoit pas dans la suite je remplacement de ses héritages & immeubles sur les biens de son mari, elle auroit action contre les acquereurs & détempteurs de ses héritages & immeubles pour les reprendre en naturé, si mioux n’aimoient les acquereurs & détempreurs lui payer le prix de leur acquisition ; Arrest du Parlement de Roüën, du S. Juillet 1670.

Or, on appelle Marchande publique une femme qui fait un commerce distinct & separé de celui de son mari, telles sont les Lingeres, les Revendeuses à la toilerte, les Courtières, & les Marchandes de marée, où de poisson frais ou falé, de mer ou d’eau douce ; ces sortes de femmes sont mêmes contraignables par corps, elles & leurs maris pour le fait de leur commerce, & leur fûit produit la contrainte par corps contre leurs maris, quoiqu’il n’ayent point parlé dans les obligations & engagemens, & cela en fareur du commerce.

Quoique la femme ait dûement consenti à l’aliénation faite par fon mari de ses héritages & immeubles, elle peut néanmoins in subsidium interrupter les acquereurs & détempteurs, si elle ne trouve pas son remplacement sur les biens de son mari.

La fille pour le payement de son mariage, ou ses héritiers, peuvent demander que les héritages affectez à sa dot leur soient baillez à duë estimation, encore que les héritages ayent été aliénez ; art. 122. du Reglement de 1666. d’autant que nonobstant l’aliénation, ils ont toujours le même droit sur les héritages, encore que les Contrats de vente, échange & fieffe, faits des héritages & immeubles, aux termes du present Article & de l’Article 541. de notre Coûtume, soient bons & valables, & qu’en vertu d’iceux la propriété en soit transferée aux acquereurs ; art 124. du même Reglement ; il est néanmoins au choix de la femme & de ses héritiers, de se contenter du prix de la vente, ainsi que du contréchange & de la vente de sieffe, ou de demander le juste prix de ses héritages à son mari ou ses héritiers, & subsidiairement aux acquereurs & détempreurs, aux termes des articles 547. & 542. de la Coutume, & article 125. du Reglement de 1666.

En matière criminelle la femme peut, quoique non autorisée par son mari & à son refus, poursuivre l’injure, délit, forfait & crime commis en sa personne par autrui.

Une femme qui auroit accepté une succession onèreuse, seroit restituable contre l’acceptation, encore qu’elle fût majeure lors de son acceptation ; parce que sa dot en pourroit souffrir, & se trouveroit par-là aliénée ; Arrest du méme Parlement, du 5. Juillet 1635.

La crainre qui peut servir à la femme pour la rescision de la vente que son mari lui a fait faire de son bien, doit être telle qui tombe sur l’homme fort & constant ; car la seule réverence maritale ne suffiroit pas.

Par Arrest dit Parlement de Paris, du ao Aoust 1725. en la Grand’Chambre, à l’Audience du matin ; il a été jugé qu’un mari, quoique commun en biens avec sa femme par leur Contrat de mariage, n’étoit point tenu du contenu en un Billet fait par la femme avant leur mariage, sous signature privée, sauf au créancier à se pourvoir sur les biens de la femme aprés la dissolution du mariage, ou aprés la communauté dissolué, parce qu’on présuma que ce Billet sous signarure privéc, avoit été fait pendant le mariage, & dans le tems que cetre femme étoit en puissance de mari, & qu’il avoit été entidaté dans la véé de le faire payer au mari, par la maxime que qui épouse la femme épouse les dettes ; cet Arrest confirmâ avec amende & dépens la Sentence des Requêres du Palais, qui avoit déchargé le mari du contenu au Billet.