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XL.

Nul n’est tenu attendre le quatrieme Garant sans avoir Jugement, & le premier Garant ne peut appeller le second sans faillir de garantie, ou sen charger, & ainsi de Garant en Garant.

Le mot de Garant vient de garder, qui en vieil langage signifie mettre en sureté : c’est pourquoiCoquille , au Titre des Eaux & Rivieres, dit que Garenne est tout héritage qui est en garde & défense en tout temps ; ce que la Coutume de Normandie exprime par être en défends, au Chapitre de Banon G Defends. Garant donc, répond au Bissaiuis des Grecs, parce que par le Garant la créance est fortifiée & mise en sureté. Il y à deux sortes de Garants, les formels & les simples. Les formels sont ceux qu’on appelle pour défendre aux actions réelles & hypothécaires, comme auteurs du droit que le garanti a en la chose mise en controverse par le demandeur originaire : Cûm quispiam possesfor actione reali conventus cum vocat à quo tisulo oneroso rem comparavit, aut cujus nomine rem possider. Ils ont été appellés formels, parce qu’ils sont tenus de se mettre au lieu & en la place du garanti, pour défendre au Proces intenté, duquel ils deviennent les parties formelles : Quoniam eo nomine in jus vocaniur, non ut liti dumta at assistant, sed ut jus nostrum susiineant, & causam nostrant suscipiant,Bourdin , sur l’Article XVIII de l’Ordonnance de 1539. Les Garants simpies sont ceux qui sont appellés pour défendre aux actions. personnelles ils ne peuvent pas se mettre en la place de ceux qui les appellent, parce que ceux-ci sont aussi personnellement obligés à la demande principale.1

L’Ordonnance de 1667, Article VIII du Titre des Garants, a décidé que ceux qui sont assignés en garantie formelle ou simple, sont tenus de procéder en la Jurisdiction où la demande originaire sera pendante, encore qu’ils dénient être garants, à moins que le Garant ne soit privilégié, & ne demande son renvoi devant le Juge de son Privilége, ou à moins qu’il n’apparoisse par écrit ou par l’évidence du fait, que la demande originaire n’a eté formée que pour avoir un prétexte de traduire le Garant hors de sa Jurisdiction naturelle, auquel cas le Juce est obligé d’y renvoyer la Cause.2 L’Article RI de ce même Titre de l’Ordonnance, a de plus statué, que les Jugemens rendus contre les Garants, sont exécutoires contre les garantis, sauf pour les dépens, dommages & intérêts, dont la liquidation & exécution ne fe fera que contre les Garants. Ce qui semble devoir être interprété suivant la limitation expliquée en l’Article XV du Réglement de 1686, qui est lorsque le demandeur originaire à protesté contre le garanti, qui s’est fait distraire du Proces, de le faire répondre desdits dépens, dommages & intérêts : Mais on peut dire pour l’explication de cette limitation ou exception, que la protestation faite par le demandeur originaire, ne changoant point la nature de son action qui est réelle, quand il s’agit de garantie formelle, ne peut produire contre le garanti aucune condamnation personnelle de dépens, quand il n’a point voulu défendre au Procés qui a été uniquement entre ledit Demandeur & le garant.

On fait encore distinction de la garantie de droit d’avec celle de fait. Celle de droit est dûe par tous ceux qui aliénent à titre onéreux, même sans stipulation expresse : Elle renferme trois clauses ; que la chose aliénée est existan-te ; qu’elle appartient à celui qui l’aliéne, & qu’elle n’est point engagée ni hypothéquée. La garantie de fait concerne les qualités de la chose transportée c’est-à-dire, qu’elle est bonne sans vice & exigible : cette garantie s’appelle de fait, parce qu’elle nait de la convention des contractans, & qu’elle n’est point due absolument par la nature du Contrat d’alienation, qui ne requiert autre chose, sinon que les contractans ayent donné leur consentement à l’égard de la chose cédée : Consenserint in corpore S subsiantia, sive materid licet in qualitate & bonitaie materie ceu corporis, erraverint.

De cette distinction est procédé l’usage qui s’observe à Paris, à l’égard de la vente ou transport des rentes3. Par cet usage le vendeur ou cédant d’une ren-

te, qui s’est obligé simplement à la garantie, ne répond pas pour toujours & en tous cas, que cette rente sera bonne & exigible, & il lui soffit pour être déchargé de la garantie, que la rente ait été bonne & payable lors du transport : de sorte que si par quelqu’accident les biens de l’obligé déperissent ou sont diminuës, c’est au dommage du Cessionnaire : Res Domino perit posi perfedlum con-tractum, l. necessario, ff. De periculo & commodo rei vendite. Afin donc que le transportant d’une rente soit garant pour toujours de la solvabilité du Debiteur il faut, suivant l’usage de Paris, qu’il s’y oblige par une clause expresse, qui est de fournir & faire valoir la rente par ses mains : Ce qui l’oblige à garanris tous les cas fortuits, nonobstant lesquels il est contraint de se recharger de la rente, & de la continuer par ses mains ; discussion néanmoins préalablement faite des biens du débiteur, de laquelle cette clause de fournir & faire valoir n’exempte point le Cessionnaire, sinon à l’égard du Fisc & du Roi, qui ne peuvent être discutés. De sorte qu’au cas du fait du Prince, le cédant d’une rente due par le Roi, devoit se recharger de la rente pour la payer par ses mains, sans pouvoir prétendre qu’aucune discussion dût etre faite auparavant ou bien il devoit déclarer qu’il consentoit la réfolution du transport qu’il en avoit fait, & qu’il offroit de rendre & restituer ce qui lui avoit été baillé ou payé lors du Contrat ; & en ce faisant, il demeuroit déchargé de la continuation de la rente : c’est ce qu’enseigneLouet , C. 41. F. 6. & 25. Mais par les Arrêts du Conseil Privé, on a ordonné que les transports des rentes duos par le Roi, à quelque titre qu’ils soient faits, ou de vente, ou de partage, ou de mariage, ne peuvent produire aucune garantie ni aucun recours au profit du Cessionnaire, quand le Roi éteint ou retranche les rentes, nonobstant toutes les clauses de fournir, faire valoir, payer par ses mains, & continuer la rente employée dans le transport, On a toujours pratiqué en Normandie, que le transport des rentes obligeoit le cédant à la garantie de fait & de droit ; & partant, qu’il étoit obligé de faire valoir & pavyer par ses mains, aprés la discussion faite par le Cessionnaire des biens du Débiteur ; auparavant laquelle le Cessionnaire ne peut exercer son recours de garantie, à moins qu’il n’ait stipulé par le transport, qu’il ne sera point obligé à cette discussion.

Or quand le Transportant est contraint de faire valoir par ses mains, il ne continue pas la rente suivant le Contrat de constitution d’icelle ; mais il ne la paye que suivant le prix auquel elle auroit pu être constituée : sur quoi on peut demander, si c’est au temps que le transport a été fait, qu’on doit avoir égard pour régler ce prix, ou au temps que le transportant a été poursuivi pour la garantie, & pour le faire condamner à payer la rente par ses mains. Cette question peut arriver pour les rentes constituées au denier dix, & qui ont éte transportées au temps que le prix ordinaire des constitutions de rente écoit au denier quatorze : car il semble que le transportant ne peut être condamné à payer l’intérét du prix du transport, que suivant que cet intérêt se doit regler au temps de la demande qui lui en est faite, que l’on suppose être depuis l’année 1688, en laquelle le prix des constitutions de rente a été augmenté & réglé au denier dix-huit. Mais le cessionnaire objecte, que le transportant s’étant obligé de garantir la solvabilité du Débiteur de la rente par lui transportée, ne peut se défendre de lui payer l’intéret de l’éviction qui arrive par l’insolvabilite de ce Débiteur. Or cet intérêt se doit estimer suivant la regle du Droit, par la cons, dération de la perte que souffre le Cessionnaire, sinon à l’égard du profit qu’il recevoit en se faisant payer de la rente en vertu du transport, à raison du denier dix Iucri cessantis, au moins à l’égard de la perte qui lui survient damni emergentis, en tant que lors dudit transport il auroit stipulé l’intérét de son argent, à raison du denier quatorze, qui étoit lors le prix ordinaire des constitutions de rente, & suivant lequel les intérêts devoient être lors réglés au cas qu’il en falloit adjuger. Il paroit que la prétention du Cessionnaire est juste à l’égard des arrérages de la rente, échus avant son action en garantie, & qu’il en doit être payé à raison du denier quatorze ; mais qu’à légard des arrérages qui échéent depuis ladite condamnation, il n’en doit être payé qu’au prix des nouvelles constitutions, qui ne se peuvent faire qu’au denier dix-huit : La raison est, qu’il ne peut avoir l’intérét de l’argent par lui payé pour le prix du transport, qu’en vertu d’une nouvelle constitution tacite & présumée, vu que pouvant demander la restitution de ce prix, comme un acheteur qui est dépossédé de la chose qui lui a été venduë, quand il opte de demander l’intéret de son argent pour l’avenir, il ne le peut avoir qu’en se soumettant aux regles des constitutions de rente, qui ne peuvent être faites sans l’aliénation du principal pour tout l’avenir, & à un moindre prix que celui qui a été prescrit par le nouvel Edit.4 Il faut, de plus, remarquer que les Cessionnaires des rentes qui sont tenus de discuter, sont aussi obligés de s’opposer aux décrets qui se font des biens des Débiteurs, & si, faute de s’être opposé, la rente est perdue, res perit Domino, c’est-à-dire, au dommage du Cessionnaire, qui, par le transport, est fait propriétaire de la rente : étant vrai de dire, que faute de s’être opposé, idoneas Aypothecas suû culpû deteriores fecit : De la même manière que si, faute d’avoir demandé un titre nouveau, la rente étoit prescrite, suivant la Loi 6. C. De remissione pignoris, en ces termes : Si eo tempore quo predium distrahebaiur programmate admoniti creditores jus suum executi non sunt, possunt videri obligatio-nem pignoris remisisse ; & la Loi Alienationis, ff. De verborum significatione : Qui patitur rem prescribi, alienare vel remittere videtur. Les Cessionnaires, de plus, doivent appeller leurs cédans à la discussion qui se fait des biens de l’obligé, & les interpeller avant l’Adjudication, d’enchérir les héritages saisis, s’ils avi-

sent que bien soit, pour la conservation de la rente ; & faute d’avoir fait ces diligences, on les pourroit évinvcer de la garantie contre leurs transportans.5 On a jugé par un Arrêt du 18 d’Août 16Gr, rapporté par Basnage que les vendeur d’un héritage, qui avoit chargé l’achetour d’en payer toutes les rentes & charges Seigneuriales, étoit condamnable à la garantie d’une servitude d’ainefse qu’il n’avoit point déclarée comme étant cette charge tres-importante & extraordinaire, & qui partant devoit être spécifiée dans le Contrat pour en charger valablement l’acheteur. On traite sur cet Article des Actions rédhibitoires, & quanti minoris.6


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Le Donateur n’est point garant de ce qu’il donne, s’il n’y a convention, fraude ou novation. Bérauit rapporte, sous l’Article CCCexxXl, un Arret du 8 Mars 16o8, qui charge. les Héritiers du Donateur de faire valoir au profit de l’Eglise, une Ronte à prendre sur ua tiers.Basnage , au même endroit, oppose un Arrét contraire du a8 Janvier 1656, & on a jugé, en plus forts termes, par Arrét du 11 Août 1736, qu’une Donatiou faite d’un corps certain à l’Eglise, n’étoit point sujette à la garantie dans le cas d’eviction, car le Donateur s’étoit reconnu garant.

Sur les questions en intérét d’éviction, voyer d’Argentré , Art. CCXI & de la Coutume de Bretagne ;Louet , Lettre a, Sommaire 13, Besset, tome 2, titre 17, liv. 4, chap. 1, & liv. 17, titre 7, chap. 2 ;Boniface , dans ses Arrêts de Provence, tome ;Domat , liv. 1, du Contrat de vente, titre 2, Section 10, Traité du Contrat de vente dePotier .


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La disposition de l’Ordonnance de 1697 c’tée par Pesnelle, ne peut servir de prétexte à la prorogation de-la compêtence du Bas-Justicier ; aussi il a été jugé par Arrêt du 22 Décembre 175z, qu’un Garant ne peut être assigné devant le Senéchal d’un Seigneur dont ce Garant n’est point Vassal


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Sur la garantie des rentes & la diseussion, voyes le Iournal du Palais, tome ;. Arrétés de Lamoignon, des transports & de la difcussion ;Loyseau , de l’Action hypoih. & de la garantie des Rentes.


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Le Copartageant, assujetti à la garantie d’une Rente, est obligé, dans le cas de l’insolvabilité du Débiteur originaire, de faire valoir la Rente sur le pied de la constitution pri-mitive, il ne lui suffit pas d’offrir le denier établi au temps de l’action en garantie : Arrêt du 20 Mai 170z ; ainsi une Rente de cent livres au denier dix-huit, au temps de sa constitution, ne sera pas réductible à quatre-vingt-dix livres, si l’action en garantie a été formée depuis l’établissement du denier vingt.

On avoit jugé le ré Mai 16oz, que le Cessionnaire n’est point obligé d’accepter une rente fut son Cédant, & que dans le cas de garantie le Cédant doit rendre le prix du transport & paver les arrérages échus. Voyes Pesnelle sur l’Art. DXxx.

Puisque le Créancier d’une Rente fonciere peut, par le défaut de payement, se faire envoyer en possession des Fonds qu’elle représente, le Cédant n’est point tenu de garantir la solvabilité du Débiteur, s’il n’y a stipulation de fournir & faire valoir.

La signification du transport saisit seule le Cessionnaire ; & de deux Acquereurs d’une sente par titres autenthiques, celui-là est préférable qui le premier a signifié son Contrat : Arrét du a8 Mai 17oz ; Arrêtés de Lamoignon, des transports, Article IV ; Commentateur sur Paris, Art. CVIII.


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Quand le Créancier d’une Rente s’adresse à celui que son Débiteur a chargé de la payer, si la Rente est contestée, & si le Créancier est forcé d’approcher en garanrie le Debiteur originaire, ce Débiteur est susceptible solidairement des arrérages : Arrét, en Grand Chambre, du ad Août 1751.

Les Meubles vendus en Foire & Marché ne sont point sujets à la garantie, la Süreté du commerce sert de preuve à la maxime. L’Acheteur de bonne foi, d’un meuble qui a été volé, n’est point tenu de défendre à celui qui le reclame, il lui suffit de mettre son Vendeur en cause : Arrét du 13 Avril 1742 Le Réglement du 3o Janvier 17a8, réduit le délai de garantie de 4o jours à 3o jours pour les vices redhibitoires des chevaux, les délais de neuf jours subsistent à l’égard de la redhibition des autres animaux, conformément à l’Arrét du 19 Juillet 1713 : On doit, dans le Ingement de ces questions, combiner la bonne ou la mauvaise foi des Parties avec les circonstances. Les vices redhibitoires sont, à l’égard des chevaux, la pousse, la morve & la cour-bature ; & par rapport aux boeufs, vaches, la rage, l’épilepsie ou mal-caduc, & l’adhérence du foie, appellée vulgairement la pommoliere : Arrêt du a8 Février 1721, quelques-uns y ajoutent une maladie nommée la folie Voyer, sur la Cession des Droits litigieux, les Loix per diversas & ab Anastasio ; les Ordonnances de 1356, 1535, 1560. Article LIV, iéaS, Article XCIV, lePrêtre , Centu-rie 1, chap. 93, Cent. 3, chap. 98 ; laPeyrere , Lettre C. n. 6 & 7 ; Basset, tome2, liv. 4, titre 20, chap. 1 ;Augeard , tome 1. Arrét du Parlement de Paris du 14 Août 1740, tontre un Praticien de Village, cité dans le Recueil de Jurisprudence de la Combe : Arrét de ce Parlement du a des mêmes mois & an, contre un Tabellion. On cite encore en preuve trois Arrêts du Parlement de Rouen ; le premier du 21 Août 16oy, contre un Avocat à Coutances ; le second du 9Août 1725, qui, en annullant la Cession faite à un Avocat, le condamne en 500 liv. d’intérêts d’indue vexation ; & le troisieme du 1s Décembre 1730, contre un Huissier de Bayeux, qui casse le transport & interdit cet Officier pour trois mois, sur les Conclusions de M. l’Avocat-général le Bailli


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Si l’on vend un Fonds comme étant en Franc-aleu, & qu’il releve d’un Fief, l’Acquereur, qui ignoroit la mouvance au temps du Contrat, peut en demander la résolution.Bérault .

Il est encore juste de prononcer la résolution du Contrat, si le Vendeur a déclaré, par l’Acte de vente, que la Terre par lui vendue étoit noble, & qu’elle ne se trouve cependant qu’une simple Roture : on ne doit pas pencher à faire valoir un semblable Contrat, pirce qu’il est naturel de présumer que ce Contrat n’a pû être fait sans le dol personnel du Vendeur, joint à une lésion considérable.