L E Titre de cet Ouvrage annonce quel a été le dessein de l’Auteur.

Ce sont des Décisions sur la Coûtume de Normandie, suivant le sens litteral & l’esprit de chaque Article, le sentiment des Commentateurs & la Jurisprudence des Arrêts.

Pour peu qu’on ait parcouru les Commentaires qui ont été faits sur les Coutumes de France, on a sans doute reconnu que ce ne sont le plus souvent que des lieux communs, des Dissertations vagues, des Citations d’Auteurs Grecs & Latins, des Questions traitées problematiquement, une énumeration d’Arrêts & d’Auteurs pour & contre, sans se fixer sur une difficulté ; de sorte qu’aprés avoir lû & relû un grand & long Discours sur un Article de Coûtume, il arrive souvent qu’on n’y trouve rien qui puisse determiner, & qu’on est aussi incertain qu’auparavant.

Or l’incertitude sur une Question de Coutume, est tres dangereuse, parce que les Coutumes étant des Loix vivantes qui reglent l’état des personnes & les biens des Peuples, il faut qu’un Jurisconsulte à qui on demande son sentiment sur un point de Coutume, réponde autant qu’il est possible, par Décision, & non par des Problêmes, ni par des Questions mixtes ou pour & contre.

On a joint à ces Décisions des Observations sur les Usages locaux de la Coutume de Normandie & sur les Articles placitez ou Arrêtez du Parlement de Roüen, & une explication des termes difficiles & inusitez qui se recontrent dans la plus grande partie des Articles de cette Coutume ; c’est ce qu’aucun autre n’avoit encore fait jusqu’à present ; on ose néanmoins dire que tout cela avoit besoin d’éclaircissement.

On avertit ceux qui ne sont point assez remplis de cette Coutume, de n’être pas étonnez s’ils trouvent quelquefois dans cet Ouvrage des Décisions opposées à celles qu’ils auroient prises dans la Coutume de Paris, ou autres Coutumes, & aux préjugez qu’ils se seroient faits en lisant les Commentateurs de ces Coutumes, & les Arrêts des autres Parlemens du Royaume, Grand Conseil ou autres Cours Souveraines, rendus sur des Questions de la Coutume de Normandie, qui y auroient été portées par accident ; nous avons crû qu’il étoit plus sur de former une Décision generale conforme au Texte & à l’esprit de la Coutume de Normandie, au sentiment de ses Commentateurs, & aux Arrêts du Parlement de la Province, que de prendre toute autre route : on n’a pas néanmoins laissé de rapporter les Arrêts du Parlement de Paris & des autres Cours lorsque l’occasion s’en est presentée.

J’observerai cependant que pour former une Décision, il ne faut pas toûjours se déterminer par un Arrêt, à moins qu’il n’eût été rendu en forme de Reglement, par le principe de droit qu’il faut décider sur des raisons, & non sur de simples exemples ; on sçait que les Arrêts sont le plus souvent rendus sur des circonstances particulières de fait, qui se rencontrent dans une affaire, & non sur une question generale de Droit ; Il vaut mieux se fixer sur des principes bien établis & des raisonnemens justes & bien suivis.

J’ai encore eu une attention particulière à ne point sortir du sujet dont chaque Article parloit, & à ne point traiter des questions étrangeres à l’Article sur lequel je formois des Décisions.

Les Commentateurs dont je me suis servi dans cet Ouvrage, sont,Roüillé , Forget,Daviron ,Terrien ,Godefroy ,Berault , Basnage, Penelle & l’Auteur du Traité de l’Esprit de la Coûtume de Normandie ; Et comme les Loix, Coutumes & Usages d’Angleterre, sont en beaucoup de choses conformes à la Coutume de Normandie, je n’ai pas négligé les lumieres d’un Auteur Anglois, qui a travaillé sur les Coutumes d’Angleterre, c’estLithleton , homme de nom dans ce Pays-là ; c’est pourquoi M. l’Ambassadeur, qui étoit en France dans le tems que je travaillois à cet Ouvrage, & qui me fit venir les oeuvres deLithleton , me dit avec toute la politesse dont il étoit capable, que mon travail ne seroit pas indifferent aux Anglois.

J’ai crû aussi devoir rapporter à la fin de cet Ouvrage les Ordonnances & Arrêts en forme de Reglemens, de l’Eschiquier de Roüen en 1383. parce qu’il m’est revenu qu’on s’en sert encore actuellement en Angleterre, comme des Loix qui avoient lieu en Angleterre & en Bretagne dans le tems que les Ducs de Normandie étoient Rois d’Angleterre ; ces Ordonnances sont en vieux stile & Langue Gothique ; mais j’ai crû les devoir rapporter telles qu’elles se trouvent, sans y rien changer ; c’est dans Roüillé, sur l’ancienne Coutume de Normandie, que je les ai trouvées.

On conviendra que le dessein de cet Ouvrage est grand, & qu’il sera d’une grande utilité ; heureux si j’y ai répondu.