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ARTICLE DXLI.

S I le dot a été vendu par la femme pour rédimer son mari n’ayant aucuns biens, de prison de guerre, ou cause non civile, on pour la nourriture d’elle, de son mari, de ses pere, mere, où de ses enfans en extrême nécessité, elle ne le pourra retirer, fauf le recours de la femme sur les biens du mari où il parviendroit à meilleure fortune, & non sur les biens des acquisiteurs.

Nonobsttant la faveur de la dot & autres immeubles de la femme, & la disposition de l’Article précedent, voici suivant le présent Article trois cas dans lesquels une aliénarion ou obligation faite par une femme mariée, en puissance de mari, pendant & constant son mariage, de sa dot & autres immeubles, en tout ou en partie, est non seulement Valable, mais encore la femme ne pourroit inquièter ni interrupter les acquereurs & tiers détempteurs de la dot & im-meubles alienez, quand même la femme ne pourroit pas en trouver le remplacement & l’indemnité sur les biens de son mari, sauf à elle à esperer & attendre que son mari vienne à meilleure fortune.

Le premier cas, est pour rédimer son mari de prison, s’il est prisonnier de guerre, où des Barbares & ennemis du nom Chrétien ; desorte qu’il faut joindre ses mots de notre Article de prison de guerre, sans virgule ni disjonctive ; & s’il se trouve une virgule ou une disjonctive dans quelque texte ce quelque exemplaire de nôtre Coûtume, c’est une faute d’impression.

En effet telle est la jurisprudence du Parlement de Roüen ; il y en a deux Arrests précis, rapportez par Berault sur cet Article ; ils sont des 21 Everier 1577. & 14. Mars 1611.

Le second cas, est si le mari est emprisonné pour cause criminelle, & non pour cause purement civile ; car si l’alienation ou obligation de la femme étoit pour retirer son mari de prison pour dette ou pour cause civile, le Contrat d’aliénation, ou acte contenant l’obligation ou engagement, ne seroit pas valable.

On entend par cause criminelle, une cause résultante d’une accusation criminelle, comme pour interét civils ou dommages & interéts, amende, aumo-ne ou réparation prononcée sur uue aecusation & en matiere criminelle, mais non pour dettes civiles ou condemnarion intervenuës en matiere civile, telles qu’elles soient, quand ce seroit pour deniers royaux ou pour dettes contractées pour raison de marchandise, commerce, négoce ou autrement.

La raison pour laquelle nôtre Coûtume n’a point voulu que les femmes originaires de Normandie, ou mariées en Normandie & y ayant leur domicile, oussent aliéner leurs biens doraux ou autres immeubles pour retirer leurs maris de prison lorsqu’ils sont emprisonnez pour cause ou dette civile, a été de crainte que les maris étans seulement prisonniers pour detre & cause civile, leurs femmes n’aliénassent leurs biens & ne s’obli reassent facilement pour retiret leurs maris de prison, & par-là ne perdissent leurs biens, contre l’esprit de la Coûtume qui a pris toutes sortes de précautions pour empécher que les femmes mariées non maneant indotate, & : ne viennent ad inopium ; mais cette regle cesse si un mari étoit emprifonné pour cause criminelle, où il s’agit de l’honneur & de la réputation.

Il faut de plus pour donner lieu à ces deux cas, que le mari soit actuellement prisonnier de guerre ou pour cause non civile ; car la simple crainte qu’un mari pourroit être arrété & constitué prisonnier de guerre, ou être pris des Barbares & ennemis du nom Chrétien, & être mené en esclavage, ne sussiroit pas ; autrement une femme poûrroit être aisément induite par son mari ou autres de sa part, à vendre, aliéner, engager & hypotequer son bien, & s’obliger pour son mari.

Quoique la maxime soit certaine en Normandie, que les femmes mariées & demeurantes en Normandie, ne peuvent valablement s’obliger, aliéner ou hypotequer leurs biens pour retirer leurs maris de prison lorsqu’ils font emprisonnez pour cause ou dette civile, néanmoins cette dificulté s’étant présentée au mois de Mars 1730. en la Grand. Chambredu Parlement de Paris, à l’Audience du matin, la cause fut appointée par Arrest du 29. Mars 1730. M. l’Avocat General Ghauvelin avoit conclut pour la nullité de l’Obligation ou cautionnement de la femme ; Rogeau, Huissier au Parlement, d’une part, & la Dame du Bourg, Parties plaidantes ; mais la vérité est que la difficuité ne fut pas mise dans tout son jour, comme je remarquai par la Plaidoirie du Défenseur de la Dame du Bourg, que j’entendis tout au long ; car comme j’avois été consulté par la Dame du Bours, je fut bien aise de me trouver à la Plaidoirie de la cause ; peut-être que ce qui donna lieu à l’apointement, fut le préjugé où est ce Parlement, que dans la Coûtume de Paris ou autres semblabies, une pareille aliénation ou obligation d’une femme mariée, est valable.

La piero ; l’équité, & les sentimens de la nature, demandent qu’on étendent la disposition de notre Article dans les deux cas ci-dessus expliquez, pour retirer par une femme mariée, ses pere, mere ou enfans, de prilon, mais toûjours pour cause & dette non civile, ou étans prisonniers de guerre ou en esclavage.

Il est à remarquer que suivant ce même Article, il faut que le mari n’ait aucuns biens, pour que la femme puisse valablement vendre, aliener & hypote-quer ses biens, & s’obliger pour retirer son mari de prison dans les deux cas ci-dessus expliquez.

Le troisième cas, est pour la nourriture de la femme mariée, de son mari & de ses pere, mere, ou de ses enfans, étans en extrême nécessité, & ne pouvant avoir d’ailleurs de quoi subsister & se nourrir, à moins que de mandier & demander l’aumone ; ce qui auroit aussi lieu si une femme mariée vendoit son bien ou s’obligeoit pour subvenir son mari en sa maladie, le mari n’ayant aucuns biens Arrest du Parlement de Roüen, du 18. Avril 1598. Ne pourroit : on pas dire la même chose pour par la femme mariée subvenir ses pere, mere, ou ses enfans en maladie, étans dans une extrême & dernière nécessité Guivant l’article 128. du Reglement de ré6é, une femme mariée ne peut vendre, engager & hiporgquer sa dot & ses propres pour les cas mentionnez en notre Article ; 41. sans la permission de la Justice & l’avis de ses parens, sans néanmoins que le consentement & autorisation du mari, soient nécessaires dans ces eas pour la validité des Contrats & Obligations de cette qualité, la permission de la Justice ou des parens, doit être spéciale & ad Boc ; & cette permission & avis seroient nécessaires, quand même la femme seroit séparée de biens d’avec son mari.

Des que la vente faite par la femme, ou son Obligation, seroit nulle, comme faite hors les cas marquez par le même article de notre Coutume, le Créancier ne pourroit pas se vanger sur les meubles de la femme, parcc qu’un pareil Contrat ou Acte est essentiellement nul & de nullité coutumière : C’est pourquoi on pourroit opposer cette nullité sans avoir besoin de Lettres de rescision ; & si on en prend quelquefois, c’est en tant que besoin & par surabondance de droit & cette voye de nullité ne peut être prescrite que par trente ans entre majeurs ; & à l’égard de la femme, elle ne commenceroit à courir que du jour de sa séparation, ou du jour du décës de son mari.

La nullité du Contrat d’aliénationou de l’obligation de la femme, ne seroit point Couverte par la déclaration que la femme auroit faite par l’Acte, qu’elle étoit demeurante à Paris ou autre lieu d’une Coûtume qui n’auroit point une pareille disposition que la Coûtume de Normandie, lorsqu’il seroit constant que la femme seroit de Normandie ou mariée en Normandie, par ce que l’inc apacité personnelle de cette femme la suit partout & en quelque lieu qu’elle ailie, & que d’ailleurs vous devez connoître siatum & conditionem ejus cum quo contracis ; un tel acte ne pourroit s’étendre sur les biens de la femme situez hors Normandie, même dans l’etenduë de la Coutume de Paris ou autres Coûtumes semblables ; telle est la Jurisprudence de la Province de Normandie, & même du Parlement de Paris, comme il paroit par un Arrest du 23. May 1729, & dont nous parlerons plus au long sur l’article 542.

Il y a plus, c’est que le Senarusconsulte Velleien, qui a lieu en Normandie, n’y ayant point été abrogé par l’Edit de r6os, ne forme point d’obstacle aux engagemens que la femme pourroit faire dans le cas de cet Article ; car la femme pourroit emprunter de l’argent, & s’obliger valablement pour les causes exprimées dans cette rencontre ; aussi aux termes de ce Senatusconsuite, la fem-me pourroit emprunter de l’arçent pour payer les detres de son pere, & son Obligation seroit valable s’il paroissoit évidemment que les deniers avoient été ae-tuellement employez à cer usage ; une mere pouroit même s’obliger en l’abfence de son mari, pour doter la fille, y étant naturellement obligée.