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TITRE XXI DU BREF DE MARIAGE ENCOMBRE.

ARTICLE DXXXVII.

B Ref de Mariage encombré équipole à une réintegrande pour remettre les femmes en possession de leurs biens, moins que duë ment aliénez durant leur mariage, ainsi qu’elles avoient lors de l’aliénation ; & doit être intenté par elles ou leurs héritiers dans l’an & jour de la dissolution de leur mariage, sauf à eux à se pourvoir aprés l’an & jour par voye propriétaire.

Le mot de Bref veut dire ici un Mandement ou Ordonnance du Juge au bas d’une Requête à lui présentée par la femme ou ses héritiers, portant permision de faire assigner pardevant lui un possesieur oi détempteur de ses biens mal alienez par son mari, a ce qu’il ait à lui en laisser la libre possession & joüissance ; on appelle ce Mandement Bref, parce qu’il doit contenir brievement & sommaire ment le fait & les moyens de la demande ; on pourroit encore donner le nom de complainte à cette action ; c’est ce qu’on appelle en Droit Romain interdieaeum recuperandae possessionis, action en réintegrande ; & le terme de afsariage en-combre, veut dire les biens de la femme moins que duëment & mal alienez par le mari pendant le mariage, comme ayans ête alienez à son insçû, & sans sa participation & son consentement.

Par les biens de la femme il faut entendre tous ses biens immeubles dotaux ; ce qui comprend ceux qu’elle a eû en mariage, & ceux qui lui sont échus pendant le mariage jusqu’au jour de l’aliénation que le mari en a induëment faite.

Le Bref de Mariage encombré ou de réintegrande, n’est pas personnel à la femme, il passe à ses heritiers, quoique la femme ne l’ait pas intenté de son vivant.

Cette action doit être intentée dans l’an & jour de la dissolution du mariage. par la mort naturelle ou civile du mari, la séparation de corps & de biens ou de biens seulement, n’y donneroit pas lieu ni ouverture.

Cette action ne dure qu’un an & jour, ce qui régarde le possessoire par forme de complainte ou de réintegrande, saut à la femme si elle a laissé passer l’an & jour à compter du jour de la dissolution du mariage, sans avoir intenté cette demande, à se pourvoir au petitoite, ce qu’elle ou ses heritiers pourront faire dans les quarante ans du jour de la mort du mari ; de maniere que la femme ou ses héritiers ont deux voyes aprés la mort du mari pour se pourvoir contre les alienations induëment ou mal faites de ses biens par son mari, l’une par Bref de mariage encombré, l’autre par la voye de propriétaire, c’est à-dire par l’action de ley apparente, qui peut s’intenter dans les quarante ans du jour du décës du mari, Lu femme ne peut se servir de Bref de Mariage encombré, qu’aprés avoir renoncé à la succession de son mari ; car si elle se porte son héritiere, elle con-fond cette action en sa personne, & cette action lui est interdire.

L’action de mariage encombré n’a lieu que pour les biens de la femme, alienez par son mari sans son consentement, & à l’aliénation desquels elle n’a ni parle ni signé, ou que si le mari l’y a fait signer 5’a été par force & violence, dol & fraude, ou elle mineure ; car si la femme a consenti l’alienation, elle n’a que la voye de se pourvoir contre le Contrat ou Acte par Lettre de rescision ou restitution, & poursuivre les detempteurs & possesseurs de ses biens, à ce qu’ils ayent à s’en désister & départir à son profit, si mieux ils n’aiment lui en payer la juste valeur à dire d’Experts, ou lui indiquer des biens appartenans à son mari, & sussisans pour le remplacement de ses biens dotaux.

L’effet du Bref de mariage encombté est de faire rentrer les femmes en la possession de leurs biens moins que duëment alienez par le mari pendant le maria-ge, sans le consentement, ou consentement valable de la femme ; de les faire rentrer dans cette possession, ainsi & de la manière qu’elles joüissoient de leurs oiens lors de l’aliénation ; & de rendre le mari responsable des dettes actives & droits de la femme, qu’il auroit négligé d’exiger & exercer.

La femme ne pourroit pas moins avoir l’action de mariage encombré, quoiqu’elle eûr dans la suite approuvé & ratifié formellement l’aliénation de ses biens, faite induëment par son mari ; parce que cette aliénation étant nulle initio anspecto & dans son principe, elle ne peut valider par une ratification ; Arrest du Parlement de Normandie, du 37. Mars 1638.

Le Bref de Mariage encombre à lieu contre les pere, mere, où les freres qui auroient fait le rachapt ou amortissement de la rente dotale par eux constituée, & même contre tous autres debiteurs de rentes dotales, qui les auroient remboursées & amorties au mari à l’insçû & sans la participation de la femme, sans même que la femme soit tenuë de discuter préalablement les biens de son mari ; Arrest du même Parlement, du 35. Decembre 1671. C’est pourquoi ceux qui doivent des rentes dotales, ne peuvent trop prendre de précautions lorsqu’ils en font le rachat & amortissement, parce que tost ou tard ils pourroient être recherchez par la femme ou ses héritiers, si elle ou ses héritiers ne trouvoient pas aprés la dissolution du mariage, la valeur de sa rente dotale dans les biens de son mari.

L’action de Mariage encombré ne concerne pas seulement les biens qui ont été donnez en dot à la femme, mais encore les biens qui lui sont échus pendant le mariage par succession directe ou collaterale, donation, legs ou autrement, moins que duëment alienez par le mari ou par lui engagez & hypotequez, ou lorsque le mari a reçû le rachat & amortissement de rentes appartenantes à la femme, le tout sans le consentement valable de la femme, ou sans avoir par le mari fait les remplacemens qu’il étoit obligé de faire, & qui auroient mis les acquereurs, tiers détempteurs & débiteurs à couvert des recherches & poursuites de la femme.

Quoiqu’un mari soit maître des actions mobiliaires & possessoires de sa femme, & qu’il puisse faire seul tous actes d’aministration des biens de sa femme, il ne pourroit pas néanmoins proceder à un partage de biens qui seroient venus du chef de sa femme, sans elle, à peine de nullité du parrage ; parce qu’un partage est pour ainsi dire une aliénation : Or un mari ne peut aliéner le biens de sa femme sans elle & sans son consentement.


ARTICLE DXXXVIII.

Q Uand le mari du consentement de sa femme, ou la femme de l’autorité & consentement de son mari, ont vendu & aliené, les Contrats sont bons & valables, & n’y sont la femme ni ses héritiers recevables, cessant minorité, dol, fraude, déception d’outre moitié de juste prix, forces, menaces ou crainte, telle qui peut tomber en l’homme constant ; car la seule reverence & crainte maritale n’est suf-fisante.

Il faut que trois choses concourent pour qu’une aliénation faite d’héritages & biens immeubles d’une femme mariée & en puissance de mari, soit valable.

La premiere, que l’alienation soit faite par le mari du consentement expres de de la femme majeure de vingt ans, & expressément autorisée par son mari dans ce consentement, ou par la femme aussi majeure, du consentement & autorité expresse de son mari.

La seconde, que l’aliénation soit faite sans fraude, dol, force, violence, menaces, & voyes de fait de la part du mari, déception d’outre moitié de juste prix, ou crainte légitime en la personne de la femme, & telle qui peut tomber dans l’homme fort & constant ; car ce ne seroir pas assez d’alléguer par la femme une, crainte maritale, respect & réverence pour son mari, il faudroit la crainte de perdre la vie, ou d’essuyer toutes sortes de maltraitemens & indignitez d’un mari.

Mais cela ne suffiroit pas pour mettre les acquereurs, tiers détempreurs & possesseurs des biens de la femme à couvert des recherches & poursuites de la femme, pour leur assurer la propriété & possession incommutable des biens par eux acquis, il faudroit ou que le prix de la chose alienée eût été remplacé par le mari pour l’indemnité de la femme, ou que le prix fe put reprendre sur les biens du mari, ou que les acquereurs, tiers détempteurs & possesseurs offrissent de rendre le prix de l’alienation à la femme ; car une de cés conditions. manquant, la femme pourroit rentrer en la proprieté & possession de ses héritages & immeubles, nonobstant qu’elle eût consenti à l’alienation, & qu’elle eût été expressément autorisée par son mari, elle majeure, sans dol, fraude, menaces, force, violence, crainte légitime & déception, même de moitié de juste prix ; mais dans ce cas, l’action qui appartiendroit à la femme, ne seroit pas le bref de mariage encombré, ce seroit la voye d’une demande à l’ordinaire, qui tendroit à faire refoudre par les moyens de nullité, ou par les Lettres du Prince, les Contrars d’alienations, s’il y avoit lieu, ou d’obliger les acquereurs, détempteurs & possesseurs des héritages & immeubles, à lui payer le prix des alienations, sans qu’ils pussent autrement se maintenir dans leurs acquisitions ; parce qu’en fin dans nôtre Coûtume une femme mariée & en puissance de mari, ne peut perdre son bien alièné par son mari, même de son consentement, il faut qu’on lui en fasse raison, sinon il lui sera permis d’y rentrer contre les détempteurs & possesseurs.

Si la femme vouloit aprés la dissolution du mariage, entretenir les Contrats d’aliénation de son bien, les acquereurs ne pourroient opposer ni se prévaloir du defaut de consentement & d’autorisation du mari, ni le mari qui auroit vendu & aliéné le bien de sa femme sans le consentement de sa femme, ne pourroit pas inquièter l’acquereur sous prétexte du défaut de consentement de sa femme car le Contrat subsisteroit si la femme ou ses heritiers y donnoient les mains, & en consentoient l’exécution.

Il faut que l’autorisation du mari, dans les Contrats de vente & aliénation des biens de la femme, ou dans tous les autres Actes où la femme doit être autorisée par son mari, soit expresse, formelle & prétée à l’instant du Contrat ou Acte, & par le Contrat ou Acte, à peine de nullité du Contrat ou Acte.

Un mari mineur ne peut autoriser sa femme majeure, mais un mari majeur peut autoriser sa femme mineure, sauf à la femme à se pourvoir contre le Contrat ou Acte, si elle croit qn’il lui est désavantageux & préjudiciable.

La femme séparée de biens peut, sans autorisation ni permission de Justice & sans l’avis & consentement de son mari, vendre & hipotequer ses meubles, presens & à venir de quelque valeur qu’ils soient, & les immeubles par elle aequis depuis sa séparation, sans qu’il soit besoin d’en faire le remploi ; art 126. du Reçlement de 1666. mais la femme, quoique séparée de biens, ne peut, méme du consen tement & de l’autorité de son mari, vendre & hipotequer les im-meubles qui lui appartenoient lors de la séparation, ou qui sui sont depuis échus par succession, sans permission de Justice & avis de parens : néanmoins les Contrats qu’elle aura faits sans la permission de Justice & avis de parens, poutront être execurez sur ses meubles & sur le revenu de ses immeubles, aprés qu’il seréchû & amobilié ; art. 127. du même Reglement.

Tous les Contrats ou Actes dans lesquels manque l’autorisation de la femme par son mari, sont nuls de nullité coutumière, sans même avoir besoin de Lettres de Relevement ou de Rescision.

Une femme, quoique séparée de biens, ne peut cautionner son mari, à plus

forte raison ne peut-elle autoriser un étranger, à peine de nullité du cautionnement.

La femme Marchande publique peut, sans l’autorisation de son mari, s’obliger & engager ses biens meubles & immeubles, & même ceux de son mari, pour le fait de sa marchandise ; cependant si la femme Marchande publique ne trouvoit pas dans la suite je remplacement de ses héritages & immeubles sur les biens de son mari, elle auroit action contre les acquereurs & détempteurs de ses héritages & immeubles pour les reprendre en naturé, si mioux n’aimoient les acquereurs & détempreurs lui payer le prix de leur acquisition ; Arrest du Parlement de Roüën, du S. Juillet 1670.

Or, on appelle Marchande publique une femme qui fait un commerce distinct & separé de celui de son mari, telles sont les Lingeres, les Revendeuses à la toilerte, les Courtières, & les Marchandes de marée, où de poisson frais ou falé, de mer ou d’eau douce ; ces sortes de femmes sont mêmes contraignables par corps, elles & leurs maris pour le fait de leur commerce, & leur fûit produit la contrainte par corps contre leurs maris, quoiqu’il n’ayent point parlé dans les obligations & engagemens, & cela en fareur du commerce.

Quoique la femme ait dûement consenti à l’aliénation faite par fon mari de ses héritages & immeubles, elle peut néanmoins in subsidium interrupter les acquereurs & détempteurs, si elle ne trouve pas son remplacement sur les biens de son mari.

La fille pour le payement de son mariage, ou ses héritiers, peuvent demander que les héritages affectez à sa dot leur soient baillez à duë estimation, encore que les héritages ayent été aliénez ; art. 122. du Reglement de 1666. d’autant que nonobstant l’aliénation, ils ont toujours le même droit sur les héritages, encore que les Contrats de vente, échange & fieffe, faits des héritages & immeubles, aux termes du present Article & de l’Article 541. de notre Coûtume, soient bons & valables, & qu’en vertu d’iceux la propriété en soit transferée aux acquereurs ; art 124. du même Reglement ; il est néanmoins au choix de la femme & de ses héritiers, de se contenter du prix de la vente, ainsi que du contréchange & de la vente de sieffe, ou de demander le juste prix de ses héritages à son mari ou ses héritiers, & subsidiairement aux acquereurs & détempreurs, aux termes des articles 547. & 542. de la Coutume, & article 125. du Reglement de 1666.

En matière criminelle la femme peut, quoique non autorisée par son mari & à son refus, poursuivre l’injure, délit, forfait & crime commis en sa personne par autrui.

Une femme qui auroit accepté une succession onèreuse, seroit restituable contre l’acceptation, encore qu’elle fût majeure lors de son acceptation ; parce que sa dot en pourroit souffrir, & se trouveroit par-là aliénée ; Arrest du méme Parlement, du 5. Juillet 1635.

La crainre qui peut servir à la femme pour la rescision de la vente que son mari lui a fait faire de son bien, doit être telle qui tombe sur l’homme fort & constant ; car la seule réverence maritale ne suffiroit pas.

Par Arrest dit Parlement de Paris, du ao Aoust 1725. en la Grand’Chambre, à l’Audience du matin ; il a été jugé qu’un mari, quoique commun en biens avec sa femme par leur Contrat de mariage, n’étoit point tenu du contenu en un Billet fait par la femme avant leur mariage, sous signature privée, sauf au créancier à se pourvoir sur les biens de la femme aprés la dissolution du mariage, ou aprés la communauté dissolué, parce qu’on présuma que ce Billet sous signarure privéc, avoit été fait pendant le mariage, & dans le tems que cetre femme étoit en puissance de mari, & qu’il avoit été entidaté dans la véé de le faire payer au mari, par la maxime que qui épouse la femme épouse les dettes ; cet Arrest confirmâ avec amende & dépens la Sentence des Requêres du Palais, qui avoit déchargé le mari du contenu au Billet.


ARTICLE DXXXIX.

S I le dot de la femme a été aliéné en tout ou partie, & que les de niers ne soient convertis à son profit, elle aura récompense de juste prix sur les biens de son mari, du jour du Contrat de mariage & célébration d’icelui.

Cet article contient trois dispositions La première, que si les deniers provenans de l’aliénation des biens ou partie des biens de la femme n’ont point été employez, elle peut en demander récompense sur les biens de son mari.

La seconde, que cette récompense lui est dûë suivant le juste prix de la valeur de ses héritages & immeubles aliénez.

La troisième, que pour cette récompense la femme a hipoteque sur les biens de son mari, du jour de son Contrat de mariage.

Voiei presentement les maximes qu’il faut établir au sujet de ces trois dispnsitione. positions.

Si les biens de la femme ont été aliénez pendant le mariage en tout ou partie, & que les deniers provenans de l’aliénurion n’ayent point été remplacez ni convertis au profit de la femme en autres héritages & im meubles, la femme pourra en demander récompense sur les biens de son mari, & lubsidiairement il lui sera permis d’interrupter les acquereurs & tiers détempteurs, sans même êrre tenuë de leur restituer le prix de leur acquisition, & nonobstant que l’aliénetion eût été dûement faite, c’est-à-dire la femme étant majeure & ayanr été expressément autorisée par son mari, & que le mari & la femme eussent par un mutuel consentement vendu & aliéné les héritages & immeubles.

Le remploi de la dot & des héritages & immeubles de la femme, vendus & aliénez, sur les biens de son mari, lui est dû, ou à ses heritiers, de droit, & in vim de son Contrat de mariage, quand même il n’y auroit point eu de stipulation par le Contrat de mariage.

L’héritage ou autre immeuble acquis par le mari & la femme du consentement & de l’agrément de la femme, des deniers provenans de la vente & aliénation faite par le mari du consentement de la femme, des biens dotaux & propres de la femme, appartiennent à la femme, s’il est fait mention dans le Con-trat que cette acquisition a été faite des deniers de la femme, provenans de la vente ou aliénation de ses héritages & immeubles, ou de partie d’iceux mais il faut pour cela deux choses ; l’une, que la femme ait expressément consenti à ce remploi & l’ait duëment agrée ; car il ne suffiroit pas que le remploi eût été fait de les deniers ; l’autre, que le remploi porte qu’il est fait de de niers procedans de la vente & aliénation des propres de la femme, & que l’acquisition lui tiendra lieu de remplacement, sans quoi elleipourroit refuser le rempla-cement ou remploi.

Le mari n’est point tenu du remploi d’une partie des propres de sa femme, par elle venduë & aliénée pendant son mariage, lorsque la femme s’est réservé par son Contrat de mariage la faculté de pouvoir vendre, aliéner & disposer d’une partie de ses propres ; la femme ne pourroit pas même en ce cas interrupter les acquereurs de cette portion de propres ; Arrest du Parlement de Nor-mandie, du 15. Iuillet 3é66.

Il ne se fait point de remploi d’une Coûtume en une autre, c’est-à. dire que les propres de la femme, situez en une autre Coûtume que celle de Normandie, vendus & alienez par son mari, ne sont point remplacez sur les immeubles situez dans la Coûtume de Normandie ; comme les propres de la femme, situez dans la Coutume de Normandie, vendus & aliénez par le mari, le remploi ne s’en fait point de droit sur les héritages & immeubles situez en une autre Coutume ; Arrest du même Parlement, du 11. Juiliet 162s.

En Normandie il est de la prudence d’un acquereur de biens d’une femme mariée, de demander un remplacement de l’immeuble vendu, soit héritage, soit rente, pour sa sûre, autrement il sera toujours exposé aux recherches de la femme ou de ses héritiers, si son mari n’a pas de biens sussisans pour répondre de l’aliénation.

Comme dans nôtre Coûtume les propres doivent toujours être rempiacez de droit ou par stipulation, l’action de remploi des propres aliénez de la femme, appartient toujours aux héritiers des propres maternels, comme l’action de remploi des propres du mari, aliénez, appartient aux héritiers paternels du mari.

Si les propres de la femme ont été mal remplacez, & que la femme n’ait point été portée, colloquée & mise en ordre utilement à l’état ou dans l’ordre du prix de la vente & adjudication par decret des biens de son mari, elle est recevable à venir en interruption contre les acquereurs ; Arrest du même Tarlement, du a. Decembre 1629.

Le mari qui s’est obligé envers l’acquereur des propres d’une femme, de remplacer les deniers de cette vente & aliénation en fonds de terres & héritages, n’est pas censé avoir setisfait à cette condition, en employant ces deniers en Contrats de rentes hypoteques ou constituées à prix d’argent ; Arrest du même Parlement, du 28. May 1659. Autre chose seroit si la stipulation de remplacement avoit été vague, non spécifiée & non déterminée en quoi il feroit sait.

Quoique le tiers acquereur ne puisse être obligé à déguerpir & délaisser l’héritage & immeuble par lui acquis aux Créanciers hypotecaires par une deman-de en déclaration d’hypoteque, & qu’il ne puisse être dépossedé que par la saisie réelle, néanmoins la femme, ou ses héritiers, peut demander pour le remplacement de ses propres duëment aliénez, que partie des héritages & immeubles affectez à sa dot, non aliénez, lui soient baillez, délaissez & délivrez à duë estimation pour le payement de sa dot, sans qu’elle soit tenuë de les faire saisir, decreter, vendre & adjuger, si mieux n’niment les héritiers ou Créanciers du mari payer le prix de la dot à la femme ou à ses héritiers ; art. 120. & 121. du Reglement de 1666. Mais d’un autre côté on ne peut obliger la femme ni ses héririers à prendre pour le remplacement de ses propres duëment aliénez, des héritages & immeubles, elle peut faire decreter les héritages & immeubles sur les acquereurs & tiers détempteurs, si mieux n’aiment les acquereurs & tiers détempteurs payer à la femme, ou à ses héritiers, le prix de sa dot, ou lui rendre & délaisser les héritages & immeubles par eux acquis ; Arrest du Parlement de Roüen, du 5. Mars 1677.

Lorsque la femme est la premiere créancière de son mari pour raison de sa dot, elle peut demander, même aprés l’interposition du decret des biens de son mari, distraction des l’éritages & imme ubles affectez à sa dot, sans être tenuë des frais de consignation, ni du droit de Treizième : mais s’il y a des créanciers anterieurs à la dot, la femme n’a que la voye de l’opposition à fin de conserver & à fin de cieniers sur le prix de la vente & adjudication des biens de son mari, suivant son hypoteque.

Le remplacement ou la récompense de la femme sur les biens de son mari, pour sa dot & ses propres dûëment alienez, lui appartient & à ses héritiers, jusqu’à dué concurrence de la juste valeur de la dot & des propres alienez ; au tems du décés du mari ; & l’hypoteque de ce remplacement ou recompense sur les biens du mary, est du jour du Contrat de mariage, & S’il n’y avoit point de Contrat de mariage, du jour de la benediction ou celebration de mariage, & non du jour de l’alienation.

Il faut encore remarquer que la dot de la femme, par rapport à l’hypoteque pour le remplacement ou recompense de sa dot sur les biens de son ma-ri, à compter du jour de son Contrat de mariage ou Acte de celebration de son mariage, consiste dans les biens qui apparrenoient à la femme lors de son mariage, en tout ce qui lui est échù à droit successif ou donation en ligne directe pendant & constant le mariage, & dans le remplacement que le mari a dû faire des meubles venus à la femme par succession directe pendant le mariage ; mais à l’égard des autres biens propres de la femme, à elle échus par succession collaterale, donation, legs, acquisition ou autrement, & dûëment alienez par le mari & la femme conjointement, la femme n’a hypoteque pour le remplacement, recompense & indemnité sur les biens de son mari, pour raison de ces sortes de biens, que du jour de l’alienation qui en a été faite.

Enfin c’est aux héritiers du mari, à ses créanciers, ou acquereurs des propres de la femme, à montrer, justifier & prouver que les denters provenans de la vente & aliénation de la dot & des propres de la femme, ont été convertis & employez au profit de la femme, pour pouvoir empécher l’action de la femme ou de ses héritiers en remplacement & indemnité sur les biens de son mari.


ARTICLE DXI.

E T où la femme ne pourroit avoir sa récompense sur les biens de son mari, elle peut subsidiairement s’adresser contre les détempreurs dudit dot, lesquels ont option de le lui laisser, ou lui payer le juste prix à l’estimation de ce qu’il pouvoit valoir lors du décès de son mari.

Lorsque la femme ne peut trouver le, remplacement, récompense & indemnité de sa dot & de ses propres sur les biens de son mari, il lui est permis aprés avoir discuté les biens de son mari, de venir subsidiairement contre les acquereurs & tiers détempteurs de la dot & propres aliénez, & de les en deposseder, si mieux ils n’aiment lui payer le juste prix de l’aliénation sur le pied de ce que valoient la dot & les propres au jour du décés du mari ; de sorte que le consentement & la signature de la femme à la vente & alienation de ses propres, n’as-sûrent & ne garantissent point l’acquereur, de la recherche de la femme ou de ses héritiers, si le mari n’a point de quoi fournir le remploi des propres aliénez ; & tout l’avantage que l’acquereur tire du consentement & de la signature de la femme aux Contrats de vente & aliénation, est que ce consentement & cette signature engagent la femme, ou ses heritiers, à discuter préalablement les biens du mari, avant qu’elle puisse déposseder l’acquereur & tiers détempteur ; mais cette obligation de diseuter, ne s’étend que sur les biens du mari, situez en Normandie, & non ailleurs & en autres Coûtumes, & même la saisie réelle des biens du mari vaut discufsion.

Les acquereurs & tiers détempreurs des propres de la femme, ont l’option ou de les délaisser à la femme, ou lui payer la juste valeur de ces propres sur le pied de ce qu’ils pouvoient valoir au jour du déces du mari si les propres alienez étoient la véritable dot de la femme, & à l’égard des autres propres de la femme, au jour de la vente & aliénation d’iceux.

Tous les engagemens, obligations, cautionnemens & Contrats faits par la femme pour les dettes de son mari pendant le moriage, sont nuls & de nul effet, sans même qu’ils puissent valider par la ratification que la femme en fe-roit aprés la mort de son mari ; d’autant que dans nôtre Coutume la femme ne peut s’obliger pour autrui, & encore moins pour son mari.

L’estimation qui sera faite de la valeur des propres aliènez de la femme, sera faite sur les Baux, s’il y en a, ou autres Actes, sinon à dire d’Experts & gens à ce connoissans, Par Arrest du Parlement de Paris, en la grande Chambre, du 2o May 17ro, il a été jugé dans nôtre Coûtume que le remploi d’un propre d’une femme, aliéné pendant son mariage, ne devoit point se faire suivant l’estimation faite & portée par son Contrat de mariage, & ni suivant le prix pour lequel il étoit echû à cette femme dans un partage fait pendant son mariage, entre elle & sa soeur, ni suivant le prix de l’aliénation, mais suivant l’estimation qui en seroit faite, eu égard à ce que le propre aliéné valoit lors du décés du mari, si tion portée par ledit partage.


ARTICLE DXLI.

S I le dot a été vendu par la femme pour rédimer son mari n’ayant aucuns biens, de prison de guerre, ou cause non civile, on pour la nourriture d’elle, de son mari, de ses pere, mere, où de ses enfans en extrême nécessité, elle ne le pourra retirer, fauf le recours de la femme sur les biens du mari où il parviendroit à meilleure fortune, & non sur les biens des acquisiteurs.

Nonobsttant la faveur de la dot & autres immeubles de la femme, & la disposition de l’Article précedent, voici suivant le présent Article trois cas dans lesquels une aliénarion ou obligation faite par une femme mariée, en puissance de mari, pendant & constant son mariage, de sa dot & autres immeubles, en tout ou en partie, est non seulement Valable, mais encore la femme ne pourroit inquièter ni interrupter les acquereurs & tiers détempteurs de la dot & im-meubles alienez, quand même la femme ne pourroit pas en trouver le remplacement & l’indemnité sur les biens de son mari, sauf à elle à esperer & attendre que son mari vienne à meilleure fortune.

Le premier cas, est pour rédimer son mari de prison, s’il est prisonnier de guerre, où des Barbares & ennemis du nom Chrétien ; desorte qu’il faut joindre ses mots de notre Article de prison de guerre, sans virgule ni disjonctive ; & s’il se trouve une virgule ou une disjonctive dans quelque texte ce quelque exemplaire de nôtre Coûtume, c’est une faute d’impression.

En effet telle est la jurisprudence du Parlement de Roüen ; il y en a deux Arrests précis, rapportez par Berault sur cet Article ; ils sont des 21 Everier 1577. & 14. Mars 1611.

Le second cas, est si le mari est emprisonné pour cause criminelle, & non pour cause purement civile ; car si l’alienation ou obligation de la femme étoit pour retirer son mari de prison pour dette ou pour cause civile, le Contrat d’aliénation, ou acte contenant l’obligation ou engagement, ne seroit pas valable.

On entend par cause criminelle, une cause résultante d’une accusation criminelle, comme pour interét civils ou dommages & interéts, amende, aumo-ne ou réparation prononcée sur uue aecusation & en matiere criminelle, mais non pour dettes civiles ou condemnarion intervenuës en matiere civile, telles qu’elles soient, quand ce seroit pour deniers royaux ou pour dettes contractées pour raison de marchandise, commerce, négoce ou autrement.

La raison pour laquelle nôtre Coûtume n’a point voulu que les femmes originaires de Normandie, ou mariées en Normandie & y ayant leur domicile, oussent aliéner leurs biens doraux ou autres immeubles pour retirer leurs maris de prison lorsqu’ils sont emprisonnez pour cause ou dette civile, a été de crainte que les maris étans seulement prisonniers pour detre & cause civile, leurs femmes n’aliénassent leurs biens & ne s’obli reassent facilement pour retiret leurs maris de prison, & par-là ne perdissent leurs biens, contre l’esprit de la Coûtume qui a pris toutes sortes de précautions pour empécher que les femmes mariées non maneant indotate, & : ne viennent ad inopium ; mais cette regle cesse si un mari étoit emprifonné pour cause criminelle, où il s’agit de l’honneur & de la réputation.

Il faut de plus pour donner lieu à ces deux cas, que le mari soit actuellement prisonnier de guerre ou pour cause non civile ; car la simple crainte qu’un mari pourroit être arrété & constitué prisonnier de guerre, ou être pris des Barbares & ennemis du nom Chrétien, & être mené en esclavage, ne sussiroit pas ; autrement une femme poûrroit être aisément induite par son mari ou autres de sa part, à vendre, aliéner, engager & hypotequer son bien, & s’obliger pour son mari.

Quoique la maxime soit certaine en Normandie, que les femmes mariées & demeurantes en Normandie, ne peuvent valablement s’obliger, aliéner ou hypotequer leurs biens pour retirer leurs maris de prison lorsqu’ils font emprisonnez pour cause ou dette civile, néanmoins cette dificulté s’étant présentée au mois de Mars 1730. en la Grand. Chambredu Parlement de Paris, à l’Audience du matin, la cause fut appointée par Arrest du 29. Mars 1730. M. l’Avocat General Ghauvelin avoit conclut pour la nullité de l’Obligation ou cautionnement de la femme ; Rogeau, Huissier au Parlement, d’une part, & la Dame du Bourg, Parties plaidantes ; mais la vérité est que la difficuité ne fut pas mise dans tout son jour, comme je remarquai par la Plaidoirie du Défenseur de la Dame du Bourg, que j’entendis tout au long ; car comme j’avois été consulté par la Dame du Bours, je fut bien aise de me trouver à la Plaidoirie de la cause ; peut-être que ce qui donna lieu à l’apointement, fut le préjugé où est ce Parlement, que dans la Coûtume de Paris ou autres semblabies, une pareille aliénation ou obligation d’une femme mariée, est valable.

La piero ; l’équité, & les sentimens de la nature, demandent qu’on étendent la disposition de notre Article dans les deux cas ci-dessus expliquez, pour retirer par une femme mariée, ses pere, mere ou enfans, de prilon, mais toûjours pour cause & dette non civile, ou étans prisonniers de guerre ou en esclavage.

Il est à remarquer que suivant ce même Article, il faut que le mari n’ait aucuns biens, pour que la femme puisse valablement vendre, aliener & hypote-quer ses biens, & s’obliger pour retirer son mari de prison dans les deux cas ci-dessus expliquez.

Le troisième cas, est pour la nourriture de la femme mariée, de son mari & de ses pere, mere, ou de ses enfans, étans en extrême nécessité, & ne pouvant avoir d’ailleurs de quoi subsister & se nourrir, à moins que de mandier & demander l’aumone ; ce qui auroit aussi lieu si une femme mariée vendoit son bien ou s’obligeoit pour subvenir son mari en sa maladie, le mari n’ayant aucuns biens Arrest du Parlement de Roüen, du 18. Avril 1598. Ne pourroit : on pas dire la même chose pour par la femme mariée subvenir ses pere, mere, ou ses enfans en maladie, étans dans une extrême & dernière nécessité Guivant l’article 128. du Reglement de ré6é, une femme mariée ne peut vendre, engager & hiporgquer sa dot & ses propres pour les cas mentionnez en notre Article ; 41. sans la permission de la Justice & l’avis de ses parens, sans néanmoins que le consentement & autorisation du mari, soient nécessaires dans ces eas pour la validité des Contrats & Obligations de cette qualité, la permission de la Justice ou des parens, doit être spéciale & ad Boc ; & cette permission & avis seroient nécessaires, quand même la femme seroit séparée de biens d’avec son mari.

Des que la vente faite par la femme, ou son Obligation, seroit nulle, comme faite hors les cas marquez par le même article de notre Coutume, le Créancier ne pourroit pas se vanger sur les meubles de la femme, parcc qu’un pareil Contrat ou Acte est essentiellement nul & de nullité coutumière : C’est pourquoi on pourroit opposer cette nullité sans avoir besoin de Lettres de rescision ; & si on en prend quelquefois, c’est en tant que besoin & par surabondance de droit & cette voye de nullité ne peut être prescrite que par trente ans entre majeurs ; & à l’égard de la femme, elle ne commenceroit à courir que du jour de sa séparation, ou du jour du décës de son mari.

La nullité du Contrat d’aliénationou de l’obligation de la femme, ne seroit point Couverte par la déclaration que la femme auroit faite par l’Acte, qu’elle étoit demeurante à Paris ou autre lieu d’une Coûtume qui n’auroit point une pareille disposition que la Coûtume de Normandie, lorsqu’il seroit constant que la femme seroit de Normandie ou mariée en Normandie, par ce que l’inc apacité personnelle de cette femme la suit partout & en quelque lieu qu’elle ailie, & que d’ailleurs vous devez connoître siatum & conditionem ejus cum quo contracis ; un tel acte ne pourroit s’étendre sur les biens de la femme situez hors Normandie, même dans l’etenduë de la Coutume de Paris ou autres Coûtumes semblables ; telle est la Jurisprudence de la Province de Normandie, & même du Parlement de Paris, comme il paroit par un Arrest du 23. May 1729, & dont nous parlerons plus au long sur l’article 542.

Il y a plus, c’est que le Senarusconsulte Velleien, qui a lieu en Normandie, n’y ayant point été abrogé par l’Edit de r6os, ne forme point d’obstacle aux engagemens que la femme pourroit faire dans le cas de cet Article ; car la femme pourroit emprunter de l’argent, & s’obliger valablement pour les causes exprimées dans cette rencontre ; aussi aux termes de ce Senatusconsuite, la fem-me pourroit emprunter de l’arçent pour payer les detres de son pere, & son Obligation seroit valable s’il paroissoit évidemment que les deniers avoient été ae-tuellement employez à cer usage ; une mere pouroit même s’obliger en l’abfence de son mari, pour doter la fille, y étant naturellement obligée.


ARTICLE DXLII.

E T quant à tous autres biens immeubles appartenans aux femmes, autres que leur dot, soit à droit de succession, donation, acquisition ou autrement s’ils sont aliénez par la femme & le mari ensemble, ou par la femme du consentement & autorité de son mari, & que l’argent provenant de la vente, n’ait été converti au profit de la femme, comme dessus est dit, elle doit avoir sa récompense sur les biens de son mari, mais l’hypoteque prend seulement pied du jour de l’aliénation ; & où le mari seroit non solvable, subsidiairement contre les détempteurs desdits biens, lesquels en seront quittes, en payant le juste prix d’iceux, eû égard à ce qu’ils valoient lors du Contrat.

Nous apprenons par cet Article que la femme peut avoir deux sortes de dot, l’une est sa véritable dot, & qui consiste dans les deniers ou héritages & immeubles donnez à la femme en mariage, & dans rout ce qui lui est échû en ligne directe pendant son mariage ; l’autre, sont tous les autres biens venus à la femme pendant son mariage par succession collaterale, donation, legs, acquisition ou autrement, hors qu’en ligne directe.

Cette distinction de dot produit deux effets bien differens ; dans le premier cas, lorsque la véritable dot a été duëment aliénée par le mari du consentement de sa femme, ou par la femme du consentement & autorisation de son mari & tous deux en semble, & que les deniers provenans de la vente, aliénation, engagement ou obligation, n’ont point été convertis & n’ont été remplacez au profit de la femme, la femme a hypoteque pour le remplacement de cette dot sur les biens de son mari, du jour de son Contrat de mariage s’il y en a un, sinon du jour de la celebration du mariage ; au lieu que dans le second cas l’hypnteque des autres biens de la femme, duëment aliénez par elle & son mari, & duëment autorisée par son mari, mais dont les deniers qui en sont provenus n’ont point été remplacez par le mari au profit de la femme, ne commence & ne prend pied sur les biens du mari que du jour de l’aliénation de ses biens, en quoi cependant la femme ne souffre rien ; car si le mari est insolvable ou du moins si ses biens ne sont pas suffisans pour remplir tous les remplace mens de la femme, elle sera en droit de venir subsidiairement contre les acquereurs & tiers détempteurs des biens alienez & de les interrupter, comme elle pouroit faire pour raison de sa véritable dot, si mieux n’aiment les acquereurs & tiers détempteurs pour n’être point dépossedez, payer à la femme ou à ses héritiers la juste valeur des biens par eux acquis & possedez, sur le pied du prix du Contrat d’aliénation, à la difference de la véritable dot, dont l’estimation seroit faite eû égard à ce que les biens qui composoient cette dot, valoient au jour du décés du mariQuoiqu’un mari & une femme se soient mariez, & soient domiciliez dans une Coûtume où il est permis à la femme de s’obliger & contracter conjointement avec son mari & de lui duëment autorisée, réanmoins la femme n’auroit hypoteque sur les biens de son mari, situez dans la Coutume de Normandie, pour indemnité des obligations & dettes qu’elle auroit contractées dans la Coûtume qui lui permettoit de s’obliger & contracter avec son mari, ou elle seule dûement autoriséo par son mari, que du jour de son Obligation, & non du jour de son Contrat de mariage, encore que par son Contrat de mariage il fût dit que son action d’indemnite & de récompense lui seroit duë du jour de son Contrat de mariage ; parce que l’hypoteque légale & coûtumière ne peut être détruite & annéantie par une stipulation contraire, & qu’il faut s’en tenir à la disposition. des Coûtumes où les biens sont situez, Les acquereurs des biens du mari, lorsque ces acquereurs sont dépossedez par la femme ou ses heritiers pour le remploi de ses propres, sont lubrogez aux droits de la femme, pour pouvoir en avoir récompense sur les biens du mari du jour de P’hypoteque que la femme avoit sur les biens de son mari, au préjudice même des acquereurs des biens du mari, sans même avoir besoin qu’une subrogation partieulière de la femme, parce que cette subrogation est de droit & legale ; mais à l’égard des Créanciers exerçans ies droits de la femme ils n’ont pas hypoteque sur les biens situez en Normandie du jour du Contrat de mariage de la femme, ni en vertu de l’indemnité portée par son Contrat de mariage, mais seulement du jour de l’Obligation contractée par la femme & le mari, ou par la femme seule dûement autorisée par fon mari dans l’etenduë d’une Coûtume où les Obligations de la femme sont permises & reçûës mais quant à l’acquereur des biens du mari, il aura son recours & sa récompense sur les biens du mari par préference aux créanciers posterieurs du mari, comme exerçans les droits de la femme qui a évincé l’acquereur.

a l’occasion de la disposition de cet Article, on s’est fait une jurisprudence qui a tourné en un usage constant & inviolablement observé dans toute la Province de Normandie, qu’une femme mariée ou non mariée, majeure de vingt ans, né peut valablement s’obliger ni hyporequer ses biens, même du consentement & autorisation expresse de son mari si elle est mariée, ou quand elle seroit séparée de biens, ou de biens & d’habitation d’avec son mari ; car cet Article ne parle que du mariage encombré de la femme, c’est-àdire de la vente & aliénation que la femme dûement autorisée feroit de sa dot ; on a établi cette jurisprudence & cet usage sur le fondement du Droit Romain, & notamment sur la disposition du Senatusconsulre Velleien, dont on s’est fait une espèce de loi dans cette Province à cet égard, qui a toujours subsisté & subsiste encore nonobstant que par l’Edit de Henry IV. de l’année 1606. le Velleien ait été abrogé presque dans toutes les Provinces du Royaume, si vous en exceprez quelques unes des Provinces qui, sous le bon plaisir de nos Rois, se régissent par le Droit Ecrit. La commune opinion est que l’Edit de 1606. ne fut point vérifié ni enrégistré au Parlement de Roüen, ou s’il a été entégistré & verifié, an desuetudinem abiit. Qnoiqu’il en soit, il faut tenir pour certain que les femmes, mariées ou non mariées, domiciliées en Normandie, ne peuvent valablement s’obliger ni hypotequer leurs biens, & que cette obligation est nulle ipso jure, & d’une espece de nullité coutumiere ou d’Ordonnance, sans qu’il soit besoin d’avoir recours aux Lettres de rescision pour faire déclarer un pareil engagement nul & de nul effet, soit par rapport aux biens situez en Normandie, soit à l’égard des biens situez dans une autre Province où le Senatus-consulte Velleien n’a point lieu, comme à Paris où les femmes mariées ou non mariées, majeures de vingt-cind ans, peuvent valablement s’obliger & hypotequer leurs biens, les femmes mariées dûement autorisées par leurs maris, séparées ou non séparées d’avec eux ; desorte qu’en Normandie c’est une incapacité personnelle de la femme à cet égard, qui la suit par tout en quelque pays qu’elle contracte & que ses biens soient situez, mais toujours bien entendu qu’elle soit actuellement, réellement & véritablement domiciliée en Normandie, & majeure de vingt ans accomplis, qui est la pleine majorité coûtumière de Normandie.

Outre que c’est là la jurisprudence des Arrêts du Parlement de Roüen, & le sentimont uniforme des Auteurs qui ont travaillé sur la Coûtume Normandie, le Parlement de Paris l’a ainsi décidé par plusieurs Arrêts, & entre autres par un dernier précis & formel sur une plaidoirie pendant trois Audiences en la Grande Chambre du 23 Mai 1729, rendu sur les Conclusions de Mr l’Avocat General Gilbert.

Par cet Arrest, il a été jugé que le Senatusconsulte Velleien, dans les Provinces du Royaume où il a lieu, comme dans la Province de Normandie, étoit uin Gratut personnel ; de sorte qu’une femme domiciliée dans une de ces Provinces, s’étant obligée à Paris, conjointement avec son mari & solidairement avec lui, à une somme de deniers, qu’ils avoient empruntez pour leurs affaires, & elle autorisée pour lui, l’Obligation étoit nulle de plein droit à son égard, sans méme avoir besoin de Lettres de Rescision ; parce que la femme au moyen du Senatusconsulte Velleien étoit incapable ce s’obliger, & intercedere pro alio, incapacité qui rendoit son Gbiigation nulle, & qui la suivoit par tout, non seulement par rapport aux biens qu’elle avoit dans la Province ce son domicile, qui étoit en Normandie, où le Senatusconsulte Velleien a tieu, mais encore sur les biens qu’elle avoit duns une autre Province où le Velleien n’a point lieu, & dont la Coûtume permet aux femmes de s’obliger, autorisées par leurs maris, comme à Paris ; d’autant que l’Obligation étant essentierlement & radica-lement nulle par l’incapacité de la femme, elle n’avoir pû produire aucune hypoteque sur aucuns des biens de la femme en quelques lieux qu’ils fussent situez, & que ce n’est pas ici le cas de dire que les Coûtumes & les Statuts sont réels ; la Dame veuve du sieur de Joinville, & les nommez Iulien & sa femme, Parties.

Le fait étoit que les Sieur & Dame de Joinville domiciliez en Normandie & soumis à la seule Coûtume de Normandie par leur Contrat de mariage, emprunterent conjointement & solidairement à Paris, où ils se trouverent lors, une somme de 2oyy livres dudit lulien, Bourgeois de Paris, & sa femme, pour pur prest, par Obligation devant les Notaires du Châtelet de Paris.

Par l’Obligation, outre l’hypoteque generale sur tous leurs biens, le mari obligea & hypotequa une Terre qu’il avoit en Normandie, & la femme obligea & liypotequa une rente de éoy livres par an, qui lui appartenoit sur l’Hôtel de Ville de Paris.

Le mari meurt ; le créancier faute de payement de ses 2ooo livres, fait faire une saisie & arrét des arrérages de cette rente, échus depuis la mort du mari, és mains du Payeur.

La Veuve en demande mainlevée sur le fondement que l’Obligation étoit nulle à son égard, par le benefice du Senatusconsulte Vefleien, sic judicatum par ledit Arret, & les créanciers déboutez de leur demande & mainlevée pure & simple de la saisie, avec dépens, sauf aux créanciers à se pourvoir sur les biens & contre les héritiers du maride ferois beaucoup de difficulté d’accorder le benefice du Velleien à une sem-me qui auroit renoncé à son bypoteque en faveur d’un autre ; parce que le seCours de ce Senatusconsulte ne lui est accordé que pour les Ouligations qu’elle contracte pour autrui, & non pour les renonciations qu’elle feroit à son droit ; c’est la décision de la Loy 11. au Coû. dd Senatuse. L’elleian. Etiam constante matrimonio jus Hypotecarum seu pignorum marito remitti posse, explotati juris est-Une femme héritière de son mari par benefice d’Inventaire, quant aux meubles, & suivant la portion qu’elle y prend en qualité d’héritière suivant l’Article 392. de nôtre Coûtume, qui se seroit obligée en son propre & privé nom, aux dettes de la succession jusqu’à concurrence du tiers ou de la moitié dont elle étoit tenuë par sa qualité d’heritière beneficiaire, ne fe pouroit pas servir du benefice du Velleien, parce qu’en ce cas on ne peût pas dire qu’il y ait intercession de sa part, mais seulement que sa dette lui devient propre par ce nou-vel engagement.

Le Velleien n’a point lieu en vente, c’est-à-dire, que si une femme vend conjointement & solidairement avec un autre quelque chose qui leur appartient en commun ; en ce cas, la femme ne pourroit avoir recours au benefice du Velleien ; car alors non interceait pour autrui, c’est pour se défaire d’un bien commun qui pouvoit lui être à charge, ou dont elle a eu bon prix ; c’est aussi ce qui fut juge au Parlement de Paris par Arrêt du 23 Fevrier 1545, rapporté par Bouchei en sa Biblioteque verbo Velleien.

Il faut pourtant tenir en termes generaux qu’une femme peut s’aider dans notre Coûtume de tous les cas exprimez & contenus dans le Senatusconsulte Velleien Mais si cette femme étoit mariée lors de cette vente, elle pourroit se servir de nôtre Coûtume dans les articles qui deffendent aux femmes mariées de vendre leur bien ; car quant aux filles majeures de vingt aus, il leur est libre de vendre leur bien, meuble ou immeuble ; elles ont seulement le benesice du veileien dans les Obligations qu’elles contractent pour elles ou pour autrui, à la réserve des cas exprimez par le même Senatus consulte Velleien.


ARTICLE DXLIII.

F Emme peut pour injure faire à sa personne, rendre plainte en Justice, & la poursuivre, encore qu’elle soit défavoüée par son mari, & la doit le Juge recevoir, pourvû que l’injure soit attroce, & où elle décherroit & seroit condamnée aux dépens ; le mari ne sera tenu en répondre, sinon jusques à la concurrence des fruits du bien de la femme ; & où les fruits ne seroient suffisans, la condamnation sera portée sur les biens de la femme autres que la dot.

Quoiqu’en Normandie il n’y ait point de communauté de biens entre mari & femme conjoints par mariage, cependant le mari est maître des revenus de le femme, & les fait siens ; il en a la pleine administration, il fait les baux & donne quitrances ; il est pareillement maître des actions mobiliaires & posseffoires de la femme, & peut agir seul & déduire les droits & actions de sa femme en Jugement, autres toutefois que les actions hereditaires & de propriété, teiles actions ne pourroient être intentées qu’au noin de la femme & de son mari conjointement, ou par la femme autorisée par son mari, ou à son refus nutorisée par Iustice.

Tout ce que dessus cesseroit si la femme étoit séparée de biens & d’habitation, ou de biens seulement ; le mari n’auroit plus l’administration des biens de sa femme, il n’en feroit plus siens les revenus, il n’en feroit point les baux, il ne donneroit point de quitances, ni il ne pourroit intenter d’actions mobiliaires & possessoires, deffendre, ni faire aucune chose pour raison des biens de sa femme ; le mari n’est plus maître de rien, c’est la femme qui est dame & propriétaire de ses biens tant à la joüissance qu’à la propriété, elle est même autorisée par Justice pour la poursuite de ses droits & actions mobiliaires & possessoires ; elle ne pourroit pas toutefois valablement rien faire quant à la propriété de ses biens, qu’elle ne fût autorisée de son mari.

Par ces Articles la femme, quoiqu’en puissance de mari & non séparée d’avec lui, peut pour méfait, médit ou autre crime considérable commis en sa petsonne, en rendre plainte au Juge, & en poursuivre l’accusation, sans le consentement, l’approbation & aveu de son mari, & quand même le mari déclateroit qu’il l’a délavoüée, & n’entend l’autoriser dans sa plainte, accusation & poursuite : mais nonobstant ce désaveu, s’il intervient par l’avenement du jugement quelques condamnations pécuniaires contre la femme, comme domma-ges & interêts, interéts civils, dépens, amende ou aumone ; ces condamnations. pecuniaires se prendront sur les revenus des biens de la femme, au préjudice du mari à qui ils appartiennent de droit, ad sustinenda onèra matrintonii, & s’ils ne suffisent, sur le fonds des biens de la femme, autres tourefois que sa veritable dot, qui consiste dans les biens que legemme avoit au jour de son mariage, tant eeubles qu’immeubles, & ceux qui loi sont écEûs par donation ou succession en ligne directe pendant le mariage ; ces biens feront exempts quant à la proprieté de ces condamnations pendant & constant le mariage, sauf au créancier aprés la dissolution du mariage, à saisir, soit par saisie mobiliaire ou par saisie immobiliaire, ces fortes de biens pour raison de ces condamnations ; mais à l’égard des autres biens de la femme, le créancier pourroit se vanger dessus, même sur les sonds, pendant le mariage ; telle est la déposition de cet Artie le qui ne laisse pas d’être désavantageuse & dure au mari, d’autant qu’il semble que n’ayant point avoüé sa femme dans sa poursuite, les condamnations pécuniaires intervenuës contre sa femme, ne de vroient pas se prendre sur aucuns des revenus des biens de la femme, qui appartiennent & sont destinez au mari, ad sustinendae onera matrimonii, & qu’il falloit que le créancier differit ses poursuites à cet égard jusques aprés la dissolution du mariuge ; mais c’est la disposition de nôtre Coûtume, ainsi en vain voudroit-on faire des raisonnemens contre ; quoi-qu’il en soit, ie mari n’est jamais tenu de ces condamnations en son propre & privé nom, ni sur ses biens ; autre chose seroit s’il avoit entrepris, loutenu & poursuivi le proces criminel en son nom, conjointement avec sa femme & lui en qualité de mari, en ce cas il seroit tenu personnellement & sur ses biens, des condamnations pécuniaires.

Mais quant aux depens en matière civile, prononcez contre une femme, l’usage & la Jurisprudence de Normandie, est que le mari en est toujours tenu, soit qu’il ait autorisé sa femme dans la poursuite, soit que la femme y fût partie comme femme autorisée par Justice au refus de son mari ; parce qu’on prétend dans cette Province, que la jouissance que le mari a des biens de sa femme, l’engage à en payer les charges & les dettes qui viennent du chef de la femme ; Arrest du Parlement de Roüen, du r6 Juillet 1659. c’est là une chose bien dure & préjudiciable à un mari.


ARTICLE DXLIV.

E T où la femme seroit poursuivie pour méfait, ou médit, ou autre crime, son mari en sera tenu civilement s’il la défend ; & s’il la défavouë, & elle est condamnée, la condamnation sera portée sur tous les biens à elle appartenans, de quelque qualité qu’ils foient, si les fruits n’y peuvent suffire.

Le mari est tenu civilement en son propre & privé nom, même sur ses biens personnels des dépens, dommages & interêts, interêts civils, amende, aumone ou autres condamnations pecuniaires intervenuës dans un Procés criminel contre sa femme qui étoit accusée, & dans lequel le mari l’avoit autorisée ; mais s’il ne l’avoit pas autorisée, les condammations ne se prendroient que sur les biens de la femme, c’est-à-dire sur les fruits & revenus de ses héritages & immeubles, qui écheront pendant le mariage, & in subsidium sur les fonds de quelque nature & qualité que soient les biens, même sa véritable dot ; en quoi la condition du mari est moins favorablement traitée lorsque la femme est necusée, que lorsqu’elle est accusatrice ; car au premier cas, tous ses biens, même la veritable dot, est prenable des condamnations pecuniaires contre elle prononcées, au lieu que dans le second cas, sa véritable dot n’y est point exposée, il n’y a que ses autres biens.


ARTICLE DXLV.

E Tant le mari absent, la femme peut intenter action de nouvelle dessaisine de son héritage qui lui a été arrêté.

Quoique regulierement parlant en mffiere civile, une femme mariée & en puissance de mari, ne puisse intenter Proces, ni défendre, ni ester à droit sans l’autorisation de son mari, ou comme autorisée par Justice, ou qu’elle fût separée d’avec son mari, néanmoins son mari absent, elle pourroit former complainte & action de nouvelle dessaisine, pour raison d’un héritage & immeuble à elle appartenant, en la possession duquel elle seroit troublée, sans même être autorisée par justice ; elle pourroit pareillement, son mari se trouvant absent, former opposition en la saisie & execution qu’un créancier de son mari entendroit faire dans sa maison ; il ne faudroit pas cependant que l’absence du mari fut momentanée, mais qu’il fût éloigné de sa demeure ordinaire d’une distance à ne pouvoir pas avoir de ses nouvelles en peu de tems.