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L E Haro est un moyen particulier à la Province de Normandie, par lequel les personnes privées empéchent qu’il ne soit passé outre à l’exécution de quelque entreprise faite, ou pour leur faire, soit injure, soit dommage, où pour les troubler en la possession de ce qu’ils prétendent leur appartenir. Ce qui se fait en invocant la protection de la Justice, & en contraignant l’aggrefseur de venir, à l’instant devant le Juge, pour y voir ordonner ou la repa-ration de l’injure & du dommage qu’il a fait, ou que défenses lui seront faites de passer outre à l’exécution de ce qu’il avoit entrepris contre l’intérét du demandeur en Haro.1 .


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L’opinion la plus suivie sur l’origine de la clameur de Haro, est que le terme de Haro est une invocation du nom de Raoul. ou Rollo, premier Duc de Normandie. qui se rendit respectable à son Peuple, tant par ses conquêtes que par l’amour qu’il avoit pour la Justice. Comme on invoquoit de son viyant sa protection par une clameur publique, en l’appellant & proférant son nom, & qu’aprés sa mort, sa mémoire fut en vénération à son peuple, on continua d’user de la smême clameur & du terme de Huro par corruption du Ha Raoul. On a donné plusieurs autres étymologies du terme de Haro, mais qui ne paroissent pas bien fondées. Dict. rais. des Sciences.

Il y a des cantons dans la Normandie où vous ne feriez pas un pas sans entendre le cri du Haro, comme un terme de ralliement, la pompe funebre d’un de nos Ducs & d’un Héros n’en a pas été à couvert. PoyesMonstrelet , chap. 20 ;Duchesne , liv. 7, chap. 12. On lit dans les Registres du Parlement, qu’en 183s un Maître de Postes de Rouen interjetta clameur de Haro sur le Frere du Landgrave de Hesse, & que le jeune Seigneur, qui n’avoit pas tort, porta lui-même la parole au Parlement.

Le Haro est d’un usage fort étendu, il a lieu dans les choses mobiliaires, de même que dans les entreprises inopinées sur les Fonds, dans les matieres benéficiales, comme dans les matieres profanes & seculieres, on s’en sert contre les Greffiers, les Sergens, les Huissiers & autres Officiers surpris en prévarication.

C’est un antidote prompt contre les recellés & soustractions des Titres ou autres effets.

Cette voie d’arrêter bien des inconvéniens mériteroit beaucoup plus d’éloges, si la Coûtume étoit littéralement observée ; mais le Haro est le plus souvent dans la Pratique une voie extraordinaire pour commencer une longue Instruction.

L’ancien Coutumier contient sur le Haro, une disposition tres-severe, mais en mêmetemps fort importante à la sureté publique. Quand. le Haro étoit crié pour cause crimi-nelle, c’est-à-dire, suivant le langage au temps, où le malfaiteur devoit perdre vie ou membre : tous ceux qui avoient entendu le cri du Haro. étoient obliges d’arrêter de malfaiteur ou de crier Haro apres lui, : à peine de l’amende, & s’ils étoient accuses d’avoir contrevenu à la Coutume, ils devoient prouver qu’ils n’avoient pas entendu le cri du Haro. Il y a dans les Ordonnances d’Orléans & de Blois des dispositions qui ont du rapport à cet usage. Il est encore certain qu’on en remarque aujourd’hui des traits sensibles chez plusieurs Puissances de l’Europe.