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ARTICLE PREMIER.

Le Bailli, ou son Lieutenant, connoît de tous crimes en premiere instance.

Bailli signisie la même chose que Gardien ; comme Baillie signifie Garde & Protection. D’où vient que Baillistre, dans les anciennes Ordonnances & quelques Coutumes, signisie Tuteur ou Curateur. Le Bailli donc étoit comme le conservateur du Peuple & des Loix : mais ayant été remarqué, que les Baillis s’attachoient plus volontiers aux exercices des Armes qu’aux fonctions de Judicature, le Roi Louis XII ordonna que leurs Lieutenans seroient licenciés en l’Etude du Droit Romain, & leur attribua toute la Jurisdiction ; de sorte qu’il ne reste aux Baillis pour marque de leur ancien pouvoir, que la préséance, la voix honoraire non délibérative, & leur nom mis dans le titre des Sentences 1 : les Ordonnances d’Orléans, de Moulins & de Blois ayant disposé, que les Baillis fussent des Officiers Militaires & de Robe-courte.

Quand donc cet Article attribue au Bailli la connoissance de tous crimes en premiere instance, cela s’entend de ses Lieutenans : mais cette compétence est limitée par plusieurs exceptions ; car il y a des Crimes prévôtaux & présidiaux, dont la connoissance en premiere instance appartient aux Prévôts des Maréchaux de France, aux Vice-Baillis & aux Présidiaux. Voyez l’Ordonnance criminelle, au Titre de la compétence des Juges, aux Articles XI, XII & XV. Le Vicomte de l’Eau, qui a la police sur la Riviere de Seine jusqu’à de certaines limites, connoît des crimes qui y sont commis. Les Juges de l’Amirauté ont la connoissance des crimes commis dans les Navires. Les Juges des Forêts connoissent des crimes commis dans les Forêts, & même hors des Forêts, quand le crime a été fait à l’occasion & lors de la Chasse2. De plus, tous Juges, à l’exception des Juges-Consuls, & des bas & moyens Justiciers, peuvent connoître des crimes incidens, comme des inscriptions en faux faites aux Procès pendans devant eux, & des rebellions commises en l’exécution de leurs Jugemens, par l’Article XX dudit Titre de la compétence : & en outre des crimes commis dans le lieu de leur Jurisdiction. C’est par cette raison que Messieurs des Requêtes du Palais connoissent des crimes commis dans les enclaves du Palais3.


1

Le Bailli étoit autrefois un Officier très-important, il réunissoit en lui les fonctions militaires & civil ; il étoit établi pour veiller, dit l’ancien Coutumier, au maintien des Etats de nos Ducs, conserver les intérêts de la Patrie, & faire régner au-dedans la paix & la tranquilité, en réprimant les attentats, soit par la force, ou par la sévérité des loix.

Nous avons conservé la formule de son serment, qui nous retrace, avec le tableau de ses devoirs, les prérogatives de sa dignité. Comme le commandement des armes ne lui permettoit pas toujours de s’occuper de la distribution de la justice, il se faisoit représenter par des Lieutenans qu’il créoit & destituoit à son gré, il les multiplioit suivant la distance des lieux & l’étendue de son Bailliage : ces Officiers n’auroient pu sans doute l’empêcher de juger ; aussi dès que le Baillu cessoit d’être Guerrier, il redevenoit Magistrat, & & il jugeoit lui-même ; rarement ses jugemens étoient attaqués, on s’en plaignoit quelquefois. Les grands pouvoirs sont assez près de l’abus, la carrière séduisante des armes porta peu à peu le Baillu à négliger les fonctions de la justice ; dès qu’il commença de les mépriser, il en fit un honteux trafic ; il falut, pour rétablir l’ordre, multiplier les Ordonnances. Dans les derniers temps, on ne lui a enfin conservé, dans les tribunaux, que des honneurs, & les révolutions ont amené les troupes réglées. Ainsi nos Loix anciennes nous ont appris ce que le Bailli a été, nous sçavons par nos usages ce qu’il est.


2

Par Arrêt du 22 Février 1738, une Plainte rendue par le Propriétaire d’une haie, pour vol de bois & en termes généraux, a été déclarée de la compétence du Juge ordinaire.


3

Le sentiment deBasnage , sur la compétence des Juges-Consuls, n’a point prévalu sur l’utilité du Commerce ; il auroit désiré de voir leur Jurisdiction bornée au Bailliage de leur établissement ; mais les Juges-Consuls connoissent des matieres de Commerce, non seulement lorsque le Défendeur est domicilié dans la Ville de leur établissement, mais quand la Marchandise y a été vendue ou livrée, ou le payement promis faire : Arrêt du 14 Mai 1750. Les Consuls ne jugent sans appel que jusqu’a la concurrence de 250 livres ; & le Demandeur, pour empêcher le pourvoi contre leur Sentence, restreint inutilement la demande for-mée par l’Exploit d’action : Arrêt du 24 Janvier 1749, modification de la Cour, sur l’Edit de création des Consuls. Voyez un Arrêt du Parlement de Paris du 7 Août 1698.

Voyez, de la compétence des Officiaux, Basnage sous cet Article, Bérault sous l’Article Il, Routier, Pratiques Bénéficiales.