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ARTICLE DXXXIX.

S I le dot de la femme a été aliéné en tout ou partie, & que les de niers ne soient convertis à son profit, elle aura récompense de juste prix sur les biens de son mari, du jour du Contrat de mariage & célébration d’icelui.

Cet article contient trois dispositions La première, que si les deniers provenans de l’aliénation des biens ou partie des biens de la femme n’ont point été employez, elle peut en demander récompense sur les biens de son mari.

La seconde, que cette récompense lui est dûë suivant le juste prix de la valeur de ses héritages & immeubles aliénez.

La troisième, que pour cette récompense la femme a hipoteque sur les biens de son mari, du jour de son Contrat de mariage.

Voiei presentement les maximes qu’il faut établir au sujet de ces trois dispnsitione. positions.

Si les biens de la femme ont été aliénez pendant le mariage en tout ou partie, & que les deniers provenans de l’aliénurion n’ayent point été remplacez ni convertis au profit de la femme en autres héritages & im meubles, la femme pourra en demander récompense sur les biens de son mari, & lubsidiairement il lui sera permis d’interrupter les acquereurs & tiers détempteurs, sans même êrre tenuë de leur restituer le prix de leur acquisition, & nonobstant que l’aliénetion eût été dûement faite, c’est-à-dire la femme étant majeure & ayanr été expressément autorisée par son mari, & que le mari & la femme eussent par un mutuel consentement vendu & aliéné les héritages & immeubles.

Le remploi de la dot & des héritages & immeubles de la femme, vendus & aliénez, sur les biens de son mari, lui est dû, ou à ses heritiers, de droit, & in vim de son Contrat de mariage, quand même il n’y auroit point eu de stipulation par le Contrat de mariage.

L’héritage ou autre immeuble acquis par le mari & la femme du consentement & de l’agrément de la femme, des deniers provenans de la vente & aliénation faite par le mari du consentement de la femme, des biens dotaux & propres de la femme, appartiennent à la femme, s’il est fait mention dans le Con-trat que cette acquisition a été faite des deniers de la femme, provenans de la vente ou aliénation de ses héritages & immeubles, ou de partie d’iceux mais il faut pour cela deux choses ; l’une, que la femme ait expressément consenti à ce remploi & l’ait duëment agrée ; car il ne suffiroit pas que le remploi eût été fait de les deniers ; l’autre, que le remploi porte qu’il est fait de de niers procedans de la vente & aliénation des propres de la femme, & que l’acquisition lui tiendra lieu de remplacement, sans quoi elleipourroit refuser le rempla-cement ou remploi.

Le mari n’est point tenu du remploi d’une partie des propres de sa femme, par elle venduë & aliénée pendant son mariage, lorsque la femme s’est réservé par son Contrat de mariage la faculté de pouvoir vendre, aliéner & disposer d’une partie de ses propres ; la femme ne pourroit pas même en ce cas interrupter les acquereurs de cette portion de propres ; Arrest du Parlement de Nor-mandie, du 15. Iuillet 3é66.

Il ne se fait point de remploi d’une Coûtume en une autre, c’est-à. dire que les propres de la femme, situez en une autre Coûtume que celle de Normandie, vendus & alienez par son mari, ne sont point remplacez sur les immeubles situez dans la Coûtume de Normandie ; comme les propres de la femme, situez dans la Coutume de Normandie, vendus & aliénez par le mari, le remploi ne s’en fait point de droit sur les héritages & immeubles situez en une autre Coutume ; Arrest du même Parlement, du 11. Juiliet 162s.

En Normandie il est de la prudence d’un acquereur de biens d’une femme mariée, de demander un remplacement de l’immeuble vendu, soit héritage, soit rente, pour sa sûre, autrement il sera toujours exposé aux recherches de la femme ou de ses héritiers, si son mari n’a pas de biens sussisans pour répondre de l’aliénation.

Comme dans nôtre Coûtume les propres doivent toujours être rempiacez de droit ou par stipulation, l’action de remploi des propres aliénez de la femme, appartient toujours aux héritiers des propres maternels, comme l’action de remploi des propres du mari, aliénez, appartient aux héritiers paternels du mari.

Si les propres de la femme ont été mal remplacez, & que la femme n’ait point été portée, colloquée & mise en ordre utilement à l’état ou dans l’ordre du prix de la vente & adjudication par decret des biens de son mari, elle est recevable à venir en interruption contre les acquereurs ; Arrest du même Tarlement, du a. Decembre 1629.

Le mari qui s’est obligé envers l’acquereur des propres d’une femme, de remplacer les deniers de cette vente & aliénation en fonds de terres & héritages, n’est pas censé avoir setisfait à cette condition, en employant ces deniers en Contrats de rentes hypoteques ou constituées à prix d’argent ; Arrest du même Parlement, du 28. May 1659. Autre chose seroit si la stipulation de remplacement avoit été vague, non spécifiée & non déterminée en quoi il feroit sait.

Quoique le tiers acquereur ne puisse être obligé à déguerpir & délaisser l’héritage & immeuble par lui acquis aux Créanciers hypotecaires par une deman-de en déclaration d’hypoteque, & qu’il ne puisse être dépossedé que par la saisie réelle, néanmoins la femme, ou ses héritiers, peut demander pour le remplacement de ses propres duëment aliénez, que partie des héritages & immeubles affectez à sa dot, non aliénez, lui soient baillez, délaissez & délivrez à duë estimation pour le payement de sa dot, sans qu’elle soit tenuë de les faire saisir, decreter, vendre & adjuger, si mieux n’niment les héritiers ou Créanciers du mari payer le prix de la dot à la femme ou à ses héritiers ; art. 120. & 121. du Reglement de 1666. Mais d’un autre côté on ne peut obliger la femme ni ses héririers à prendre pour le remplacement de ses propres duëment aliénez, des héritages & immeubles, elle peut faire decreter les héritages & immeubles sur les acquereurs & tiers détempteurs, si mieux n’aiment les acquereurs & tiers détempteurs payer à la femme, ou à ses héritiers, le prix de sa dot, ou lui rendre & délaisser les héritages & immeubles par eux acquis ; Arrest du Parlement de Roüen, du 5. Mars 1677.

Lorsque la femme est la premiere créancière de son mari pour raison de sa dot, elle peut demander, même aprés l’interposition du decret des biens de son mari, distraction des l’éritages & imme ubles affectez à sa dot, sans être tenuë des frais de consignation, ni du droit de Treizième : mais s’il y a des créanciers anterieurs à la dot, la femme n’a que la voye de l’opposition à fin de conserver & à fin de cieniers sur le prix de la vente & adjudication des biens de son mari, suivant son hypoteque.

Le remplacement ou la récompense de la femme sur les biens de son mari, pour sa dot & ses propres dûëment alienez, lui appartient & à ses héritiers, jusqu’à dué concurrence de la juste valeur de la dot & des propres alienez ; au tems du décés du mari ; & l’hypoteque de ce remplacement ou recompense sur les biens du mary, est du jour du Contrat de mariage, & S’il n’y avoit point de Contrat de mariage, du jour de la benediction ou celebration de mariage, & non du jour de l’alienation.

Il faut encore remarquer que la dot de la femme, par rapport à l’hypoteque pour le remplacement ou recompense de sa dot sur les biens de son ma-ri, à compter du jour de son Contrat de mariage ou Acte de celebration de son mariage, consiste dans les biens qui apparrenoient à la femme lors de son mariage, en tout ce qui lui est échù à droit successif ou donation en ligne directe pendant & constant le mariage, & dans le remplacement que le mari a dû faire des meubles venus à la femme par succession directe pendant le mariage ; mais à l’égard des autres biens propres de la femme, à elle échus par succession collaterale, donation, legs, acquisition ou autrement, & dûëment alienez par le mari & la femme conjointement, la femme n’a hypoteque pour le remplacement, recompense & indemnité sur les biens de son mari, pour raison de ces sortes de biens, que du jour de l’alienation qui en a été faite.

Enfin c’est aux héritiers du mari, à ses créanciers, ou acquereurs des propres de la femme, à montrer, justifier & prouver que les denters provenans de la vente & aliénation de la dot & des propres de la femme, ont été convertis & employez au profit de la femme, pour pouvoir empécher l’action de la femme ou de ses héritiers en remplacement & indemnité sur les biens de son mari.