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ARTICLE DXLIII.

F Emme peut pour injure faire à sa personne, rendre plainte en Justice, & la poursuivre, encore qu’elle soit défavoüée par son mari, & la doit le Juge recevoir, pourvû que l’injure soit attroce, & où elle décherroit & seroit condamnée aux dépens ; le mari ne sera tenu en répondre, sinon jusques à la concurrence des fruits du bien de la femme ; & où les fruits ne seroient suffisans, la condamnation sera portée sur les biens de la femme autres que la dot.

Quoiqu’en Normandie il n’y ait point de communauté de biens entre mari & femme conjoints par mariage, cependant le mari est maître des revenus de le femme, & les fait siens ; il en a la pleine administration, il fait les baux & donne quitrances ; il est pareillement maître des actions mobiliaires & posseffoires de la femme, & peut agir seul & déduire les droits & actions de sa femme en Jugement, autres toutefois que les actions hereditaires & de propriété, teiles actions ne pourroient être intentées qu’au noin de la femme & de son mari conjointement, ou par la femme autorisée par son mari, ou à son refus nutorisée par Iustice.

Tout ce que dessus cesseroit si la femme étoit séparée de biens & d’habitation, ou de biens seulement ; le mari n’auroit plus l’administration des biens de sa femme, il n’en feroit plus siens les revenus, il n’en feroit point les baux, il ne donneroit point de quitances, ni il ne pourroit intenter d’actions mobiliaires & possessoires, deffendre, ni faire aucune chose pour raison des biens de sa femme ; le mari n’est plus maître de rien, c’est la femme qui est dame & propriétaire de ses biens tant à la joüissance qu’à la propriété, elle est même autorisée par Justice pour la poursuite de ses droits & actions mobiliaires & possessoires ; elle ne pourroit pas toutefois valablement rien faire quant à la propriété de ses biens, qu’elle ne fût autorisée de son mari.

Par ces Articles la femme, quoiqu’en puissance de mari & non séparée d’avec lui, peut pour méfait, médit ou autre crime considérable commis en sa petsonne, en rendre plainte au Juge, & en poursuivre l’accusation, sans le consentement, l’approbation & aveu de son mari, & quand même le mari déclateroit qu’il l’a délavoüée, & n’entend l’autoriser dans sa plainte, accusation & poursuite : mais nonobstant ce désaveu, s’il intervient par l’avenement du jugement quelques condamnations pécuniaires contre la femme, comme domma-ges & interêts, interéts civils, dépens, amende ou aumone ; ces condamnations. pecuniaires se prendront sur les revenus des biens de la femme, au préjudice du mari à qui ils appartiennent de droit, ad sustinenda onèra matrintonii, & s’ils ne suffisent, sur le fonds des biens de la femme, autres tourefois que sa veritable dot, qui consiste dans les biens que legemme avoit au jour de son mariage, tant eeubles qu’immeubles, & ceux qui loi sont écEûs par donation ou succession en ligne directe pendant le mariage ; ces biens feront exempts quant à la proprieté de ces condamnations pendant & constant le mariage, sauf au créancier aprés la dissolution du mariage, à saisir, soit par saisie mobiliaire ou par saisie immobiliaire, ces fortes de biens pour raison de ces condamnations ; mais à l’égard des autres biens de la femme, le créancier pourroit se vanger dessus, même sur les sonds, pendant le mariage ; telle est la déposition de cet Artie le qui ne laisse pas d’être désavantageuse & dure au mari, d’autant qu’il semble que n’ayant point avoüé sa femme dans sa poursuite, les condamnations pécuniaires intervenuës contre sa femme, ne de vroient pas se prendre sur aucuns des revenus des biens de la femme, qui appartiennent & sont destinez au mari, ad sustinendae onera matrimonii, & qu’il falloit que le créancier differit ses poursuites à cet égard jusques aprés la dissolution du mariuge ; mais c’est la disposition de nôtre Coûtume, ainsi en vain voudroit-on faire des raisonnemens contre ; quoi-qu’il en soit, ie mari n’est jamais tenu de ces condamnations en son propre & privé nom, ni sur ses biens ; autre chose seroit s’il avoit entrepris, loutenu & poursuivi le proces criminel en son nom, conjointement avec sa femme & lui en qualité de mari, en ce cas il seroit tenu personnellement & sur ses biens, des condamnations pécuniaires.

Mais quant aux depens en matière civile, prononcez contre une femme, l’usage & la Jurisprudence de Normandie, est que le mari en est toujours tenu, soit qu’il ait autorisé sa femme dans la poursuite, soit que la femme y fût partie comme femme autorisée par Justice au refus de son mari ; parce qu’on prétend dans cette Province, que la jouissance que le mari a des biens de sa femme, l’engage à en payer les charges & les dettes qui viennent du chef de la femme ; Arrest du Parlement de Roüen, du r6 Juillet 1659. c’est là une chose bien dure & préjudiciable à un mari.